• l’année dernière
Regardez le replay de notre conférence "La puissance des vulnérables" organisée le 22 novembre, en partenariat avec La Macif avec Fabienne Brugère (philosophe), Maryse Bresson (professeur de sociologie), Françoise Lareur (Fondation d’entreprise Macif), Zoé Renau-Revoyre (Accorderies de France), Armelle Brière-Savard (médecin scolaire au lycée Toulouse-Lautrec), François Puisieux (gériatre). La Macif a fait le choix de proposer des contenus en LSF.

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Transcription
00:00:00 Bonsoir, bonsoir à toutes, bonsoir à tous.
00:00:02 Je vous remercie d'être là ce soir.
00:00:03 Vous êtes à une conférence qui s'inscrit dans le cadre,
00:00:08 mais je reconnais quelqu'un, incroyable,
00:00:11 dans le cadre d'un cycle sur les vulnérabilités,
00:00:13 les fragilités.
00:00:15 Et comme vous le savez peut-être,
00:00:16 Lop, ça fait quand même depuis longtemps,
00:00:18 depuis presque 60 ans qu'on agit aux côtés des acteurs solidaires,
00:00:22 qu'on défend le progrès social,
00:00:24 mais c'est vrai qu'il y a un an,
00:00:25 on s'est dit avec la Massif, notre partenaire,
00:00:28 qu'il serait bien d'aller faire un petit peu le tour
00:00:29 des personnes concernées par la fragilité et les vulnérabilités,
00:00:33 des experts, et pour offrir à chacun, à chacune,
00:00:37 non seulement des points de vue, des témoignages,
00:00:39 mais aussi des perspectives.
00:00:41 Parce qu'on sait combien ce sujet nous concerne.
00:00:43 Alors peut-être qu'il vous concerne directement
00:00:44 si vous êtes là ce soir.
00:00:46 S'il vous concerne pas encore, il vous concernera un jour.
00:00:48 Quand on parle de fragilité, évidemment,
00:00:49 on pense à la fragilité physiologique,
00:00:51 physique, psychologique,
00:00:54 mais aussi aux fragilités économiques, familiales.
00:00:57 Et l'actualité, bien sûr, nous confirme chaque jour
00:01:01 combien nous sommes soumis à des pressions fortes.
00:01:05 Donc je suis très contente ce soir qu'après les étapes à Nantes,
00:01:10 à Rennes, où on a parlé du handicap,
00:01:12 où on a parlé des aidants, qu'on termine à Paris,
00:01:16 avec un panel d'intervenants
00:01:18 qui croise vraiment des spécificités très claires,
00:01:22 une philosophe, une sociologue, une médecin scolaire,
00:01:27 beaucoup de femmes, comme vous le voyez,
00:01:29 une représentante d'associations, Zoé.
00:01:32 Je sais pas si elle est là ou si elle est en train d'être...
00:01:34 Salut.
00:01:36 Et puis un gériatre qui va arriver tout à l'heure,
00:01:39 parce que vraiment aussi, pour nous,
00:01:41 l'ambition de l'Ops sur ces sujets et de manière générale,
00:01:44 c'est bien sûr d'ouvrir les débats,
00:01:46 de faire prendre conscience notamment
00:01:47 les pouvoirs publics des urgences.
00:01:49 Et en matière de fragilité, il y a urgence à agir et à aider.
00:01:53 Mais c'est aussi de créer du lien et de croiser les regards.
00:01:56 Donc comme dans les pages du journal,
00:01:58 ce soir, je pense que vous aurez aussi à entendre des points de vue
00:02:01 qui, j'espère, vous aideront à réfléchir
00:02:04 et vous aideront au quotidien.
00:02:05 J'accueille Arnaud Gonzague,
00:02:07 qui animera une partie de cette conférence,
00:02:09 qui est rédacteur en chef adjoint à l'Ops.
00:02:13 Et Arnaud, je te passe la parole.
00:02:14 -Merci, Julie. Merci à tous.
00:02:16 Merci d'être venus ce soir
00:02:19 pour cette puissance des vulnérables.
00:02:22 J'appelle tout de suite, pour commencer, Fabienne Brugère,
00:02:26 sur scène.
00:02:27 On va réfléchir avec elle à cet oxymore, pardon,
00:02:31 très prometteur de la puissance des vulnérables.
00:02:33 On peut s'asseoir, peut-être, Fabienne.
00:02:35 Parce que c'est vous qui nous l'avez soufflé, figurez-vous.
00:02:38 J'ai interviewé Fabienne et elle nous a dit
00:02:41 que ce qui était important, c'était de mettre en avant
00:02:43 la puissance des vulnérables.
00:02:44 On s'est dit que ça, ça ferait un bon titre.
00:02:46 Je vous présente... Merci d'être avec nous ce soir.
00:02:49 Je vous le présente rapidement. Vous êtes philosophe.
00:02:51 Vous êtes actuellement présidente de l'Université Paris Lumière,
00:02:54 qui est un regroupement d'universités,
00:02:56 dont Paris 8, qui est la vôtre, celle où vous enseignez.
00:02:59 Mais il y a aussi Nanterre, Paris 13, le HESS.
00:03:02 Et vous êtes une spécialiste de plusieurs questions philosophiques,
00:03:05 mais notamment d'une question philosophique qui s'appelle le CARE,
00:03:08 C-A-R-E, c'est un mot anglais, c'est-à-dire la politique du soin.
00:03:12 Et la politique du soin de qualité, on pourrait dire.
00:03:15 C'est pas du soin...
00:03:16 C'est pas n'importe quel soin, on va en parler.
00:03:18 Vous avez notamment écrit un livre qui s'appelle "L'éthique du CARE"
00:03:21 et un ouvrage où, justement,
00:03:23 vous pointez les nouvelles directions
00:03:26 que devraient emprunter les institutions
00:03:28 pour protéger les plus vulnérables.
00:03:29 Vous êtes aussi l'autrice du "Peuple des femmes"
00:03:32 qui est sorti l'année dernière, je crois.
00:03:35 Voilà. Donc, puisque c'est vous qui nous avez inspiré
00:03:37 ce terme de puissance des vulnérables,
00:03:41 ma première question, c'est qu'est-ce que vous entendez
00:03:43 par la puissance des vulnérables ?
00:03:44 Qu'est-ce qu'on doit entendre par là ?
00:03:47 -Bonsoir et merci d'être là.
00:03:51 C'est vrai que ce titre de puissance des vulnérables,
00:03:55 ça peut être un peu mystérieux,
00:03:57 parce que la vulnérabilité,
00:04:00 c'est plutôt le registre de la fragilité.
00:04:04 L'étymologie de vulnérabilité, c'est "vulnus",
00:04:09 "ce qui blesse", c'est une blessure.
00:04:11 Donc, ça fait souvent appel à un rapport à autrui qui blesse,
00:04:18 justement, ou un rapport au monde qui blesse.
00:04:21 Donc, dans le terme de vulnérabilité,
00:04:23 il y a à la fois des qualités objectives
00:04:26 qui font la blessure,
00:04:27 il peut y avoir des indicateurs de vulnérabilité,
00:04:30 aussi bien de vulnérabilité vitale
00:04:34 que de vulnérabilité sociale ou que de vulnérabilité écologique,
00:04:38 mais il y a aussi, dans le concept de vulnérabilité,
00:04:42 toute une dimension, je dirais, subjective,
00:04:46 qui est celle, précisément, de ce que l'on ressent
00:04:50 en termes, par exemple, de non-reconnaissance,
00:04:55 en termes de manque de bien-être,
00:04:59 en termes de mal-être, par exemple.
00:05:02 Quand on dit "la puissance des vulnérables",
00:05:06 c'est une expression qu'on utilise beaucoup, aujourd'hui,
00:05:10 en philosophie politique,
00:05:12 parce qu'en fait, on pourrait repartir, par exemple,
00:05:17 des derniers mouvements féministes
00:05:20 et de la manière dont ils ont lutté
00:05:24 contre les violences faites aux femmes,
00:05:27 et donc contre des situations
00:05:29 où les femmes sont, justement, victimes ou vulnérabilisées.
00:05:34 Et précisément, ces mouvements féministes
00:05:38 utilisent souvent l'expression de "puissance des vulnérables"
00:05:42 dans la mesure où ces luttes
00:05:46 contre les violences faites aux femmes,
00:05:48 elles consistent à faire que les victimes se retournent
00:05:53 contre leur statut de victime et deviennent des actrices
00:05:57 qui assument leur vulnérabilité,
00:05:59 mais dans l'idée de pouvoir, justement,
00:06:02 la diminuer, la faire disparaître.
00:06:04 Et puis, je crois qu'il faut dire aussi "puissance des vulnérables",
00:06:08 parce que je crois qu'avant de vraiment indexer des groupes,
00:06:14 avant de dire "tel groupe est vulnérable",
00:06:17 je crois qu'il faut avoir en tête
00:06:19 que de toute façon, nous sommes toutes et tous
00:06:21 plus ou moins vulnérables,
00:06:23 parce que nous pouvons être confrontés
00:06:25 à des situations de handicap,
00:06:27 nous pouvons être confrontés à des situations
00:06:30 de grande vieillesse, de grande dépendance.
00:06:33 Donc, dans "vulnérabilité",
00:06:34 il y a aussi l'idée d'une commune vulnérabilité.
00:06:37 C'est ça qui peut donner une puissance collective.
00:06:40 -C'est ça. C'est vraiment cette idée d'un destin partagé.
00:06:43 De toute façon, on est tous proches les uns des autres
00:06:46 par notre vulnérabilité, de toute façon, on le sera.
00:06:48 C'est vraiment ça.
00:06:50 Je l'ai dit, vous regrettez que les institutions françaises
00:06:53 ne protègent pas très bien les plus vulnérables.
00:06:56 Les protègent pourtant,
00:06:57 parce qu'on est quand même dans un État-providence
00:06:59 qui est riche, qui est doté d'une administration fournie.
00:07:02 Alors, selon vous, qu'est-ce qui cloche ?
00:07:04 Pourquoi est-ce que l'État, aujourd'hui,
00:07:06 qui est quand même un État très interventionniste en France,
00:07:09 ne protège pas si bien les vulnérables ?
00:07:13 -Je pense qu'il faut faire un petit peu d'histoire,
00:07:16 en même temps très récente, là-dessus.
00:07:19 C'est-à-dire que certes, il y a un État-providence français,
00:07:25 État-providence français qui s'est d'ailleurs renforcé
00:07:30 au lendemain de la Seconde Guerre mondiale
00:07:32 avec différents régimes de protection, disons,
00:07:36 socials renforcés.
00:07:39 Et puis, il y a ensuite ce qu'on a appelé les "30 glorieuses",
00:07:44 qui est quand même un moment peut-être assez unique
00:07:49 dont on est sortis,
00:07:51 qui est un moment où on essaie de construire suffisamment de cases,
00:07:56 pourrait-on dire,
00:07:57 pour que chacun bénéficie de formes de soutien.
00:08:03 Et puis, on arrive...
00:08:05 -Les cases sont aussi un problème.
00:08:06 Le problème, c'est que les cases deviennent un problème.
00:08:09 -Le problème, il est qu'on peut de moins en moins
00:08:14 penser les individus uniquement par rapport à des cases.
00:08:20 Parce que, par exemple, le handicap,
00:08:22 c'est pas seulement une affaire d'indicateur d'invalidité,
00:08:27 c'est aussi une expérience,
00:08:29 c'est aussi des individus qui se rapportent les uns et les autres
00:08:33 différemment à leur handicap.
00:08:35 Il y avait évidemment aussi différentes sortes de handicaps.
00:08:40 Et je crois que là-dessus, il y a plusieurs choses à voir.
00:08:44 Il y a donc à voir, à comprendre une évolution de la société,
00:08:48 c'est-à-dire le fait qu'aujourd'hui,
00:08:50 il y a quand même beaucoup d'individus
00:08:51 qui échappent aux cases telles qu'elles ont été construites.
00:08:54 Parce qu'il y a des situations qui sont...
00:08:57 Par exemple, ce qu'on appelle les familles monoparentales,
00:09:00 qui sont souvent des familles, en fait,
00:09:04 où ce sont des femmes seules qui, justement, élèvent des enfants.
00:09:08 Les familles monoparentales, c'est une vraie révolution.
00:09:12 La recomposition familiale, les recompositions familiales,
00:09:15 c'est aussi une vraie révolution.
00:09:17 Donc, il y a des tas de situations
00:09:20 que l'Etat lui-même n'arrive pas à prendre en compte tout de suite
00:09:25 parce que l'Etat, il est en France très, très lent
00:09:29 parce que, précisément, il est bureaucratique,
00:09:32 il est technocratique.
00:09:35 Et parfois, il ne s'appuie pas suffisamment
00:09:38 sur les expériences telles qu'elles peuvent se développer.
00:09:43 Il ne s'appuie pas suffisamment sur telle ou telle association
00:09:47 qui va mettre en oeuvre, justement,
00:09:51 un traitement de la vulnérabilité originale
00:09:54 ou sur telle ou telle structure scolaire,
00:09:57 tel ou tel lycée.
00:09:58 Je crois que là, on va...
00:09:59 -On verra toutes les associations, tout ça.
00:10:02 -Qui repose, d'une certaine manière, sur un traitement...
00:10:05 -Ce qu'on pourrait appeler les acteurs de terrain.
00:10:08 -Sur un traitement des différences.
00:10:10 C'est-à-dire qu'il faudrait pouvoir repartir du fait
00:10:13 que nous sommes tous des individus,
00:10:16 que nous sommes tous des singularités
00:10:18 et qu'en ce sens, les politiques doivent pouvoir prendre en charge,
00:10:24 doivent pouvoir, en tout cas, respecter
00:10:27 et faire avec nos différences.
00:10:29 Et moi, j'ai une formule qui me revient souvent en tête
00:10:32 en ce qui concerne vraiment la France et parfois l'Etat français.
00:10:36 Je l'avais utilisée dans "La politique de l'individu".
00:10:38 C'est vraiment l'idée que nous sommes souvent
00:10:41 une société de statut avant d'être une société d'individus.
00:10:46 Or, nous devrions être une société d'individus
00:10:49 à condition de bien comprendre
00:10:52 que les individus ne tiennent pas tout seuls,
00:10:54 c'est-à-dire que les individus ont besoin de soutien,
00:10:57 mais ils ont besoin de soutien différencié.
00:11:01 -Est-ce qu'il n'y a pas cette idée aussi que la République est aveugle,
00:11:04 ne regarde pas si vous êtes un homme ou une femme,
00:11:06 si vous êtes jeune ou vieux, si vous êtes blanc ou pas blanc ?
00:11:09 Est-ce qu'il n'y a pas aussi une forme peut-être d'hypocrisie
00:11:12 derrière ça ?
00:11:14 Et cet immobilisme de l'administration,
00:11:16 est-ce qu'il n'est pas aussi soutenu
00:11:17 par une forme de regard un peu dépassé ?
00:11:22 -Alors, je pense que l'Etat français
00:11:26 est un Etat assez abstrait,
00:11:29 ce qui veut dire aussi technocratique, bureaucratique,
00:11:33 avec en même temps un certain nombre d'éléments intéressants
00:11:38 dans ce qu'a été l'Etat français.
00:11:40 Il a créé sans doute à un moment donné
00:11:45 des formes d'égalité.
00:11:47 Mais le problème,
00:11:49 c'est que cet Etat ne fait pas assez avec les acteurs eux-mêmes,
00:11:55 et il ne fait pas assez avec tout ce qui vient des acteurs
00:12:00 et qu'il faudrait pouvoir considérer
00:12:03 et qui servirait justement à transformer les politiques publiques.
00:12:07 Par exemple, c'est une expression
00:12:10 qu'on retrouve chez plusieurs penseurs aujourd'hui,
00:12:15 cette expression d'institution instituante.
00:12:19 On a des institutions qui sont instituées.
00:12:22 Ces institutions instituées, elles sont souvent régies
00:12:26 par des politiques qui viennent d'en haut,
00:12:28 qui viennent de nos ministères,
00:12:30 qui déroulent des normes,
00:12:33 et des normes qui doivent être ensuite appliquées.
00:12:35 De telle sorte d'ailleurs
00:12:37 que ça rend souvent très compliquées les politiques publiques
00:12:40 lorsqu'elles croisent des ministères.
00:12:42 Par exemple, j'étais à Aix-en-Provence la semaine dernière
00:12:47 sur un colloque culture et santé
00:12:51 qui était mené par des acteurs publics du territoire.
00:12:54 Travailler entre le ministère de la Culture
00:12:57 et le ministère de la Santé,
00:12:59 c'est déjà extrêmement difficile en France.
00:13:01 Donc on a des normes qui arrivent du haut
00:13:05 et qui s'appliquent à des sillons, en quelque sorte.
00:13:10 Mais de l'autre côté,
00:13:13 il y a des acteurs qui ont des initiatives,
00:13:18 y compris dans les grandes institutions
00:13:21 que sont l'hôpital, la prison, l'école, etc.
00:13:26 Et il y a vraiment une difficulté en France
00:13:30 à pouvoir partir des acteurs, des compétences,
00:13:35 et on pourrait dire des micro-politiques
00:13:38 qu'ils mettent en oeuvre,
00:13:39 et qui sont des politiques intelligentes,
00:13:42 et qui sont des politiques adaptées aux besoins de l'institution.
00:13:46 Et ça, ces acteurs qui peuvent être amenés à créer des choses,
00:13:51 qui ont donc de l'imagination et qui déploient des compétences,
00:13:55 c'est ce que j'appelle la possibilité d'institution instituante,
00:14:00 c'est-à-dire d'institutions qui peuvent se déplacer
00:14:03 et qui se déplacent à partir, justement, des acteurs eux-mêmes.
00:14:10 -C'est ça.
00:14:11 Il y a aussi, c'est vrai, il faut reconnaître
00:14:14 qu'une partie de l'échiquier politique français, la gauche,
00:14:17 n'est pas tellement...
00:14:19 Elle est un peu méfiante vis-à-vis de la notion de caire.
00:14:23 On se souvient que c'était Martine Aubry,
00:14:25 qui a 15 ans d'années,
00:14:26 qui avait...
00:14:27 Je crois qu'elle était candidate à la présidentielle à l'époque,
00:14:30 éphémère, dans mon souvenir,
00:14:32 qui avait essayé de mettre en avant cette notion
00:14:33 en disant qu'elle voulait créer un programme autour de ça.
00:14:35 Elle avait reçu une volée de bois vert,
00:14:36 elle avait été moquée.
00:14:38 Pourquoi, à votre avis, la gauche française
00:14:39 a encore du mal avec cette politique-là ?
00:14:42 Est-ce que c'est parce que c'est un mot anglais
00:14:44 que les Anglo-Saxons, c'est toujours ultra-libéral ?
00:14:45 Qu'est-ce qu'il y a derrière ?
00:14:47 -Les choses ont bien changé depuis le passage par la case pandémie
00:14:53 dans la manière dont on peut se rapporter
00:14:56 à ces questions de caire ou à ces questions de prendre soin.
00:15:00 Il est vrai qu'en 2010, 2011,
00:15:04 quand d'ailleurs j'avais travaillé avec Martine Aubry
00:15:06 sur cette notion,
00:15:09 on était en plein néolibéralisme.
00:15:13 Je crois qu'on croyait encore à un néolibéralisme heureux,
00:15:17 c'est-à-dire à la possibilité d'individus performants
00:15:24 qui développent quelque part une activité.
00:15:28 On croyait encore, d'une certaine manière,
00:15:32 à la possibilité d'un progrès ininterrompu.
00:15:39 Et je crois que depuis, on s'est pris un certain nombre de murs.
00:15:44 Enfin, on s'est pris déjà...
00:15:45 -C'était le mur de réalité, oui, c'est sûr.
00:15:48 La pandémie, oui.
00:15:49 -Je crois qu'on s'est pris un certain nombre de murs.
00:15:52 Et puis surtout, je crois qu'on se rend de plus en plus compte
00:15:58 qu'il y a des individus, on pourrait dire, invisibles.
00:16:04 Et les individus invisibles et les métiers invisibles,
00:16:08 à quel moment s'en est-on particulièrement rendu compte
00:16:11 en France et dans d'autres pays ?
00:16:13 Au moment de la pandémie.
00:16:15 C'est-à-dire au moment précisément où tous ces métiers
00:16:21 qui répondaient à nos premiers besoins,
00:16:25 eux, étaient là pour s'occuper de nous,
00:16:29 pour faire face, alors que nous étions confinés.
00:16:32 Et à ce moment-là,
00:16:34 tous ces activités et ces métiers invisibles sont devenus visibles.
00:16:40 Et depuis, je crois qu'il y a, du côté de tous ces métiers,
00:16:46 que ce soit des métiers de soins au sens strict
00:16:48 ou que ce soit des métiers de premiers besoins,
00:16:51 il y a une demande de reconnaissance,
00:16:54 qui est aussi une demande d'ailleurs de redistribution.
00:16:57 -Parce que ce qui est intéressant, c'est qu'on voit
00:16:59 que tous ces métiers de services, de soins, d'accompagnement,
00:17:02 ils ont presque tous pour point commun d'être une grande pénibilité
00:17:05 et d'être mal rémunérés.
00:17:06 Ca aussi, ça en dit long, peut-être, sur l'état d'une société
00:17:09 quand elle rémunère mal ou qu'elle considère mal les métiers
00:17:12 d'abord qui sont des métiers de soins.
00:17:14 -Oui, qui sont d'ailleurs aussi souvent des métiers féminins.
00:17:19 Parce que si on prend...
00:17:20 -Vous avez écrit un ouvrage qui s'appelle "Le sexe de la sollicitude",
00:17:24 qui est un ouvrage sur les métiers de femmes.
00:17:27 Un ouvrage de 2008, donc c'était bien avant...
00:17:29 -Parce que si on prend les métiers de soins,
00:17:32 alors du côté des médecins, il y a 46 % de femmes.
00:17:35 Du côté des infirmières, 87 % de femmes.
00:17:40 Si on prend les métiers médico-sociaux,
00:17:44 métiers d'assistante sociale, par exemple,
00:17:47 ce sont aussi très largement des femmes,
00:17:50 quasiment que des femmes.
00:17:52 Donc ce qui a surgi aussi après la pandémie,
00:17:56 c'est aussi une visibilité de ces femmes,
00:18:00 souvent extrêmement mal rémunérées
00:18:02 et qui font pourtant un métier essentiel.
00:18:04 C'est-à-dire qu'on sait très bien que le capitalisme ne tient
00:18:09 que parce que derrière ce qu'on appelle la production,
00:18:14 le régime de production, les entreprises,
00:18:18 tous les produits que nous fabriquons, etc.,
00:18:22 derrière ce régime productif,
00:18:24 eh bien, il y a un régime, on pourrait dire,
00:18:28 de forces de vie qui prennent soin précisément
00:18:32 de celles et ceux qui produisent.
00:18:34 Il faut bien que les personnes qui produisent puissent tenir.
00:18:38 Et pour qu'elles puissent tenir dans leur vie,
00:18:41 il faut bien des formes de soutien,
00:18:43 il faut bien des professions qui, justement, nous soutiennent.
00:18:48 Et ça, on l'a vu particulièrement au moment de la pandémie,
00:18:51 puisque l'économie était à l'arrêt
00:18:54 et que ne restait plus précisément
00:18:57 que les métiers qui nous permettent quand même
00:19:00 de durer dans la vie.
00:19:03 -Et on voit en période difficile
00:19:05 à quel point ils tiennent le lien social, effectivement.
00:19:08 Merci, Fabienne Brugère. Merci beaucoup.
00:19:10 -Merci.
00:19:11 (Applaudissements)
00:19:14 -Je rappelle donc que vous êtes l'autrice de "L'éthique du caire",
00:19:17 un ouvrage que je recommande vraiment, vivement,
00:19:20 et du peuple et des femmes, entre autres.
00:19:22 Nous allons à présent passer au 2e temps...
00:19:25 Oui, merci, le micro, quand même.
00:19:27 Nous allons passer au 2e temps à notre table ronde.
00:19:29 J'appelle donc à me rejoindre
00:19:30 Maryse Bresson, Françoise Larreur et Zoé Renaud. Au revoir.
00:19:34 Trois femmes, il y a aussi un homme.
00:19:36 Nous, on est paritaires en médecins,
00:19:38 parce qu'il y a un médecin femme et un médecin homme, ce soir.
00:19:41 Le médecin homme n'est pas encore arrivé, mais il sera là bientôt.
00:19:45 Merci d'être avec nous toutes les trois sur cette table ronde
00:19:48 qui va plus spécifiquement se pencher
00:19:50 sur les vulnérabilités sociales et/ou économiques,
00:19:52 la précarité, la pauvreté.
00:19:55 Je précise que vous pourrez poser toutes les questions
00:19:58 que vous souhaitez, ou faire les remarques que vous souhaitez,
00:20:00 après notre échange.
00:20:02 On se gardera les 10 dernières minutes d'échange.
00:20:04 Donc réfléchissez si vous avez des questions.
00:20:06 Pour parler de cette vulnérabilité sociale,
00:20:10 j'ai le plaisir d'accueillir d'abord Maryse Bresson.
00:20:12 Bonsoir, Maryse. -Bonsoir.
00:20:14 -Vous êtes professeure de sociologie
00:20:16 à l'Université de Versailles, 51 Nivellines,
00:20:18 et vous êtes chercheuse au laboratoire
00:20:19 "Profession, institutions et temporalité".
00:20:21 Ça fait ce qu'on abrège en printemps.
00:20:23 C'est joli. "Profession, institutions et temporalité",
00:20:27 ça fait printemps.
00:20:28 Et vous êtes spécialiste des questions
00:20:29 de vulnérabilité sociale.
00:20:30 C'est pour ça que nous vous avons invitée.
00:20:32 Je voudrais aussi saluer, avec nous ce soir,
00:20:36 Zoé Renaud-Revoir.
00:20:39 Vous êtes déléguée générale du réseau
00:20:40 des Accord de Rie de France.
00:20:42 Et vous nous expliquerez ce que c'est que les Accord de Rie,
00:20:44 ce joli mot des Accord de Rie.
00:20:46 Et enfin, je voudrais saluer Françoise Larreur.
00:20:49 Bonsoir. Vous êtes présidente
00:20:51 de la Fondation d'entreprises Massif.
00:20:53 Avec vous, nous parlerons de quelques projets très concrets
00:20:55 de lutte contre la précarité que la Massif soutient
00:20:57 depuis plusieurs décennies.
00:21:00 30 ans.
00:21:02 Mais d'abord, je me tourne vers vous, Maryse Bresson.
00:21:05 Je l'ai dit, vous êtes spécialiste
00:21:06 des questions de vulnérabilité.
00:21:08 Il y a quelque chose qui me frappe, quand on parle
00:21:09 de vulnérabilité sociale aujourd'hui,
00:21:10 c'est que pendant très longtemps,
00:21:12 moi, j'ai plus de 40 ans,
00:21:13 je me souviens de choses parfois anciennes,
00:21:15 pendant très longtemps, l'alpha et l'oméga
00:21:17 du discours politique sur la précarité
00:21:19 et la pauvreté extra, c'était le chômage.
00:21:21 C'était un mot qui venait en permanence
00:21:23 et c'était une espèce de malédiction.
00:21:25 Aucun politique ne pouvait lutter contre le chômage
00:21:27 qui ne cessait de monter.
00:21:28 Ce mot a pratiquement disparu du débat public.
00:21:30 Non pas qu'il n'y a plus de chômage,
00:21:32 mais il semblerait que ce soit une préoccupation
00:21:35 qui soit décorrélée de la pauvreté, en quelque sorte.
00:21:38 L'emploi ou le chômage sont décorrélés
00:21:40 de la question de pauvreté et de précarité.
00:21:42 Comment vous observez ça, vous ?
00:21:45 -Alors, c'est vrai que dans les années 90,
00:21:48 il y avait une loi sur l'exclusion en 1998, par exemple.
00:21:51 Vous parlez bien, vous savez ?
00:21:53 -C'est bon ? -Oui.
00:21:54 -Donc, dans les années 1990, par exemple,
00:21:57 on était encore sur ce discours
00:21:59 où on pensait que le travail sur la création d'emplois,
00:22:03 la recherche, un peu après encore, de gisements d'emplois
00:22:06 pouvait être une solution contre la pauvreté.
00:22:09 Et en fait, la réalité,
00:22:12 ce qui a également apparu dans les années 90-2000,
00:22:14 c'est qu'il pouvait très bien y avoir des travailleurs pauvres.
00:22:17 Donc moi, j'avais travaillé sur la question
00:22:19 des sans-domiciles fixes également,
00:22:21 donc au moment de ma thèse dans les années 1990.
00:22:25 Et déjà à l'époque, j'avais observé
00:22:27 qu'il y avait des sans-domiciles fixes
00:22:29 qui avaient des emplois précaires
00:22:31 et qui n'avaient pas accès au logement.
00:22:33 Et donc, dans ma thèse, j'avais parlé de la norme logement
00:22:35 parce que l'intégrateur emploi et l'idée
00:22:38 que l'intégration découle automatiquement
00:22:40 du fait d'avoir un emploi
00:22:41 ne correspondaient déjà pas à la réalité.
00:22:44 Et donc, ça, bon, je l'avais observé dans mes travaux,
00:22:47 mais c'est vrai que c'est quelque chose
00:22:49 qui, maintenant, me semble beaucoup plus accepté, acquis.
00:22:53 Il y a d'autres mécanismes qui interviennent,
00:22:56 et d'autant que l'emploi lui-même
00:22:58 est quand même un emploi, j'allais dire, pluriel,
00:23:02 où on a vraiment des zones grises
00:23:04 entre emploi, travail, non-travail.
00:23:06 Donc tous ces enjeux-là...
00:23:08 -On pourrait dire l'ubérisation des emplois, du moins général.
00:23:10 -Exactement, oui.
00:23:12 C'est ce qu'on appelle aujourd'hui l'ubérisation des emplois.
00:23:14 Donc cette dimension-là, finalement, a montré
00:23:18 que l'emploi n'était pas une solution unique, universelle
00:23:22 pour résoudre l'ensemble des problèmes liés à la précarité.
00:23:25 -Ce qui est intéressant, c'est par rapport à ce que disait
00:23:27 Fabienne Brugère tout à l'heure,
00:23:28 c'est que l'emploi lui-même est sorti des cases.
00:23:29 Avant, on était soit chômeur, soit travailleur, soit inactif.
00:23:33 Mais maintenant, on est dans une espèce de galaxie un peu floue
00:23:37 dans laquelle on peut être pauvre, avoir un CDI éventuellement, etc.
00:23:40 Enfin, tout ça...
00:23:41 -Il y a même différentes catégories de chômage,
00:23:43 donc... -Oui, c'est vrai.
00:23:44 -Elle-même, donc, effectivement.
00:23:46 Et on pense souvent à chômeur égal sans emploi du tout.
00:23:49 Et en fait, effectivement, il y a beaucoup d'autres situations
00:23:52 et d'autres catégories.
00:23:53 Donc après, plus récemment, on a le retour quand même
00:23:57 de l'inflation, qui est quand même un enjeu majeur aussi.
00:24:00 -Ah oui, oui.
00:24:01 -Et qui produit aussi... -Il avait disparu du discours politique
00:24:02 pour le coup depuis 20 ans. -Exactement.
00:24:03 -Il est revenu, maintenant. -Mais qui, là, est de retour
00:24:05 et qui, en tout cas, produit des effets, très clairement.
00:24:07 -Absolument.
00:24:08 Il y a quelque chose de très particulier aussi,
00:24:10 c'est qu'on a l'impression que le discours politique
00:24:11 vis-à-vis de la pauvreté a un peu changé.
00:24:14 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, on entend beaucoup...
00:24:17 Il suffit de traverser... Enfin, je ne vise personne,
00:24:19 mais il suffit de traverser la rue pour trouver un emploi,
00:24:22 le cancer de la cystana, la valeur travail
00:24:24 qu'il faut renforcer dans ce pays,
00:24:25 comme si certains n'y croyaient pas.
00:24:28 On a même un leader communiste, Fabien Roussel,
00:24:30 qui parle de la gauche des allocs avec un peu de mépris.
00:24:32 On a l'impression que c'est comme si la classe politique
00:24:35 était devenue allergique à la pauvreté,
00:24:38 non pas parce qu'elle veut la chasser, la pauvreté.
00:24:40 Avant, elle était allergique à la pauvreté.
00:24:41 Maintenant, elle est allergique aux pauvres, on a l'impression.
00:24:43 C'est-à-dire qu'il faut absolument taper sur les pauvres
00:24:47 ou les moraliser, mettre de la morale derrière tout ça.
00:24:50 Est-ce que c'est quelque chose que vous observez, vous ?
00:24:53 -Alors, effectivement, c'est quelque chose qui a été observé.
00:24:56 On appelle ça le tournant néolibéral,
00:24:58 même s'il n'y a pas que des néolibéraux.
00:25:01 Donc, c'est un politiste,
00:25:04 Bruno Jobert, qui a parlé de tournant néolibéral.
00:25:07 Et donc, effectivement, on a vraiment cette idée...
00:25:10 Donc, d'autres auteurs ont parlé
00:25:12 de retournement de la dette sociale aussi.
00:25:14 On a cette idée qu'avant...
00:25:16 Avant, c'est toujours,
00:25:17 mais dans notre système de protection sociale,
00:25:20 au XIXe siècle, au XXe siècle,
00:25:22 donc, on a parlé tout à l'heure des "30 glorieuses",
00:25:25 il y avait quand même cette idée
00:25:26 que c'était la société qui dysfonctionnait,
00:25:29 qui, à certains égards, dysfonctionnait,
00:25:31 produisait des problèmes et produisait de la pauvreté,
00:25:35 ne permettait pas suffisamment de créer d'emplois, par exemple,
00:25:39 et donc, il fallait ou ne permettait pas
00:25:41 de gérer suffisamment les situations de vieillesse,
00:25:46 de maladie, et donc, il fallait compenser.
00:25:49 Et donc, la société avait une dette.
00:25:51 En tout cas, c'était le discours, notamment, de l'assistance publique.
00:25:55 La société avait une dette par rapport à ces populations
00:25:58 qu'elle n'arrivait pas à intégrer.
00:26:00 Et donc, dans les années...
00:26:02 Alors, 80... Là aussi, fin des années 80, 90,
00:26:05 c'est pour ça qu'on parle de tournant,
00:26:07 on va avoir ce que des auteurs comme Robert Castel
00:26:10 ou Isabelle Astier parlent de retournement de la dette sociale.
00:26:13 Et ça commence avec le RMI,
00:26:15 mais alors, aujourd'hui, c'est encore plus vrai...
00:26:17 -Le revenu, c'était le revenu minimum d'insertion.
00:26:20 -C'est maintenant le revenu de solidarité active
00:26:22 et auquel on associe un certain nombre d'heures,
00:26:26 enfin, de travail ou d'activité.
00:26:29 -La fameuse valeur travail, elle est là.
00:26:31 -Oui, mais en fait, ça veut dire quoi ?
00:26:32 Donc, le discours s'est renversé,
00:26:33 on parle de retournement de la dette sociale,
00:26:35 parce que c'est l'individu qui a une dette vis-à-vis de la société
00:26:39 qui va lui donner des moyens
00:26:40 alors qu'il ne contribue pas aux richesses.
00:26:43 Et donc, ça, c'est quand même un retournement très important
00:26:46 qui participe, d'une certaine manière,
00:26:48 à cette dévalorisation des assistés.
00:26:51 Et donc, alors que l'assistance était pensée comme un droit...
00:26:54 -Assisté, c'est devenu un mot... C'est une insulte.
00:26:57 C'est presque comme victime, aujourd'hui.
00:26:58 -C'est l'assistanat, maintenant.
00:26:59 Et c'est interprété comme ça.
00:27:01 Au lieu d'être un droit et de se dire...
00:27:04 Ce qui était la logique, il y a un besoin,
00:27:06 un besoin reconnu, légitime dans la société.
00:27:08 Et donc, voilà, il y a des mécanismes
00:27:10 qui permettent de vivre aux personnes qui ont ce besoin.
00:27:16 Là, on se retrouve avec plutôt une logique
00:27:18 de personnes assistées au sens d'assistanat
00:27:21 et de quelque chose de négatif.
00:27:22 -C'est ça, exactement. -C'est pas tout nouveau,
00:27:24 mais c'est vrai que c'est un discours qui est porté,
00:27:25 y compris par les institutionnels et les politiques.
00:27:28 -C'est ça.
00:27:29 Et par ailleurs, alors, est-ce que vous observez
00:27:31 que le mouvement gilets jaunes,
00:27:33 qui concernait des populations de classe moyenne,
00:27:36 de classe moyenne inférieure,
00:27:37 plutôt que des populations très pauvres ?
00:27:38 C'était plutôt, en général,
00:27:39 celles qui allaient sur les ronds-points.
00:27:41 C'était des populations, quand même, qui avaient un emploi,
00:27:42 qui avaient un certain statut social,
00:27:44 mais on va dire modestes.
00:27:45 Est-ce que, à votre avis, selon votre regard,
00:27:47 ça a été un mouvement quand même important ?
00:27:51 Ca a été un petit électrochoc pour beaucoup d'entre nous.
00:27:54 Est-ce que vous considérez que ça a pu donner
00:27:56 une impulsion nouvelle au regard qu'on a
00:27:59 sur une certaine forme de précarité,
00:28:02 certains territoires ?
00:28:05 -Oui, je pense que ça a été un moment très important,
00:28:07 en tout cas, parce que, aussi, ça a mis la lumière
00:28:11 sur des populations qu'on oubliait
00:28:14 ou qu'on ne voyait pas.
00:28:16 Certains en parlaient d'invisibles,
00:28:17 en tout cas, qui n'étaient pas prises en compte
00:28:19 et pas de la même manière,
00:28:20 et qui sont devenues aussi,
00:28:22 mais ce n'est pas seulement dans le champ de la pauvreté,
00:28:23 je pense, c'est aussi par rapport à la question
00:28:26 des mouvements sociaux.
00:28:27 Et donc, on avait l'idée qu'il y avait des publics
00:28:30 qui, de toute manière, justement,
00:28:32 ne faisaient pas de mouvements sociaux.
00:28:33 -Ils n'allaient pas dans la rue.
00:28:34 -Comme les mères célibataires, leurs familles monoparentales,
00:28:37 comme des personnes en milieu rural.
00:28:39 Et là, ce sont ces personnes-là qui, effectivement,
00:28:41 se sont mobilisées.
00:28:42 Après, pourquoi ?
00:28:43 Et ça, je pense que c'est quand même
00:28:45 quelque chose d'important aussi.
00:28:46 Donc, tout à l'heure, il y a aussi été question
00:28:48 d'une certaine déconnexion
00:28:50 entre certaines mesures politiques
00:28:53 et puis les réalités vécues.
00:28:55 Et là, on avait quand même des mesures qui étaient...
00:28:57 Enfin, des mesures qui étaient prises
00:28:58 ou qui n'étaient pas prises au nom de grands principes.
00:29:02 -En l'occurrence, on va le rappeler, c'était une taxe carbone
00:29:05 au nom d'un principe très vertueux, qui est l'écologie,
00:29:07 mais qui a été appliquée à des populations
00:29:09 qui avaient déjà du mal à finir leur fin de mois.
00:29:11 -Et donc, ça, c'était insupportable.
00:29:12 Je pense que ce qui est important de voir là aussi,
00:29:15 c'est que la réaction, elle a été face à une dégradation
00:29:18 quand même très importante de leur situation socioéconomique,
00:29:21 puisque, évidemment, ils devaient payer de l'essence très chère
00:29:25 pour aller travailler.
00:29:27 Et puis, il y avait aussi la culpabilisation
00:29:29 parce que, justement, ce n'étaient pas des bons citoyens
00:29:32 vertueux au sens de l'humanité et au sens de l'écologie.
00:29:35 Et donc là, on s'est retrouvés avec un décalage,
00:29:37 mais qui me semble toujours possible et existé,
00:29:41 entre des mesures qui sont prises au nom de principes vertueux
00:29:45 ou présentés comme vertueux, écologiques notamment,
00:29:48 et puis la réalité des situations sociales
00:29:51 où on va les déséquilibrer complètement avec un risque.
00:29:54 Donc là, on n'est plus...
00:29:55 Même s'ils n'étaient pas encore précaires,
00:29:57 pour le dire comme ça,
00:29:58 mais il y a une vulnérabilité,
00:30:00 et on peut faire avec des mesures comme ça,
00:30:01 basculer un certain nombre de catégories
00:30:04 dans des situations...
00:30:05 -C'est la partie subjectivité, la peur du déclassement
00:30:10 dont on évoquait tout à l'heure Fabienne Brugère.
00:30:12 -Qui peut se traduire réellement.
00:30:14 -Qui, par ailleurs, peut avoir une réalité.
00:30:15 -Il y a une vraie baisse de pouvoir d'achat
00:30:17 pour ces personnes aussi.
00:30:19 -Alors, Fabienne Brugère le disait tout à l'heure.
00:30:20 Il y a aussi, merci, Maryse,
00:30:21 il y a aussi plein d'acteurs de terrain
00:30:24 que les institutions écoutent
00:30:26 avec plus ou moins une oreille attentive ou distraite.
00:30:29 Françoise Larreur,
00:30:30 je rappelle que vous êtes présidente
00:30:31 de la Fondation d'entreprises massifs,
00:30:33 fondation qui aide un grand nombre,
00:30:36 depuis 30 ans, vous me disiez,
00:30:38 qui aide un grand nombre d'acteurs de terrain,
00:30:39 de projets, d'initiatives,
00:30:42 en faveur... enfin, de lutte contre la précarité, etc.
00:30:46 Donc, vous disiez...
00:30:47 Vous soutenez combien de projets aujourd'hui, la massif ?
00:30:50 -Effectivement, la Fondation massif, elle a 30 ans.
00:30:53 La Fondation massif a 30 ans.
00:30:56 Elle a été créée par la volonté de la massif
00:30:58 de traduire à travers la fondation
00:31:01 son investissement sociétal sur les territoires,
00:31:04 avec, au départ, c'était vraiment
00:31:07 de soutenir l'économie sociale et solidaire,
00:31:09 notamment à travers l'insertion professionnelle.
00:31:12 -L'économie sociale et solidaire,
00:31:13 c'est les associations, les fondations,
00:31:14 les entreprises avec un statut coopératif, etc.
00:31:18 -Et donc, de soutenir une fondation d'entreprises,
00:31:23 d'aller au service de l'intérêt général.
00:31:24 Et donc, on soutient particulièrement
00:31:26 les publics fragiles.
00:31:28 Et au fur et à mesure, on a soutenu l'innovation sociale,
00:31:32 parce qu'on a vu que sur les territoires,
00:31:34 il y avait plein de projets, de personnes qui se mobilisaient
00:31:39 pour apporter des réponses à des besoins non couverts,
00:31:43 à des besoins non couverts pour eux, mais aussi pour d'autres.
00:31:46 Et donc, nous, nous soutenons ces innovations
00:31:50 autour de 4 thématiques, que sont la mobilité,
00:31:54 la santé, l'habitat...
00:31:55 -Mobilité, dont on a parlé avec les Gilets jaunes à l'époque.
00:31:57 -Exactement. -Ou combien dans les territoires...
00:31:58 -Non, mais je me retrouve complètement
00:32:00 dans ce qui a été dit depuis le début de la conférence.
00:32:03 -Pardon, la mobilité, vous disiez ?
00:32:04 -Mobilité, habitat, santé et finances solidaires.
00:32:09 Et c'est bien dans ce cadre-là que nous sommes vraiment...
00:32:14 Enfin, que nous avons commenter, justement,
00:32:17 les vulnérabilités.
00:32:18 Enfin, on les soutient... Enfin, on ne les soutient pas toutes,
00:32:20 parce qu'il y en a de nombreuses vulnérabilités.
00:32:25 Et nous intervenons sur 3 d'entre elles.
00:32:28 Tout ce qui est autour des fragilités économiques,
00:32:31 donc avec tout un travail que l'on fait
00:32:34 sur le soutien aux structures qui luttent contre la précarité,
00:32:39 contre la provoqué, contre l'exclusion sociale,
00:32:42 tous les acteurs de terrain.
00:32:43 Et Zoé pourra dire un petit mot tout à l'heure là-dessus,
00:32:47 parce qu'on les soutient depuis très longtemps.
00:32:49 Et c'est vraiment leur coeur de...
00:32:52 Je n'ose pas dire de métier, mais c'est vraiment...
00:32:54 Leur coeur de cible.
00:32:57 Nous intervenons sur les fragilités géographiques
00:33:02 avec toutes les questions liées à l'isolement des personnes,
00:33:07 et pas forcément qu'en milieu rural,
00:33:08 parce qu'on pense toujours au l'isolement des personnes
00:33:10 en milieu rural,
00:33:11 mais il y a aussi dans les quartiers périduraires de la ville,
00:33:14 dans les zones périphériques,
00:33:18 et toutes les questions dans ce cadre-là
00:33:22 des difficultés de l'accès aux services essentiels.
00:33:28 Et puis la 3e vulnérabilité,
00:33:32 ce sont les fragilités physiques qui sont liées à l'âge,
00:33:36 liées à la maladie, liées au handicap.
00:33:39 Et là, également, on soutient des besoins qui sont monumentaux,
00:33:43 parce qu'on voit bien que l'accès aux services médicaux,
00:33:47 l'accès aux hôpitaux,
00:33:48 l'accès à toutes les structures qui peuvent accompagner
00:33:54 les personnes en difficulté physique
00:33:57 ne sont pas forcément mis de façon industrielle
00:34:00 sur l'ensemble des territoires.
00:34:02 -Comment vous faites pour les repérer ?
00:34:04 Parce que la Massif, c'est quand même une grande institution.
00:34:07 C'est pas un mammouth, on ne va pas dire ça, mais...
00:34:09 -Nous, la force que l'on a à la Fondation,
00:34:14 c'est qu'on a un ancrage territorial très fort.
00:34:17 C'est-à-dire qu'on a des chargés de mission sur les territoires.
00:34:21 -Ils sont combien ?
00:34:22 -Ils sont à 10.
00:34:24 Ils travaillent à mi-temps sur la Fondation
00:34:29 et à mi-temps sur le développement de l'économie sociale et solidaire.
00:34:32 Donc c'est 2 fonctions qui sont vraiment très articulées.
00:34:36 Et c'est eux qui détectent...
00:34:39 Cette expérience d'ancrage territorial
00:34:44 nous a amené vraiment une vraie connaissance des territoires,
00:34:47 de capter les besoins, de capter les faiblesses,
00:34:50 mais aussi les atouts des territoires,
00:34:51 et justement d'être au coeur de ces acteurs
00:34:55 et de les connaître.
00:34:57 Et donc nos chargés de mission détectent ces...
00:34:59 -Qu'est-ce que vous faites après, une fois qu'ils sont détectés ?
00:35:01 Vous les financez ?
00:35:02 -On les... On détecte ceux qui apportent justement
00:35:06 des solutions et des besoins au couvert.
00:35:08 On les finance.
00:35:10 Mais on ne fait pas que ça.
00:35:11 -C'est méritoire, les financer.
00:35:13 -C'est obligatoire, parce qu'on est obligés de dépenser
00:35:16 les subventions.
00:35:17 C'est l'avantage, c'est qu'on a des sous,
00:35:20 mais on est obligés de les dépenser, mais pas n'importe comment.
00:35:23 Et donc on aide le porteur de projets
00:35:27 ou la structure à...
00:35:30 à traduire son innovation en actes concrets.
00:35:34 Donc on les aide à expérimenter, on les accompagne,
00:35:39 et puis on soutient leur développement
00:35:41 et leur changement d'échelle.
00:35:42 Quand ils ont fait leur preuve, quand ils se sentent à l'aise
00:35:46 ou qu'ils arrivent à trouver un modèle économique
00:35:48 qui leur permet d'aller sur un autre département,
00:35:51 d'aller sur une autre commune, d'aller sur un autre département,
00:35:54 ou d'aller sur d'autres régions,
00:35:56 on les soutient vraiment de l'émergence
00:35:58 jusqu'au changement d'échelle.
00:36:00 Et quand on n'a pas des soutiens éternels,
00:36:04 on les soutient dans le temps sur 3 ans, 4 ans,
00:36:08 10 ans ou 11 ans pour les accorderies.
00:36:12 Mais quand le soutien se termine,
00:36:15 on les aide aussi, avant que le soutien se termine,
00:36:18 à s'orienter, à trouver d'autres financeurs,
00:36:21 à vraiment être à l'aise, à se solidifier,
00:36:24 à pérenniser leur système.
00:36:27 -Il y a un exemple d'initiative que vous financez,
00:36:29 que vous avez aidée et accompagnée, qui est le Garage solidaire.
00:36:32 Je crois qu'elle a un peu SMé, c'est ça ?
00:36:35 Qu'est-ce que c'est, le Garage solidaire ?
00:36:36 -Les Garage solidaires, ce sont des garages
00:36:39 qui sont souvent des chantiers d'insertion.
00:36:44 -Des chantiers d'insertion, c'est-à-dire qu'ils font travailler des gens.
00:36:45 -Donc ils font travailler des gens,
00:36:47 ils permettent à des jeunes, des personnes éloignées de l'emploi
00:36:51 de retrouver une qualification
00:36:53 ou d'avoir une nouvelle qualification
00:36:56 pour pouvoir rebondir sur d'autres emplois
00:36:59 ou rebondir dans d'autres entreprises.
00:37:03 Et donc, ce sont des garages qui récupèrent,
00:37:06 via des entreprises, via des collectivités territoriales,
00:37:09 via des grandes administrations, des flottes de voitures,
00:37:12 des voitures de particuliers sous forme de dons,
00:37:14 qui les remettent en état,
00:37:17 avec l'assurance
00:37:20 que ce ne soient pas des épaves,
00:37:23 que ce ne soient pas des voitures qui ne peuvent pas fonctionner.
00:37:27 Et donc, qu'ils les revendent,
00:37:29 donc pour un prix moins cher
00:37:31 que certaines voitures d'occasion,
00:37:35 ou qu'ils les mettent à disposition en autopartage
00:37:39 ou à l'allocation à des publics qui sont fragiles,
00:37:44 qui sont en situation de précarité,
00:37:46 qui n'ont pas les moyens de s'acheter une voiture.
00:37:49 -Ils sont dans des endroits où la voiture est indispensable.
00:37:52 -Oui, surtout en milieu rural, la voiture est indispensable.
00:37:56 On ne peut pas pouvoir la supprimer de sitôt.
00:37:59 C'est pas le...
00:38:01 Et dans ces garages solidaires,
00:38:05 il y a également certains qui vont jusqu'à...
00:38:09 Comment ?
00:38:11 Construire des ateliers aussi de réparation
00:38:13 pour permettre aux personnes
00:38:16 de pouvoir aussi réparer leur voiture.
00:38:19 Donc, ils réparent aussi des voitures à moindre coût,
00:38:22 mais ils permettent aussi aux personnes
00:38:24 des simples gestes de réparation de pouvoir le faire.
00:38:26 Et donc, ces garages solidaires,
00:38:29 on a démarré par soutenir un qui s'appelait le garage Apreva,
00:38:33 je crois que c'est en Gironde qu'il est, ou dans le Lot.
00:38:37 Et donc, il s'est mis, ce garage-là,
00:38:41 et puis il a constitué un réseau de garages
00:38:44 qui fédèrent les garages solidaires sur l'ensemble du territoire.
00:38:47 Donc, ils ont s'est mis,
00:38:49 mais ils permettent aussi à d'autres garages qui se construisent
00:38:52 d'adhérer à leur réseau.
00:38:54 Et donc, ils sont en train de construire un réseau qui...
00:38:56 -Pas si long. Et c'est intéressant,
00:38:58 parce que c'est vraiment du terrain.
00:38:59 -Voilà, c'est du terrain qui anime, qui construit.
00:39:03 Voilà. Et donc, ils forment,
00:39:06 qui facilite l'emploi des personnes
00:39:10 vers d'autres garages, par exemple.
00:39:12 Il y a y compris...
00:39:17 Donc, quand ils s'implantent sur des territoires,
00:39:19 facilitent le covoiturage,
00:39:21 s'intègrent aussi dans des dynamiques territoriales
00:39:23 qui facilitent la coordination des mobilités
00:39:27 entre le vélo, la voiture, les transports en commun, etc.
00:39:31 -Merci, Françoise Larreur.
00:39:32 Je vais maintenant laisser la parole à Zoé,
00:39:34 qui est donc, vous l'avez dit,
00:39:37 un des projets qui dirige,
00:39:40 qui est déléguée générale des Accord de Ries,
00:39:44 qui est un des projets que la Fondation Massif
00:39:46 soutient depuis longtemps, plus de 10 ans, donc.
00:39:50 Merci d'être avec nous, Zoé.
00:39:51 Est-ce que vous pouvez nous présenter ce réseau ?
00:39:53 Qu'est-ce que ça veut dire, une Accord de Ries ?
00:39:55 C'est un joli mot, mais qu'est-ce que ça veut dire ?
00:39:57 -Bonsoir, tout le monde, déjà.
00:39:59 Contrairement à ce qu'on pourrait croire,
00:40:00 ce n'est pas accorder des pianos,
00:40:02 parce qu'on nous a longtemps demandé,
00:40:04 on m'a même téléphoné en disant
00:40:06 "Est-ce que vous pourriez intervenir pour mon piano ?"
00:40:07 Non, pas du tout.
00:40:08 On propose d'accorder les gens.
00:40:10 -C'est bien. -Voilà.
00:40:12 -Et donc, une Accord de Ries, c'est né au Québec en 2002.
00:40:15 Et l'objectif d'une Accord de Ries,
00:40:16 c'est de permettre de lutter contre la pauvreté et l'exclusion,
00:40:21 de développer le pouvoir d'agir des personnes et des collectifs
00:40:23 au travers d'un système d'échange de services par le temps.
00:40:25 Donc qu'est-ce que c'est ?
00:40:27 Eh bien, vous venez tailler mes rosiers pour 2 heures.
00:40:30 Vous passez dans mon jardin, on boit une tisane,
00:40:32 et je profite de ça pour tailler mes rosiers.
00:40:35 Et vous gagnez 2 heures grâce à ça.
00:40:37 Et avec ça, Maryse va vous apprendre à faire un cake aux pommes,
00:40:40 parce qu'elle est spécialiste des cakes aux pommes.
00:40:42 Voilà. En une heure, parce que c'est vraiment des gros cakes,
00:40:45 ça prend du temps.
00:40:46 Et Françoise viendra... Voilà, une tarte à teint.
00:40:50 Et Françoise vous peindra votre mur en verre,
00:40:52 parce que vous n'êtes pas un grand peintre et vous aimez bien...
00:40:55 Voilà, c'est ça.
00:40:56 C'est la règle de la peinture.
00:40:58 Et donc, c'est ça.
00:40:59 -On est payé en temps, en heures ? -En temps.
00:41:01 Et une heure est égale à une heure,
00:41:03 quel que soit le service que vous rendez.
00:41:04 On est tous riches de 24 heures.
00:41:06 Et c'est sur cette base-là qu'on va permettre les échanges.
00:41:10 -Et donc, à quoi concrètement ça...
00:41:13 Je crois qu'il y a 36 accorderies en France.
00:41:16 A quoi ça ressemble concrètement ?
00:41:17 Parce que Maryse, c'est dans sa cuisine que ça se passe.
00:41:20 Vous, c'est dans votre jardin que ça se passe.
00:41:23 Avec Françoise, ça serait dans mon salon, puisqu'elle repeindrait.
00:41:25 Mais est-ce qu'il y a un lieu physique ?
00:41:27 -Un lieu, oui.
00:41:28 Une accorderie, c'est d'abord un groupe d'habitants
00:41:32 avec des associations, avec des collectivités
00:41:34 qui décident de créer ce lieu
00:41:36 et qui se mettent en chemin avec le réseau national
00:41:39 pour aller créer une accorderie.
00:41:40 Une accorderie, après, c'est une communauté et un lieu de vie.
00:41:44 C'est donc le lieu...
00:41:45 Je dis toujours quand une dame me dit "mais quel lieu,
00:41:48 "quel local il faut qu'on ait..."
00:41:50 Il y a le lieu idéal.
00:41:52 Je vous fais le lieu idéal, et après on pourra discuter
00:41:54 comment on décline l'idéal.
00:41:56 Un lieu idéal d'une accorderie,
00:41:57 c'est une grande maison de toutes les couleurs
00:41:59 avec un accueil où il y a toujours du café chaud
00:42:01 et des sofas très confortables où on peut s'endormir dedans.
00:42:06 C'est un petit bureau où on peut recevoir les gens d'individuels,
00:42:08 pour discuter de leur envie, de leurs besoins d'échange.
00:42:11 C'est une cuisine où on fait à manger ensemble.
00:42:13 C'est une grande table où on peut manger
00:42:16 et où l'accorderie se transforme en cantine collective
00:42:19 au moins une fois par semaine ou lors des ateliers.
00:42:22 C'est une salle d'atelier où on va faire du tango,
00:42:24 où on va faire des marionnettes, etc.
00:42:26 Un jardin où on peut aller jardiner.
00:42:29 Et effectivement, ce lieu est la croisée des flux de la population,
00:42:33 c'est-à-dire que les gens vont au marché
00:42:35 et se rendent compte que tout d'un coup, là,
00:42:37 il y a quelque chose qui vit, où ils peuvent être accueillis
00:42:39 et qui est en train de créer quelque chose.
00:42:41 -Est-ce que l'accorderie n'est jamais dans un endroit excentré ?
00:42:43 Vous faites toujours attention à ce qu'elle soit
00:42:45 dans un endroit où il y a du passage,
00:42:46 donc plutôt dans un centre-ville ou quelque chose comme ça ?
00:42:48 -Où il y a du passage, mais où il y a la croisée des flux
00:42:52 de différentes populations.
00:42:53 C'est-à-dire qu'on dit toujours ni au centre-ville chic
00:42:56 où il y a certaines populations qui ne vont jamais,
00:42:59 ni en plein milieu d'un quartier politique de la ville
00:43:01 où pareil, il y en a d'autres qui ne vont pas.
00:43:03 On va essayer de trouver les frontières.
00:43:07 On va essayer de trouver les carrefours
00:43:08 où, effectivement, toutes ces populations vont pouvoir se croiser.
00:43:11 Quand je parle du marché, par exemple,
00:43:13 c'est un lieu, justement,
00:43:14 où beaucoup de populations vont se croiser,
00:43:17 diverses et différentes,
00:43:18 mais ça peut être aussi les services d'éducation,
00:43:20 les services de santé,
00:43:22 et on va comme ça définir le territoire de vie d'une accorderie.
00:43:25 -C'est ça. Vous l'avez dit, donc, c'est un endroit
00:43:28 où on fait plein d'activités, où c'est très sympa, etc.,
00:43:30 mais qui est destiné quand même à lutter,
00:43:32 enfin, quand même.
00:43:33 C'est-à-dire que vous n'oubliez jamais, vous gardez en tête
00:43:35 qu'il est destiné à lutter contre l'exclusion, la pauvreté, etc.
00:43:38 Comment vous faites pour que, à la fin,
00:43:40 ça ne soit pas un lieu de rencontre entre bobos, par exemple ?
00:43:43 Parce que là, tout ça, ça donne très envie, tout ce que vous dites,
00:43:46 mais le problème, c'est qu'il y a des populations
00:43:49 plus actives que d'autres,
00:43:50 des populations plus difficiles à aller chercher que d'autres.
00:43:52 Comment vous faites pour que ce développement se fasse bien ?
00:43:55 -Alors déjà, ça commence dès le départ.
00:43:56 C'est-à-dire que quand vous avez un collectif d'habitants
00:43:59 qui souhaitent créer une accorderie,
00:44:00 donc il y a un agrément pour créer une accorderie.
00:44:02 C'est un contrat qui nous lie, et on fait tous accorderie ensemble.
00:44:06 Et donc quand il y a le groupe d'habitants
00:44:08 qui commence à vouloir créer cette accorderie,
00:44:10 on leur dit déjà "Allez vers".
00:44:12 Allez vers les autres quartiers où vous n'avez pas l'habitude d'aller,
00:44:14 allez définir votre territoire de vie,
00:44:16 et acceptez déjà et accueillez cette mixité
00:44:18 au niveau du groupe d'origine qui va porter l'accorderie.
00:44:22 Et ensuite, on va travailler cette allée vers
00:44:24 et cette mixité aux différentes étapes de l'accorderie.
00:44:26 Donc il y en a plein des étapes différentes.
00:44:28 Par exemple, l'accorderie a son premier salarié.
00:44:31 Ca, c'est merveilleux, les accordeurs se disent
00:44:33 "Enfin, le salarié est là,
00:44:34 "on va pouvoir s'amuser à faire des échanges."
00:44:36 Et le salarié va tout faire.
00:44:37 Et là, on leur dit "A non, ratez.
00:44:39 "Vous, vous allez accueillir les nouveaux accordeurs,
00:44:42 "et le salarié avec d'autres accordeurs, il va aller vers.
00:44:45 "Il va surtout pas rester au local et avoir les clés du local
00:44:47 "dans les clés du local, c'est pour les accordeurs."
00:44:49 Et le salarié va avoir pour objectif d'aller vers de nouveaux publics,
00:44:53 de faire vivre l'accorderie en dehors des murs
00:44:56 pour inviter des populations
00:44:59 qui n'iraient pas dans les murs de façon naturelle.
00:45:02 -C'est ça. Ces populations, comment vous les définissez concrètement ?
00:45:05 Est-ce que ce sont des gens dans une grande marginalité,
00:45:08 par exemple, proches des SDF ?
00:45:11 Ou ce sont des gens des classes moyennes inférieures ?
00:45:14 Comment... C'est quoi exactement ce spectre
00:45:16 que vous allez chercher ?
00:45:18 -Alors, il est très large.
00:45:19 Après, vous connaissez les pouvoirs publics,
00:45:21 il a fallu créer des cases et dire que, voilà,
00:45:23 si on avait comme mission la lutte contre la pauvreté et l'exclusion,
00:45:27 où était-elle et comment était le public ?
00:45:30 Les publics très marginaux
00:45:32 sont difficiles à accueillir au sein d'une accorderie,
00:45:34 parce qu'au sein d'une accorderie,
00:45:36 vous avez ce principe de réciprocité,
00:45:38 c'est qu'on accepte de donner et de recevoir
00:45:40 au sein d'une accorderie.
00:45:41 Et les publics très marginaux,
00:45:43 il y a déjà la question du lien,
00:45:45 c'est-à-dire que c'est un lien de confiance qu'il faut créer,
00:45:47 il faut que ce lien de confiance prenne ensuite confiance en soi,
00:45:51 confiance en l'autre,
00:45:52 confiance en sa capacité d'échange, etc.
00:45:54 Et donc c'est plus compliqué.
00:45:56 Par contre, on va avoir effectivement toute la frange des vulnérables
00:45:59 et en fait toute la diversité tout court.
00:46:01 C'est-à-dire qu'au sein d'une accorderie,
00:46:03 vous avez un tiers de salariés, un tiers de retraités,
00:46:05 un tiers de sans-emploi à peu près.
00:46:07 Ca dépend des accorderies, des territoires, mais voilà.
00:46:09 Vous allez avoir effectivement des familles,
00:46:12 des couples sans enfants, des personnes qui vivent seules, etc.
00:46:16 Donc on va avoir vraiment une très grande diversité
00:46:18 et des personnes qui sont vulnérables,
00:46:21 mais pas comme on l'entend certains.
00:46:23 Et voilà, on a créé des cases pour pouvoir prouver qu'eux,
00:46:26 mais il y a énormément de publics différents.
00:46:28 -D'accord. Et puisque vous parlez public,
00:46:30 est-ce qu'il y a des questions dans le public ?
00:46:33 Est-ce que vous avez des remarques
00:46:34 qui peuvent être destinées à Zoé ou à Françoise ou à Maryse ?
00:46:38 Monsieur, peut-être on va faire circuler un micro
00:46:41 pour que les gens qui nous regardent,
00:46:43 parce que nous allons être diffusés en replay sur le site de l'Obs,
00:46:47 puissent entendre votre question.
00:46:49 -Oui, il y a le journaliste des Fossoyeurs.
00:46:57 Il a été en Suède parce qu'il admire...
00:46:59 -Les Fossoyeurs, c'est donc ce livre sur Orpea,
00:47:02 le groupe Orpea, qui est un groupe...
00:47:05 Le livre dénonce tout un tas de pratiques de ce groupe
00:47:08 qui gère des EHPAD.
00:47:09 -Il disait qu'il y avait des problèmes.
00:47:13 On était mal soignés dans les Orpea et certaines EHPAD
00:47:17 et qu'il y avait un manque de personnel.
00:47:20 Et il a été en Suède, il a trouvé le régime très bien.
00:47:25 Et puis, il a dit qu'il y avait des restaurants dans les EHPAD
00:47:30 pour que ça s'ouvre au plan de la ville et aux commerçants.
00:47:36 Et d'ailleurs, certaines EHPAD ont commencé à le faire.
00:47:40 Et puis, la droite, ils ont été en Suède aussi.
00:47:45 Et pour voir le régime suédois,
00:47:47 est-ce que c'est un régime idéal pour la France ?
00:47:51 -Qui a envie de répondre ?
00:47:53 L'idéal n'est pas de ce monde, mais je ne sais pas.
00:47:56 Maryse, peut-être ?
00:47:59 -Alors, moi, je vais bien répondre.
00:48:01 En fait, il y a...
00:48:02 Du coup, je suis sociologue, alors je pense toujours à des auteurs.
00:48:06 Il y a effectivement différents modèles d'Etat-providence
00:48:09 qui ont été distingués par Gustave Ping Anderson.
00:48:13 Et c'est vrai que le modèle suédois,
00:48:15 enfin, le modèle danois, etc.,
00:48:19 qui est mis, c'est un des 3 modèles.
00:48:22 C'est le modèle social-démocrate tel qu'il est défini.
00:48:25 Et en fait, il est fondé sur plutôt une organisation
00:48:29 qui vient des pouvoirs publics.
00:48:32 Il y a à la fois beaucoup de prélèvements
00:48:35 et beaucoup de ce qu'on peut appeler effectivement de droit
00:48:39 ou davantage de prise en charge aussi,
00:48:41 mais avec tout ce système-là.
00:48:43 Et il y a un système qui est plus néolibéral,
00:48:46 qui est un autre modèle que certains,
00:48:48 donc qui est plutôt le modèle d'Etat-providence britannique,
00:48:52 qui peut apparaître poussoir à certains égards pour certains,
00:48:56 mais qui est aussi un modèle pour d'autres,
00:49:00 et britannique, voire...
00:49:02 Et puis, nous, Français, mais aussi Allemands, d'ailleurs,
00:49:05 on est un 3e modèle
00:49:07 que cet auteur appelle conservateur corporatiste,
00:49:10 parce que c'est des droits qui sont liés...
00:49:12 Alors, c'est pas très...
00:49:13 On voit qu'il n'a pas un très grand...
00:49:15 -C'est peut-être pas son modèle préféré.
00:49:17 -C'est pas son modèle préféré.
00:49:18 Mais en tout cas, c'est des droits liés plutôt aux cotisations
00:49:23 qui sont prélevés sur le salaire
00:49:25 et ce qui amène d'autres types de droits.
00:49:27 Donc déjà, juste par rapport à ça,
00:49:30 c'est vrai qu'il y a beaucoup de choses,
00:49:31 comme la flexisécurité,
00:49:33 qui sont des modèles liés au modèle scandinave,
00:49:35 comme on dit quelques fois aussi.
00:49:37 -La flexisécurité, c'est un parcours professionnel flexible
00:49:40 entre plein d'entreprises,
00:49:41 mais où l'Etat sécurise le parcours.
00:49:42 -Exactement. Par exemple, ça veut dire
00:49:44 "Si vous êtes au chômage, on va vous proposer des formations."
00:49:47 Donc il y a eu des volontés d'essayer de copier
00:49:51 certains aspects de ce modèle.
00:49:53 Ca se passe pas toujours bien,
00:49:55 parce que le contexte est vraiment quand même très différent.
00:49:58 Et en réalité, il y a un système,
00:50:01 c'est un système qui s'est construit dans le temps,
00:50:03 qui s'est construit avec une histoire,
00:50:05 qui s'est construit avec des institutions,
00:50:07 et quand on se contente d'essayer d'amener une partie du modèle,
00:50:10 parce que c'est toujours la partie qui nous intéresse,
00:50:13 généralement, ça marche pas très bien.
00:50:15 Donc du coup, je dirais,
00:50:17 c'est difficile de vouloir transposer juste une partie du modèle.
00:50:20 -Surtout qu'il faudrait augmenter très fort les impôts.
00:50:23 Si on voulait vraiment éviter le modèle scandinave,
00:50:25 il faudrait augmenter très fort les impôts.
00:50:28 -Par contre, ce que je trouve intéressant,
00:50:29 c'est cette question de cases dont on a parlé tout à l'heure,
00:50:33 et cette question, comment ils floutent les cases ?
00:50:36 Comment ils permettent que les cases
00:50:38 ou les frontières des cases peuvent être traversées ?
00:50:41 Et ça, c'est hyper intéressant.
00:50:42 Et il y avait une question sur comment l'Etat nous aide...
00:50:45 -On parle toujours du modèle scandinave, là, vous voulez dire ?
00:50:47 -Oui, du modèle scandinave
00:50:48 et de ce qui serait intéressant à amener ici.
00:50:50 C'est-à-dire que l'Etat français a des cases,
00:50:52 et il faut rentrer dans les cases pour...
00:50:53 Et nous, ce qu'on travaille avec l'Etat français,
00:50:55 c'est de se rendre compte qu'il y a des passerelles, en fait,
00:50:57 entre les cases,
00:50:58 et que c'est là où se crée la finesse,
00:51:01 l'intervention, l'accueil de l'individu, etc., etc.
00:51:05 Et c'est de démontrer à l'Etat français que, oui,
00:51:07 on a compris qu'il avait besoin de ces cases,
00:51:08 parce que lui, il est intervenant comme ça,
00:51:11 mais que, par contre, il doit permettre aux acteurs
00:51:13 qu'ils financent
00:51:14 d'aller mettre de la porosité et de la capillarité
00:51:18 entre les cases.
00:51:20 Et ça, c'est hyper intéressant,
00:51:21 parce que ça, c'est cette histoire de restaurant des pattes
00:51:22 qui s'ouvre vers l'extérieur.
00:51:24 C'est vraiment cette histoire-là
00:51:26 où, en fait, le travailleur devient pauvre,
00:51:29 le pauvre devient travailleur,
00:51:30 et on a besoin de cette capillarité
00:51:32 aussi dans l'invention des solutions
00:51:34 et aussi dans arrêter de nous enfermer, en fait.
00:51:36 Laissez-nous ouvrir les fenêtres
00:51:38 parce que quand on ne peut pas passer par la porte,
00:51:40 on peut passer par la fenêtre.
00:51:41 -Qu'est-ce que c'est ? Françoise ?
00:51:43 -Moi, je n'aime pas me prononcer sur les systèmes de démocratie,
00:51:49 mais je pense que ce qui est important de voir,
00:51:52 et monsieur, vous l'avez dit,
00:51:54 il y a aujourd'hui des acteurs sur les territoires
00:51:57 qui font plein de choses sur l'évolution des EHPAD
00:52:01 avec des ouvertures, justement, à la population, à la cité.
00:52:06 Et je pense, par exemple, à la Cité des aînés,
00:52:09 que je vous invite à aller voir sur Internet,
00:52:14 qui est vraiment ouverte aux personnes, aux familles,
00:52:18 à la population, avec un restaurant, effectivement,
00:52:22 un petit magasin à l'intérieur de l'EHPAD,
00:52:24 une rue même qui traverse l'EHPAD,
00:52:29 et même des systèmes qui sont en train d'être pensés,
00:52:33 notamment avec la domotique,
00:52:35 pour permettre à des personnes, y compris atteintes d'Alzheimer,
00:52:39 de pouvoir être aussi dans la société.
00:52:42 Et je pense qu'il y a un rapport, justement, qui vient de sortir,
00:52:48 qui est porté par la Fédération nationale
00:52:49 de la mutualité française
00:52:52 et l'AMF, l'Association des maires de France,
00:52:54 qui font leur 2e baromètre social,
00:52:58 qui vient sortir à l'occasion du Salon des maires,
00:53:01 qui pointe, justement, toutes ces dynamiques
00:53:02 qu'il y a sur les territoires
00:53:05 et qui peuvent être, justement,
00:53:06 servir de base d'expérimentation à l'Etat,
00:53:13 au pouvoir public, pour pouvoir regarder
00:53:15 comment on peut les essaimer,
00:53:16 les développer sur l'ensemble du territoire,
00:53:19 tout en ayant en tête qu'il faut que ces dispositifs
00:53:22 répondent aussi aux besoins,
00:53:24 qu'ils tiennent compte des différences et des besoins...
00:53:27 -On a du mal à la différence.
00:53:28 -Qu'ils compartent vraiment des besoins
00:53:30 des personnes sur les territoires.
00:53:32 -Selon les territoires, évidemment.
00:53:33 -Mais il y a des choses qui existent,
00:53:35 et je pense qu'il y a des acteurs sur les territoires
00:53:37 qui se mobilisent entre les collectivités territoriales,
00:53:40 les mutuelles, les entreprises, les coopératives.
00:53:45 Il y a des choses qui se passent sur les territoires.
00:53:48 Et c'est ça qui est un peu le côté positif aussi
00:53:50 dans le contexte un peu anxiogène
00:53:52 dans lequel on vit en permanence.
00:53:54 C'est qu'il y a des solutions possibles
00:53:57 mais qu'il faut les accueillir,
00:54:01 il faut faire la coopération d'acteurs,
00:54:04 fédérer les acteurs,
00:54:05 et puis que tout ce qui est bonne expérience
00:54:10 et qui montre leur preuve et leur impact
00:54:13 puisse se servir pour aller dans des politiques plus larges.
00:54:18 -Merci. Est-ce qu'il y a peut-être une autre question, monsieur ?
00:54:26 -Oui. Une vulnérabilité qu'on retrouve
00:54:29 chez les personnes en situation de précarité,
00:54:32 c'est notamment la fragilité
00:54:34 par rapport à la complexité de notre société,
00:54:37 et en particulier par rapport à ce qu'on appelle
00:54:39 la fracture numérique,
00:54:40 puisqu'on a besoin effectivement du numérique maintenant
00:54:43 pour accéder aux services sociaux, pour trouver un emploi,
00:54:45 même pour aller chez le médecin avec d'autres libres, etc.
00:54:48 Est-ce que vous avez des actions ?
00:54:49 Je pensais à vous, madame Lerreur,
00:54:50 ou éventuellement vous, madame Renaud-Vauvoir,
00:54:53 par rapport à ça,
00:54:54 pour soutenir des projets ou des actions
00:54:56 qui visent à lutter contre cette fracture numérique.
00:54:58 -Alors, ouais.
00:55:00 Tu veux que je... Et puis ouais, on se...
00:55:02 Alors nous, du côté des accorderies, du coup,
00:55:05 oui, complètement, avec...
00:55:08 Alors on a été soutenus par des partenaires
00:55:09 sur la question numérique, sur les ateliers numériques,
00:55:12 l'accompagnement numérique, ce qu'on a vu.
00:55:14 Alors il y a plusieurs constats qui sont intéressants.
00:55:17 C'est qu'en fait, il y a des gens
00:55:18 qui ne veulent pas passer au numérique.
00:55:19 Donc ça sert à rien de vouloir leur apprendre le numérique.
00:55:22 En fait, ils ont la patate du numérique
00:55:25 et ils veulent juste retrouver le contact humain.
00:55:27 Et en fait, la façon de les aider,
00:55:28 c'est de remettre du lien et de l'humain là-dedans
00:55:30 et donc de faire pour eux sur le numérique
00:55:32 en buvant une tasse de thé,
00:55:34 et beaucoup plus efficace que de vouloir absolument
00:55:36 leur apprendre à se servir de cet ordinateur.
00:55:38 Donc ça, c'est déjà très important.
00:55:40 Deuxièmement, c'est que dans le cadre
00:55:42 des grandes vulnérabilités,
00:55:43 on est effectivement sur l'accompagnement individuel.
00:55:46 C'est-à-dire que tout ce qui est en atelier collectif
00:55:49 d'apprentissage sur des grands trucs,
00:55:51 tant que la personne ne se pose pas la question
00:55:52 et qu'elle a pas le besoin ici et maintenant,
00:55:55 en fait, les ateliers collectifs ne servent à rien.
00:55:57 Et donc il y a vraiment besoin,
00:55:59 et de faire de l'accompagnement sur l'outil de la personne.
00:56:02 C'est-à-dire que notamment,
00:56:03 on a travaillé avec un certain nombre de personnes âgées,
00:56:05 et en fait, on leur donne des tablettes,
00:56:08 et en fait, elles ne voient pas l'intérêt des tablettes
00:56:09 parce qu'elles, son enfant, son fils lui a acheté un téléphone,
00:56:13 et que c'est avec le téléphone ou avec une borne intelligente,
00:56:17 il faut pas que je fasse de la pub, voilà, qui est là,
00:56:19 et c'est vraiment adapter individuel et faire au cas par cas.
00:56:23 Donc il y a à la fois de dire,
00:56:24 oui, on est d'accord, le numérique, il est partout,
00:56:26 mais on a le droit aussi de vivre sans numérique,
00:56:28 et nous, on le voit dans nos communautés de vie,
00:56:31 le lien entre les accordeurs,
00:56:32 on a bien un espace membre, on a bien un espace numérique,
00:56:35 c'est pas le premier vecteur des échanges.
00:56:37 Le premier vecteur des échanges, c'est le local.
00:56:40 Et donc il y a ce besoin de recréer les liens,
00:56:42 et on peut pas l'effacer.
00:56:45 -Mais il faut pas l'effacer.
00:56:47 Françoise, vous vouliez ajouter quelque chose ?
00:56:48 -Oui, moi, je voulais juste rajouter
00:56:49 que nous, on soutient effectivement
00:56:52 des structures, des associations
00:56:55 qui permettent, qui facilitent l'accès au numérique
00:57:00 pour des personnes qui, soit, ne veulent pas
00:57:03 ou n'ont pas tout simplement les outils.
00:57:06 Donc ça peut être sous forme de soutien des tiers lieux
00:57:08 qui sont des lieux de rencontre
00:57:10 ou qui organisent des ateliers spécifiques,
00:57:14 alors collectifs ou individuels,
00:57:17 ou semi-individuels pour des personnes.
00:57:20 Je pense aussi à une structure que l'on soutient depuis longtemps
00:57:23 qui s'appelle "Voisins malins",
00:57:25 qui fait du porte-à-porte, en fait, avec des pairs,
00:57:28 entre pairs, auprès des habitants,
00:57:31 et justement, qui vont travailler avec les habitants
00:57:35 sur ces questions...
00:57:37 Ca peut être autre chose, mais y compris sur le numérique,
00:57:42 et qui permettent à ces personnes
00:57:43 qui n'ouvrent pas leurs portes à d'autres,
00:57:46 n'ouvrent pas leurs portes au CAF, par exemple,
00:57:49 aux institutions, aux collectivités,
00:57:51 mais par contre, elles font la médiation
00:57:53 pour permettre justement aux personnes
00:57:55 de pouvoir accéder à du lien, à des outils,
00:58:01 et à des structures qui les aident sur ces questions-là.
00:58:04 Et puis, il y a de grandes structures au niveau national
00:58:08 avec qui on travaille régulièrement,
00:58:09 c'est "Emmanuel Connect",
00:58:11 qui ont aussi vraiment des programmes
00:58:16 très accessibles pour des collectivités territoriales
00:58:20 qui peuvent justement ouvrir et permettre à des citoyens,
00:58:25 à leurs citoyens de pouvoir accéder et avoir des aides
00:58:30 pour accéder à leurs droits via le numérique.
00:58:32 -Ce qui est intéressant, c'est que pendant longtemps,
00:58:34 on a pensé que la fracture numérique,
00:58:36 on allait la remplir, on allait la combler,
00:58:38 et puis après, ça allait être fait.
00:58:39 Et en fait, on se rend compte que c'est complètement faux,
00:58:42 c'est continuel, en fait.
00:58:43 La question de la remise à niveau numérique,
00:58:46 de l'accès au numérique, etc.,
00:58:48 c'est une question qui sera sur toutes les années prochaines
00:58:51 pour toutes les générations.
00:58:53 Et contrairement à ce qu'on croit,
00:58:54 certains jeunes sont en fracture numérique.
00:58:57 Et donc...
00:58:58 -C'est une vulnérabilité intergénérationnelle.
00:59:00 -C'est ça. Et du coup, la façon d'y répondre, effectivement,
00:59:03 elle est vraiment multiforme,
00:59:05 parce que ça va dépendre de la vulnérabilité de la personne
00:59:07 à un moment Y ou X,
00:59:09 et toutes les solutions sont intéressantes
00:59:11 en termes de gamme. Voilà.
00:59:14 -Merci beaucoup.
00:59:16 Nous allons passer... Merci, mesdames.
00:59:17 Merci à toutes les trois.
00:59:19 (Applaudissements)
00:59:24 J'appelle maintenant sur ce plateau Armel Brières-Savart.
00:59:27 Moi, je bouge bientôt, rassurez-vous.
00:59:29 Je ne suis pas collé au siège.
00:59:31 Je donnerai bientôt la parole à mon collègue.
00:59:34 Merci d'être avec nous, Armel. Bienvenue.
00:59:38 Est-ce que... Oui, votre nom apparaît.
00:59:42 Avec vous, nous allons parler d'une expérimentation de terrain
00:59:46 où, vraiment, pour le coup, on est là encore sur le terrain.
00:59:49 On pourrait presque parler d'un petit miracle.
00:59:51 Ce petit miracle, peut-être qu'une partie du public ici le connaît,
00:59:53 parce qu'il existe une série de télé diffusée sur TF1
00:59:57 qui s'appelle "Lycée Toulouse-Lautrec".
00:59:59 La saison 1, c'était en début d'année.
01:00:01 La saison 2 va être diffusée très bientôt.
01:00:03 Et le Lycée Toulouse-Lautrec,
01:00:05 c'est un établissement Toulouse-Lautrec,
01:00:06 parce que ce n'est pas simplement un lycée.
01:00:08 Ça commence au CP et ça termine au BTS.
01:00:11 Donc c'est vraiment très large.
01:00:12 Ce petit miracle, vous y êtes, vous, médecin, Armel.
01:00:16 Et vous racontez cette expérience dans un très beau livre qui est là.
01:00:19 Je vais aller le chercher, il n'est pas loin.
01:00:21 -Merci. -Ça va être interactif.
01:00:23 -Oui, c'est un petit peu où reprendre ce que disait Zoé tout à l'heure.
01:00:26 C'est un lycée qui ne rentre dans aucune case.
01:00:28 -Oui, forcément.
01:00:29 -Donc parce qu'effectivement, il y a toute une partie...
01:00:33 Alors voilà, effectivement, le livre que j'ai écrit,
01:00:35 qui est sorti l'année dernière.
01:00:36 -Il s'appelle "Le handicap au fond du cartable",
01:00:37 aux éditions du CERF.
01:00:39 -Et qui raconte l'histoire de mes patients,
01:00:42 puisque je suis médecin là-bas depuis une quinzaine d'années.
01:00:45 Et donc c'est une école qui, à la fois,
01:00:47 donc il y a une partie complètement scolaire
01:00:49 qui dépend d'ailleurs de l'éducation nationale,
01:00:52 donc du CPO-BTS,
01:00:53 et puis collée à cette école, donc il y a un centre de soins
01:00:57 qui dépend, lui, d'une association privée.
01:00:59 Donc moi, je suis médecin...
01:01:01 Je suis un des cinq médecins de cette structure de soins.
01:01:04 Je ne suis pas médecin scolaire,
01:01:05 puisque là, ça dépend de l'association.
01:01:07 -Donc on a mis médecin scolaire.
01:01:08 -C'est pas grave, mais c'est pour vous montrer...
01:01:09 -On a mis médecin spécialisé en médecine.
01:01:11 -Oui, c'est ça, mais c'est pour vous montrer que je travaille dans une école,
01:01:13 mais sans être médecin scolaire...
01:01:14 Là, on est vraiment dans la capitalité.
01:01:16 On a réussi, pour une fois, comme quoi c'est possible.
01:01:20 Et donc effectivement, on accueille 250 jeunes
01:01:23 en situation de handicap moteur et une centaine de valides.
01:01:27 Donc on est vraiment dans la mixité inversée.
01:01:29 -C'est ça. C'est-à-dire que la minorité,
01:01:32 ce sont les enfants valides,
01:01:33 et la majorité, ce sont les enfants en situation de minorité.
01:01:34 -La norme, c'est les enfants handicapés, en fait.
01:01:36 D'habitude, c'est plutôt le hors-norme, le handicap,
01:01:37 mais là, on est dans la norme.
01:01:39 Et puis ce sont des jeunes qui sont très lourdement handicapés,
01:01:42 puisque certains sont branchés sur des machines 24 heures sur 24
01:01:44 pour respirer.
01:01:47 Ils ont beaucoup de soins, beaucoup de rééducation.
01:01:49 Et en fait, dans leur emploi du temps scolaire,
01:01:51 on mêle tout le côté médical et paramédical.
01:01:54 C'est vraiment du surmesure pour chacun.
01:01:55 -C'est ça. En fait, ce qui est intéressant,
01:01:57 c'est un peu le fil rouge de cette soirée.
01:01:58 On est vraiment dans le...
01:02:01 Comment dire ?
01:02:03 Le fait que l'institution tienne compte absolument
01:02:05 de la singularité de chaque élève,
01:02:07 parce que les handicaps moteurs, en fait, sont très variés.
01:02:10 Chaque situation, pratiquement, est à la part.
01:02:12 -Et puis en fonction de l'évolution de sa maladie aussi.
01:02:14 Il y a des moments où c'est plus compliqué que d'autres.
01:02:17 Et puis une des spécificités de l'établissement,
01:02:18 c'est qu'il n'y a pas d'AESH,
01:02:21 ce fameux accompagnement d'élèves en situation de handicap
01:02:24 qu'on retrouve d'habitude dans le milieu valide.
01:02:26 Là, ils sont toujours aussi dépendants, nos jeunes.
01:02:29 Mais par contre, on va leur apprendre tous les outils
01:02:32 pour être au maximum autonome.
01:02:33 On reste dans l'indépendance, mais on est dans l'autonomie.
01:02:36 Donc on va leur apprendre en classe.
01:02:39 Tous les cours sont numérisés.
01:02:41 Ils ont la dictée vocale, le clavier visuel, le mini-clavier,
01:02:44 le touchpad, tout ce qu'il leur faut
01:02:45 pour être au maximum autonome.
01:02:48 Il y a l'accessibilité des locaux, ça, c'est évident.
01:02:52 Ils restent dépendants, donc ils ont besoin d'une personne
01:02:54 pour les aider à la cantine.
01:02:55 Mais ça va être justement le jeune valide
01:02:57 où il y a des éducateurs aussi, etc.
01:02:59 -C'est ça. Et alors, ce qui est intéressant,
01:03:01 c'est que là, vous avez évoqué la partie technologique.
01:03:04 Il y a une part de numérique, évidemment,
01:03:06 qui joue un rôle important.
01:03:07 Mais c'est aussi une question organisationnelle.
01:03:09 C'est-à-dire que les emplois du temps,
01:03:11 les cours des enseignants, tout ça est pensé
01:03:13 pour laisser une place aux soins.
01:03:15 -Voilà. Effectivement, ils ont quand même
01:03:17 des emplois du temps de ministre, les enfants,
01:03:19 parce qu'il faut réussir à accaser,
01:03:20 il y a les séances de kiné, l'ergo,
01:03:23 enfin, il y a beaucoup de choses.
01:03:24 Mais c'est des classes à petites effectives.
01:03:26 Donc aussi, c'est plus facile de sortir de classe
01:03:28 et de revenir en classe.
01:03:29 Le prof, du coup, va s'adapter aussi.
01:03:32 Et aussi, tous nos jeunes font du sport.
01:03:34 On ne va pas faire la séance de rééducation sur l'heure de...
01:03:37 On ne va pas s'apprendre sur l'heure de sport.
01:03:39 Ils ont beau ne rien bouger,
01:03:40 parce que ça peut être des myopathes, des tetraplégiques,
01:03:42 ils sont tous...
01:03:44 Voilà, cours de sport, ce qui est rare
01:03:45 pour des jeunes en situation de handicap.
01:03:47 En milieu valide, généralement,
01:03:48 ils sont sur le banc de touche à faire l'arbitre,
01:03:49 alors que là, ils ont vraiment du sport adapté.
01:03:53 Ils ont tous une note au bac pour le sport.
01:03:55 -D'accord.
01:03:56 Et c'est noté, on pourrait dire...
01:03:59 -Oui, il y a les mêmes exigences.
01:04:01 -C'est ça ? Comment ça se passe pour les professeurs ?
01:04:03 -Le même programme.
01:04:05 -Parce qu'entre un enfant très lourdement handicapé,
01:04:07 physiquement, et un enfant "légèrement handicapé" sur l'heure,
01:04:12 il ne faut pas noter la même chose.
01:04:13 -Bah si, il y a les mêmes exigences pour chacun.
01:04:16 Après, il y a des modalités différentes.
01:04:17 Il va y avoir du tiers-temps, des choses comme ça.
01:04:19 Mais en tout cas, c'est les mêmes exigences
01:04:21 que pour n'importe quel élève de France.
01:04:23 Il passe le même brevet, c'est le même programme.
01:04:26 Mais effectivement, c'est du petit effectif,
01:04:27 donc c'est plus facile.
01:04:29 On est plus sur le sur-mesure, dans l'accompagnement sur-mesure.
01:04:32 -Ce que vous disiez même, vous me disiez,
01:04:33 c'est qu'il est possible parfois, dans certains cas,
01:04:36 que certains plats, quand même particulièrement en élève,
01:04:38 vous essayez de l'avoir, ce plat.
01:04:40 Là, c'est un cas un peu exceptionnel,
01:04:42 mais enfin, ça peut arriver.
01:04:44 C'est pas dans toutes les écoles, c'est comme ça, effectivement.
01:04:46 -Oui, on essaie effectivement d'être au maximum
01:04:50 dans ce qu'il faut pour les jeunes.
01:04:52 On va peut-être l'adapter un peu différemment,
01:04:54 mais par exemple, je pense à un jeune
01:04:55 qui voulait vraiment participer au cours de piscine, de natation,
01:04:58 parce qu'on a une piscine dans l'école.
01:05:00 Il est branché sur une machine 24 heures sur 24 pour respirer,
01:05:03 donc c'est un peu compliqué quand même.
01:05:04 On peut pas le débrancher.
01:05:06 Eh bien, on avait fabriqué une espèce de petit bateau
01:05:08 sur lequel on met la machine.
01:05:10 Voilà, du coup, il peut se baigner.
01:05:12 Alors, évidemment, il y a beaucoup de monde autour,
01:05:13 parce qu'il faut faire...
01:05:15 Mais voilà, il a réussi à participer au cours de natation.
01:05:19 C'est vraiment l'adaptation comme ça.
01:05:22 -Et est-ce que les résultats scolaires sont bons ?
01:05:25 -Oui, alors, ils sont très bons.
01:05:26 Alors, je pense qu'aussi...
01:05:29 Effectivement, ils sont numéro 1 des Hauts de Seine.
01:05:31 -Numéro 1 des Hauts de Seine.
01:05:32 -Numéro 1 des Hauts de Seine.
01:05:33 C'est pas le département le plus démuni de France, en plus.
01:05:34 -Depuis plusieurs années, le classement...
01:05:36 -Avant de Y, avant...
01:05:37 -Le classement du Parisien.
01:05:38 Alors après, je pense que dans la case
01:05:40 où il faut justement emmener les élèves handicapés jusqu'en haut,
01:05:43 ils y arrivent très bien et que là, ils doublent tout le monde.
01:05:45 Donc peut-être que c'est un peu biaisé comme ça.
01:05:46 Je ne sais pas, mais...
01:05:48 En tout cas, ils ont des bons résultats.
01:05:49 -Ils ont des bons résultats, mais sans rentrailles.
01:05:52 C'est-à-dire que souvent,
01:05:53 ce qu'on s'aperçoit dans le système en milieu valide,
01:05:56 comme vous dites, c'est que les élèves,
01:05:58 ils ont énormément de soins,
01:05:59 ils ont une vie à côté qui est lourde,
01:06:01 ils ont parfois des problèmes, évidemment,
01:06:04 qu'on peut imaginer d'une vie, d'un enfant en situation de handicap,
01:06:07 ce qui va peser sur leur réussite scolaire.
01:06:10 Alors que là, effectivement,
01:06:11 tout est fait pour qu'a priori, ils y arrivent.
01:06:14 -Oui, les familles qui arrivent, elles ont parfois du mal à arriver
01:06:17 parce que c'est quitter quand même le milieu valide,
01:06:18 c'est renoncer à beaucoup de choses.
01:06:21 -Ca peut être impressionnant comme ça
01:06:22 quand on arrive dans l'établissement.
01:06:24 -Oui, c'est impressionnant parce qu'on a tous ces jeunes
01:06:26 qui, à toute vitesse, se déplacent avec leurs fauteuils.
01:06:30 C'est une cour de récréation, mais avec les mêmes bruits,
01:06:33 mais pas tout à fait la même chose quand même quand on regarde.
01:06:36 Et effectivement, ils viennent un peu poser leur valise,
01:06:38 ils le disent, puisqu'effectivement,
01:06:40 tout est sur place, donc c'est quand même beaucoup plus simple.
01:06:44 Voilà, ils respirent à nouveau.
01:06:47 -Et alors, qui sont les enfants valides ?
01:06:49 Enfin voilà, justement...
01:06:51 -Alors, historiquement, en fait, l'histoire de cette école,
01:06:53 elle est née... C'est un établissement
01:06:54 qui est partenaire de l'hôpital de Garches.
01:06:56 -On n'a pas dit que ça se passe à Vaucresson.
01:06:57 -Vaucresson, dans les Hauts-de-Seine,
01:06:58 juste à côté de l'hôpital de Garches.
01:06:59 C'est un établissement qui est partenaire de l'hôpital de Garches.
01:07:01 Et en fait, historiquement, il a été créé à la fin des années 70
01:07:05 par les médecins de Garches qui soignaient ces jeunes
01:07:08 et qui disaient qu'ils ont toutes leurs têtes,
01:07:10 mais ils ont quand même beaucoup de soins,
01:07:12 ce serait bien qu'il y ait une structure
01:07:13 qui puisse les accueillir pas très loin de l'hôpital,
01:07:15 parce qu'on pourrait aussi quand même les suivre,
01:07:17 on pourrait former des gens qui pourraient être
01:07:20 à leur chevet scolaire.
01:07:23 Et puis ils ont fait le tour des municipalités du coin,
01:07:26 et en fait, la municipalité de Vaucresson,
01:07:27 qui est juste à côté, dit "Nous, on a un terrain
01:07:29 "et justement, on veut construire une école,
01:07:31 "donc on est d'accord pour ce projet,
01:07:33 "mais par contre, il faudrait quand même
01:07:34 "que vous accueilliez dans cette école
01:07:36 "des jeunes de Vaucresson."
01:07:38 Donc c'est comme ça que, historiquement,
01:07:41 ça s'est créé, avec cette mixité, donc valides-handicapés.
01:07:43 -D'accord. -Qui existent toujours.
01:07:45 -Donc ce sont les habitants, la plupart des enfants valides,
01:07:47 ce sont les habitants... -Oui, qui habitent pas très loin.
01:07:49 -Qui sont pas très loin.
01:07:50 -Et il s'appelle Toulouse-Lautrec, parce que... Pourquoi ?
01:07:54 -Toulouse-Lautrec, c'est en hommage à Henri Toulouse-Lautrec,
01:07:56 qui était un artiste bien connu,
01:07:59 mais qui était aussi institution de handicap.
01:08:00 En fait, il avait une maladie génétique
01:08:02 avec une dysmorphie osseuse.
01:08:04 -Il n'y en a pas tant que ça, quand on y pense
01:08:06 des noms d'artistes très connus qui souffraient des handicaps.
01:08:10 Il n'y en a pas tant que ça, en fait.
01:08:11 -On voit l'arrêt, en tout cas.
01:08:12 C'est vrai que quand vous regardez les photos de lui,
01:08:14 on voit effectivement qu'il a une dysmorphie osseuse.
01:08:16 -C'est ça. -Donc un handicap moteur.
01:08:18 -Il y a un mot sur lequel vous insistez beaucoup,
01:08:19 c'est le mot que vous l'avez évoqué rapidement,
01:08:21 c'est le mot "autonomie".
01:08:23 -Oui, on parle beaucoup aux jeunes d'autonomie.
01:08:25 Alors quand on les voit arriver et qu'ils bougent rien,
01:08:29 ou juste la joystick de leur fauteuil roulant,
01:08:31 on se dit "Qu'est-ce que je suis en train de leur raconter ?"
01:08:34 Là, je dis qu'ils vont être autonomes ici.
01:08:36 Les parents nous regardent aussi avec les yeux.
01:08:38 "Mais pourquoi vous voulez pas les autonomies ?"
01:08:39 "Regardez."
01:08:41 Et en fait, il faut bien distinguer autonomie et dépendance.
01:08:45 C'est vraiment des choses différentes.
01:08:46 Et vraiment, nous, on les...
01:08:48 -Autonomie et indépendance, vous voulez dire.
01:08:50 -Ils sont dépendants, mais on les rend...
01:08:52 Enfin, ils restent dépendants,
01:08:54 mais par contre, on arrive à les rendre autonomes.
01:08:56 -Qu'est-ce que ça veut dire, "autonome" ?
01:08:57 -Alors voilà, si on reprend l'étymologie de "autonomie",
01:09:01 "auto", c'est soi-même, et "nomo", c'est la loi.
01:09:04 Donc finalement, c'est arriver à définir pour soi-même
01:09:07 avec ses propres limites
01:09:08 et avec surtout tous les outils de compensation.
01:09:11 Voilà, ce qui est bon pour soi, les règles pour soi,
01:09:13 et finalement, être en capacité non plus de subir sa vie,
01:09:16 mais d'arriver à faire des choix.
01:09:18 Les jeunes, vraiment, ils adhèrent à ce projet d'autonomie,
01:09:24 et pour eux, c'est plus du tout quelque chose de négatif
01:09:26 ou qui leur renvoie à leur handicap.
01:09:28 Au contraire, ça leur ouvre des portes.
01:09:30 -Et le mot "handicap" lui-même a une étymologie particulière.
01:09:32 -Oui, le mot "handicap", je sais pas si vous avez réfléchi,
01:09:36 mais en fait, c'est tout simple, c'est "hand in a cap".
01:09:39 C'est les trois mots.
01:09:40 -La main dans le chapeau. -La main dans le chapeau, voilà.
01:09:42 Et c'est...
01:09:44 Le terme exact provient d'un jeu
01:09:47 qui existait dans les tavernes britanniques au XVIe siècle,
01:09:50 donc il y a très longtemps, un jeu de troc.
01:09:52 Et il y avait un arbitre qui évaluait la valeur des marchandises.
01:09:57 Et quand les marchandises n'étaient pas équitables,
01:09:59 il y avait de l'argent qu'on mettait dans un chapeau.
01:10:01 Et donc celui qui prenait la marchandise la moins importante
01:10:04 prenait...
01:10:05 C'est une compensation qu'on prenait dans le chapeau.
01:10:07 On mettait la main dans le chapeau et on prenait cette compensation.
01:10:10 Le mot "handicap" est passé après dans le sport.
01:10:14 -Oui, dans le golf, notamment.
01:10:16 Quand on a un handicap, c'est qu'on est très fort.
01:10:18 -C'est le très fort.
01:10:19 C'est le plus fort qui a un handicap.
01:10:20 -On a un handicap parce qu'on est très fort.
01:10:22 -Du coup, on va lui faire faire un parcours de golf plus grand,
01:10:25 un bateau, un tour de plus.
01:10:28 Donc voilà, là, ça rend...
01:10:31 C'est pas habituel, ça renvoie à celui qui est le plus fort.
01:10:34 On met la compensation pour égaliser les chances.
01:10:38 -C'est ça.
01:10:39 -C'est pas ce dont on a l'habitude.
01:10:42 Et en fait, le mot qu'on utilisait habituellement,
01:10:46 c'était plutôt le mot "débilité".
01:10:48 Débilité physique, débilité mentale.
01:10:50 -On parle plus beaucoup aujourd'hui.
01:10:51 -Non, parce que c'était raccordé à débilité mentale.
01:10:53 Mais c'était aussi la débilité physique
01:10:55 qui, là, vient donc du latin,
01:10:57 debilitas, qui veut dire faiblesse, manque de force.
01:11:01 Donc ça, c'est aussi intéressant de voir
01:11:02 la démologie du mot "handicap".
01:11:04 -On l'a dit, vous êtes une structure un peu hors les cases.
01:11:07 Est-ce que le fait d'être l'objet d'une série télé
01:11:12 qui a un certain succès
01:11:13 vous a donné une visibilité supplémentaire ces derniers temps ?
01:11:17 -C'est vrai que le lendemain de la diffusion
01:11:18 du premier épisode de la série...
01:11:20 -Qui est tournée dans l'établissement.
01:11:21 -Qui est tournée dans l'école.
01:11:23 La scénariste ou réalisatrice
01:11:25 est une ancienne élève de l'école, Valide,
01:11:27 qui raconte sa propre histoire, elle, de Valide,
01:11:29 dans cet établissement, avec tout ce qu'elle y a vécu.
01:11:32 Elle y est arrivée avec les pieds de plomb, même arculons.
01:11:34 Son frère était en situation de handicap
01:11:36 et était scolarisé là.
01:11:37 Les parents lui ont dit que ce serait plus simple
01:11:39 si ils étaient tous les deux dans la même école.
01:11:40 En fait, elle n'avait pas du tout envie.
01:11:42 Elle a été bouleversée par tout ce qu'elle a vécu.
01:11:44 Et maintenant, 20 ans plus tard,
01:11:46 elle raconte son histoire dans cette école,
01:11:49 avec tous ses adolescents.
01:11:50 Et elle a pris comme acteur des jeunes en situation de handicap
01:11:53 de l'école.
01:11:54 Du coup, il y a un côté très touchant dans l'histoire de la série.
01:11:57 Donc effectivement, vous pouvez...
01:11:58 -Donc si on regarde la série, on peut voir...
01:12:01 -Ca se tourne dans l'école.
01:12:02 -Des personnes que vous connaissez très bien
01:12:03 et que vous regardez toujours.
01:12:05 Le personnage principal, effectivement,
01:12:06 est une jeune de l'école.
01:12:08 -D'accord.
01:12:10 -Donc là, vous pouvez voir ça.
01:12:11 Il y a eu pas mal de publicités, donc vous verrez ça.
01:12:13 -La saison 2 a été tournée, j'ai vu, cet été.
01:12:15 Donc ça devrait être diffusé bientôt.
01:12:17 -Oui, voilà. Ca devrait être... Effectivement.
01:12:19 -Merci. -Effectivement, en ce moment-là,
01:12:20 on a eu la visite des ministres.
01:12:21 Le lendemain, la diffusion du premier épisode.
01:12:22 Le lendemain, on avait deux ministres.
01:12:24 Ou trois jours après, on avait deux ministres.
01:12:26 -Il suffit quand même de pas grand-chose.
01:12:27 Merci beaucoup, Armel.
01:12:29 Je rappelle...
01:12:30 (Applaudissements)
01:12:33 Votre ouvrage s'appelle "Le handicap", au fond du cartable,
01:12:36 et c'est aux éditions du Cerf.
01:12:37 Voilà. C'est sorti l'année dernière.
01:12:39 Je vais maintenant passer le micro à mon collègue Henri Rouillet,
01:12:43 qui va entamer une conversation avec François Puiseieux,
01:12:45 le fameux gériatre, homme,
01:12:47 parce qu'il y a quand même un homme qui arrive sur ce plateau,
01:12:50 qui n'est pas encore arrivé.
01:12:51 Ah, il arrive dans 3 minutes.
01:12:54 Ah, alors peut-être que ce qu'on peut faire,
01:12:55 si jamais le public a des questions à poser,
01:12:57 peut-être à vous, Armel ?
01:13:01 Avez-vous des remarques, des questions à poser ?
01:13:03 On peut peut-être faire comme ça.
01:13:06 Madame, remettez-vous sur scène.
01:13:08 Ca s'appelle "Les aléas du direct".
01:13:10 Alors, je redis la question pour les auditeurs
01:13:21 qui nous entendent sur Internet.
01:13:22 Est-ce qu'il y existe d'autres établissements en France
01:13:24 comme le vôtre ?
01:13:25 -Sur la France entière ?
01:13:27 -Non, il n'y en a pas.
01:13:28 C'est un établissement qui est à Nerea-Cessade.
01:13:30 Là, c'est écrit juste "Erea".
01:13:32 -Oui, "Erea".
01:13:33 -Ca veut dire... Ca, c'est la partie scolaire,
01:13:35 établissement régional d'enseignement adapté,
01:13:37 et la partie Cessade, c'est la partie centre de soins.
01:13:40 Et donc, on est vraiment dans cette capillarité
01:13:42 entre ces 2 cases.
01:13:44 Et il n'y en a pas, non, effectivement, d'autres.
01:13:47 La spécificité de celui-ci, c'est que ça va du CP au BTS.
01:13:50 Il y a quelques Erea, bien sûr, en France.
01:13:52 Il y a quelques Cessades aussi, mais les 2 conjoints, non.
01:13:56 Et donc la spécificité, c'est que ça va du CP au BTS,
01:13:58 que c'est un internat aussi, et que c'est de la filière générale.
01:14:01 Parce que souvent, il y a de la filière professionnelle.
01:14:04 C'est ça, les spécificités, qui fait qu'il est unique en France.
01:14:08 Est-ce qu'il est question d'en ouvrir d'autres ?
01:14:09 -Vous aimeriez qu'il y en ait d'autres ?
01:14:11 -Moi, je pense que oui.
01:14:12 Il y a de la... Enfin, l'inclusion...
01:14:14 Voilà, il y a la place pour toutes les structures d'inclusion,
01:14:17 toutes les formules d'inclusion.
01:14:18 Le handicap est tellement varié.
01:14:20 L'inclusion au milieu valide, c'est pas toujours très facile.
01:14:23 Il faut que ça soit réussi à 360 degrés
01:14:26 pour le jeune, sa famille, les autres élèves, le professeur.
01:14:31 C'est pas toujours évident.
01:14:32 -On a l'impression que c'est un peu la politique
01:14:33 qui est suivie par l'État depuis une vingtaine d'années.
01:14:36 -Oui, puisqu'elle est plus politiquement correcte.
01:14:38 -C'est-à-dire que c'est cette idée.
01:14:39 Donc l'inclusion, ça veut dire en milieu valide,
01:14:42 on laisse la place à des enfants en situation de handicap
01:14:45 et non pas le contraire.
01:14:47 -Cet établissement, là, tous les autres aigles, par exemple,
01:14:49 effectivement, on peut se dire que ça peut être un ghetto aussi.
01:14:51 Parce que là, on les a tous rassemblés.
01:14:54 Et puis, curieusement,
01:14:56 il y a quand même un grand mur d'arbres, des épineux.
01:15:00 C'est caché quand même.
01:15:02 -Oui, c'est intéressant.
01:15:04 Et ça, ça date de l'époque, peut-être aussi,
01:15:06 de ce que vous disiez, de la fin des années 70.
01:15:09 -Il faut aller le chercher.
01:15:10 Pour y arriver, il faut le chercher.
01:15:11 Vous voyez, c'est pas non plus...
01:15:12 -Il se mérite.
01:15:14 -Je ne sais pas.
01:15:15 Oui, et c'est une histoire de volonté politique.
01:15:19 -Donc les ministres peuvent venir vous visiter
01:15:21 sans que forcément ça augure de projets,
01:15:23 de grands projets à venir ?
01:15:25 -Il était question d'ouvrir un deuxième établissement comme ça
01:15:27 plutôt dans la banlieue est de Paris, pas la banlieue ouest.
01:15:30 Mais voilà, ça prend du temps.
01:15:32 Ce qui est intéressant, c'est aussi la mixité valide/handicapée.
01:15:34 Voilà, est-ce qu'il y a une autre...
01:15:36 -C'est d'ailleurs ce qui devrait être mis en avant,
01:15:39 cette mixité.
01:15:40 Mais quand vous parliez tout à l'heure
01:15:43 des résultats très positifs de ce type d'établissement,
01:15:47 on devrait, au contraire, prendre l'exemple de ceux-là
01:15:50 et en faire davantage.
01:15:52 Enfin, je sais pas...
01:15:53 -Est-ce qu'il y a une histoire de coût ?
01:15:54 -Non, je crois que ça coûte pas très cher parce que...
01:15:58 -Parce qu'on se dit, comme vous disiez,
01:16:00 il y a une piscine, il y a des piscinets...
01:16:01 -Non, mais ça, c'est la région, le département.
01:16:03 La structure scolaire, c'est la région, les départements.
01:16:06 Et puis après, la structure de soins, c'est du médico-social.
01:16:09 Donc on a des salaires du médico-social.
01:16:13 Donc c'est pas ça qui...
01:16:14 -Les salaires pas...
01:16:15 -Non, vous voyez, l'infirmière scolaire...
01:16:17 -Moins mirobolant que ce soit de l'éducation nationale,
01:16:19 ce qui n'est pas peu dire.
01:16:20 -Exactement, ça, c'est vrai.
01:16:21 Parce qu'il y en a des infirmières scolaires
01:16:22 et des infirmières médico-sociales,
01:16:24 elles font le même travail,
01:16:25 mais elles vont pas avoir le même salaire.
01:16:26 Et celles du scolaire sont mieux payées.
01:16:29 Donc merci beaucoup.
01:16:31 -Merci, madame.
01:16:33 -Il y a une autre question ?
01:16:35 -Oui.
01:16:37 Votre expérience paraît...
01:16:40 enfermée dans le "tout est possible".
01:16:44 Un enfant en situation de difficulté,
01:16:46 des enfants autonomes.
01:16:49 Vous parlez beaucoup de mixité,
01:16:51 mais est-ce que le mot "entraide" aurait le même poids ?
01:16:54 Parce que j'imagine que pour aller à la piscine,
01:16:56 je pense à ce petit avec son oxygène,
01:17:00 c'est bien que ceux qui sont valides
01:17:02 participent de son plaisir et de sa réalisation.
01:17:06 -Effectivement, pour les valides qui viennent,
01:17:08 c'est quand même une démarche pas évidente,
01:17:13 ils viennent tous faire un espèce de stage
01:17:15 l'année précédente, au mois de juin,
01:17:17 pour voir s'ils sont "capables" de supporter
01:17:20 de voir tous ces jeunes en situation...
01:17:22 -D'accord, on entre...
01:17:23 -Ou peut-être qu'il y a eu des précédents difficiles.
01:17:27 -Donc on les accompagne pour accéder
01:17:30 à ce qui pourrait peut-être les freiner dans la représentation.
01:17:32 -Exactement, parce que c'est pas toujours facile
01:17:34 de soutenir le regard d'un jeune en situation de handicap.
01:17:38 -Au-delà des mots "inclusion", il y a une réalité
01:17:41 qui est parfois difficile à vivre.
01:17:44 -Effectivement, ils savent aussi...
01:17:46 Dans la série, un épisode, on montrait qu'à chaque valide,
01:17:50 on assignait un handicapé.
01:17:52 "Toi, tu seras responsable." Non, c'est pas du tout ça.
01:17:53 C'est de façon très naturelle.
01:17:55 Ils savent qu'ils doivent les aider en classe
01:17:58 à sortir leur cahier ou à ouvrir leur ordinateur,
01:18:02 parce que le professeur peut pas faire ça
01:18:04 pour les 10, 15 élèves.
01:18:06 Mais ça se fait de façon très naturelle.
01:18:07 À la cantine, il les aide à porter des plateaux.
01:18:10 Ça reste des jeunes entre eux,
01:18:12 avec aussi des moqueries, des choses comme ça.
01:18:16 -Vous comprenez ?
01:18:17 -Je faisais le lien avec ma jeunesse professionnelle
01:18:20 hospitalière, où je pense que je dois être la dernière
01:18:24 à avoir travaillé dans une salle de 40 lits d'hommes.
01:18:27 Et on voit bien qu'en 50 ans,
01:18:29 tout le monde veut une chambre particulière,
01:18:32 que même la chambre à deux lits s'assemble en monde.
01:18:36 Et donc, il y avait effectivement une entraide,
01:18:39 et nous-mêmes, jeunes soignants,
01:18:41 les hommes, entre eux, vérifiaient les urines.
01:18:44 Enfin, vraiment, ils étaient extrêmement solidaires.
01:18:47 Et je trouve qu'aujourd'hui, la modernité,
01:18:50 ça alourdit la charge, puisque finalement,
01:18:53 chacun est très seul dans sa chambre,
01:18:55 et on retrouve un sentiment de solitude qu'on n'a plus,
01:18:58 parce qu'on ne voit plus les autres non plus.
01:19:00 Il y a un travail sur le regard.
01:19:01 Vous avez beaucoup parlé du regard tout à l'heure.
01:19:03 Et il me semble, est-ce que la population est éduquée
01:19:08 à regarder ce qui se passe vraiment ?
01:19:10 Parce que du coup, on a beaucoup professionnalisé.
01:19:13 Il y a les soignants pour faire ça, les policiers pour faire ça.
01:19:16 -Il y a beaucoup de technologie.
01:19:17 -Et la technologie, effectivement.
01:19:19 -On ne peut pas manier la technologie spécialisée.
01:19:21 -Voilà, moi, ça me pose la question de savoir
01:19:23 comment, aujourd'hui, accompagner des populations,
01:19:26 en tout cas, là où je suis,
01:19:27 les populations elles-mêmes sont ignorantes
01:19:30 de comment fonctionne leur corps.
01:19:32 Il leur arrive une tuile.
01:19:33 Il faut à la fois le traiter, le comprendre.
01:19:37 Je ne sais pas comment organiser,
01:19:39 dans cette expérience que vous racontez,
01:19:41 il me semble qu'il y a de garches à vos cressons,
01:19:44 cette idée de quelqu'un,
01:19:46 comment on ne va pas laisser cette jeunesse en jachère, finalement.
01:19:49 -Tout à fait. C'est ce qu'ils ont réussi à faire.
01:19:52 -Je trouve ça formidable. -Tout à fait.
01:19:54 -Merci beaucoup. Merci, Armel.
01:19:56 Je passe cette fois vraiment la parole à mon collègue Henri Rouillet
01:20:01 et au professeur Henri Puiseieux.
01:20:05 François Puiseieux. Merci.
01:20:08 Merci, Arnaud.
01:20:15 Prenez votre temps.
01:20:16 Vous descendez du train à l'instant.
01:20:20 Alors, bonsoir à toutes, bonsoir à tous.
01:20:33 Bonsoir, monsieur Puiseieux.
01:20:35 Merci d'avoir fait le chemin jusqu'à nous ce soir.
01:20:38 Vous êtes le chef du pôle gérontologie
01:20:40 du CHU des Bâteliers à Lille.
01:20:42 Et vous êtes aussi, depuis juillet dernier,
01:20:44 le président du Gérontopole des Hauts-de-France.
01:20:47 On vous a vu dans les pages de l'Obs,
01:20:48 il y a un peu plus d'un an,
01:20:50 après que vous m'avez accueilli dans votre service,
01:20:52 dans le cadre d'une enquête qu'on avait intitulée
01:20:56 "Regarde les vieux tomber".
01:20:58 Et l'idée de cette enquête,
01:21:00 c'était de s'intéresser à une question toute bête,
01:21:03 c'est-à-dire pourquoi les gens chutent,
01:21:06 et particulièrement pourquoi les personnes âgées chutent.
01:21:08 Puisqu'à l'époque, on s'était réunis autour de cette statistique
01:21:12 qui disait que la chute était responsable
01:21:14 d'environ 10 000 décès par an.
01:21:17 Mais ce qui, moi, m'avait frappé chez vos patients,
01:21:20 c'était surtout la manière dont ils décrivaient l'après,
01:21:23 à savoir la peur de retomber, la peur de ressortir de chez soi,
01:21:27 alors qu'il y a, par exemple, de moins en moins de bancs
01:21:30 dans l'espace public.
01:21:32 Mais ce qui m'avait sauté aux yeux aussi,
01:21:34 c'était l'envie qu'avaient ces gens d'y être encore,
01:21:37 dans l'espace public,
01:21:38 d'être capables de continuer à l'arpenter.
01:21:42 -On avait aussi beaucoup parlé du sentiment de solitude
01:21:44 et d'isolement qui découlaient de tout cela.
01:21:46 Alors, dans votre CHU au Bâtelier,
01:21:49 il existe depuis plus de 25 ans
01:21:51 une consultation dédiée à la prévention de la chute,
01:21:54 qui est une bonne entrée en matière
01:21:55 quand on parle de vulnérabilité.
01:21:57 Mais en gériatrie,
01:21:58 je crois que vous préférez parler de fragilité.
01:22:00 Alors, ma première question, elle est toute simple.
01:22:03 Pourquoi fragilité plutôt que vulnérabilité ?
01:22:06 Est-ce que ces termes-là sont en concurrence ?
01:22:10 -On peut considérer, je considère en tout cas
01:22:12 que les deux termes sont très synonymes.
01:22:16 -Oui.
01:22:17 -Finalement, on peut définir la vulnérabilité
01:22:19 comme une diminution des défenses de la personne
01:22:22 qui l'expose à des dommages.
01:22:24 On définira plus volontiers, nous, gériatres, la fragilité
01:22:27 comme une diminution des capacités à faire face.
01:22:30 Mais finalement, c'est globalement la même chose, je pense.
01:22:34 D'ailleurs, avant de venir,
01:22:35 puisque je m'attendais un peu à la question,
01:22:38 j'ai regardé dans le La Rousse
01:22:39 ce qui considère que ce sont deux synonymes.
01:22:41 Alors, pourquoi j'utilise plus volontiers le terme fragilité?
01:22:44 C'est parce que c'est celui qu'on utilise le plus habituellement
01:22:47 en gériatrie et le concept de fragilité dont on va reparler,
01:22:52 qui nous est très utile et est très utile, je pense,
01:22:55 pour penser le soin et l'accompagnement
01:22:57 des personnes âgées.
01:22:59 Finalement, n'est pas immédiatement compréhensible,
01:23:02 en tout cas dans son côté pratique,
01:23:04 pour aider à la prise en soin.
01:23:06 Et pour ne pas ajouter de complications,
01:23:09 je pense qu'il est mieux de parler de fragilité.
01:23:11 En tout cas, nous, gériatres,
01:23:12 on parle habituellement de fragilité,
01:23:13 pas de vulnérabilité.
01:23:15 Il y a une notion en plus qui est propre à la fragilité
01:23:17 en gériatrie, si je ne dis pas de bêtises,
01:23:18 c'est la question de la réversibilité.
01:23:20 C'est la question qu'on peut encore faire quelque chose
01:23:23 pour éviter justement de se trouver dans un état
01:23:28 qui sera, entre guillemets, sans retour.
01:23:31 Alors, la fragilité n'est pas sans retour, justement.
01:23:34 Une caractéristique de la population âgée,
01:23:38 c'est vraiment son hétérogénéité.
01:23:40 À un même âge de 86 ans, on peut trouver des gens
01:23:42 qui sont extrêmement valides, extrêmement actifs,
01:23:45 qui ont bien vieilli,
01:23:47 qui probablement courent plus vite que je ne cours
01:23:50 et puis qui sont avec toutes leurs capacités cognitives.
01:23:55 Et à le même âge, on va trouver des personnes
01:23:57 qui sont dépendantes, qui ont besoin d'être assistées
01:23:59 dans tous les gestes de la vie quotidienne.
01:24:00 On a une très grande hétérogénéité.
01:24:03 Et pour décrire cette hétérogénéité de manière
01:24:06 un peu schématique, mais utile,
01:24:08 les gériatres distinguent trois sous-populations.
01:24:11 Les valides, qu'on appelle volontiers les vigoureux
01:24:14 ou les robustes, qui sont ces personnes très actives.
01:24:18 Les personnes dépendantes, qui par définition ont besoin
01:24:21 d'être assistées pour les actes de la vie quotidienne.
01:24:23 Et puis, entre les deux, on a cette population des fragiles.
01:24:27 Et c'est vrai que quand on suit des populations,
01:24:28 on voit qu'un certain nombre de personnes,
01:24:31 avec l'avancée en âge, vont passer d'un état vigoureux,
01:24:35 qu'on dit aussi robuste, à un état fragile.
01:24:37 Et puis, des fragiles vont basculer dans la dépendance.
01:24:41 Finalement, l'intérêt du concept de fragilité,
01:24:42 c'est à la fois d'éviter autant que faire se peut
01:24:45 la bascule dans la dépendance.
01:24:46 Et puis aussi, si finalement on repère le fragile
01:24:49 et qu'on comprend pourquoi il est fragile,
01:24:50 qu'on agit sur certains déterminants,
01:24:53 eh bien, c'est d'en refaire quelqu'un de plus robuste,
01:24:55 qui, comme vous le dites, l'éloigne du risque de dépendance.
01:24:58 - Et alors, pour vous, qu'est-ce qui définit concrètement
01:25:00 cette ligne de crête de l'état de fragilité ?
01:25:03 - Donc, la fragilité, on la définit comme une diminution
01:25:06 des capacités à faire face à un stress, à une agression.
01:25:09 On utilise aussi volonté la définition suivante qui dit
01:25:13 que la fragilité est définie comme une diminution
01:25:16 des réserves physiologiques.
01:25:18 Et le fragile, il est caractérisé par le fait qu'agresser,
01:25:22 l'agression, ça peut être bien sûr une pathologie aiguë,
01:25:25 ça peut être un stress psychologique,
01:25:26 ça peut être un décès parmi ses proches,
01:25:29 ça peut être un changement de lieu de vie.
01:25:32 Il risque de présenter un certain nombre de complications.
01:25:35 Nous, gériatres, on parle souvent de décompensation qui
01:25:38 peuvent s'entraîner les unes les autres et conduire à la
01:25:41 dépendance par ce phénomène de décompensation successive
01:25:45 qu'on appelle la cascade gériatrique.
01:25:47 - Ce que vous cherchez à éviter à tout prix ?
01:25:49 - C'est ce qu'on cherche à éviter.
01:25:51 Malheureusement, c'est un phénomène qui survient beaucoup.
01:25:53 Moi, je suis gériatre, donc hospitalier, parce que les
01:25:56 gériatres sont essentiellement hospitaliers et beaucoup
01:25:59 de personnes âgées fragiles arrivent à l'occasion
01:26:02 d'une agression.
01:26:03 Ils ont fait une infection pulmonaire.
01:26:04 Ils arrivent à l'hôpital et ils vont décompenser sur le
01:26:07 plan cardiaque, présenter un tableau d'insuffisance cardiaque
01:26:09 en plus de l'infection, être confus.
01:26:12 Ils sont donc hospitalisés pendant la confusion.
01:26:14 Pendant l'hospitalisation, ils risquent de se dénutrir,
01:26:16 voire d'installer une escarpe.
01:26:18 On est dans cette cascade et c'est très fréquent à l'hôpital.
01:26:21 On sait qu'un tiers des personnes de plus de 75 ans sortent
01:26:24 malheureusement de l'hôpital plus dépendant qu'ils n'y
01:26:27 sont entrés.
01:26:28 Bien sûr, parfois, c'est lié à la gravité de la pathologie
01:26:31 qui les amène à l'hôpital.
01:26:32 Mais souvent, c'est lié à cette cascade et cette cascade.
01:26:36 On sait qu'on peut pour partie la prévenir et donc,
01:26:39 ça a un vrai enjeu.
01:26:40 On peut pour partie la prévenir de quels outils est ce que
01:26:44 vous disposez?
01:26:45 Quels sont?
01:26:46 Quels sont les outils que vous utilisez vous tous les jours
01:26:48 auprès des patients qui arrivent dans votre cabinet?
01:26:50 Au cabinet, si on appelle le cabinet la consultation,
01:26:55 habituellement, là, on reçoit beaucoup de patients fragiles,
01:26:59 mais en dehors d'une situation d'agression.
01:27:01 Et là, l'intérêt, c'est de les reconnaître comme fragiles,
01:27:04 de savoir pourquoi ils sont fragiles, parce que finalement,
01:27:06 on n'est pas fragile, c'est à dire à risque de dépendance
01:27:09 juste parce qu'on est âgé.
01:27:10 Évidemment, plus on est âgé, plus on a un risque d'être
01:27:12 fragile.
01:27:13 Et quand on est fragile, c'est aussi souvent parce qu'on a
01:27:15 d'autres facteurs qui contribuent à la fragilité,
01:27:18 dont un mauvais état nutritionnel,
01:27:20 dont le fait de ne pas sortir, de ne pas s'exercer,
01:27:22 de ne pas avoir d'activité physique, dont le fait
01:27:25 de se déprimer, d'avoir des troubles cognitifs,
01:27:27 d'être sourd et pas appareillé.
01:27:28 Tout ça, ce sont des facteurs qui contribuent à la fragilité,
01:27:31 finalement, qu'on peut reconnaître et pour certains,
01:27:35 réverser.
01:27:36 Et on peut ainsi refaire d'un fragile quelqu'un de plus
01:27:40 vigoureux.
01:27:41 Donc ça, c'est l'activité de consultation.
01:27:43 Mais en revanche, sur mon autre activité d'hospitalisation,
01:27:46 là, on a beaucoup de fragiles qui arrivent en état d'agression
01:27:49 avec ce risque de cascade.
01:27:51 Est ce qu'il faut dans les deux cas, c'est savoir le
01:27:54 connaître, le fragile et puis agir.
01:27:57 Différemment.
01:27:59 Pour essayer d'éviter la cascade quand il est agressé ou bien
01:28:03 essayer de réverser la fragilité en dehors d'une
01:28:05 situation d'agression.
01:28:06 J'ai une question toute simple qui je vais je vais relater une
01:28:11 anecdote à laquelle j'ai assisté quand on quand on s'est vu pour
01:28:14 ce reportage.
01:28:15 Il y a quelque chose qui m'a frappé.
01:28:16 Une de vos patients qui avait peut être entre 75 et 80 ans,
01:28:22 qui à qui vous aviez prescrit un déambulateur et qui avait
01:28:27 énormément de mal à l'utiliser, qui, je crois même,
01:28:30 n'avait pas été le chercher et qui disait cette phrase là,
01:28:33 qui disait en fait, le stigmate que porte le déambulateur.
01:28:37 Le déambulateur montre au reste du monde que je suis vieille.
01:28:41 Est ce que c'est compliqué pour vos patients de reconnaître
01:28:46 cet état de cet état de fragilité?
01:28:49 Et pourquoi est ce que, à votre avis, il est peut être
01:28:52 rapidement associé à quelque chose de quelque chose de
01:28:56 négatif?
01:28:57 Alors, c'est variablement difficile.
01:29:00 Il y a des gens qui acceptent bien l'idée qu'ils vieillissent,
01:29:04 qui comprennent aussi la nécessité de corriger ce qu'on
01:29:08 peut corriger pour éviter justement cette évolution
01:29:11 défavorable.
01:29:12 Et puis d'autres, au contraire, refusent absolument tous les
01:29:17 marqueurs du vieillissement.
01:29:19 Et évidemment, le fait de se déplacer avec un déambulateur
01:29:22 à l'extérieur, c'est ce qu'on appelle un relator à quatre
01:29:24 roues et le fait de se déplacer avec un relator pour certaines
01:29:27 personnes, c'est inacceptable.
01:29:28 Même une canne, c'est inacceptable parce qu'elles ont
01:29:31 l'idée qu'on va les regarder différemment comme des vieux.
01:29:34 Pour autant, même sans canne, vous êtes sûr que la personne
01:29:38 est très âgée, mais à ses yeux.
01:29:40 Elle se dit qu'elle va être regardée différemment et c'est
01:29:45 vrai qu'elle peut être regardée, que les personnes âgées,
01:29:48 tout très âgées, sont regardées négativement dans notre société
01:29:52 qui prône le jeunisme.
01:29:53 Et même si parfois on vante les seniors, c'est plutôt les
01:29:57 jeunes seniors parce qu'en quelque sorte, ils sont jeunes
01:30:00 plus que seniors.
01:30:01 Les personnes très âgées sont regardées négativement comme
01:30:05 une charge, une charge pour la société, une charge pour
01:30:08 chacun d'entre nous.
01:30:09 Et on comprend que certains cherchent à ne pas.
01:30:13 Montrer, exposer le fait qu'effectivement, ils peuvent
01:30:18 avoir des problèmes de santé.
01:30:19 Mais honnêtement, il vaut mieux sortir en sécurité avec un
01:30:23 relator que de ne pas sortir.
01:30:24 Ce danger, c'est de les convaincre.
01:30:26 Et une question où je reviens encore à cet état de cet état
01:30:32 de fragilité et à cette complexité pour certains de.
01:30:37 Mais pas tous, pas toutes de réaliser cet état de fragilité.
01:30:40 Qu'est ce qu'on peut faire collectivement pour pour pour
01:30:46 accompagner cette fragilité et peut être encourager sa
01:30:50 réversibilité?
01:30:51 Est ce que c'est une affaire collective?
01:30:53 Déjà, c'est une affaire collective et individuelle, mais
01:30:56 c'est une affaire collective.
01:30:57 Dans quelle mesure?
01:30:58 Quand on voit les grands déterminants de la fragilité,
01:31:01 on a.
01:31:03 La dénutrition, on a les troubles timides, on a les troubles
01:31:08 cognitifs, on a les troubles de la marche, on a la perte d'acuité
01:31:13 auditive et visuelle.
01:31:14 Ce sont les principaux déterminants pour chaque.
01:31:17 Problème, finalement, on voit que la société en elle
01:31:21 même, collectivement, peut jouer un rôle.
01:31:23 On sait, par exemple, l'importance de l'activité
01:31:26 physique pour bien vieillir.
01:31:27 Mais l'activité physique, on en parlait à l'instant, c'est
01:31:30 l'activité physique du quotidien.
01:31:32 C'est se déplacer autour de chez soi pour aller faire des courses.
01:31:35 Il y a beaucoup d'endroits où les trottoirs sont impraticables
01:31:38 aux personnes âgées, où les feux sont mal réglés et les
01:31:41 gens ne peuvent pas traverser.
01:31:43 Les trottoirs sont trop hauts, les trottoirs sont trop.
01:31:45 Il faut penser la ville pour la personne âgée.
01:31:47 Aussi, elles n'ont plus souvent de raison de se déplacer parce
01:31:50 qu'il n'y a plus un magasin de proximité.
01:31:52 Donc voilà, ça, c'est une action collective, mais aussi.
01:31:55 L'importance de donner accès aux personnes âgées à une activité
01:32:00 physique adaptée.
01:32:01 Il faut que les clubs proposent des activités physiques à la
01:32:03 fois efficaces, mais aussi ludiques, motivantes
01:32:07 pour les personnes âgées.
01:32:10 Si on prend par exemple la surdité, on dépisse trop peu
01:32:13 la surdité qui est très invalidante, qui conduit
01:32:16 souvent les personnes âgées à l'isolement, au retrait, à la
01:32:18 perte de qualité de vie.
01:32:19 Et puis, la preuve qu'on peut faire des choses, c'est qu'on a
01:32:23 fait des choses, par exemple, pour rendre plus accessible,
01:32:25 pour diminuer le reste à charge pour l'acquisition de
01:32:28 prothèses auditives.
01:32:29 Et ça, c'est une excellente mesure.
01:32:31 Et puis, on l'a dit, un facteur qui conduit, qui favorise
01:32:36 finalement toutes ces pertes fonctionnelles, c'est vraiment
01:32:39 l'isolement.
01:32:39 Et malheureusement, beaucoup, beaucoup de personnes âgées,
01:32:42 vous l'avez redit tout à l'heure, sont isolées, ne voient
01:32:44 personne, sont dans une mort sociale, comme disent les petits
01:32:47 frères des pauvres.
01:32:48 On sait que pour lutter contre la dépression des sujets âgés,
01:32:51 la meilleure action, c'est de rompre l'isolement.
01:32:53 Et ça, c'est aussi l'affaire de tous.
01:32:56 L'affaire de tous, c'est de ne pas mettre de côté ce que moi,
01:32:59 j'appelle volontiers les vieux.
01:33:00 Et ce que je parlais de collectif aussi.
01:33:06 Qu'est ce qu'on peut faire collectivement?
01:33:08 Je pense à plusieurs initiatives.
01:33:09 Je pense à, on a eu l'occasion peut être de le mentionner il y a
01:33:12 quelques minutes, la question de certains EHPAD qui se
01:33:15 transforment en tiers lieu, de certaines maisons de maisons
01:33:18 de retraite qui décident de s'ouvrir à l'extérieur.
01:33:20 Mais je pense aussi, par exemple, à des mobilisations beaucoup
01:33:24 plus militantes, telles qu'on a vu ce week-end, le contre-salon
01:33:27 des vieilles et des vieux qui s'est tenu à Paris.
01:33:29 J'ai envie de vous poser comme question, qu'est ce qu'on peut
01:33:33 faire aussi nous concrètement, parce que c'était un des objets
01:33:35 de notre enquête.
01:33:36 Concrètement, pour changer le regard sur la vieillesse,
01:33:40 qu'est ce que vous disent vos patients?
01:33:41 Qu'est ce que qu'est ce que elles et eux?
01:33:44 Osent demander, demandent, sous-entendent lors de ces
01:33:50 rencontres, ces consultations.
01:33:51 Ce qu'ils disent clairement, c'est que.
01:33:54 Leur inquiétude première, c'est de perdre leur autonomie,
01:33:58 de devenir une charge pour les enfants.
01:34:00 Ce dont ils souffrent le plus, c'est vraiment la solitude.
01:34:05 Ça revient très, très fréquemment dans les discours.
01:34:07 Ce qu'on peut faire, c'est.
01:34:09 Ne pas montrer toujours négativement le grand âge.
01:34:13 Il y a des sociétés plus traditionnelles.
01:34:16 On le sait, qui valorisait au contraire le grand âge dans ce
01:34:20 que peuvent nous apporter les personnes âgées.
01:34:22 Cessons de présenter toujours le grand âge comme un problème.
01:34:25 C'est d'abord une chance, finalement, de vieillir pour
01:34:27 tous.
01:34:28 Évidemment, il vaut mieux vieillir bien que vieillir dépendant.
01:34:32 Mais on peut absolument montrer différemment le grand âge et
01:34:37 de manière un peu délibérée, valoriser les activités au
01:34:41 grand âge.
01:34:42 Par exemple, une action qui m'a toujours frappé, c'était au
01:34:45 Québec, où ils sont un pays très accueillant pour les
01:34:49 jeunes étrangers.
01:34:51 Et par exemple, ils avaient sollicité des personnes âgées
01:34:54 qui donnaient les cours en visioconférence de français aux
01:34:59 jeunes étudiants étrangers non francophones.
01:35:03 Et c'est une action utile pour tous, très valorisante pour la
01:35:07 population âgée.
01:35:08 Et honnêtement, je rencontre des personnes âgées qui ont des
01:35:12 capacités, des compétences, des connaissances dont il est quand
01:35:16 même dommage.
01:35:17 On ne les met pas en valeur.
01:35:18 On ne les utilise pas.
01:35:19 D'autres, on accepte de se priver en ce dont le regard qu'on leur
01:35:25 porte nous prive.
01:35:28 Absolument.
01:35:29 Écoutez, je vais vous remercier puisque je vois l'heure qui
01:35:32 passe.
01:35:33 Merci beaucoup d'avoir fait le trajet jusqu'à nous et de nous
01:35:35 avoir éclairé de votre expérience.
01:35:37 Je retrouve Arnaud.
01:35:41 Je me déplace ou ?
01:35:47 Non, non, non.
01:35:48 Est-ce qu'il y a des questions dans la salle ?
01:35:50 Ouais.
01:35:58 Parfait.
01:35:59 Merci beaucoup.
01:36:02 Je vous remercie.
01:36:03 Merci.
01:36:04 Bonne soirée à tous.
01:36:06 Merci beaucoup.
01:36:11 Merci encore d'avoir fait le chemin jusqu'à nous.
01:36:14 Je ne sais pas si je me suis présenté en introduction.
01:36:16 En fait, je voulais vous dire qui j'étais.
01:36:17 J'étais la directrice générale de l'Obs, je vous le dis quand même
01:36:19 maintenant.
01:36:20 Il n'est jamais trop tard.
01:36:21 Et je suis Julie et je suis ravie de vous retrouver éventuellement
01:36:24 pour un petit verre à côté.
01:36:25 Si vous avez encore quelques minutes pour qu'on puisse parler.
01:36:28 Puisqu'on veut créer du lien.
01:36:29 Merci encore.
01:36:30 A bientôt.
01:36:31 (Applaudissements)

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