• l’année dernière
Avec un coût moyen de plus de 2000 euros par mois une fois les aides retirées, une place en Ehpad est aujourd'hui trop chère pour de nombreuses familles. La députée socialiste du Puy-de-Dôme Christine Pirès Beaune s'est penchée sur le système d'allocation des maisons de retraite et son constat est étonnant : dans le modèle actuel, les plus modestes sont moins aidés que les plus aisés ! Aujourd'hui, plus de trois quarts des résidents ne peuvent pas payer avec leurs simples revenus : il faut vendre le patrimoine et surtout faire appel aux enfants. Christine Pirès Beaune lance des pistes pour un système plus juste.

C'est une partie essentielle du travail parlementaire qui est de nouveau mise en lumière à travers ce reportage où les journalistes de la rédaction suivent un député dans sa circonscription pour expliquer son travail sur le terrain. C'est aussi un voyage sur un territoire, avec ses enjeux locaux, et une rencontre avec ses habitants. Suivez votre député sur LCP !

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Transcription
00:00 Au niveau financier, madame Chalut, comment ça se passe pour vous ?
00:04 Pour ma maman, la retraite étant autour de 1 100 euros, il manque 8 ou 9 cent euros par mois.
00:12 Mettons 1 000 euros par mois, ça fait 12 000 euros par an, fois 10 ans, ça fait 120 000 euros pour une personne.
00:21 De grosses sommes.
00:28 Bonjour, Christine Piresbonne, députée de la 2e circonscription du Puy de Dôme.
00:34 En juillet dernier, j'ai remis à la Première ministre un rapport à sa demande sur le reste à charge en établissement en EHPAD pour les résidents.
00:44 C'est dans le Puy de Dôme, autour de la ville de Rion, dans sa circonscription,
00:51 que la députée socialiste Christine Piresbonne a été interpellée par des familles qui n'arrivaient plus à payer la place en EHPAD de leurs parents.
01:00 Et elle a cherché à savoir comment fonctionnait le système.
01:04 - Bonjour, Christine Piresbonne. - Bonjour, ça va bien, merci.
01:06 APA, allocation logement, aide sociale, les familles sont soutenues.
01:11 Mais le reste à charge, comme on dit, est souvent important. 2 100 euros ici chaque mois.
01:17 - C'est Marie.
01:19 - C'est le rapport sur le reste à charge en EHPAD qui nous conduit ce matin à venir vous voir.
01:25 - Vous êtes la bienvenue, comme toujours.
01:27 - Vous avez combien de résidents ? - On a 68 résidents.
01:30 - 68.
01:32 Parmi eux, Antonia, arrivée ici il y a 2 ans.
01:37 Depuis, ses enfants doivent se serrer la ceinture pour payer chaque mois.
01:42 Surtout que, paradoxalement, les plus modestes sont les moins aidées.
01:47 - Bonjour. - Bonjour.
01:49 - Bonjour, madame. - Madame Piresbonne.
01:51 On est à peu près à 1 100 euros de reste à charge.
01:54 À diviser en 8 personnes, en 8 on est 8 frères et sœurs.
01:58 On règle chacun 136 euros par personne.
02:01 Actuellement, je suis sans emploi.
02:04 Donc, forcément, avec mes charges locatives, résidentielles, etc.,
02:10 c'est une charge supplémentaire qui n'est pas négligeable.
02:14 Sachant qu'aujourd'hui, en plus, je suis non-imposable.
02:16 Je n'ai pas d'avantage fiscal.
02:19 Contrairement à ma sœur, par exemple, qui peut avoir une petite déduction d'imposition.
02:25 - Effectivement, si votre maman était à domicile,
02:29 vous auriez toutes les 2, tous les 8 d'ailleurs, une aide fiscale,
02:33 qu'on appelle un crédit d'impôt.
02:35 Alors que quand on est en établissement, seules les personnes imposables...
02:40 Donc, quand on est imposable, c'est qu'on a un peu plus de moyens que quand on ne l'est pas.
02:44 Parce que quand on paye des impôts, c'est qu'on a plus de moyens que celui qui n'en paye pas.
02:48 Là, contre-intuitivement, on a une aide fiscale.
02:53 Donc, c'est vrai que c'est particulièrement injuste.
02:56 - Plus de 3/4 des résidents en EHPAD ne peuvent payer ce reste à charge sans vendre leurs biens
03:02 et surtout faire appel à leurs enfants.
03:05 Pour la députée, il est temps de tout revoir pour rendre le système plus juste et plus simple aussi.
03:13 - En fait, aujourd'hui, on a un système d'aide beaucoup trop compliqué,
03:17 avec 4 aides pour 5 milliards d'argent public quand même.
03:21 Donc, on a de l'argent public pour aider les gens.
03:23 Sauf que c'est incompréhensible pour les résidents, c'est incompréhensible pour les familles.
03:27 Et donc, plutôt que d'avoir ce maquis de soutien financier, je propose une seule aide universelle,
03:33 c'est-à-dire pour tous les résidents en EHPAD,
03:36 et qui est dégressive en fonction des revenus, tout simplement.
03:40 - Pour soulager les familles quand les gens vivent toujours plus âgés,
03:44 Christine Pires-Bone veut créer une sorte de bouclier.
03:48 Au bout de 3 ou 4 ans, les descendants ne seraient plus mis à contribution
03:52 et la solidarité nationale prendrait totalement en charge le prix de l'EHPAD.
03:58 Car le système actuel donne lieu à des situations ubuesques.
04:04 Quand les familles ne s'entendent pas,
04:06 dans certains départements, les petits-enfants peuvent être mis à contribution.
04:11 - Je me souviens, il y a quelques années, c'était des petits-enfants
04:16 qui sont venus me parler de cette obligation alimentaire qu'ils ne comprenaient pas, quoi.
04:20 Et qui était compliquée, en plus, à gérer pour eux,
04:24 parce qu'ils avaient des enfants en bas âge, ils n'avaient pas de gros salaires,
04:27 ils travaillaient tous les deux, ils avaient des salaires normaux, on va dire.
04:30 Mais c'était compliqué.
04:32 - Les enfants ne touchant que de petites retraites,
04:35 les petits-enfants furent sollicités.
04:38 - Donc il n'y a pas eu d'accord de la famille,
04:41 donc il y a la saisine du juge aux affaires familiales qui tranche
04:44 et qui leur avait demandé 100 euros par mois.
04:49 Donc c'est vrai que pour eux, c'était incompréhensible, voilà.
04:54 Sachant que la dame en question avait 3 enfants.
04:59 - Ce qui est très paradoxal, c'est que cette dame avait une maison, en fait,
05:02 qui aurait pu être vendue.
05:04 Alors apparemment, elle avait un bien qui aurait pu effectivement être vendu.
05:08 Mais pour être vendu, il faut effectivement que les enfants soient d'accord.
05:13 Et donc ils n'étaient évidemment pas d'accord pour vendre ce bien,
05:16 parce qu'ils savaient pertinemment qu'au moment de l'héritage,
05:19 il leur reviendrait. Voilà.
05:23 - Dans sa volonté de réformer le système,
05:27 la députée socialiste a obtenu une première victoire,
05:30 il y a quelques jours seulement.
05:33 - La semaine dernière, donc, dans le cadre de la loi Bien vieillir,
05:38 à l'Assemblée nationale, à l'unanimité, on a voté l'article
05:43 qui met fin à l'obligation alimentaire pour les petits-enfants.
05:47 - Comme le montre le rapport de la députée,
05:51 le prix moyen du reste à charge en EHPAD est de 2 000 euros aujourd'hui en France,
05:56 avec de grandes disparités selon les régions.
05:59 1 600 euros pour la Haute-Saône, plus de 3 500 euros pour Paris ou les Hauts-de-Seine.
06:04 Et parfois le sentiment de ne pas en avoir pour son argent.
06:08 Ici, à l'EHPAD rattachée à l'hôpital public de Rion,
06:12 Brigitte Chalut est un peu la porte-parole des familles.
06:16 Pour chaque personne âgée, c'est 2 000 euros.
06:19 - On visite la maison de retraite avec le directeur.
06:22 Ma maman, ma tata.
06:24 - Ah ! Bonjour.
06:26 - On voit les locaux.
06:28 - C'est pas mal.
06:30 - Oui, c'est pas mal.
06:32 - C'est pas mal.
06:34 - Félicitations du jury.
06:36 - Brigitte Chalut est ironique, car en réalité,
06:39 la maison de retraite est, disons, dans son jus depuis les années 70,
06:43 avec des équipements plus fatigués encore que les résidents eux-mêmes.
06:47 - Bonjour.
06:49 - Vous avez un ascenseur qui est étroit déjà et qui fonctionne pas tout le temps.
06:53 La dernière fois que j'étais venue, il était en EHPAD.
06:56 Après, il est plus réparable.
06:58 - D'accord.
07:00 - Et quand vous avez un seul ascenseur dans l'EHPAD et qu'il tombe en panne,
07:04 vous faites tout avec la force des jambes et des bras, et ça, c'est compliqué.
07:08 - Un personnel en difficulté, des locaux vitustes.
07:11 Autant dire que cela a des conséquences sur le bien-être des personnes âgées.
07:16 - Donc là, c'est la douche du 1er étage.
07:19 - C'est la seule douche.
07:21 - Donc une seule douche pour combien de chambres ?
07:24 - Il y a 2 douches pour 68 résidents.
07:28 - D'accord.
07:30 - Une au 1er, une au 3e.
07:32 Ce qui fait que c'est une douche par semaine pour chaque résident.
07:36 Le reste du temps, c'est des toilettes au lavabo.
07:40 - D'accord.
07:42 - Une douche par semaine dans le meilleur des cas, quand tout fonctionne.
07:46 Heureusement, tout cela sera bientôt du passé,
07:51 car l'EHPAD va totalement être refait à neuf.
07:55 - Le projet consiste en la reconstruction de 130 lits d'EHPAD,
07:59 en lui et place de l'EHPAD Desjardins et de l'EHPAD Pasteur.
08:03 Vous voyez ici l'EHPAD Desjardins existant,
08:06 et ici l'actuel parking du personnel.
08:09 - Brigitte Chalut a du mal à se réjouir,
08:12 car au total, l'investissement s'élève à plus de 21 millions d'euros,
08:16 un coût qu'il va bien falloir répercuter sur le prix.
08:20 - Globalement, c'est une dizaine d'euros supplémentaires
08:24 sur les prêts de journée hébergement.
08:28 - Par jour ?
08:30 - Par jour.
08:32 - Donc par mois, ça fait ?
08:35 - Par mois, ça fait 300.
08:38 - C'est déjà compliqué aujourd'hui.
08:41 Si on a une augmentation trop conséquente,
08:44 il y a des personnes qui ne pourront pas rester à l'EHPAD Surion.
08:48 - L'ARS va donner une subvention de 4 millions d'euros.
08:52 Si le département met aussi la main au portefeuille,
08:56 cela pourrait faire baisser la facture.
08:59 Mais pour épargner les familles, la députée pense que ce n'est pas assez.
09:03 - Ce que j'ai écrit dans le rapport, c'est que ce soit des projets
09:07 de restructuration, de construction, d'humanisation,
09:11 plus vous mettez de subventions, et pas d'avance remboursable,
09:15 plus vous maîtrisez le reste à charge.
09:19 Moins vous aurez de frais financiers, plus le reste à charge
09:23 pourra être maîtrisé par les équipes en place.
09:27 - En réalité, peu d'EHPAD arrivent à maîtriser leurs coûts.
09:31 Ici, en Auvergne-Rhône-Alpes, 85 % des établissements
09:35 affichent des déficits en fin d'année.
09:38 Mais il y a des contre-exemples.
09:41 Et la députée veut s'en inspirer dans son travail.
09:45 Nous sommes à 60 km de Clermont-Ferrand, et cette maison de retraite
09:49 est classée 3e meilleure de France pour le bien-être de ses résidents
09:53 parmi les 7 400 de notre pays.
09:57 - Bonjour, vous allez bien ? - Bien, merci.
10:01 - Salut, Didier. - Bienvenue.
10:04 - Merci de nous accueillir. - Bienvenue à l'EHPAD de GIA.
10:08 - Mais en plus, cet EHPAD a une situation financière saine,
10:12 ce qui lui permet de maintenir les coûts.
10:15 - On va voir nos résidents.
10:18 Bonjour, tout le monde. Entrez.
10:21 - Pour réussir le tour de force de maintenir les coûts
10:25 tout en apportant une qualité de service, l'EHPAD a tout misé
10:29 sur son personnel.
10:31 - Vous faites quoi, là, aujourd'hui, alors ?
10:34 - Chamboule tout. - Chamboule tout.
10:37 - Quant ailleurs, on peine à trouver du personnel.
10:40 Ici, les salariés restent longtemps et l'absentéisme est quasi nul.
10:44 - Chez nous, les animatrices, c'est pas juste "je réalise le chamboule tout",
10:49 c'est des animations individuelles le matin où elles vont voir
10:53 tous les résidents qui peuvent pas participer aux animations collectives.
10:57 Elles vont faire du massage, de la lecture, des discussions
11:01 et plein d'autres choses.
11:04 - Le fait d'être là depuis longtemps ou d'avoir assez de personnel
11:08 pour tout le monde, c'est l'idéal, c'est ce qu'il y a de mieux
11:12 pour les résidents.
11:14 Quand on regarde ailleurs, c'est tout l'opposé.
11:17 - Chouchouter ses salariés, c'est vertueux pour les finances
11:21 de la maison de retraite et donc pour celles des résidents.
11:25 - On y gagne à tous les points de vue.
11:28 D'avoir un personnel, même si c'est un personnel qui demande
11:32 des échelons et valorisé, c'est toujours beaucoup moins cher
11:36 qu'un intérimaire, qu'il faut rémunérer presque 2 fois plus
11:40 qu'un personnel soignant basique.
11:43 - Ici, on a fait des choix différents de la majorité des EHPAD.
11:47 On n'a ni psychologue ni médecin-coordonnateur,
11:51 mais 2 animatrices à temps plein pour 39 résidents seulement.
11:55 - On a une aide-soignante qui fait un groupe patois.
11:59 Ils se souviennent de leur tradition, de ce qu'ils faisaient avant.
12:03 - La députée préconise de chercher de nouvelles sources
12:07 de financement.
12:09 Comme le rapport Libo avant elle, elle estime qu'il manque
12:13 10 milliards d'euros par an pour la dépendance.
12:17 - On parle beaucoup de la transition énergétique,
12:20 mais l'autre mur qui est devant nous, c'est la transition démographique.
12:24 Le nombre de personnes...
12:26 On va l'avoir.
12:28 Ce n'est pas des projections, c'est une réalité
12:31 qui est documentée, qui est sûre.
12:33 Il faut que les pouvoirs publics dégagent les moyens financiers.
12:37 Ca passera par des recettes supplémentaires.
12:40 Il n'y a pas d'argent magique, mais ça passera par des recettes.
12:44 - Christine Pires-Bone espère que les éléments de son rapport
12:48 seront repris dans la loi à grand âge,
12:51 que le gouvernement a promis de faire voter en 2024.
12:55 ...

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