Enjeux de l'open source

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00:00 Bonjour à toutes et tous, bienvenue dans ce module qui vous parlera de logiciels et de
00:07 contenus sous licence libre et de leurs enjeux, notamment pour les administrations et les
00:14 collectivités territoriales.
00:16 L'objectif de ce module est de vous présenter les enjeux autour des logiciels et contenus
00:23 sous licence libre, qu'on appelle aussi open source, et d'évoquer leur usage dans les
00:31 administrations et l'ensemble de la société.
00:34 On oppose souvent les logiciels libres et les big tech, ce qu'on appelait avant les
00:41 GAFAM, par analogie avec les initiales du nom des entreprises, Google, Amazon, et d'autres
00:48 entreprises, Facebook, Apple et Microsoft.
00:53 En fait, maintenant on dit big tech parce qu'il y a beaucoup plus de ces entreprises,
00:59 le club s'est ouvert, on peut penser par exemple aux entreprises chinoises telles que
01:04 Alibaba, Baidu, Tencent et autres.
01:07 Et comme on peut le voir, ces grandes entreprises, ces big tech, font aussi du logiciel libre,
01:14 elles en utilisent mais elles en produisent également à leur avantage.
01:18 Ce qui montre bien que cette opposition n'est pas aussi simple qu'il y paraît.
01:24 Et donc, le sujet du numérique, du libre et de l'économie numérique en général, doit
01:33 être plutôt pensé en termes d'enjeux.
01:36 Quels sont les grands enjeux de la numérisation de la société ?
01:40 Ça va être des enjeux de souveraineté numérique pour les administrations et les
01:46 systèmes politiques, que ce soit au niveau local, au niveau national ou au niveau européen.
01:52 Ça va être des enjeux de croissance économique parce que cette souveraineté passe par l'existence
01:59 d'entreprises, de créateurs, d'intégrateurs, d'éditeurs de solutions informatiques qui
02:06 doivent avoir les moyens de leur développement, ne pas être sous contrôle.
02:11 Et puis aussi de protection de la confidentialité des données.
02:17 Alors cette confidentialité des données, elle peut s'exprimer à plusieurs niveaux.
02:21 Au niveau des personnes, ça va être des enjeux de vie privée et de protection des
02:26 données à caractère personnel.
02:28 Ces données sont protégées en France par la loi informatique à liberté et le règlement
02:34 général sur la protection des données européens, le fameux RGPD.
02:38 Mais cette confidentialité des données, si on la transpose au niveau des entreprises,
02:43 au niveau des administrations, de l'État, ça va être des enjeux d'espionnage, d'espionnage
02:50 industriel, d'espionnage étatique.
02:52 Et effectivement, on voit bien que la souveraineté numérique doit s'exprimer à travers l'ensemble
03:01 de ces déclinaisons, que ce soit vis-à-vis des personnes, que ce soit vis-à-vis des
03:06 entreprises, que ce soit vis-à-vis de l'État.
03:09 Et donc tel est l'objet de ce module.
03:13 Pour bien comprendre comment fonctionnent les modèles économiques libres et les autres,
03:22 il faut comprendre ce qu'on appelle l'économie des biens immatériels.
03:26 En fait, cette économie diffère fondamentalement de l'économie des biens matériels auxquels
03:32 nous sommes habitués.
03:34 Pourquoi ? Parce que les biens immatériels, tout d'abord, sont ce qu'on appellera non-rivaux.
03:39 C'est un terme économique qui veut dire qu'on n'est pas en rivalité pour les consommer.
03:44 Par exemple, si j'ai un sandwich, je peux décider de le manger, ou je peux décider
03:49 de le donner à quelqu'un qui pourra le manger, mais ce n'est plus moi qui pourrais le manger.
03:52 Alors que les biens immatériels, les idées par exemple, sont des biens non-rivaux.
03:59 Je peux vous donner une idée sans la perdre.
04:02 Et en fait, je ne vous donne pas une idée.
04:04 Le terme est faux.
04:05 Je vous copie une idée.
04:06 Et pour les logiciels, pour les fichiers numériques, il va s'agir exactement de la même chose.
04:12 C'est-à-dire que quand je vais copier un fichier numérique, je ne le perdrai pas,
04:17 et de fait, je suis capable de produire des biens et de les transférer sans m'appauvrir.
04:24 Et donc, ce coup de copie, en qui plus est, il est nul.
04:28 C'est-à-dire qu'effectivement, copier un fichier quand votre ordinateur est allumé,
04:34 ça ne coûte quasiment rien de plus que de ne pas copier.
04:37 Ce qui veut dire que des biens numériques peuvent être consultés en des millions,
04:41 des milliards d'exemplaires, pensez à certaines vidéos sur le silo de données YouTube.
04:46 Elles ont été vues des milliards de fois, alors que s'il avait fallu imprimer des milliards de DVD,
04:52 bien évidemment, cela aurait été matériellement beaucoup plus coûteux, voire quasiment impossible.
04:58 La deuxième caractéristique des biens immatériels, c'est que leur sont souvent attachés des effets de réseau.
05:07 Les effets de réseau, c'est le fait que la valeur d'un bien, et surtout d'un service,
05:12 augmente avec le nombre de personnes qui l'utilisent.
05:15 C'est par exemple le cas du téléphone.
05:17 Si deux personnes au monde ont le téléphone, vous n'avez pas d'intérêt à vous abonner au téléphone
05:23 pour parler à des gens que vous ne connaissez pas, dans une langue qui ne sera vraisemblablement pas la vôtre.
05:28 Alors que si 80% de vos amis ont le téléphone, alors vous allez être très intéressé de vous abonner au service du téléphone
05:37 pour pouvoir échanger avec eux et organiser facilement vos sorties, vos loisirs, votre travail,
05:43 et donc votre efficacité économique sera bien meilleure grâce à cet effet de réseau.
05:50 Les conséquences des effets de réseau et de cette non-rivalité des biens,
05:55 c'est que beaucoup d'acteurs économiques vont s'orienter vers un modèle qu'on appelle l'économie de l'attention.
06:03 C'est-à-dire que, par exemple pour les réseaux sociaux,
06:06 comme le bien rival des personnes va devenir le temps, qui est la ressource la plus critique,
06:13 tout le monde dit "je manque de temps", "je n'ai pas assez de temps", "ah, si j'avais plus de temps".
06:18 Et donc ce temps devient la ressource critique que veulent se partager les opérateurs, par exemple, de réseaux sociaux.
06:26 Et c'est pour ça qu'ils vont rentrer en compétition pour que vous passiez du temps sur leur plateforme
06:33 et pas celle de leur concurrent.
06:36 Et donc ce modèle d'économie de l'attention va s'orienter majoritairement vers un modèle publicitaire
06:42 où quand vous allez rester sur les plateformes, vous serez soumis à de la publicité
06:47 et cette publicité pourra rémunérer les personnes qui mettent en œuvre ces services, ces plateformes numériques.
06:57 Et de ce fait, il est très important de faire la différence entre les biens et les services.
07:03 Un bien numérique peut être copié à coût marginal nul, à coût zéro, autant de fois que vous le voulez.
07:10 Bien évidemment, il faut pour ça financer sa production parce que les créateurs, bien évidemment, doivent vivre.
07:16 Mais quand on va mettre en œuvre un service, ce service va coûter parce que les ordinateurs qui font tourner ce service
07:23 sont des biens rivaux, l'électricité qui les alimente est un bien rival,
07:28 les ingénieurs qui vont travailler sur ces services vont aussi utiliser leur temps qui est un bien rival,
07:34 et donc se pose effectivement la question de la rémunération des services.
07:39 On peut facilement constater la réalité et l'efficacité de ces modèles de l'économie des biens immatériels
07:50 en prenant un exemple que tout le monde connaît, la Wikipédia.
07:54 La Wikipédia, c'est une encyclopédie en ligne qui est construite de façon collaborative
08:00 et qui offre de façon, là aussi apparemment gratuite en consultation, la consultation est gratuite,
08:08 qui offre des contenus qui sont créés collectivement par tous ceux qui le souhaitent.
08:13 Avec bien sûr un modèle de vérification de certains contenus et d'administration pour les sujets les plus sensibles.
08:21 Mais voyez comment en une vingtaine d'années, la Wikipédia a dominé un marché qui était avant jalousement gardé
08:30 par des fabricants, des éditeurs d'encyclopédies traditionnelles sur papier.
08:36 Et on voit bien la puissance du numérique ici, dès le moment où quelqu'un a écrit quelque chose dans la Wikipédia,
08:44 ce contenu est accessible immédiatement à tous, c'est la copie à coût marginal nul qui permet,
08:51 quand on consulte le serveur, de récupérer les informations les plus à jour,
08:55 alors qu'une encyclopédie papier est obsolète dès l'instant où elle a été imprimée.
09:02 Et donc, on voit comment la Wikipédia a pris, j'allais dire, le territoire des anciennes encyclopédies.
09:10 Et d'ailleurs, ça montre bien que dans cette économie dominée par des effets de réseau,
09:16 la notion de marque est aussi très importante.
09:19 On va connaître les marques les plus importantes pour un service de voitureage,
09:23 pour un service de location d'appartement ou de location de vacances,
09:31 alors qu'en général, ces services fonctionnent comme des agrégateurs
09:34 et vont offrir une visibilité supplémentaire à des entreprises qui, jusqu'avant, avaient leurs propres marques
09:42 et leurs marques se voient diluées parce qu'une marque mondiale va se créer autour de ce service.
09:48 Et donc, on imagine bien les enjeux publicitaires considérables derrière la création de ces marques mondiales,
09:55 la Wikipédia en est une par exemple, et de fait, vous voyez que ce service doit être financé.
10:01 Comment la Wikipédia se finance-t-elle ? Pas par la publicité, puisque, effectivement,
10:07 le modèle économique des créateurs de la Wikipédia n'est pas d'assommer les usagers de publicité,
10:15 mais de fait, pour financer annuellement le fonctionnement de la Wikipédia,
10:20 les serveurs, l'électricité, les ingénieurs, ils font des appels aux dons
10:24 parce que rien n'est gratuit à part l'air qu'on respire et encore,
10:27 mais considérez que donner quelques euros par an, ce qui est généralement ce qu'on vous demande,
10:33 c'est bien moindre que le fait de payer pour des centaines d'euros, tel que c'était le cas pour des encyclopédies papier,
10:39 qui restaient chez vous et finalement devenaient rapidement obsolètes à mesure que les connaissances se développaient.
10:48 Et donc, effectivement, ici encore, il faut bien faire la différence entre le contenu de la Wikipédia,
10:55 qui est un bien numérique, qui, lui, peut être copié à coup marginal nul,
11:00 et c'est ce que vous faites quand vous le consultez, et on peut même récupérer des DVD ou des disques durs
11:06 qui contiennent l'état du contenu de la Wikipédia à un moment donné,
11:10 et puis le service fourni par la Wikipédia, ce service devant être rémunéré
11:15 parce qu'en permanence, il consomme des ressources.
11:18 L'exemple de la Wikipédia que j'ai pris me permet de parler de ce qu'on appelle maintenant les communs numériques.
11:27 Les communs, dans l'ancien monde physique, c'était des ressources, par exemple des pâturages,
11:35 qui étaient utilisables par toute une communauté qui, justement, l'administrait et régulait son bon usage
11:43 pour ne pas qu'elles soient surexploitées ou qu'elles s'appauvrissent.
11:47 On voit qu'avec le numérique, il n'y a pas de surexploitation, puisqu'on peut copier sans appauvrir,
11:52 alors qu'avec un pâturage, si on met ses moutons, on mange l'herbe que ne mangeront pas les moutons des autres.
11:58 Donc un commun physique, il faut le réguler d'une façon un peu plus fine qu'un commun numérique,
12:03 mais néanmoins, un commun numérique, il faut le réguler aussi.
12:07 On peut penser à la Wikipédia pour éviter les sabotages et le fait que des gens introduisent des données
12:14 qui soient fausses et cherchent à manipuler la véracité du contenu.
12:18 Mais donc, ces communs numériques deviennent en fait des ressources utilisables par tous,
12:25 un patrimoine ou un matrimoine qui peut être réutilisé pour créer de la valeur supplémentaire ou de nouveaux services.
12:34 Et par exemple, en France, on peut penser aux données de géolocalisation des bâtiments,
12:39 à la base-adresse qui définit l'ensemble des adresses valides et les géolocalise sur le territoire.
12:46 Cette base-adresse, c'était une ressource qui est constituée par le cadastre,
12:51 par un certain nombre de données collectées par les services de l'État,
12:54 et qui peut être mise à disposition du public pour créer des services à valeur ajoutée.
13:00 Donc, ça peut être un service commercial de livraison de pizzas,
13:03 qui pour savoir où livrer une pizza, pourra utiliser la base-adresse pour savoir à quel endroit envoyer son coursier.
13:11 Ou ça peut être utilisé pour créer des services de géolocalisation participative.
13:17 On peut penser à OpenStreetMap et à d'autres services.
13:21 Et donc, tous ces efforts collectifs de création de communs permettent de produire une valeur,
13:29 produire une fois une valeur qui bénéficiera à tous.
13:34 Le fait qu'il existe des ressources numériques, donc,
13:41 appelle à s'interroger sur les conditions dans lesquelles on a le droit de les utiliser.
13:46 Et ça, c'est ce qui est défini par ce qu'on appelle une licence.
13:50 Une licence, c'est une sorte de contrat, c'est pas exactement un contrat, mais ça y ressemble,
13:56 qui va être donc passé entre le producteur de la ressource et les personnes qui veulent l'utiliser ou la réutiliser,
14:05 et qui va définir ce qu'on a le droit de faire ou de ne pas faire, et en échange de quelle contrepartie.
14:11 Pour les licences payantes, vous aurez par exemple le droit d'utiliser un exemplaire d'un certain logiciel
14:19 pour telle catégorie d'usage, par exemple un usage strictement personnel,
14:24 parce que les licences professionnelles sont plus chères, alors qu'il s'agit du même logiciel.
14:29 Et à partir de là, soit vous êtes en conformité avec les termes de la licence,
14:36 vous acceptez les termes de la licence, et dans ce cas-là, cet échange peut avoir lieu,
14:41 ou alors vous ne l'acceptez pas, et dans ce cas-là, vous ne devez pas utiliser la ressource,
14:49 sinon c'est une violation des termes de la licence, et donc une violation de la loi,
14:54 qui est en général pour les biens numériques, le droit d'auteur.
14:57 Et de fait, cela nous amène à parler de ce qu'on appelle les licences libres.
15:02 Parce qu'en fait, quand on parle de logiciel libre, il faudrait dire plutôt logiciel qui est diffusé sous une licence dite libre.
15:12 Les licences, on a vu ce que c'est, ce sont ces sortes de contrats,
15:16 parfois même les contrats cliqués, j'accepte, je refuse,
15:19 qui vont matérialiser votre accord à respecter les termes de la licence,
15:24 éventuellement contre paiement, on l'a dit, ou à les refuser.
15:29 Alors, dans le cadre des licences libres, effectivement, qu'est-ce qu'on appelle une licence libre ?
15:34 Eh bien, c'est une licence qui va offrir aux utilisateurs de la ressource quatre libertés.
15:42 La première liberté, c'est d'utiliser la ressource, on parlera plus généralement d'un logiciel, pour tout usage.
15:52 Et donc, il n'y a pas de version personnelle, de version professionnelle ou d'entreprise,
15:57 puisqu'il s'agit du même logiciel, la segmentation du marché est finalement un peu artificielle.
16:01 Là, la liberté d'utilisation, c'est pour tout usage.
16:05 Donc, vous récupérez un exemplaire d'un logiciel libre, vous pouvez l'utiliser comme bon vous plaira.
16:12 La deuxième liberté, c'est la liberté de copie.
16:16 Dès le moment où vous avez acquis un exemplaire d'un logiciel sous licence libre,
16:23 vous pouvez le rediffuser à qui vous voulez.
16:26 C'est en général totalement interdit pour les licences payantes fermées,
16:31 mais là, les licences libres vous permettent effectivement de recopier,
16:35 et donc d'aider les autres en fournissant à nouveau le logiciel à qui vous semble bon.
16:42 Vous n'êtes pas obligé de le faire, mais vous pouvez le faire.
16:46 La troisième liberté, c'est la liberté d'étude du logiciel.
16:53 Parce que quand on a un logiciel fermé, on ne sait pas comment il fonctionne,
16:57 on ne sait pas s'il peut avoir des failles de sécurité qui pourraient être dommageables pour vous.
17:03 Le fait de pouvoir étudier le logiciel,
17:06 à la fois, ça vous permet éventuellement de mieux comprendre comment le logiciel est construit.
17:11 Ça, ça peut être très utile, par exemple, dans les écoles d'informatique,
17:14 pour dire, "Tiens, ça, comment font-ils ? Il suffit que je regarde et puis je vais essayer de comprendre,
17:19 et voir de faire mieux, j'en parlerai après."
17:22 Et aussi, pour les entreprises, pour les administrations,
17:25 c'est un moyen de pouvoir faire auditer le logiciel,
17:28 supprimer les parties qui sont inutiles pour son propre usage,
17:32 parce qu'effectivement, toute partie qui reste là, c'est une faille de sécurité potentielle
17:36 dont on veut pouvoir se débarrasser en supprimant le code.
17:39 Et puis, corriger, modifier, ça, c'est une possibilité qui va être offerte par cette liberté d'accès.
17:47 Vous pouvez, pour votre propre usage aussi, modifier le logiciel.
17:52 Et puis donc, la quatrième liberté, c'est la liberté de redistribution des modifications.
17:59 Là encore, il n'y a pas d'obligation de redistribution des modifications,
18:03 mais vous avez la liberté de le faire,
18:07 c'est-à-dire que si vous pensez que les modifications que vous avez faites
18:11 sont bénéfiques pour la communauté d'origine du logiciel, ou d'autres,
18:16 alors vous pouvez rediffuser un exemplaire du logiciel modifié.
18:20 Et ça, c'est extrêmement important vis-à-vis de l'argent public,
18:23 parce que dès le moment où un service de l'État a besoin d'une certaine fonctionnalité,
18:28 ou par exemple, une mairie a besoin d'une certaine fonctionnalité,
18:32 elle peut prendre une base logiciel libre existante,
18:36 faire développer cette fonctionnalité,
18:39 et puisque l'argent public ne doit payer qu'une fois,
18:42 rediffuser ce logiciel pour que, par exemple, d'autres municipalités puissent s'en saisir.
18:48 Et ça, cet objectif de mutualisation et de bon usage des deniers publics,
18:53 c'est ce qui a conduit notamment à la création en France d'une association qui s'appelle l'Adulacte,
18:58 l'association pour le développement et l'utilisation du logiciel libre
19:03 par les administrations et collectivités territoriales,
19:06 qui vise à mutualiser le financement de développement logiciel
19:10 autour de logiciels d'infrastructures et métiers spécifiques à l'administration.
19:17 Et donc, on voit déjà poindre derrière ces licences libres
19:22 la capacité pour les logiciels qui sont couverts par ces licences
19:27 de devenir des communs numériques
19:29 et de devenir le support à la création de valeurs supplémentaires
19:34 pour l'État et les administrations,
19:37 et donc d'améliorer l'efficacité de l'argent public,
19:40 puisque la différence de licences que vous versez pour avoir le droit d'utiliser
19:46 pendant un certain temps un logiciel fermé sans en avoir aucunement la maîtrise,
19:51 c'est-à-dire que cette dépense est une dépense de fonctionnement,
19:54 et bien investir pour produire de nouvelles fonctionnalités dans le logiciel libre,
19:58 c'est une dépense d'investissement,
20:00 c'est la création d'un patrimoine informationnel, d'un commun,
20:04 qui peut bénéficier à tous.
20:06 Les formats de données
20:09 Derrière la question de l'usage de tel ou tel logiciel,
20:12 se profile la question des formats de données.
20:16 Qu'est-ce que c'est qu'un format de données ?
20:18 C'est une façon de représenter l'information à l'intérieur des fichiers numériques.
20:23 Et donc, vous avez différents formats d'images, les JPEG, les PNG,
20:28 différents formats de vidéos, les AVI, les MP4, etc.
20:34 Et donc, différents formats de documents,
20:37 différents formats de présentations, de diaporamas, et ainsi de suite.
20:41 Et donc, ces formats de données, en fait,
20:44 représentent un enjeu stratégique considérable.
20:48 Pourquoi ? Parce que quand vous mettez vos données,
20:53 c'est-à-dire l'information que vous avez produite et dont vous avez besoin,
20:57 dans un fichier sous un format de données fermé,
21:01 c'est un peu comme si vous mettiez votre argent, vos valeurs,
21:05 dans un coffre dont vous n'avez pas la clé.
21:08 Parce qu'une fois que vous mettez vos valeurs, vos données, dans ce coffre,
21:13 vous devez garantir que vous pourrez toujours y accéder.
21:17 Or, ce n'est pas vous qui avez la clé.
21:19 Et donc, tous les ans, vous allez devoir payer pour la nouvelle version du logiciel
21:22 qui permet de les lire, puis la version suivante, puis la version suivante,
21:26 parce que les licences vous diront qu'il faut renouveler le paiement.
21:30 Donc, vous devez payer pour ouvrir le coffre, vous devez payer pour travailler.
21:34 Et si tout d'un coup, la nouvelle version du logiciel est dix fois plus chère que la précédente,
21:38 vos données vous enferment, parce que pour pouvoir accéder à votre valeur,
21:43 vous devez payer quelqu'un, celui qui a la clé.
21:47 Et donc, c'est pour ça qu'il est très important que les formats de données
21:51 utilisés en particulier par les administrations,
21:54 soient des formats de données qu'on appelle « ouverts ».
21:57 Un format de données ouvert, c'est un format de données dont on connaît la structure,
22:03 ce qui va permettre de pouvoir éventuellement,
22:06 si on veut se séparer de l'ancien logiciel,
22:09 créer ce qu'on appellera dans le jargon informaticien « une moulinette »,
22:12 c'est-à-dire un petit programme qui lira les données sous l'ancien format dont on ne veut plus,
22:17 et les traduira dans le nouveau format du nouveau logiciel que l'on veut utiliser.
22:24 Et l'intérêt d'avoir des formats de données ouverts,
22:28 c'est qu'on ne sera jamais enfermé par un logiciel,
22:31 c'est-à-dire que plusieurs logiciels concurrents pourront vouloir utiliser
22:36 le même format de données à la fois en lecture et en écriture,
22:41 et donc pourront être en concurrence sur le même marché.
22:45 Cette question de pouvoir utiliser des logiciels ensemble à travers des formats de données ouverts,
22:53 c'est ce qu'on appelle l'interopérabilité.
22:56 C'est un terme un peu barbare, mais « habilité » c'est la capacité à,
23:00 « inter » c'est entre entités équivalentes,
23:03 et « opérer », « oeuvrer », « travailler ».
23:06 Donc l'interopérabilité, c'est la capacité à pouvoir travailler librement ensemble.
23:12 Alors, il faut faire attention et ne pas confondre interopérabilité et compatibilité.
23:17 La compatibilité, c'est quand vous arrivez à faire fonctionner deux dispositifs ensemble,
23:22 mais vous ne savez pas pourquoi.
23:24 Les fabricants des dispositifs se sont arrangés entre eux,
23:28 ont éventuellement passé des accords commerciaux,
23:30 mais de fait, vous-même, vous êtes toujours enfermé,
23:34 puisque le fait que ces deux dispositifs marchent ensemble ne dépend pas de vous.
23:39 Alors que l'interopérabilité, c'est le fait que,
23:43 parce que ces dispositifs vont recourir à un format ouvert,
23:47 vous sachiez exactement comment ils interagissent,
23:50 et que vous-même, vous puissiez, par exemple, faire créer un nouveau logiciel,
23:55 ou utiliser un logiciel interopérable,
23:57 pour traiter les données, les récupérer, et les réutiliser d'une autre façon.
24:02 Et c'est pour ça que l'interopérabilité est vraiment une caractéristique critique
24:07 des systèmes informatiques des administrations et de l'État.
24:10 C'est pour ça qu'en France, il y a un référentiel général d'interopérabilité,
24:15 le RGI, qui donne les formats de données qui doivent être utilisés
24:20 de façon préférentielle par l'administration.
24:23 En l'occurrence, ce RGI est assez mal respecté,
24:26 puisque l'on a vu que beaucoup de formats fermés sont utilisés par les administrations,
24:30 alors que normalement, l'ouverture devrait être la règle.
24:33 Et c'est pourquoi il est important de mettre en œuvre des politiques de migration
24:38 qui permettent de transposer les données des anciens formats fermés
24:44 vers des formats ouverts pour utiliser des logiciels de façon plus ouverte
24:49 et avoir une concurrence libre et non faussée pour équiper l'administration
24:54 avec des logiciels dont elle ne soit pas dépendante.
24:57 Cette question de la maîtrise des infrastructures informatiques
25:05 nous amène à parler de la souveraineté numérique.
25:09 La souveraineté, à l'ancienne, désigne la capacité à exercer un pouvoir
25:16 sur une aire géographique et sur la population qui l'occupe.
25:21 L'État, c'est moi, disait Louis XIV, il était souverain sur le territoire qu'il contrôle.
25:28 Et donc, qu'est-ce qu'implique la souveraineté ?
25:32 Ça implique, pour le système politique concerné,
25:35 de pouvoir mener à bien, en toute autonomie, l'intégralité de ses missions
25:41 et notamment celle d'assurer les besoins essentiels de sa population.
25:46 Dans les sociétés mécanisées modernes, en plus de garantir la suffisance alimentaire,
25:51 cela implique d'assurer les approvisionnements énergétiques,
25:55 en matière première et en biens,
25:58 nécessaires à la réalisation des différentes activités humaines dans son air géographique.
26:04 La révolution numérique, pour sa part, a ouvert de nouveaux espaces d'échange
26:10 sous la forme de ces services numériques que nous utilisons quotidiennement.
26:15 Et donc, on parle parfois de cyberespace.
26:19 Et donc, ce cyberespace, maintenant, on l'arpente grâce à un réseau numérique mondial
26:24 qui s'appelle l'Internet, l'Inter-Réseau Public Numérique Mondial,
26:30 qui s'est imposé, lui, comme un bien commun,
26:34 parce qu'il n'y a qu'un seul Internet, de la même façon qu'il n'y a qu'un seul océan que nous partageons
26:41 et une seule atmosphère que nous respirons collectivement.
26:44 Et donc, l'accès à l'Internet est devenu un droit fondamental,
26:50 parce que Internet est devenu un bien commun.
26:53 Plus largement, la généralisation des outils numériques dans la conduite des activités humaines
27:00 a rendu de plus en plus ces activités dépendantes du fonctionnement des systèmes informatiques.
27:07 Et donc, qu'est-ce que la souveraineté à l'ère numérique ?
27:12 Qu'est-ce que la souveraineté numérique ?
27:14 Eh bien, elle peut se définir comme la capacité à exercer un pouvoir sur les espaces numériques
27:23 nécessaires aux activités des organisations et de la population d'une ère géographique donnée.
27:30 On dit souvent que les espaces numériques sont immatériels.
27:34 Or, en fait, ils n'existent que parce que les données que nous manipulons
27:39 sont rendues disponibles et traitées sur des matériels, des ordinateurs, des serveurs,
27:44 des équipements réseaux qui existent bien dans le monde physique.
27:48 Mais où, pouvons-nous dire aujourd'hui, où sont localisées les données que l'on traite ?
27:54 Alors, la réponse, c'est de dire qu'elles sont dans le cloud, dans l'infonuage.
28:01 Mais en fait, c'est une illusion, parce que l'infonuage, le cloud, c'est juste l'ordinateur de quelqu'un d'autre.
28:08 La souveraineté numérique suppose donc que l'on puisse mettre en œuvre et maintenir
28:13 les systèmes informatiques utilisés par les organisations et les personnes.
28:19 Et donc, elle suppose la maîtrise de chaînes technologiques extrêmement complexes,
28:24 la conception et la fabrication des processeurs et des matériels, des serveurs, des équipements réseaux,
28:32 des fibres optiques et autres, la production des logiciels, la mise en œuvre des hébergements informatiques
28:40 qui vont mixer tout cela pour produire des systèmes informatiques utilisables,
28:47 et puis aussi des compétences transverses, comme par exemple en cybersécurité,
28:52 puisque ce qui va être important, c'est de pouvoir maintenir ces systèmes en condition opérationnelle.
28:57 Donc, il faut veiller à leur sécurité physique, veiller à leur sécurité informatique, réguler leur approvisionnement énergétique,
29:06 donc des tas de compétences d'environnement qui permettent le bon fonctionnement de ces infrastructures.
29:13 Et donc, pour garantir sa souveraineté numérique, exactement comme pour les industries d'armement,
29:20 qui sont devenues des industries extrêmement technologiques et très largement informatisées,
29:24 il faut disposer de multiples capacités.
29:28 Des capacités scientifiques, pour pouvoir penser l'avenir et innover,
29:34 des capacités technologiques, pour rendre ces idées, ces innovations réelles,
29:40 des capacités de design également, qu'on oublie un peu trop,
29:44 pour que les gens aient envie d'utiliser vos outils par rapport à ceux de la concurrence,
29:49 parce que finalement, les outils de la concurrence, parce qu'ils sont plus simples, plus pratiques,
29:54 eh bien, on aura envie d'aller vers eux, alors que finalement, les données que l'on manipule
29:58 devraient rester dans un périmètre beaucoup plus sécurisé que ce qu'offrent les concurrents.
30:03 Et puis, de fait, des capacités financières, parce qu'elles sont nécessaires à la mise en œuvre des projets,
30:12 que ce soit le financement de la recherche à mont,
30:15 ou simplement le paiement des entreprises, des organisations,
30:19 qui vont fournir les produits et les services en question.
30:23 Or, on a vu que l'économie du numérique était dominée par les effets de réseau,
30:30 et donc aussi les économies d'échelle.
30:33 C'est-à-dire que, par exemple, pour un serveur courriel,
30:36 ça ne coûte pas beaucoup plus cher d'avoir un serveur qui gère un million d'adresses courriels
30:40 qu'un millier. Le temps qui a été consacré à la mise en œuvre du logiciel, à sa configuration, c'est le même.
30:49 Et donc, on voit qu'il y a un avantage économique pour les acteurs qui sont déjà les plus gros,
30:55 parce qu'ils vont pouvoir offrir leurs services à un prix plus bas que leurs concurrences.
31:01 Et donc, si on suit cette pente, si on suit cette attraction gravitationnelle,
31:05 eh bien, on n'aura qu'un seul gros service qui pourra, parce que les big tech existent majoritairement
31:13 déjà du fait d'entreprises étrangères, on ira vers des entreprises étrangères.
31:17 Et on aura tendance à confier ces données, y compris ces données stratégiques,
31:22 à des acteurs dont on n'est pas intégralement sûr sur le plan juridique.
31:27 Et c'est pour ça qu'il peut être important de financer la diversité,
31:31 exactement comme en écologie, éviter les monocultures,
31:35 parce que cette diversité peut être un gage de résilience.
31:39 Et surtout, à un moment donné, si l'on veut qu'une alternative existe,
31:43 eh bien, il faut l'avoir financée. On ne peut pas aller vers les acteurs qui sont toujours,
31:47 par exemple, les moins chers ou ceux qu'on connaît, en se disant « c'est très bien »,
31:51 et puis se plaindre après en disant « de toute façon, il n'y a pas d'alternative ».
31:55 Si on veut qu'une alternative existe, il faut, dans le cadre d'une stratégie affirmée,
32:00 les financer, mais attention, ne pas les financer à perte.
32:05 Là encore, si on veut financer ce qu'on appelait avant des « éléphants blancs »,
32:09 c'est-à-dire dire « je veux un machin à la française »,
32:12 eh bien, ça ne va pas fonctionner, parce qu'on va payer beaucoup trop cher un service.
32:16 Et c'est là où les logiciels libres deviennent intéressants,
32:19 parce que, comme ils sont financés par énormément de personnes,
32:23 eh bien, le coût de financement devient extrêmement réduit.
32:27 Et comme on l'a dit, une administration peut vouloir, par exemple,
32:32 payer pour qu'une fonctionnalité dont elle a besoin existe,
32:36 ne payer que cela, et restituer cette fonctionnalité à d'autres
32:40 qui pourraient avoir un besoin équivalent et qui financeront, par exemple,
32:45 la fonctionnalité supplémentaire.
32:47 Donc, on voit que les modèles économiques libres, les communs numériques,
32:52 et en particulier, dans ces communs numériques, les logiciels libres,
32:56 sont effectivement un élément absolument critique pour garantir la souveraineté numérique.
33:02 Ce ne sont pas les seuls, on a bien vu qu'il y avait énormément d'éléments
33:06 à maîtriser dans la chaîne technologique complète,
33:09 mais sur le plan du logiciel, on voit bien l'intérêt des logiciels libres
33:14 pour l'État, les administrations, les organisations en général,
33:18 y compris des entreprises, en termes de maîtrise de leur capacité de faire,
33:22 maîtrise de leur patrimoine informationnel,
33:26 afin de pouvoir se prémunir contre des indisponibilités de tel ou tel logiciel,
33:31 que ce soit parce que l'entreprise a disparu,
33:34 ou qu'elle refuse de fournir le logiciel dans des versions ultérieures,
33:39 qu'elle refuse de le mettre à jour, ou autre.
33:42 Derrière le fait d'utiliser des outils pratiques et qu'on ne maîtrise pas,
33:50 il y a toujours l'idée de « oh, ben c'est pas grave, et puis de toute façon,
33:54 je n'ai rien à cacher ».
33:56 Et en fait, il faut vraiment battre en brèche cette illusion.
34:00 Parce que d'abord, on a tous quelque chose à cacher,
34:04 et puis, dire que ce n'est pas important de protéger les données,
34:10 ou ce n'est pas important de disposer d'infrastructures souveraines
34:14 parce que soi-même, on n'a rien à cacher,
34:17 c'est un peu comme dire que la liberté d'expression n'est pas utile
34:21 parce que soi-même, on n'a rien à dire.
34:24 Or, en fait, il y a énormément de gens qui sont nécessaires
34:28 à la préservation du caractère démocratique des sociétés occidentales, par exemple,
34:34 qui ont besoin de pouvoir cacher des choses.
34:37 Les journalistes, les médecins, les avocats, les lanceurs d'alerte,
34:41 la liste est très longue.
34:43 Et ces gens-là ont besoin d'avoir des outils qui vont leur permettre
34:47 de garantir la confidentialité de leurs échanges.
34:50 Et donc, on voit que finalement, la confidentialité des communications,
34:54 ce n'est pas une affaire privée, c'est un droit qui s'adresse aux personnes,
34:59 mais c'est aussi une affaire collective.
35:02 C'est-à-dire qu'il faut que collectivement, la société garantisse ses propriétés
35:06 pour que ceux qui ont besoin de les exercer, à tout moment, puissent le faire.
35:12 Et donc, c'est pour ça aussi que le droit à la vie privée,
35:16 le droit à la protection des données, sont des droits fondamentaux
35:20 inscrits dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
35:24 C'est parce qu'en fait, ce ne sont pas des anecdotes,
35:28 ce sont des fondamentaux de nos systèmes démocratiques,
35:32 au même titre que la liberté d'expression, la liberté d'association
35:37 ou la liberté de mouvement.
35:39 La question des lois pour protéger les personnes et participer au fonctionnement harmonieux
35:45 des sociétés humaines amène justement à parler de tous les efforts
35:51 qui sont effectués en ce moment au niveau européen dans le domaine
35:55 pour pouvoir réguler l'économie du numérique et faire en sorte
36:02 que les effets névastes, les effets pervers de la technologie
36:08 et les effets pervers de la révolution numérique se fassent le moins sentir
36:14 par rapport aux effets bénéfiques.
36:16 On a déjà parlé de la loi Informatique et Libertés,
36:20 du Règlement général sur la protection des données,
36:23 dans le cadre de la protection des données à caractère personnel,
36:26 mais on voit que l'Union européenne, en ce moment, a mis en œuvre
36:30 un certain nombre de projets législatifs visant à réguler,
36:35 notamment les grands acteurs du secteur.
36:37 C'est par exemple le cas du Data Act, un règlement général sur les données,
36:43 du IA Act, un règlement qui va s'attacher au traitement algorithmique
36:49 un peu particulier qu'on appelle l'intelligence artificielle.
36:52 Ce n'est pas de la vraie intelligence artificielle,
36:54 mais néanmoins ce sont des traitements qui peuvent apporter un bénéfice
36:58 en termes de capacité de calculatoire et de modélisation
37:04 et qui doivent être régulés parce que, dans le cadre de prises de décisions
37:09 qui seraient fondées intégralement sur ces traitements,
37:12 il pourrait y avoir des risques pour les libertés des personnes.
37:16 Et puis donc, il y a deux autres règlements, le DSA et le DMA.
37:21 DSA, c'est Digital Services Act, le règlement européen sur les services numériques.
37:29 Et puis le DMA, le Digital Markets Act, le règlement sur les marchés numériques.
37:36 Je vais brièvement en parler parce que ce sont des documents assez techniques, assez longs,
37:42 mais je tenais quand même à vous montrer quelle est l'importance de réguler
37:48 de façon pertinente dans un domaine.
37:50 Pourquoi ? Parce qu'on a vu que les effets de réseau arrivaient très facilement
37:55 à faire créer des acteurs d'une taille très importante
38:00 et d'une taille qui pouvait être supérieure à celle, en termes de capacité d'action, de budget,
38:05 de beaucoup d'États.
38:07 Et donc, il est important pour que la puissance publique garde le contrôle
38:11 sur le fonctionnement de la société, que les grands acteurs puissent être régulés
38:16 et ne puissent pas finalement avoir des comportements préjudiciables
38:20 au fonctionnement de la société.
38:22 Donc, le DSA, qui parle des services numériques, vise à faire en sorte que finalement,
38:28 pour résumer un peu, tout ce qui est illégal dans le monde physique
38:33 reste aussi illégal dans le monde numérique.
38:36 Donc, ça va être un règlement qui va s'appliquer majoritairement
38:41 à des fournisseurs de services numériques, donc sur plateforme numérique,
38:46 que ce soit par exemple les fournisseurs d'accès à Internet,
38:49 les services d'infonuage, le cloud dont on a déjà parlé,
38:54 et les moteurs de recherche, donc toutes ces grandes plateformes en ligne,
38:59 ces grands fournisseurs de services, qui vont effectivement
39:03 mettre en relation des personnes et faire transiter du contenu.
39:08 Et donc, va incomber à ces grandes plateformes des obligations renforcées
39:14 en termes de lutte contre les contenus illicites et de transparence
39:19 par rapport aux services qu'elles rendent.
39:22 En particulier, on voit que les réseaux sociaux font une sélection
39:28 des contenus qui sont fournis aux personnes.
39:31 Elles opèrent une sélection sur la base de profilage, par exemple,
39:36 puisque telle personne aime les chats, on va lui montrer plein de vidéos de chats
39:40 pour qu'elle puisse rester sur la plateforme.
39:42 Repensez à ce qu'on a vu en termes d'économie de l'attention.
39:45 L'objectif, c'est que la personne puisse rester et consommer
39:48 les services de la plateforme.
39:50 Et donc, cette notion de sélection de contenu, de profilage,
39:56 il va falloir qu'elle soit claire, qu'elle soit explicite,
39:59 pour éviter des phénomènes pervers, comme ceux qu'on a pu appeler
40:02 les bulles de filtre, qui font que les personnes vont être
40:05 enfermées dans des univers qui seront conditionnés pour elles
40:10 et n'auront pas, par exemple, la capacité d'avoir accès
40:14 à un contenu plus diversifié qui aurait pu éventuellement
40:17 les intéresser. Et donc, les plateformes devront expliquer
40:22 le fonctionnement des traitements algorithmiques,
40:24 de recommandations qu'elles vont utiliser.
40:27 Pour les personnes, il va y avoir des droits supplémentaires
40:30 pour pouvoir refuser le profilage, et ce profilage sera d'ailleurs
40:35 interdit pour les mineurs, de façon à les protéger
40:40 d'une façon plus importante.
40:42 Il va y avoir un registre des publicitaires, pour voir
40:45 quels sont les fournisseurs de publicité.
40:48 On a vu par le passé des tentatives de manipulation
40:51 des élections politiques par de la publicité ciblée
40:55 vis-à-vis de telle ou telle catégorie d'électeurs,
40:59 profilées sur le revenu, sur un certain nombre d'orientations
41:02 écologiques ou politiques. Et donc, tous ces effets pervers,
41:06 le but, c'est de les limiter, de les réduire, de les supprimer
41:12 si possible, de façon à pouvoir atténuer les risques
41:16 que peuvent faire courir ces grandes plateformes
41:19 sur la diversité des opinions et sur l'accès à une information
41:23 non biaisée.
41:24 Le DMA, donc le Digital Markets Act, le règlement
41:31 sur les marchés numériques, lui, va s'occuper de garantir
41:36 ce que l'Union Européenne souhaite en termes de marché,
41:40 c'est-à-dire la concurrence libre et non faussée.
41:43 Par les effets de réseau, on voit que quelques acteurs
41:46 sont en position dominante, et donc le but, c'est de faire
41:50 en sorte que cette dominance ne devienne pas une barrière
41:55 totale à la concurrence et que de nouveaux acteurs puissent
41:59 s'immerger sur ces marchés.
42:02 Et donc, l'idée, là encore, c'est d'identifier
42:05 des grandes plateformes qu'on appellera des gatekeepers,
42:09 des contrôleurs d'accès au marché, pour faire en sorte
42:12 que ces plateformes se voient soumises à des obligations
42:15 renforcées en termes de transparence et d'accès
42:21 des concurrents aux données issues de ce marché
42:25 qui peuvent les aider à se positionner elles-mêmes
42:29 pour rentrer sur le marché et pouvoir éventuellement
42:32 faire concurrence aux acteurs existants.
42:35 Comme vous le voyez, le sujet de la révolution numérique
42:42 et de ses enjeux en termes économiques de souveraineté,
42:46 d'usage, d'accès, de liberté et de droits fondamentaux,
42:50 c'est très vaste. Et donc, l'objectif de ce module,
42:54 c'est de vous en donner un bref aperçu pour que vous compreniez
42:57 que finalement, utiliser un outil numérique, c'est engageant.
43:01 C'est engageant pour vous parce qu'on vous l'a fourni,
43:06 et donc à partir de là, on a opéré un certain nombre de choix
43:10 que vous allez devoir respecter.
43:13 Mais c'est engageant aussi pour les personnes à qui
43:16 vous allez transmettre de l'information sous un certain format,
43:19 pour les personnes avec qui vous allez interagir.
43:22 Il est très important de comprendre que quand on travaille
43:25 dans une administration, on participe à la création
43:29 de communs numériques, le cadastre, l'état civil,
43:33 un certain nombre d'informations qui peuvent être réutilisées
43:36 par d'autres, qui peuvent être éventuellement ouvertes
43:39 dans le cadre d'un processus d'ouverture des données,
43:41 ce qu'on appelle l'open data.
43:44 Bien sûr, tout cela en ayant en ligne de mire le respect
43:48 des droits fondamentaux des personnes pour que,
43:51 effectivement, cette révolution numérique dans laquelle
43:54 nous sommes plongés, nous bénéficie, que nous puissions
43:58 profiter de tous les avantages qu'elle offre,
44:01 et en avoir le moins d'inconvénients possible.
44:04 Merci beaucoup, j'espère que ce contenu vous aura plu
44:09 et vous aura intéressé.
44:11 N'hésitez pas à entrer en relation avec nous,
44:13 les informations vous seront laissées pour cela,
44:16 et à bientôt peut-être.
44:18 [SILENCE]

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