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00:00 *Générique*
00:06 Aujourd'hui, le texte de loi immigration est présenté à l'Assemblée Nationale
00:09 après son passage au Sénat la semaine dernière.
00:11 Comment ce débat organise-t-il, réorganise-t-il la vie politique française ?
00:16 Le clivage droite-gauche ?
00:19 Pour en parler, nous sommes en compagnie de Gilles Finkelstein.
00:21 Bonjour.
00:22 Bonjour.
00:22 Gilles Finkelstein, vous êtes secrétaire général de la Fondation Jean Jaurès,
00:26 directeur des études chez Avas.
00:29 Y a-t-il une manière d'envisager que ce projet de loi immigration
00:34 réorganise le clivage droite-gauche ?
00:38 Si on essaye de résumer en une minute 70 ans d'évolution du clivage gauche-droite,
00:44 ce qui n'était pas un exercice facile.
00:46 Prouesse.
00:47 Alors tentons la prouesse.
00:49 Je crois que, en gros, de l'élection présidentielle,
00:52 la première de 1965 au suffrage universel direct,
00:55 jusqu'au référendum de 1992, le référendum de Maastricht,
00:59 on a vécu 30 ans, disons, d'une espèce d'âge d'or,
01:01 dans lequel le clivage gauche-droite était le clivage qui structurait toute la vie publique.
01:07 Toutes les questions de politique publique pouvaient être analysées
01:09 à l'aune du clivage gauche-droite.
01:11 Les Français, très majoritairement, se reconnaissaient dans ce clivage
01:15 et leur comportement électoral était marqué par la fidélité à un camp ou à un parti.
01:21 C'est ce que j'ai appelé la démocratie à l'état solide,
01:23 parce que, comme la matière à l'état solide,
01:26 la démocratie avait une forme.
01:28 Et cette forme, c'était le clivage gauche-droite.
01:31 De 1992 jusqu'à 2017, donc jusqu'à l'élection d'Emmanuel Macron,
01:35 nous avons vécu dans ce que j'ai appelé la démocratie à l'état liquide.
01:40 Et là, comme la matière à l'état liquide,
01:42 elle n'a plus une forme propre et les particules qui la composent sont plus mobiles.
01:47 C'est exactement ce qui s'est passé.
01:48 C'est-à-dire que, d'un point de vue électoral,
01:50 le clivage gauche-droite restait le clivage central.
01:54 Toutes les élections présidentielles, à l'exception de 2002,
01:57 avaient un candidat de gauche face à un candidat de droite.
01:59 Mais le clivage commençait à être relativisé,
02:02 transcendé par les alternances, par l'irruption de la question européenne
02:07 qui est venue le bouleverser.
02:08 Les comportements électoraux étaient marqués par davantage de mobilité.
02:12 Et puis, depuis 2017, nous sommes dans un troisième état,
02:15 la démocratie à l'état gazeux.
02:17 Et comme la matière à l'état gazeux n'a plus de forme,
02:21 elle n'a plus...
02:22 Elle est beaucoup plus instable.
02:23 La mobilité électorale est forte et elle est explosive.
02:27 Donc, il y a beaucoup de sujets qui ont été bouleversés
02:30 par le clivage gauche-droite.
02:31 Je parlais de la question européenne.
02:33 Il y en a un, sans doute, qui reste un invariant du clivage gauche-droite.
02:37 C'est celui qui est à l'ordre du jour aujourd'hui,
02:39 c'est-à-dire l'immigration.
02:41 Pourquoi ? Pourquoi ce projet de loi ?
02:44 Pourquoi cet élément, l'immigration, est aujourd'hui
02:49 une sorte d'invariant selon vous, Geneviève Finkielstein ?
02:52 Alors, c'est vrai quand on regarde d'abord les questions d'opinion,
02:56 c'est-à-dire la manière dont les électeurs se positionnent
02:59 par rapport à ce sujet.
03:01 Et ce qui est très frappant, c'est qu'il y a des différences de fond.
03:05 On y viendra, mais il y a d'abord une première différence
03:08 qui est une différence de l'importance que l'on accorde à ce sujet.
03:12 Quand on regarde dans la hiérarchie des préoccupations des Français,
03:17 pour à peu près tout le monde,
03:18 la question du pouvoir d'achat est la première question.
03:21 Il y a ensuite, en moyenne, l'environnement, la santé,
03:26 puis l'immigration et la sécurité.
03:28 Et puis derrière, il y a une dizaine d'autres préoccupations.
03:31 Donc, en moyenne, c'est une préoccupation importante,
03:34 mais ce n'est pas dans les deux, trois premières préoccupations.
03:37 En revanche, quand vous regardez non plus en moyenne,
03:39 mais que vous regardez par sympathie partisane,
03:42 la place qui est accordée à l'immigration,
03:45 il n'y a pas d'autre sujet sur lequel les différences
03:47 sont aussi importantes que l'immigration.
03:50 Pour les électeurs de Reconquête, le parti d'Éric Zemmour,
03:53 c'est le seul sujet, c'est une obsession.
03:55 80% d'entre eux disent que c'est la seule priorité.
04:00 Pour les sympathisants du Rassemblement national,
04:02 c'est un enjeu majeur, mais avec le pouvoir d'achat.
04:06 Donc, c'est un enjeu majeur, mais partagé avec d'autres.
04:09 Pour les sympathisants républicains, c'est un enjeu important.
04:12 Et puis, au fur et à mesure que l'on se déplace
04:14 vers le centre et vers la gauche, ça finit par devenir,
04:17 et c'est vrai de LFI jusqu'aux sympathisants d'Europe Écologie-Les Verts,
04:22 en passant par les sympathisants du Parti Socialiste,
04:24 un sujet qui est quasiment marginal.
04:26 Moins de 10% disent que c'est en haut de mes préoccupations.
04:30 Et alors, chez les électeurs d'Emmanuel Macron ?
04:33 Chez les électeurs d'Emmanuel Macron, sur ce sujet-là,
04:35 ils sont plutôt plus proches de la gauche que de la droite,
04:38 mais ils sont dans une position intermédiaire,
04:41 une sorte de en même temps.
04:42 Et alors, dans ce cas-là, est-ce que l'on peut dire
04:45 que c'est habile de la part du gouvernement
04:48 de se lancer dans ce projet de loi ?
04:51 Est-ce que c'est une manière de réinstaurer un clivage
04:55 ou bien d'attirer d'autres électeurs,
04:58 par exemple les électeurs de droite ?
05:01 Dans n'importe quelle autre démocratie européenne que la France,
05:05 il y aurait, après la séquence électorale de 2022,
05:10 non pas un gouvernement qui a une majorité relative,
05:14 mais on aurait eu un gouvernement de coalition
05:16 et il y aurait eu vraisemblablement un gouvernement de coalition
05:19 entre la majorité sortante et les Républicains.
05:22 Cela ne s'est pas fait.
05:23 Cela ne s'est pas fait, je pense, principalement
05:25 parce qu'Emmanuel Macron ne le souhaitait pas.
05:28 Il a dit qu'il ne le pouvait pas,
05:30 mais je pense qu'en réalité, il ne le souhaitait pas non plus.
05:34 Et maintenant, depuis cette élection,
05:38 et sauf accident jusqu'à la fin de cette législature,
05:41 nous allons vivre avec cette majorité relative
05:44 et donc l'obligation pour le gouvernement
05:47 de trouver en fonction des textes,
05:48 et le plus souvent avec les Républicains, une majorité.
05:52 C'est ce à quoi nous sommes confrontés aujourd'hui
05:55 et dans la semaine qui s'ouvre.
05:57 Le contenu du texte compte beaucoup moins que son issue.
06:02 Peu importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse,
06:05 disait la formule populaire,
06:06 là, peu importe le flacon pourvu qu'on ait les voix.
06:09 Et le seul sujet va être non pas
06:13 quels amendements vont être acceptés ou refusés,
06:17 mais est-ce que le texte va être voté
06:19 et s'il est voté avec ou sans 49.3.
06:22 - Gilles Finkelstein, le projet de loi
06:26 et plus généralement ce clivage droite-gauche,
06:28 dessine-t-il un projet de société
06:31 qui serait un projet de société différent
06:34 du point de vue de l'appartenance partisane ?
06:37 - Ça m'a beaucoup frappé parce que,
06:39 je vous disais, quand on regarde la hiérarchie des préoccupations,
06:41 on voit le clivage gauche-droite.
06:43 Quand on pose la question
06:46 qui est posée dans beaucoup d'enquêtes en France et à l'étranger,
06:48 est-ce qu'il y a trop d'étrangers dans votre pays ?
06:51 On voit aussi ce clivage gauche-droite.
06:52 Mais lorsqu'on s'éloigne de la question d'immigration
06:55 pour aller sur la question de société,
06:57 on a publié il y a quelques semaines
07:00 une des plus grosses enquêtes que la Fondation Jean Jaurès est réalisée,
07:04 dont l'objet était d'essayer de dessiner
07:06 ce que serait une société idéale pour les Français.
07:09 Dans quelle société ils rêveraient de vivre ?
07:11 Et donc, on posait des questions sur à peu près tous les sujets,
07:14 dont une question qui fait écho à notre débat,
07:19 qui était une question sur les lieux de vie.
07:21 Dans l'idéal, est-ce que vous vivriez dans un lieu isolé ?
07:25 Dans un lieu dans lequel il y a d'autres gens,
07:27 mais qui partagent en gros vos idées, vos convictions ?
07:32 Ou dans un lieu où il y a d'autres gens,
07:33 mais qui ont des convictions, des opinions,
07:36 des valeurs différentes des autres ?
07:37 Donc, quelque chose qui va au-delà de l'immigration,
07:39 eh bien, ça recouvre très exactement le clivage gauche-droite.
07:43 C'est-à-dire que vous avez 25% des Français qui disent
07:46 "je voudrais vivre dans un lieu isolé",
07:48 et ça, c'est vrai que l'on soit de gauche ou de droite.
07:50 En revanche, vivre dans un lieu dans lequel il y a des gens différents
07:54 ou des gens semblables à vous,
07:56 ça, c'est un clivage gauche-droite.
07:58 Si vous vous auto-positionnez à gauche,
08:01 50% d'entre eux disent "je veux vivre avec des gens différents".
08:05 25% des gens semblables,
08:07 et c'est exactement les chiffres inverses
08:09 lorsque l'on s'auto-positionne à droite,
08:11 et c'est encore plus criant lorsque l'on regarde les sympathies partisanes.
08:15 Bon, mais alors, justement, ce qui est intéressant,
08:17 Gilles Finkelstein, c'est que parmi les critiques qui sont adressées
08:21 à ce que le Rassemblement National pointe comme les immigrationnistes,
08:26 il y a l'idée que, justement, ces immigrationnistes
08:30 ne vivent pas ce monde d'hiver qu'ils appellent de leur vœu.
08:34 Et il y a, par exemple, dans le Figaro Magazine,
08:38 il y avait un dossier sur l'idée selon laquelle
08:44 la volonté du gouvernement de mettre de plus en plus d'immigrés dans les campagnes
08:50 était justement une manière d'en vouloir à ce mode de vie à la française
08:55 qui refusait ces villes-monde, cette pixité.
08:59 Est-ce que cela, par exemple, c'est quelque chose
09:02 qui peut faire sens dans ce clivage droite-gauche ?
09:05 Alors, je ne sais pas si ça peut faire sens dans ce clivage gauche-droite.
09:08 En revanche, je trouve que un des chaînons manquants
09:13 ou un des impensés de la réforme dont nous discutons aujourd'hui
09:17 est la question de l'intégration.
09:19 Il est beaucoup question de qui peut rentrer et à quelles conditions sur le territoire.
09:24 Comment on peut expulser ceux dont l'admission ne s'est pas faite légalement ?
09:30 En revanche, qu'est-ce qui se passe pour ceux qui sont rentrés légalement ?
09:35 Ça fait longtemps qu'on ne s'en occupe pas suffisamment.
09:39 Et dans ce cadre-là, la question de savoir où ils se répartissent sur le territoire national
09:45 est, je crois, un débat qui mérite d'être posé.
09:48 Et alors, justement, le fait que la gauche nous dise les critiques de droite
09:55 est refusé de se poser cette question concrètement et en quelque sorte
10:02 soit immigrationniste sans véritablement assumer les conséquences de cet immigrationnisme-là.
10:09 Tandis que la gauche accuse évidemment cette partie de la droite d'être mixophobe,
10:14 comme on dit, de refuser.
10:16 Donc c'est mélangé ce Pierre-André Taguiaf qui utilisait ce néologisme.
10:19 Qu'est-ce que vous en pensez ?
10:21 Je pense qu'il y a des procès qui peuvent être légitimement instruits
10:27 contre la gauche sur la question de l'immigration.
10:29 Mais à mon avis, pas du tout celui d'être immigrationniste.
10:33 Je pense que le procès qui peut légitimement être instruit est d'avoir,
10:37 et sans doute de manière volontaire, refusé de penser la question de l'immigration.
10:42 Je pense même que c'est le dernier grand sujet que la gauche,
10:47 en tout cas la gauche de gouvernement, a refusé de penser.
10:50 En revanche, sa pratique lorsqu'elle a été au pouvoir,
10:53 et elle a été depuis 1981 au pouvoir à peu près aussi longtemps que la droite,
10:58 ne peut, je crois, d'aucune manière être assimilée à une politique immigrationniste.
11:04 D'ailleurs, s'il y a eu un clivage qui a traversé non pas la gauche et la droite,
11:07 mais la gauche ou les gauches sur la question de l'immigration,
11:11 et que le reproche qui a été fait d'abord par les associations,
11:14 disons par la société civile, puis par la gauche la plus radicale à la gauche de gouvernement,
11:18 et au contraire d'avoir été trop dure sur les questions d'immigration.
11:21 Gilles Finkelstein, vous êtes secrétaire général de la Fondation Jean Jaurès.
11:24 On se retrouve dans une vingtaine de minutes.
11:26 Vous serez rejoint par un doctorant qui a produit une thèse sur le parti socialiste
11:32 et la politisation de la question immigrée.
11:34 Il s'agit de Pierre-Nicolas Baudot.
11:36 On évoque la loi immigration et matrice du clivage gauche-droite.
11:47 Nous sommes en compagnie de Gilles Finkelstein, secrétaire général de la Fondation Jean Jaurès.
11:51 Nous accueillons un doctorant, Pierre-Nicolas Baudot.
11:54 Vous êtes doctorant au Centre d'études constitutionnelles et politiques de l'université Panthéon à Sasse.
11:59 Vous venez de terminer votre thèse consacrée au parti socialiste et à la politisation de la question immigrée.
12:06 C'est une cathédrale, on y entre, on voit la manière dont ce thème a à ce point centré,
12:15 a clivé la vie du parti socialiste.
12:18 Mais avant d'évoquer ce thème, une réaction à ce que vient de dire mon camarade Jean-Les-Maris Gaza.
12:25 Ça, c'est un thème qui fait clivage, qui fait clivage entre la droite et la gauche,
12:29 peut-être aussi à l'intérieur de la gauche, dans le monde entier en France.
12:32 Qu'en est-il selon vous ?
12:34 Alors, on peut regarder la position de la France.
12:36 C'est ce qui vient d'être fait.
12:37 On peut regarder la position des Français.
12:39 Et l'IFOP a publié il y a quelques jours la deuxième vague d'une enquête
12:43 et qui, un peu à rebours de ce que l'on peut dire peut-être pour la France,
12:47 montre que le clivage gauche-droite est peu opérant pour comprendre les positions des Français.
12:54 Que ce soit sur la nature des actes du 7 octobre, que ce soit sur la réponse contre le Hamas,
13:01 en gros, que l'on soit de gauche ou que l'on soit de droite, on partage à peu près les mêmes orientations.
13:06 Peut-être, si je dois apporter une nuance, aux sympathisants de la France insoumise.
13:10 Mais pour le reste, c'est plutôt la convergence qui apparaît.
13:15 Après, pour la position de la France, je trouve sur la dimension humanitaire,
13:21 sur la retenue sur les cibles à Gaza, sur la solution à deux États qui revient,
13:30 après avoir quand même été éclipsé dans le débat "c'est vrai en France, mais c'est vrai ailleurs",
13:35 il y a quand même une parole qui est relativement claire.
13:39 Le problème, c'est qu'elle vient après beaucoup de coups dans le ZIG, puis de coups dans le ZAG,
13:44 et que cette clarté finit par être un peu obscurcie.
13:48 Retour à une question franco-française, encore que la loi immigration.
13:53 Qu'est-ce qui va se passer, Jean Lemarie, avec cette discussion à l'Assemblée nationale ?
13:57 Est-ce qu'il va y avoir une coalition ?
14:00 Compte bref, dites-nous quels sont les principaux scénarios ?
14:03 On va parler de suspense, suspense intense, dès cet après-midi,
14:06 puisque dès le début du débat très attendu, la question d'une motion de rejet préalable va se poser.
14:12 Je résume les choses très simplement.
14:14 Les écologistes défendent une motion de rejet pour que le débat n'ait pas lieu,
14:19 contestation du texte tel qu'il est.
14:22 Et on a deux inconnus au moins, le vote de la droite, le vote des Républicains,
14:26 et puis le vote du Rassemblement national.
14:27 Les deux groupes laissent planer le suspense.
14:30 Joindront-ils leur voix à celle de la gauche sur cette motion de rejet ?
14:36 Ce qui va se passer est décisif.
14:38 En imaginant qu'ils le fassent.
14:39 S'ils le font, s'ils le font, on revient...
14:41 La navette parlementaire continue, le travail parlementaire continue,
14:45 mais sur la base du texte voté au Sénat,
14:48 qui n'a pas grand-chose à voir avec la version qui est sortie ces derniers jours
14:52 de la Commission des lois à l'Assemblée nationale.
14:54 Autrement dit, une base beaucoup plus dure.
14:56 Donc ça rebat les cartes, ça remet aussi d'une certaine façon les compteurs à zéro.
15:00 Ça recomplexifie encore les choses qu'ils sont déjà énormément.
15:03 Donc ça, dans la course d'obstacles qui attend le gouvernement sur ce texte,
15:07 la première haie, c'est cet après-midi.
15:09 Le débat, la discussion, le vote sur la motion de rejet préalable.
15:13 - Gilles Finkielstein, je vous vois...
15:15 - Non, je vais faire ce qu'il ne faut jamais faire.
15:18 - Bah allez-y !
15:20 - Faire un pronostic sur l'avenir.
15:23 Je ne sais pas si le texte va être voté in fine et avec le 49.3 ou pas.
15:28 En revanche, je serais surpris que la motion de rejet préalable
15:32 soit adoptée aujourd'hui et y compris que le Rassemblement national la vote.
15:37 Je ne sais pas ce que feront les Républicains,
15:40 mais y compris le Rassemblement national,
15:41 quand on essaye de réfléchir à ce qu'est la stratégie de ce parti depuis 2022,
15:46 de respectalisation, de banalisation.
15:51 Là, il y a un sujet qui est leur sujet, qui est à l'ordre du jour.
15:55 Ils vont en profiter pour faire des propositions pesées,
15:58 quitte in fine à dire le compte n'y est pas et nous ne pourrons pas voter.
16:01 Mais je serais surpris qu'ils votent aujourd'hui cette motion.
16:05 - Jean-Les-Maris ?
16:06 - Oui, l'extrême droite et probablement une partie de la droite
16:09 veulent que le débat ait lieu, veulent que le débat se déroule.
16:12 Ils veulent faire valoir leurs arguments.
16:13 Ils veulent continuer à exercer une pression, évidemment,
16:16 sur le texte et sur le gouvernement,
16:17 pousser Gérald Darmanin dans ses retranchements, etc.
16:20 Donc voilà, je méfie aussi toujours beaucoup des pronostics.
16:22 Mais à mon avis, on va plutôt dans cette direction.
16:26 - On va parler d'une thèse, celle de Pierre-Nicolas Baudot.
16:29 Vous avez consacré votre thèse au Parti socialiste
16:32 et à la politisation de la question immigrée.
16:35 En quoi ? Expliquez-nous, Pierre-Nicolas Baudot.
16:38 La question immigrée, pour reprendre le titre de votre thèse,
16:42 est-elle une question qui marque l'histoire récente du Parti socialiste ?
16:46 - Alors, pour comprendre ce qui se joue avec cette question-là,
16:49 en fait, il faut comprendre que quand on parle d'immigration,
16:51 c'est-à-dire d'entrée et de sortie de personnes étrangères,
16:53 en réalité, la plupart du temps, on parle d'autre chose.
16:56 Et c'est pour ça que dans la thèse, je parle de question immigrée
16:58 parce qu'en fait, je fais le lien entre l'immigration elle-même
17:00 et toute une série d'enjeux qu'on raccorde à cette question-là
17:03 qui vont de la laïcité, aux discriminations, à la représentation, etc.
17:07 Et donc, quand la gauche s'engage sur ce sujet-là, l'immigration,
17:10 en fait, elle s'engage plus largement sur une question
17:12 qui est celle de notre modèle de société,
17:14 du rapport égalité-différence, du rapport à l'altérité, etc.
17:17 Et c'est pour ça que cette question-là, elle est si sensible, si inflammable.
17:21 Et c'est pour ça qu'elle fait l'objet d'autant d'instrumentalisation,
17:23 au sens propre, sur le plan politique,
17:25 raison pour laquelle on constate qu'à chaque alternance,
17:28 on a eu de nouvelles lois sur l'immigration,
17:29 en 81, en 86, en 93, etc.
17:32 Parce qu'à chaque changement de majorité,
17:35 les politiques investissent cette question-là.
17:38 Donc, il faut avoir ça en tête.
17:40 Ensuite, au sein de la gauche, c'est une question qui est particulièrement importante
17:43 parce que, certes, la gauche s'exprime peu et paraît assez mal à l'aise
17:47 sur ce point-là, mais en fait, elle y réfléchit depuis longtemps.
17:49 Et c'est une question qui la divise profondément,
17:51 qui ne retrouve pas les lignes d'opposition traditionnelles à gauche,
17:55 notamment sur la question sociale,
17:56 et qui, donc, traverse les partis politiques,
17:58 traverse la droite, mais traverse la gauche.
18:00 Et on voit, c'est vrai, depuis que la question immigrée existe en politique,
18:04 c'est-à-dire pour la période récente, depuis les années 70,
18:07 c'est vrai, particulièrement marquant depuis les années 80,
18:10 et ça l'est toujours récemment,
18:11 et on voit que les nouveaux mouvements politiques achopent à nouveau
18:14 sur cette division-là.
18:15 On l'a vu plus récemment au sein de la France insoumise,
18:18 entre, pour prendre deux positions,
18:20 celle de Clémentine Autain et celle de François Ruffin, par exemple.
18:23 Donc, cette question-là revient...
18:24 - Rappelez-nous quelles sont leurs positions respectives ?
18:26 - Alors, François Ruffin est plutôt sur une position qui consiste à dire
18:30 que les questions dites assez improprement "sociétales",
18:32 les questions de société parmi lesquelles l'immigration,
18:34 sont des questions qui clivent à gauche,
18:36 et que donc, pour rassembler, il faut plutôt les mettre en sourdine
18:38 pour insister sur la question sociale qui fédère,
18:41 quand une ligne, par exemple, comme celle de Clémentine Autain,
18:44 insiste plutôt sur l'idée de porter le discours contre la discrimination,
18:48 d'adapter les idées de gauche à ces nouveaux enjeux,
18:52 et de les intégrer au discours de la gauche.
18:54 - Gilles Finkelstein, vous connaissez bien le Parti Socialiste,
18:57 est-ce que, précisément, cette question-là,
19:00 à l'intérieur du Parti Socialiste, on l'a vécu,
19:03 un peu comme le raconte Pierre-Nicolas Baudot ?
19:06 - Oui.
19:08 Il faut, je crois, distinguer la gauche au sens large
19:10 et la gauche de gouvernement ou la gauche socialiste.
19:13 La gauche au sens large, c'est divisé sur ce sujet,
19:18 dès les années 90, et a fortiori au moment où Lionel Jospin était Premier ministre,
19:22 mais c'était une division entre, disons, la gauche politique et la gauche sociétale,
19:26 avec les associations et les ONG.
19:29 Quand François Hollande devient Président de la République,
19:30 ce clivage passe à l'intérieur de la gauche politique,
19:34 entre ceux qui sont au gouvernement et ceux,
19:38 Jean-Luc Mélenchon au Premier chef, qui n'y sont pas.
19:41 À l'intérieur du Parti Socialiste, c'est, je crois, je le disais tout à l'heure,
19:44 le dernier grand impensé, c'est-à-dire la dernière grande question
19:49 que, de manière volontaire, le Parti Socialiste a choisi de ne pas traiter.
19:53 Et il a choisi, je crois, de ne pas le faire, à la fois pour des raisons stratégiques,
19:57 ne pas mettre à l'agenda une question qui n'était pas une question centrale pour ses électeurs,
20:02 mais aussi par crainte de ses propres divisions sur ce sujet-là.
20:08 - Et justement, on voit, oui, vous voyez réagir Pierre-Nicolas Baudot.
20:13 - Je crois que le point fondamental, c'est celui-là, c'est qu'en fait,
20:15 c'est une question qui, dès la fin des années 70, divise l'EPS lui-même.
20:19 Et en fait, les socialistes, on le voit de manière extrêmement récurrente,
20:22 en 83 au moment de la marche, en 86 au moment des législatives, etc.
20:27 On voit les socialistes débattre de cette question.
20:29 Ils se rendent compte que dans leur section, il y a des comportements qui sont très différents,
20:33 qu'il y a une partie de la gauche associative, pour partie des mouvements chrétiens,
20:37 des gens proches de la CFDT, etc., qui portent ces questions de manière assez offensive.
20:41 Et puis, il y a toute une autre partie de la gauche qui est beaucoup plus sceptique,
20:43 qui met en garde les responsables du parti sur les conséquences électorales de cette question.
20:49 Notamment à partir de 1983, quand le Front National connaît ses premiers succès aux élections municipales,
20:54 puis en 84 aux européennes.
20:56 Et là, on a des discours très clairs de députés, notamment dans le Nord, en région parisienne,
21:01 qui disent l'antiracisme, etc., très bien.
21:04 Mais en fait, moi, localement, ce que je vois, c'est que ça ne fonctionne pas.
21:06 Et que ce qui marche, moi, dans ma circonscription,
21:08 c'est le discours de Jean-Marie Le Pen sur 1 million d'immigrés = 1 million de chômeurs.
21:12 Et donc, le parti nationalement doit prendre une position qui permette de concilier les deux.
21:16 Et donc, ça, ça arrive à, effectivement, une forme de synthèse qui consiste à neutraliser cette question.
21:20 Et l'objectif systématique qu'on retrouve toutes ces dernières décennies,
21:23 c'est cette idée de neutralisation, de retirer ces enjeux de la compétition politique.
21:27 Éviter de cristalliser l'opposition sur ce point,
21:29 et plutôt la réorienter sur une question où la gauche est beaucoup plus à l'aise,
21:32 c'est-à-dire la question sociale.
21:33 - Jean-Denis Mary.
21:34 - Le parti socialiste, aujourd'hui, est-il en train de tourner une page à cet égard ?
21:38 Je pense à Boris Vallaud, le patron des députés socialistes,
21:41 qui me donne une interview encore à Libération ce matin,
21:44 qui dit ce qu'il a déjà dit, que selon lui,
21:46 le parti doit empoigner véritablement cette question de l'immigration,
21:49 notamment en proposant un discours et des propositions sur l'intégration.
21:55 Vous commencez à en parler tout à l'heure, Gilles Finkelstein.
21:57 Est-ce qu'aujourd'hui, le parti socialiste est au clair sur cette question ?
22:00 Gilles Finkelstein.
22:02 - Je ne sais pas s'il est au clair.
22:04 En tout cas, je trouve qu'il y a un début de travail,
22:09 et un début de travail, d'ailleurs, pas seulement au parti socialiste,
22:13 mais un peu au-delà.
22:15 Il y a eu un meeting commun à Saint-Ouen, la semaine dernière,
22:19 avec l'ensemble des forces hors le cœur de la France insoumise,
22:24 qui constitue la NUPES.
22:26 Donc, disons qu'il y a un début de quelque chose.
22:30 - Mais justement, si on rajoute le cœur de la France insoumise,
22:33 puisque celle-ci compte, évidemment, aujourd'hui à gauche, Gilles Finkelstein,
22:38 qu'en dire, même si Pierre-Nicolas Baudot a rappelé
22:41 qu'il pouvait y avoir aussi des positions divergentes
22:44 au sein de la France insoumise ?
22:45 - Je crois que c'est un point très important,
22:47 et peut-être une nuance par rapport à ce que disait Pierre-Nicolas Baudot
22:51 sur François Ruffin.
22:53 De ce que je comprends de ce que dit François Ruffin,
22:56 c'est sur les questions de société, au sens...
23:00 Dans les questions de société, il y a des choses très diverses.
23:02 C'est les questions des combats sur le féminisme,
23:08 les combats LGBT, etc.
23:10 C'est plus là-dessus qu'il considère que la gauche
23:13 ne doit pas mettre seulement ces questions-là à l'agenda.
23:16 En revanche, c'est là où il s'est distingué,
23:18 y compris de Jean-Luc Mélenchon.
23:19 Il dit la question de l'immigration, à fortiori,
23:22 si la gauche veut reconquérir les milieux populaires,
23:24 et il les voit dans sa circonscription,
23:27 il faut que la gauche s'en saisisse.
23:31 Donc on pourrait peut-être dire que c'est une forme
23:33 de triangulation sur la question de l'immigration.
23:38 Oui et non.
23:39 Parce que pour qu'il y ait triangulation,
23:41 la triangulation, c'était cette technique,
23:43 cette stratégie électorale importée des Etats-Unis
23:47 et du Royaume-Uni qui consiste à aller sur le terrain
23:51 de l'adversaire, sur un sujet sur lequel
23:53 on est généralement sur la défensive,
23:55 pour essayer, en adoptant des positions proches
23:58 de ses adversaires, de faire en sorte qu'elles ne deviennent
24:00 plus un enjeu central.
24:02 Le problème, c'est qu'il n'y a pas eu,
24:05 sur cette question de l'immigration,
24:07 un dépassement du clivage gauche-droite,
24:10 à la différence de ce qui a pu se passer
24:12 pour les questions européennes.
24:13 En revanche, il y a eu un déplacement,
24:15 c'est-à-dire que l'ensemble du champ politique
24:18 s'est déplacé vers la gauche.
24:19 Donc le clivage demeure, mais tout le monde
24:23 s'est déporté vers la droite.
24:24 Ce faisant, la neutralisation est beaucoup plus difficile
24:27 parce que ça voudrait dire pour la gauche
24:28 d'aller très loin sur la droite, ce que,
24:31 je crois, elle a raison, elle se refuse de faire.
24:33 Pierre-Nicolas Baudot, qu'en pensez-vous ?
24:35 Juste un mot sur le fait que la gauche
24:38 puisse tourner cette page-là.
24:40 En fait, la question de l'intégration,
24:41 elle arrive dans le débat public en 1989,
24:43 après l'affaire de Creil, qui est la première affaire du voile.
24:45 Et en fait, c'est la gauche qui est au pouvoir.
24:47 Michel Rocart va créer le Haut conseil à l'intégration.
24:50 Et donc la gauche participe vraiment à ce consensus-là,
24:53 porte ce discours d'intégration et ce binôme
24:56 qu'on retrouve aujourd'hui de maîtrise des flux
24:58 d'un côté, intégration de l'autre.
24:59 Donc la gauche contribue vraiment à ça,
25:01 dans cette logique de neutralisation,
25:03 qui consiste, pour retirer ce côté brûlant au sujet,
25:06 à adopter certaines positions de la droite
25:08 pour éviter que ça ne constitue une clé d'opposition
25:12 dans le champ politique.
25:13 Ensuite, sur la question de cette triangulation,
25:18 cette position qu'a François Ruffin aujourd'hui,
25:20 alors elle revient, mais elle n'est pas nouvelle non plus à gauche.
25:22 Et le Parti communiste l'a portée dans les années 70,
25:25 au début des années 80.
25:26 Georges Marchais a réclamé la fin de l'immigration.
25:28 On a beaucoup entendu parler des foyers de travailleurs
25:31 immigrés détruits, au bulldozer, vitrier, etc.
25:34 Donc ce n'est pas nouveau, y compris au sein du PS.
25:36 Ce que je disais tout à l'heure, c'est un discours qui a été porté
25:39 de manière assez régulière, par la crainte de s'aliéner
25:42 une partie des classes populaires,
25:43 de vouloir avoir des positions de fermeté sur ce sujet
25:45 pour les rassurer et ne pas donner le sentiment
25:47 qu'on donnerait des billes à l'extrême droite.
25:50 Mais alors, pour une partie, Jean Lemarie,
25:52 si on regarde de l'autre côté, autrement dit la droite,
25:55 la droite au sens large, considérant que le projet de loi
25:58 de Gérald Darmanin est là aussi pour séduire
26:01 une partie de cette droite.
26:03 Il y a aussi une volonté de transformer
26:06 la question de l'immigration avec, d'un côté,
26:09 un volet sécuritaire contre les immigrés qui seraient méchants,
26:14 la part qui constituerait à une menace,
26:17 puisque Gérald Darmanin a dit "gentil avec les gentils,
26:20 méchant avec les méchants".
26:21 Et pour ce qui concerne l'autre partie
26:25 de la force de travail des immigrés,
26:27 il s'agit de considérer que cette question
26:29 est aussi d'abord une question économique.
26:31 Oui, alors c'est compliqué là, parce que...
26:35 il faut regarder d'abord les...
26:37 Si votre question porte sur l'État,
26:39 finalement, la vision aujourd'hui de la droite des Républicains,
26:42 elle est tout de même assez claire,
26:43 y compris dans cet arbitrage entre l'immigration
26:47 présentée comme une menace, comme un danger, d'une part,
26:49 et d'autre part, l'immigration considérée
26:52 comme une nécessité économique.
26:54 Même si Gérald Darmanin a cherché à prendre en défaut
26:56 les Républicains en disant "moi j'ai la liste des députés de droite
27:01 qui écrivent au préfet pour demander la régularisation
27:04 de tel ou tel travailleur sans papier
27:05 dans les différentes circonscriptions".
27:07 Mais là-dessus, la droite a tranché.
27:09 Elle dit "ok, c'est vrai, il y a parfois une nécessité économique,
27:12 mais le péril, je mets des guillemets évidemment,
27:15 est plus grand lié à l'immigration
27:18 que ne l'est la nécessité économique.
27:20 Commençons", vous l'avez entendu comme moi,
27:21 "commençons par donner, par trouver du travail
27:24 à tous ces immigrés en situation régulière
27:26 et ensuite on parlera éventuellement
27:29 de régularisation pour ceux qui arrivent".
27:31 - Gilles Finkelstein ?
27:33 - Je trouve la stratégie de la droite,
27:36 en tout cas des Républicains, dans cette affaire,
27:39 et depuis en fait maintenant de nombreuses années,
27:42 reste pour moi assez mystérieuse.
27:44 Au sens où on assiste à une forme de rétraction,
27:47 je ne parle pas seulement d'une rétraction électorale,
27:50 mais d'une rétraction politique,
27:51 c'est-à-dire d'une droite qui a un grand parti,
27:55 qui a une grande histoire, qui parlait de tous les sujets
27:58 et qui peu à peu ne parle plus que de celui-là,
28:01 et d'une rétraction idéologique
28:03 où peu à peu ils sont venus adopter des positions,
28:08 un registre de vocabulaire qui les différencie fort peu
28:12 du Rassemblement national.
28:14 Quelle est l'efficacité de tout cela ?
28:16 Franchement, ça reste pour moi extrêmement mystérieux.
28:19 - Peut-être précisément sur d'autres clivages,
28:21 par exemple les clivages économiques,
28:23 puisque le Rassemblement national,
28:24 dans le même temps, a adopté une ligne économique Jean-Les-Marais.
28:29 - Là aussi c'est compliqué.
28:30 Il suffit de regarder les votes à géométrie variable
28:33 du Rassemblement national sur les sujets économiques.
28:35 C'est quand même un coup à gauche, un coup à droite,
28:38 un coup pour les patrons de très petites entreprises,
28:41 un coup affiché en tout cas dans l'affichage
28:43 pour la défense des travailleurs.
28:45 C'est tout à fait illisible.
28:46 - Et c'est tout à fait illisible aussi pour les Républicains eux-mêmes.
28:49 Parce qu'autant on pouvait dire,
28:51 y compris quand François Fillon était candidat,
28:54 quand on regardait ce qu'il portait idéologiquement,
28:56 c'était une forme de libéral-conservatisme.
28:59 Il était conservateur sur les questions de société,
29:01 il était libéral, sans doute plus libéral que la droite
29:03 ne l'était traditionnellement, sur les questions économiques.
29:06 Depuis lors, qui peut dire quelle est la ligne
29:09 sur les questions économiques des Républicains ?
29:12 Honnêtement, c'est très difficile.
29:14 Pierre-Nicolas Baudot, au terme de ce travail
29:16 que vous avez consacré au Parti socialiste
29:20 et à la politisation de la question immigrée,
29:22 est-ce qu'on a affaire aujourd'hui à un clivage qui va demeurer,
29:27 à une manière d'avoir une question immigrée
29:32 qui deviendrait presque identitaire pour la gauche ?
29:35 - On constate que la question immigrée,
29:38 elle se pose dans un très grand nombre de pays,
29:41 indépendamment des réalités de l'immigration,
29:43 y compris dans des pays où il y a peu d'immigration,
29:45 notamment en Europe de l'Est,
29:46 et que la question de ce modèle de société,
29:49 ce rapport, réalité, différence, se pose un peu partout.
29:52 Et donc, il est inévitable que la gauche se situe dans ce débat-là,
29:55 et que pour ça, elle règle un certain nombre de problèmes en son sein
29:59 qui sont théoriques, idéologiques, c'est une chose,
30:01 mais qui sont aussi organisationnels.
30:03 Et ça, c'est un point qui me paraît important,
30:04 parce que l'état des réflexions au sein de la gauche
30:08 procède également de l'évolution des partis eux-mêmes.
30:10 Et dans le cas du Parti socialiste,
30:12 cette difficulté à trouver une position,
30:14 à affirmer une prise de position,
30:16 n'est pas, à mon avis, liée tant à un manque d'idées,
30:19 parce qu'il y a eu des idées à gauche,
30:20 et il y en a, et on a des théoriciens, des théoriciennes
30:22 qui réfléchissent à cette question régulièrement,
30:23 les idées existent,
30:25 mais se pose la question de comment est-ce qu'on arrive
30:26 à les faire vivre dans un parti ?
30:28 Comment on restaure le lien avec le mouvement associatif,
30:31 avec les syndicats ?
30:33 Comment on fait l'éducation populaire ?
30:34 Comment on arrive à avoir des idées qui infusent dans la société,
30:37 à retrouver un maillage territorial, etc.
30:41 Et donc la question que la gauche doit se poser,
30:42 en l'occurrence pour l'immigration,
30:44 mais plus largement pour avoir une identité politique
30:46 dans le champ et dans la compétition politique,
30:49 c'est celle de son organisation.
30:50 Comment arriver à structurer un parti
30:51 qui peut prendre des positions sans se diviser ?
30:54 Et l'histoire des 20 dernières années au PS,
30:56 c'est l'inverse, c'est-à-dire comment on préserve une organisation
30:59 en suspendant les prises de position ?
31:01 Et on l'a vu à de nombreuses reprises
31:02 sur la question de l'immigration,
31:03 sur d'autres questions, on l'a vu au moment du traité constitutionnel européen,
31:06 où on a un parti qui se divise,
31:08 et qui en fait va avoir une majorité,
31:10 on retrouve des gens qui se sont opposés,
31:12 et va désigner comme candidate à l'élection de 2007
31:14 quelqu'un qui n'a pas été pris dans ces luttes-là,
31:15 en l'occurrence Ségolène Royal.
31:18 Un mot de conclusion et de réaction, Gilles Finkelstein.
31:21 Oui, alors, moi je suis le secrétaire général de la Fondation Jean Jaurès,
31:24 qui n'est pas le parti socialiste,
31:26 donc qui en est totalement indépendant,
31:29 et donc pour notre part,
31:30 c'est un sujet dont nous nous sommes saisis
31:33 maintenant depuis des années,
31:34 et sur lequel, dans les prochaines semaines,
31:37 nous allons faire des propositions.
31:40 Mais des propositions dans quel sens ?
31:42 Vous pourriez profiter de ce micro, Gilles Finkelstein,
31:45 pour faire des annonces !
31:46 Et maintenant, je fais seulement du teasing !
31:48 Jean et Marie, qu'est-ce qui va se passer aujourd'hui ?
31:51 Et vous êtes cruelle, à 8h42 là !
31:53 Eh, écoutez, je suis obligé de vous demander un peu de questions d'actualité !
31:57 La vraie question qui va planer, si vous parlez du débat immigration,
32:00 c'est évidemment celle du 49-3,
32:02 on a commencé à l'évoquer brièvement tout à l'heure.
32:05 Donc alors, Gilles Finkelstein,
32:06 on l'a gravé dans le marbre, n'y crois pas,
32:09 mais...
32:10 Non, non, c'était sur la motion de rejet prélève d'aujourd'hui.
32:13 D'aujourd'hui, d'aujourd'hui.
32:14 Ne croit pas au rejet prélève.
32:15 Ne poussez pas le bouchon trop loin, Gilles Werner.
32:17 C'est le 49-3.
32:18 Si Gérald Darmanin échoue à trouver une majorité pour son texte,
32:24 que va-t-il se passer ?
32:25 Voilà.
32:25 On sait que aussi bien la Première ministre
32:27 que le ministre de l'Intérieur,
32:28 pour des raisons différentes,
32:29 souhaitent que le 49-3 soit inutile,
32:32 ne serve pas, ne soit pas actionné.
32:34 Mais peut-être, peut-être,
32:35 l'exécutif sera-t-il amené à l'utiliser,
32:38 et certains dans la majorité le souhaitent encore ce matin.
32:41 Sacha Houllier, par exemple,
32:42 président de la Commission des lois,
32:44 elle gauche de la majorité,
32:45 lui, il ne serait pas hostile à ce qu'il appelle
32:47 un 49-3 populaire face à une impasse politique.
32:50 Gilles Finkielstein, mais d'après vous,
32:51 dans ce cas-là, est-ce que ça voudrait dire
32:53 que ce serait une mauvaise affaire politiquement
32:55 pour le gouvernement ?
32:57 Oui, c'est la raison pour laquelle,
32:58 je disais tout à l'heure,
32:59 le contenu du texte compte moins que son issue
33:02 et que Gérald Darmanin va être prêt à beaucoup de concessions,
33:06 à peu près à toutes les concessions
33:08 pour que ce texte finisse par être voté
33:10 parce que la victoire politique est plus importante
33:13 pour lui que le contenu du texte.
33:16 Gilles Finkielstein, vous êtes secrétaire général
33:18 de la Fondation Jean Jaurès,
33:19 Pierre-Nicolas Baudot,
33:21 doctorant au Centre d'études constitutionnelles et politiques.
33:23 Votre thèse sur le parti socialiste
33:26 et la politisation de la question émigrée
33:28 sera, je crois, soutenue tout à l'heure.
33:30 Donc, écoutez, merde,
33:32 c'est le seul mot qui s'impose.

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