Peur des professeurs : «L'assassinat de Samuel Paty a été un épisode traumatisant pour eux», estime Jean-Pierre Obin

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Jean-Pierre Obin, ancien inspecteur général de l’Education nationale, répond aux questions de Dimitri Pavlenko. Il publie "Les profs ont peur" aux éditions de l’Observatoire.

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Transcription
00:00 sur Europe 1. Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin l'ancien inspecteur général de l'Education Nationale, Jean-Pierre Robin.
00:05 Bonjour Jean-Pierre Robin.
00:07 Bonjour Monsieur Pavlenko.
00:08 Bienvenue sur Europe 1. Qui en France voudra encore être enseignant dans quelques années ?
00:14 Question volontairement provoquante ce matin.
00:16 Une mission sénatoriale se penche en ce moment sur les agressions, les pressions dont les profs sont victimes
00:21 dans des proportions qui sont absolument ahurissantes. On va le voir ensemble Jean-Pierre Robin.
00:25 Les profs ont peur, et c'est d'ailleurs le titre de votre dernier livre paru aux éditions de l'Observatoire.
00:31 Ils ont peur de quoi les enseignants ?
00:33 Ils ont peur d'un certain nombre de situations, qui sont les situations les plus fréquentes d'atteinte à la laïcité,
00:40 d'incidents de cours. Et par exemple, 6 sur 10 ont peur ou auraient peur de montrer des caricatures de personnages religieux à leurs élèves.
00:50 5 sur 10 ont peur ou auraient peur de parler des motifs de l'assassinat de Samuel Paty avec leurs élèves.
00:57 Et au bout du compte, l'un dans l'autre, c'est 8 professeurs sur 10 qui ont peur d'une situation
01:03 où la religion serait présente et où les élèves contesteraient tel ou tel aspect de leur cours.
01:09 Alors vous êtes l'auteur du fameux rapport Aubain de 2004 sur les signes et manifestations d'appartenance religieuse dans les établissements scolaires.
01:18 Et ce qui était anecdotique il y a 20 ans, qui ne concernait que quelques dizaines d'établissements difficiles,
01:24 Jean-Pierre Aubain, dans votre dernier livre, vous le dites très clairement, c'est désormais massif pour ne pas dire généralisé.
01:30 Ce qui apparaît quand même frappant, c'est qu'il n'y a plus de territoire épargné, il n'y a plus de discipline enseignée épargnée,
01:39 il n'y a plus de degré d'enseignement épargné. 25% des instituteurs aujourd'hui disent avoir déjà vécu une contestation de cours dans le primaire.
01:52 Et si on passe à l'autre extrémité, c'est-à-dire les enseignants qui enseignent en réseau d'éducation prioritaire,
01:59 ce sont deux tiers d'entre eux qui disent s'être déjà censurés.
02:04 - Jean-Pierre Aubain, on va nommer les choses, vous écrivez que l'école est devenu le champ de bataille d'une guerre culturelle déclarée à la France par les islamistes.
02:13 Et c'est allé, on le sait, jusqu'à l'assassinat de Samuel Paty. Ça a tout changé pour les enseignants.
02:19 - Il y a un avant et un après, ce traumatisme qui a constitué l'assassinat de Samuel Paty,
02:24 et ce second traumatisme dont il parle toujours également, qui était celui de la rentrée de la Toussaint 2020, juste après l'assassinat.
02:33 Et l'état d'extrême solitude dans lequel ils se sont trouvés dans leur classe,
02:40 sans aucune préparation, pour obéir à l'injonction du ministère, de faire une minute de silence et d'engager un dialogue avec les élèves.
02:47 Ça a été un épisode traumatisant pour beaucoup d'entre eux, et beaucoup m'ont dit "je ne ferai plus jamais d'hommage à Samuel Paty".
02:56 - C'est-à-dire qu'aujourd'hui, Jean-Pierre Aubain, depuis Samuel Paty, les profs ont l'impression de jouer leur vie face à certains de leurs élèves ?
03:03 - Oui, ils y pensent assez souvent. Et quand ils n'y pensent pas, il y a la famille qui est là pour y faire penser,
03:09 comme ce professeur de philosophie qui s'affronte à des lycéennes en Abaya et qui se répandent dans les couloirs en hurlant son nom
03:18 et le traitant de raciste et d'islamophobe. Il est d'abord en colère, et puis après, il rentre chez lui, il en parle à sa femme et des amis,
03:25 qui lui disent tous "mais tu as pensé à te protéger, il faut absolument... tu es en danger". Et il termine son interview en disant "depuis, je ne dors plus".
03:36 - Oui, parce qu'il y a beaucoup d'entretiens, il y a beaucoup de témoignages de profs, en effet, dans votre ouvrage.
03:40 Il en ressort que parmi les points sensibles des programmes, alors évidemment, il y a l'histoire de la Shoah, la question de l'homophobie,
03:48 on découvre que certaines disciplines deviennent compliquées à enseigner, je pense à la natation pour les filles, la musique aussi,
03:55 on a aussi des élèves musulmans qui revendiquent des tables à part à la cantine, et puis il y a dans votre livre aussi l'histoire d'une photo de classe.
04:02 Jean-Pierre Robin, j'aimerais bien que vous nous la racontiez.
04:05 - Donc c'est une famille qui demande qu'il y ait deux photos de classe, une photo avec leur fils et une photo sans leur fils.
04:14 Ils ne veulent pas que leur fils figure sur une photo qui serait partagée avec les autres familles.
04:24 - Mais c'est quoi le fondement de cette demande ?
04:27 - Le fondement, c'est un rapport à l'image, qui interdit aussi à ceux qui se laissent influencer par l'islamisme de pratiquer le dessin d'art,
04:38 dès qu'il y a un personnage, dès qu'il y a un visage. C'est une demande assez curieuse, mais il y a beaucoup de demandes aujourd'hui qui se développent autour des filles et du voile.
04:54 Il y a plusieurs témoignages qui m'ont été adressés, qui montrent qu'il y a des familles qui commencent à refuser les photos administratives,
05:04 ce qu'on appelle le trombinoscope, c'est-à-dire le fait que sur chaque fiche administrative d'un élève dans un établissement, on puisse mettre sa photo d'identité.
05:12 - Il y a eu ce sondage IFOP aussi, Jean-Pierre Robin, publié vendredi, qui atteste le sondage qui avait été commandé à la veille de la journée nationale de la laïcité.
05:22 Dans ce sondage, on découvrait qu'une écrasante majorité des Français de confession musulmane, 78%, considère la laïcité à la française comme discriminatoire.
05:33 Est-ce que ce chiffre, Jean-Pierre Robin, vous a surpris ?
05:35 - Je pensais jusque-là que les gens plus âgés parmi les musulmans n'avaient pas tout à fait les mêmes positions,
05:43 des positions moins, je dirais, dictées par l'islamisme ou influencées par l'islamisme.
05:51 Et là, je constate que non. En fait, il y a une assez forte homogénéité générationnelle dans les différentes réponses que les jeunes d'un côté, les lycéens d'un côté,
06:04 l'ensemble des musulmans de l'autre donnent à beaucoup de questions. En particulier, ma plus grande surprise concernant l'enquête que vous évoquez, la dernière,
06:13 c'est les réponses sur l'évolution des espèces. On a quand même 3 musulmans sur 4 qui pensent que Dieu a créé les êtres vivants tels qu'ils sont
06:30 et qu'il n'y a pas d'évolution des espèces, que c'est une fable que de penser que les espèces ont subi une évolution.
06:39 Et la théorie de Darwin est révalée à l'état de fable.
06:44 – Merci beaucoup Jean-Pierre Robin, ancien inspecteur général de l'éducation nationale.
06:50 Je rappelle le titre de votre ouvrage, "Les profs font peur", séparé aux éditions de l'Observatoire.
06:55 Je précise que cet entretien a été enregistré hier soir.
07:00 Il est à retrouver en version longue sur europe1.fr. Il est 7h19.

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