• il y a 2 ans
Le 11 septembre 2001 a provoqué une onde choc qui a profondément marqué la culture mondiale, de la presse à la musique en passant par le cinéma, avec de terribles conséquences. Et si revenir sur cette période deux décennies après nous permettait de tirer quelques leçons sur la situation actuelle ?

Category

🗞
News
Transcription
00:00 Je suis tellement heureux de l'introduction,
00:02 que vous avez mentionné la guerre d'Irak.
00:04 Je vous applaudis, Pierre, pour le dire,
00:06 parce que vous étiez honnête.
00:07 Vous avez dit que la propagation de mensonges,
00:09 comme les WMD,
00:10 faisait que les gens regardent ces gens comme moins d'humains
00:13 et qu'ils accepteraient la mort d'un million d'Irakiens,
00:15 que ce soit par chances ou par invasion,
00:17 pour préserver la liberté de l'intérieur.
00:20 Vous parlez de Westerners comme moi.
00:22 Ok, donc laissez-moi retourner le favoris.
00:23 Ok ?
00:24 Hamas est dédié à l'éradication complète des Jeux.
00:29 Je ne suis pas le spokesman pour Hamas.
00:30 Je ne dis pas que tu es.
00:32 Wow, mais l'ambiance là.
00:33 Bon, aujourd'hui on va couper un peu, hein.
00:35 Y'en a marre.
00:37 Allez, on coupe la télé,
00:39 on coupe la radio,
00:40 et on coupe internet, ça m'a saoulé.
00:43 Voilà, et on coupe les réseaux sociaux,
00:46 et surtout Twitter.
00:49 Non, là, on va se changer les idées.
00:51 Et si on parlait du 11 septembre ?
00:54 Yeah !
00:55 Oui, ok, on va pas couper du tout,
00:57 même si on en a très envie,
00:59 dans ces moments-là, y'a plus que jamais besoin qu'on parle.
01:01 Et c'est bien le problème.
01:03 Par contre, on va essayer de faire ce qu'on essaie toujours de faire dans cette émission,
01:06 parler de culture,
01:07 et même si comparaison n'est pas raison,
01:10 que les contextes sont différents,
01:11 ce qu'elle peut nous dire de notre monde,
01:13 qui n'est pas au mieux de sa forme.
01:14 Partout, l'injustice, le nationalisme, l'exclusion, ça me débête.
01:19 Bref, tâchez de faire un truc pas très à la mode en ce moment,
01:22 essayez de prendre un peu de recul.
01:24 Puis, de toute façon, foutu pour foutu...
01:27 Donc...
01:28 9/11...
01:31 Non, je veux dire...
01:32 J'ai toujours voulu avoir une conversation...
01:35 ...sur ça.
01:36 Tu n'as jamais parlé à des gens sur 9/11 ?
01:39 Non, mais tu...
01:40 ...tu danses.
01:41 Je ne vais pas vous réexpliquer ce qui s'est passé cette veille d'automne 2001.
01:54 C'est justement un événement qui a marqué les consciences collectives
01:57 et dont on a les images imprégnées dans la rétine.
01:59 Donc, pas trop la peine de vous en remettre,
02:01 d'autant que le robot YouTube est très très tatillon sur ces images et ce sujet.
02:05 C'est le genre de truc dont on dit "tout le monde se souvient"
02:08 ce qu'il faisait ce jour-là.
02:09 Mais moi, je suis rentré chez moi et il n'y avait personne,
02:12 du coup j'ai été chez un de mes potes de lycée,
02:15 et il n'y avait que lui et sa mémé,
02:16 et je me souviens pertinemment qu'on avait regardé ensemble
02:19 et que sa mémé avait dit "c'est l'Irus, c'est la 3ème guerre mondiale".
02:23 Et on l'a cru, donc on a eu hyper peur.
02:25 Mais en fait, c'était pas vraiment la 3ème guerre mondiale.
02:27 En tout cas, on a un alibi, quoi.
02:28 [Rires]
02:29 En tout cas, j'étais pas là-bas, d'accord ?
02:31 Et même si vous êtes trop jeune,
02:33 vous, pour pouvoir vous souvenir de ce que vous faisiez ce jour-là,
02:36 vous avez grandi dans le monde d'après.
02:38 Pour ceux qui sont trop jeunes pour se rappeler,
02:40 vous savez comment il faut mettre tous vos liquides dans une petite boîte transparente
02:43 quand vous passez par la sécurité et que vous n'êtes pas autorisés à en prendre un certain nombre ?
02:46 Ce n'était pas comme ça.
02:47 On pouvait juste le mettre sur le plâne.
02:48 Et en 2006, on a été dit que les restrictions sur les liquides
02:52 étaient une mesure temporaire.
02:55 C'était il y a 12 ans.
02:57 Alors, quand on reviendra à la normale ?
03:00 Ces attentats ont marqué un tournant historique
03:03 et une forme de traumatisme qui se ressent encore du point de vue culturel,
03:07 autant comme on va le voir pour l'événement lui-même que pour ses conséquences.
03:10 Mais un traumatisme qui a été partiellement digéré après plus de deux décennies.
03:15 Et c'est là que ça peut nous aider.
03:17 Et c'est pas que le travail historique ou médiatique,
03:19 c'est le discours en général, les images, les films, les chansons, je ne sais quoi.
03:24 En 747,
03:26 c'est explosé dans mes fenêtres.
03:31 Ou même l'humour.
03:32 C'était une tragédie.
03:34 On a perdu 19 de nos meilleurs hommes.
03:37 Hein ?
03:38 C'était une blague, évidemment.
03:40 Puisque certains aiment bien décréter ce qui est Charlie ou pas,
03:43 comme le veut une expression désormais consacrée par une tragique ironie,
03:47 voilà par exemple ce que Cabu en avait tiré.
03:49 En une, dans l'édition juste après.
03:52 Maintenant, avec cette distance, notamment générationnelle,
03:55 du fait du passage du temps et de comment on a eu tout un tas de supports comme ça pour le digérer,
04:00 c'est vraiment important de bien rappeler l'horreur qui avait été ressentie à ce moment-là.
04:04 Près de 3000 victimes.
04:05 C'était des gens qui sautaient par les fenêtres,
04:08 dans un lieu et avec des victimes aux antipodes de ceux qu'on avait malheureusement pris l'habitude de se représenter
04:13 comme subissants, quotidiennement, ce genre de scènes.
04:16 Représentation qui est elle-même un problème.
04:19 Et comme c'était les Etats-Unis d'Amérique qui étaient sous le choc,
04:22 il s'est d'autant plus propagé au reste du monde occidental
04:25 qui s'associe beaucoup à eux, notamment via leur poids dans la culture mondiale.
04:29 Dans l'impact culturel, le premier truc auquel on pense, c'est les œuvres dessus.
04:33 Il y en a eu évidemment un paquet dans les années qui ont suivi.
04:35 Mais il y a aussi eu des répercussions plus immédiates au sein des imaginaires.
04:39 Pour être plus clair, il y a eu ce moment où c'était impossible pour toute création de ne pas en parler.
04:44 L'épisode de South Park, suivant les attentats, a été par exemple très attendu, et très apprécié d'ailleurs.
04:48 La série West Wing, ils ont fait un épisode spécial hors continuité, un peu sous forme de pièce de théâtre,
04:54 avec les acteurs qui s'adressent au public et leurs personnages qui discutent de thématiques liées.
04:58 On pourrait multiplier les exemples, mais ne serait-ce que ça.
05:01 Traiter le trauma en discutant, c'est déjà énorme, et c'est un truc que la culture populaire permet de faire.
05:06 Malheureusement, comme on va le voir, c'est pas très représentatif de l'ambiance générale.
05:11 Ce qui est plus invisible, mais tout aussi connu, c'est ce qui a été retiré.
05:15 Il y a un paquet d'œuvres où la présence des deux tours a été purement et simplement enlevée.
05:19 D'ailleurs, signe très parlant de l'évolution de ces enjeux de mémoire, là, en miroir littéralement,
05:24 il y a une fameuse bande-annonce de Spider-Man qui avait été retirée, mauvais timing,
05:28 mais là, 20 ans après, dans le dernier jeu vidéo, alors les tours, elles y sont évidemment pas,
05:32 mais ils en ont rajouté des reflets dans les immeubles en face de là où elles se trouvaient.
05:36 Il y a même eu des effets rétroactifs, genre dans Armageddon, le World Trade Center se mange une météorite,
05:41 et ça a été viré de plein de diffusions télé après.
05:44 Pareil dans Maman, j'ai encore raté l'avion, alors que là, évidemment, il se prend pas de météorite.
05:48 Encore une fois, petit à petit, ces trucs-là sont revenus.
05:51 Pour finir là-dessus, encore plus invisible, mais presque plus significatif, ce qui n'a pas été fait.
05:56 James Cameron a annulé sa suite de True Lies et des Mx de Forrest Gump parce que...
06:01 parce qu'il le sentait plus, quoi. Les sujets paraissaient trop sensibles ou plus pertinents.
06:05 Il y avait vraiment un avant et un après.
06:07 Ça, ça donne une idée concrète de l'impact sur la production culturelle,
06:11 mais ça effleure à peine la chape de plomb proprement délirante des années qui ont suivi.
06:16 Je saurais pas l'appuyer assez pour celles et ceux qui n'auraient pas connu cette période,
06:21 tout le monde est devenu zinzin.
06:24 Enfin, tout le monde.
06:26 Parce que ce que ça a donné, c'est pas juste un deuil collectif.
06:29 Le processus de deuil a même été totalement confisqué par une ambiance.
06:33 Mais alors, une ambiance ! Ils ont débranché le cerveau, hein.
06:36 Et puis pas mise en veille, genre directement la prise sans les gants de sécu.
06:41 Comment l'industrie de l'entertainement se déroule avec le pire cauchemar américain depuis Pearl Harbor.
06:46 D'ailleurs, Miss America et l'attaque des terroristes.
06:50 Sur le front de la maison, les chercheurs se concentrent sur une autre menace.
06:54 Elle a aussi été une fois inscrite.
06:57 Tu es avec nous,
07:02 ou tu es avec les terroristes.
07:05 Maintenant, plus que jamais, c'est important pour des gens comme toi de s'exprimer chaque jour.
07:11 À cette heure, les forces américaines et de la coalition sont dans les premiers étages de l'opération militaire
07:23 pour dénoncer l'Irak, libérer ses gens et défendre le monde de la grave danger.
07:34 Les événements traumatiques affectent les gens de différentes façons.
07:37 Des mois, même des années plus tard, certains survivants de traumatisme peuvent développer un stress post-traumatique.
07:43 Saddam est dangereux. Le monde serait mieux sans lui.
07:48 Nous sommes riches, nous sommes puissants, nous voulons aider les autres.
07:54 Je pense que c'est assez remarquable. Je suis très fière.
07:58 [Musique]
08:16 Ils ont réussi.
08:27 Et ça, vous voyez bien que ça a très mal vieilli.
08:30 Avec le recul, c'est perçu comme terrifiant et à minima ridicule.
08:34 Notamment parce que ça a depuis été ridiculisé maintes et maintes fois.
08:37 [Musique]
08:43 Peut-être qu'il y a plein de gens qui se connaissent d'America World Police parce que c'est absolument hilarant.
08:47 C'est typiquement un film de l'époque qui parodie en fait tout l'emballement patriotique,
08:52 qui se fout de leur gueule, où en gros quand ils interviennent contre les méchants terroristes armés,
08:57 ils font plus de dégâts que les terroristes. Genre au début, ils pètent la tour Eiffel et tout.
09:00 C'est hyper marrant. Donc les gens l'ont retenu comme un truc hyper satirique.
09:03 Parce que c'est le cas, c'est les mecs de South Park.
09:05 Mais souvenez-vous quand même de la fin de ce film et du propos de ce film pour ceux qui l'ont vu.
09:10 Parce qu'en fait, le film, il parodie aussi tous les acteurs hollywoodiens qui étaient contre la guerre.
09:15 Notamment Sean Penn, Michael Moore, même Matt Damon, qui est un des potes des mecs de South Park.
09:19 En disant qu'en fait c'est les idiots utiles des dictatures de la Corée du Nord et tout.
09:24 Genre on voit pas le rapport, c'était juste les trucs qui étaient dans l'axe du mal, quoi, comme ça.
09:28 Donc déjà, ils se foutent de leur gueule. Ils avaient un compte à régler avec Michael Moore.
09:32 Et la morale du film qui est dite par le héros à la fin, c'est en gros,
09:36 oui en fait, on est un peu débile et on est un peu des connards et on fait un peu n'importe quoi.
09:41 Mais il faut bien qu'il y ait des mecs comme nous pour lâter la gueule aux méchants.
09:44 Et c'est ça la morale du film. C'est pas du tout un film qui va totalement à contre-courant,
09:49 même s'il commence à se moquer un petit peu de l'ambiance générale.
09:52 C'est typiquement un film post-11 septembre très très révélateur, remettez-le.
09:56 En plus, ça va crever de rire. Mais voilà, la morale, c'est ça, quoi.
09:59 Tiens, Michael Moore, justement, ça, ça montre bien que ça concernait pas que les chansons patriotiques
10:04 basse du front ou le sinoche de bonne vieille propagande militariste.
10:08 Non, non, c'était partout.
10:10 Même dans les sphères les plus libérales bon chicbon genre d'Hollywood.
10:14 Nous vivons dans un moment où nous avons un homme qui nous envoie en guerre pour des raisons fictives.
10:22 Il y a une excellente vidéo de Lindsay Ellis sur ce qui s'est passé dans la culture après le 11 septembre,
10:28 spécifiquement dans la musique.
10:30 Et elle est sous-titrée en français, vous pouvez aller la voir, c'est très intéressant,
10:32 parce que c'est vraiment hallucinant.
10:34 Et ce qu'elle explique, c'est qu'en gros, contrairement à par exemple la guerre du Vietnam,
10:37 ça avait lancé tout un mouvement de contestation dans la musique.
10:40 Après le 11 septembre, c'était vraiment une chape de plomb, c'était horrible,
10:43 tu pouvais vraiment juste rien faire.
10:45 Et il y a un truc notamment qui est peu connu en France,
10:47 il y a un groupe qui s'appelle les Dixie Chicks,
10:49 c'est vraiment des petites texanes, c'est hyper inoffensif,
10:51 qui font de la country, un peu pop, qui vendent des millions d'exemplaires.
10:55 Et ces meufs, un jour à un concert, elles ont eu le malheur de dire
10:58 "on a honte que George Bush y soit texan et on est contre la guerre".
11:02 Et ça a été finito.
11:04 Les banquets annulés, les ventes d'albums boycott qui s'écroulent, etc.
11:08 Menaces de mort, il y en a une, elle s'est faite vandaliser son domicile,
11:11 alors qu'elles ont pas dit "bien fait pour notre gueule",
11:14 "mort à l'impérie et c'est pas américain", on sait pas quoi.
11:17 Elles ont juste dit "non, la guerre, on en veut pas".
11:19 Si ça a si mal vieilli, c'est pas juste que maintenant on trouve ça cringe ou ringard.
11:24 Non, c'est que tout ce contexte culturel a eu des conséquences très concrètes
11:27 et beaucoup moins drôles.
11:29 A justifier des reculs de liberté énormes, des politiques antisociales.
11:33 Depuis que le terrorisme est devenu une guerre que nous menons,
11:38 des centaines, des milliers de défenseurs des droits humains
11:41 sont emprisonnés à l'heure actuelle parce que ce sont soi-disant des terroristes.
11:45 Mais surtout, des guerres, des embargos, des tapis de bombes, des invasions,
11:49 des centaines de milliers de morts directes.
11:51 Et ça aussi, ça a été pointé du doigt, notamment par l'humour.
11:54 Y a des têtes qui giclent comme des comédons qu'on perce,
11:59 ça maquille tout le quartier en rouge vif,
12:01 c'est techniquement parfait !
12:04 En plus, une fois retiré le bandeau et le bilan dressé, tout ça pourquoi ?
12:09 C'est joli comme expression, "retrait des troupes américaines".
12:12 Elle est gagnée, la guerre contre la terreur ?
12:15 Ah oui, que ça remplace avantageusement d'être allé comme des lapins
12:18 après avoir foutu un bordel sans nom.
12:20 Toute la région déstabilisée, à feu et à sang, des Daesh et compagnie,
12:24 vraiment, merci pour ça.
12:25 Ah mais au moins, c'est bon, y a plus Saddam, même si on voit toujours pas le rapport.
12:29 Surtout que maintenant, on sait qu'ils ont menti comme des arracheurs de dents.
12:32 Est-ce que ça n'était pas un crime d'agression d'entrer en Irak sur la base d'un mensonge ?
12:37 Bah on savait pas que c'était un mensonge à l'époque.
12:40 Et ouais, sur le moment, les vattes en guerre pouvaient se sentir tout puissants
12:43 en déployant tout l'arsenal médiatico-culturel et en triturant les plaies encore à vif.
12:48 20 ans après, c'est les gars comme John qui bafouillent.
12:51 Là encore, là vraiment...
12:53 Mais lui mentait, lui mentait, lui mentait.
12:57 Écoutez, je ne vais pas couvrir le dossier de la guerre au Nidra,
13:02 j'ai passé beaucoup de temps là-dessus.
13:04 Mais même les lectorats de Bush, ils en sont venus à plébisciter un type en bonne partie
13:09 sur la promesse d'arrêter cet interventionnisme militaire.
13:12 Alors que les gars qui ont tenu un autre discours à l'époque,
13:14 malgré cette chape de plomb, ils banquent dessus encore aujourd'hui.
13:18 La guerre contre le terrorisme n'a jamais été gagnée nulle part.
13:22 Elle enclenche au contraire des méfaits, des cycles et des engrenages extrêmement dramatiques.
13:27 Non mais on en est au point qu'on est tous là "ah merci enfin, quelqu'un de solide
13:31 qui n'est pas devenu complètement fou alors que c'est...
13:34 enfin c'est vil-pain quoi".
13:35 Moi j'ai fait le mouvement anti-CPE, c'est censé être ma némésis dans mon origin story.
13:39 Parce que la France, souvenez-vous, on avait partagé notre émotion, minutes de silence et tout,
13:44 mais on avait tenu tête quand ça avait été instrumentalisé pour faire de la merde.
13:48 Et on en est tous fiers maintenant.
13:49 Parce que si, c'est notre rôle quand on est dans une position relativement privilégiée
13:53 où on est moins touché directement et dont on pourrait s'inspirer aujourd'hui.
13:56 Non là nous maintenant, on interdit les manifs carrément et on en vient à regretter chichi.
14:16 Ce n'est pas un méthode, c'est une provocation.
14:20 Tenez, vil-pain justement, on était tout fiers de son discours à l'ONU,
14:23 par contre à la minute où il a refait la même avec la situation actuelle,
14:27 boum, le même genre de diffamation dégueulasse qu'en 2001 pour qu'il la boucle.
14:31 Mais à l'époque, qu'est-ce qu'on avait pris juste pour ça ?
14:34 C'est devenu légendaire.
14:36 Les french fries, renommés freedom fries,
14:38 les mecs qui déversent du pinard dans les caniveaux,
14:41 les anathèmes sur la scène internationale.
14:43 Les manifs, je m'en souviens, on se faisait insulter, traiter de soutien de sa dame,
14:47 jusqu'en France, des manifs anti-guerre.
14:50 Et encore, là, comme souvent, on reste focus sur le monde occidental.
14:54 Mais le reste du monde, c'est pas rien le "reste du monde", c'est pas trois personnes.
14:58 Ah oui mais, j'avais oublié.
15:06 Pourquoi devons-nous croire ce que votre gouvernement dit ?
15:09 Votre spokesman militaire, le matin, a pointé un document arabe
15:12 dans le basement d'un hôpital de Gaza et a dit que c'était une liste de gardiens
15:15 sur laquelle chaque terroriste écrivait son nom.
15:17 Mais c'était faux, c'était juste un calendrier.
15:19 C'était la chose la plus amusante que j'ai vu de mon âge.
15:22 C'était un moment Colin Powell, mais comme une édition chère.
15:25 Ça c'est 2005 et genre, dinguerie, Ultimate c'est...
15:28 Pour situer, en fait, c'est une version moderne des Avengers,
15:31 qui avait été faite à l'époque.
15:32 Ils ont fait un truc incroyable, c'est que la fin de l'histoire,
15:35 c'est qu'il y a des super-héros de tous les autres pays,
15:39 des pays de l'Axe du Mal, d'ailleurs la BD s'appelle "L'Axe du Mal",
15:43 qui se rebellent contre les super-héros américains,
15:46 avec à leur tête un jeune gars qui voit les super-héros envahir son pays.
15:53 Du coup, on est en pleine invasion, Irak, Afghanistan,
15:56 mais en gros, il devient une espèce de capitaine américain de l'Axe du Mal.
15:59 Ils ont inversé le truc, c'est-à-dire qu'ils envahissent les États-Unis.
16:02 Il y a des Russes, il y a un Français, évidemment, des Chinois, etc.
16:08 Et ils font tomber la statue de la liberté, comme la statue de Saddam Hussein et tout.
16:12 Ils disent qu'ils vont réorganiser des élections, en voie de blague,
16:15 sur le fait que le dirigeant actuel, qui est donc George Bush,
16:19 n'a pas été élu à la régulière, ce qui fait référence au fait que
16:22 ça a été un petit peu douteux, les comptages de voix pour son élection.
16:26 Donc ça, c'est pas un genre.
16:27 Vraiment, quelques années après, il y avait déjà des dingueries
16:30 de contenus critiques satiriques, même dans des conneries de trucs de super-héros.
16:35 J'ai relu ça, c'est assez hallucinant comme témoignage de l'époque.
16:40 Et du coup, dans cette version, Thor est un militant alter-mondialiste.
16:44 Il fait les manifs anti-guerre et tout, il va défendre les manifs
16:47 qui se font taper par les flics. C'est incroyable de relire ça maintenant.
16:50 D'ailleurs, tiens, tiens, c'est à ce moment-là qu'on a commencé à avoir
16:54 une petite vague de méchants français dans les films.
16:56 Mais surtout, évidemment, l'archétype du méchant arabe,
16:59 terreau fanatique, cruel, et le changement de vision du Moyen-Orient en général.
17:03 Il y a ce qu'on pourrait appeler en effet "homeland".
17:06 En 2015, l'épisode 2 de la saison 5 de cette série d'espionnage américaine
17:10 avait suscité l'atterment, ou l'hilarité, dans le monde arabe.
17:13 Il était censé se dérouler à Beyrouth, mais la capitale libanaise
17:16 avait été représentée comme un dédale de ruelles poussiéreuses,
17:19 une succession de gargotes et de gourbilles louches,
17:21 là où, dans la réalité, il y avait plutôt des Starbucks.
17:24 Maintenant, c'est un trope, c'est un cliché même.
17:26 Sauf que ça n'a pas toujours été le cas.
17:28 Je vais encore prendre un exemple parlant.
17:30 Vous voyez Rambo 3.
17:32 Qu'est-ce que c'est que ça ?
17:34 Une lumière bleue.
17:35 Ça fait quoi ?
17:37 Du bleu.
17:38 Il paraît qu'à l'origine, il y avait un panneau texte
17:40 qui dédiait le film aux braves Moudjahidines d'Afghanistan,
17:43 et qu'après 2001, ça aurait été changé en "Aux braves peuples d'Afghanistan".
17:47 Bon, ben c'est pas vrai, c'est une légende,
17:49 et les visuels que vous pouvez voir circuler, c'est des montages.
17:51 Mais sur quoi elle se base, cette légende ?
17:53 Sur le fait que dans Rambo 3, les Moudjahidines afghans,
17:56 c'est des gentils, ils sont sympas, c'est des résistants courageux,
17:59 amis de l'Amérique et de la liberté,
18:01 contre les soviétiques et d'autres groupes locaux.
18:03 Il y a même une fin qui était prévue où ils restaient là-bas pour les aider et tout.
18:06 Sauf qu'après le 11 septembre, changement de méta,
18:09 fallait assimiler tout ça au terrorisme, à l'axe du mal,
18:12 pour justifier des guerres, des invasions,
18:14 notamment en Afghanistan.
18:16 Vraiment les mêmes qui suspectent tout le monde de soutenir ces types,
18:19 alors qu'eux les ont littéralement soutenus
18:21 contre des mouvements plus laïcs ou de gauche,
18:24 et pas qu'en envoyant Rambo.
18:25 C'est quand même hallucinant que ça passe encore.
18:27 Benjamin Netanyahou explique que si nous voulons empêcher l'État palestinien,
18:31 il faut autoriser le financement du Hamas, c'est notre stratégie.
18:36 Et si le Hamas est devenu la force militaire
18:40 qui a commis les massacres du 7 octobre,
18:44 c'est grâce au feu vert donné par Benjamin Netanyahou
18:48 pour le financement de cette organisation.
18:50 Comme les mêmes qui vont jouer avec le feu
18:52 en claquant la bise à des champions du monde de l'antisémitisme,
18:55 genre Orban,
18:56 ou des partis littéralement fondés par des SS et des négationnistes.
18:59 Le foutage de gueule.
19:01 Vous regardez l'Israël comme un super-homme, mais en réalité c'est un paysan.
19:04 Alors vous allez me dire "ouais, c'est trivial tes histoires de représentation au cinéma,
19:08 surtout à côté de ce qui se passe concrètement".
19:10 Et c'est vrai, mais déjà c'est le sujet de ces chroniques.
19:14 Et puis pour le reste, pour les sujets sérieux,
19:16 je vous invite vraiment à lire l'Huma directement,
19:19 et la presse qui travaille là-dessus malgré les circonstances.
19:22 Et d'ailleurs, vous noterez que je pourrais peut-être pas parler de ça aussi librement
19:25 si c'était pour un autre journal.
19:27 Parce que, waouh, ça a l'air pas toujours facile de faire son taf en ce moment.
19:30 Personne n'oublie bien sûr le sort des otages.
19:33 Personne n'oublie le sort des otages.
19:35 Mais ces images sont frappantes,
19:37 celles de civils qui sont touchés.
19:39 Je vous propose qu'on en regarde d'autres.
19:41 C'était dans le camp de réfugiés en Corée du Nord,
19:43 de Jabalia.
19:45 "Vous savez qu'il y a eu de nombreuses victimes là-bas,
19:47 pardonnez-moi, vous allez pouvoir répondre dans un instant,
19:49 des civils présents aussi dans une école de l'ONU
19:51 qui a été touchée hier par une frappe de votre armée."
19:55 Surtout, ces représentations populaires,
19:57 elles accompagnent ces choses plus concrètes.
19:59 Les effets de déshumanisation et de stigmatisation,
20:02 c'est ça qui permet de bypass notre propre humanité
20:05 pour justifier le pire.
20:07 Et ça, à toutes les époques, dans tous les contextes,
20:09 de tous les côtés.
20:11 C'est précisément ce qui permet de faire ce qui devrait être impensable.
20:14 Le point commun à tous les massacres.
20:16 Alors que l'humanité, c'est pas juste un beau nom pour un journal,
20:20 comme dirait Patty Smith,
20:22 c'est surtout un truc qui devrait jamais être à la carte.
20:25 Au fond, ce qui est terrible là-dedans,
20:27 c'est que c'est précisément l'émotion face à l'horreur
20:29 qui est instrumentalisée pour permettre ces tours de passe-passe,
20:32 en empêchant de penser au moment où ça devrait, au contraire,
20:35 nous forcer à penser.
20:37 Où les drames devraient nous interdire de continuer à détourner le regard
20:40 sur ce qui se passe dans le monde depuis trop longtemps.
20:42 Nous obliger à enfin traiter ces situations,
20:45 comment on a bien pu en arriver là,
20:47 pour essayer que ça n'arrive plus.
20:49 Et au contraire, on se sert de l'état de sidération
20:51 pour remettre une encore plus grosse pièce dans la machine.
20:54 Ça empêche de penser, y compris les plaies, si vous me permettez la formule,
20:58 au moment où c'est le plus salutaire,
21:00 en niant les précédentes et en enrouvrant d'autres encore plus béantes.
21:04 Cette chape de plomb médiatique et culturelle,
21:06 j'aurais envie de dire qu'elle profite à personne.
21:08 Mais si, elle profite aux pires acteurs de ces situations.
21:11 L'envoyé spécial du quotidien Aretz décrit un lieu vidé de ses habitants et habitantes,
21:16 alors qu'il en abritait 800.
21:18 Des maisons intactes, où une pancarte anti-Nétanyahou,
21:20 non à la dictature, se dresse.
21:22 On voit aussi un drapeau bleu et blanc pour la paix.
21:24 À l'intérieur de certaines habitations,
21:26 des corps n'ont toujours pas été identifiés.
21:28 On ne peut pas se permettre deux décennies pour digérer ça.
21:31 D'attendre qu'on réalise des films complexes et bouleversants,
21:34 des chansons qui chougnent, des satires critiques et de l'humour noir.
21:37 Il y a urgence.
21:39 Et la folie, elle prolifère en ce moment.
21:41 Les bombes, elles tombent en ce moment.
21:43 L'antisémitisme, il touche les gens en ce moment.
21:45 Et ça, au passage, aussi absurde que ça puisse paraître,
21:48 ça s'est aussi passé après le 11 septembre,
21:50 là encore, en parallèle de la montée des actes contre les musulmans et les immigrés.
21:54 Ce qui nous conduit au démoniaque cerveau des attaques du 11 septembre ?
21:57 Kyle !
21:59 Moi ?
22:00 Là-dessus, je vous renvoie à l'excellent "Les protocoles de la rumeur" de Mark Levin,
22:04 réalisateur juif new-yorkais,
22:06 qui avait courageusement documenté le phénomène
22:08 en allant se confronter à différents milieux où ce cancer grandissait.
22:11 Les risques d'attentats, c'est en ce moment.
22:13 Les gamins de Gaza, la colonisation, les tensions là-bas et partout ailleurs,
22:17 les alertes des ONG, les lâchetés internationales,
22:20 quand c'est pas de la complicité pure et simple,
22:22 c'est en ce moment.
22:23 Mais en fait, c'est pire que ça.
22:25 Ça fait déjà des décennies.
22:28 C'est très répétitif, on s'en est habitué.
22:30 On s'en est habitué de les bomber à chaque fois et de les déplacer d'un endroit à l'autre.
22:33 Tu sais, c'est comme ces Palestiniens, ils sont très dramatiques.
22:36 "Ah, l'Israël nous tue."
22:37 Mais ils ne mourront jamais.
22:38 Je veux dire, ils reviennent toujours.
22:39 Tu sais, ils sont très difficiles à tuer, très difficiles à tuer.
22:42 Je sais, parce que je suis marié à une.
22:44 J'ai essayé, beaucoup de fois, je ne pouvais pas la tuer.
22:46 Je veux dire, il y a un humour sombre là-bas, et je comprends pourquoi.
22:50 Non, ce n'est pas un humour sombre.
22:51 Je me suis vraiment tenté de l'attraper à chaque fois,
22:53 mais il utilise nos enfants comme échecs humains.
22:55 Je ne peux jamais l'enlever.
22:56 Le but de ce petit rappel, c'est le suivant.
22:58 Le choc de là, maintenant.
23:00 Est-ce que ça nous réveille enfin, ou est-ce que ça nous endort pour continuer le cauchemar ?
23:04 Bon, vous me direz, moi je suis censé faire des trucs pop culture,
23:07 donc je ne sais pas, tenez, voilà, citation,
23:10 "La peur mène à la colère, la colère mène à la haine, et la haine au côté obscur."
23:15 Oui, voilà, ça vaut ce que ça vaut.
23:17 Oui, alors, sauf que je suis en train de me dire que
23:19 Maître Yoda, c'est quand même un vieux mystique dans une grotte
23:22 qui aide un jeune paysan du désert à lutter contre une puissance impériale surarmée
23:26 qui a tué ses parents.
23:28 Donc, je ne sais pas, peut-être c'est suspect, ça aussi.
23:30 Dans ta tribune, tu écris
23:32 "Le deuil ne se distribue pas entre ceux qui le méritent et ceux qui ne le méritent pas."
23:35 "On peut dire les massacres comme ceux qui ont eu lieu à la Rave Party sont une horreur indigne."
23:40 "Et Israël est une puissance coloniale féroce, coupable de crimes contre l'humanité."
23:44 "Point."
23:45 "Reconnaître une horreur n'implique pas d'en minimiser une autre."
23:48 Pour les Palestiniens, comme je pense pour tout le monde,
23:50 ce qu'on vit actuellement, c'est quelque chose qui est de l'ordre de la sidération totale.
23:56 C'est vraiment la base, c'est la sidération.
23:59 D'ailleurs, c'est pour ça que je fais un peu attention à quand je m'exprime,
24:03 parce que quand on s'exprime à partir de la sidération, on raconte souvent n'importe quoi.
24:07 Je pense qu'on n'arrive pas à faire ce mot en même temps, d'abord parce qu'il y a de la rage.
24:10 La colère empêche la compréhension.
24:13 Il y a cette chose qui fait qu'en fait...
24:15 Et je ne juge pas ça, je comprends en fait
24:18 qu'on ne puisse pas solliciter dans ce genre de moment ça.
24:21 À un moment, il faut solliciter la rationalité.
24:24 Et il y a un contexte en Palestine qui est un contexte insupportable.
24:29 Une autre chose tout à fait...
24:32 qui a toujours été un peu là, mais là qui est devenue évidente d'une manière
24:36 qui m'a profondément blessé en fait.
24:39 Vraiment profondément blessé, c'est une déshumanisation totale des Palestiniens.
24:43 On comprend un peu que le monde, ça grouille de gens, de Palestiniens.
24:46 Et les Palestiniens, ça fait quoi ? Ça tue et ça meurt.
24:48 L'autre truc, c'est un entretien avec Simone Bitton, qui est une réalisatrice juive marocaine.
24:52 Et elle dit, la chose la plus claire, la plus vraie, la plus juste, la plus simple,
24:56 c'est la solution existe et tout le monde la connaît, c'est la fin de l'occupation.
24:59 Et là, je me suis dit, je n'ai rien à rajouter à ça.
25:01 [Générique de fin]
25:04 *clic*
25:06 [SILENCE]

Recommandations