La France passe en risque élevé d'alerte à la grippe aviaire : Gilles Salvat directeur général délégué recherche et référence à l'Agence Nationale Sécurité Sanitaire Alimentaire Nationale (Anses) est l'invité de 6h20. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-mercredi-06-decembre-2023-1788691
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00:00 6h21, les volailles n'ont de nouveau plus le droit de gambader à l'air libre.
00:04 Confinement obligatoire.
00:06 La France vient de relever le risque lié à la grippe aviaire à son niveau maximum.
00:10 Bonjour Gilles Salva.
00:11 Bonjour.
00:12 Vous êtes directeur général délégué de l'ANSES, l'Agence Nationale de Sécurité Sanitaire.
00:16 Alerte maximale, ça veut dire que la situation est inquiétante ?
00:19 Oui, la situation est inquiétante.
00:20 On a depuis à peu près trois semaines des mortalités d'oiseaux sauvages qui descendent
00:24 du nord pour leur migration hivernale vers le sud.
00:28 Et donc ils passent au-dessus de notre territoire.
00:31 On a déjà constaté plusieurs foyers de mortalité chez les oiseaux sauvages, notamment
00:36 dans l'est de la France, mais également en Bretagne sur des goélands.
00:39 Et nous avons eu depuis la semaine dernière quatre foyers, trois dans le Morbihan et un
00:47 dans la Somme, sur des dindes qui ont contaminé des oiseaux domestiques et qui ont conduit
00:53 à l'abattage de ces oiseaux.
00:54 Et quatre foyers, ça suffit pour confiner tout le monde ?
00:57 Oui, parce que ça veut dire qu'on est dans une période où l'environnement des élevages
01:01 est très contaminé, où il faut absolument, d'une part, mettre les oiseaux à l'abri,
01:06 mais on voit bien que ça ne suffit pas.
01:07 Les quatre élevages de dindes qui ont été contaminés étaient des élevages de dindes
01:10 où les animaux étaient en bâtiment.
01:12 Et donc il faut absolument renforcer les mesures de biosécurité, c'est-à-dire tout ce que
01:16 l'éleveur fait pour éviter de faire rentrer le virus dans son élevage.
01:20 Et quand un foyer est repéré, qu'est-ce qui se passe ? On abat tous les autres ?
01:22 On abat tous les animaux, parce que très très vite, de toute façon, pour des dindes,
01:26 dans les 24 heures à 48 heures, l'ensemble des animaux vont mourir.
01:29 C'est une maladie qui provoque de grandes souffrances chez les animaux, donc on les
01:32 sacrifie avant.
01:33 Et donc là on est à combien d'animaux abattus ?
01:34 Alors on est à quatre foyers, entre 4000 et 10000 dindes dans chaque élevage.
01:41 Je n'ai pas exactement les chiffres, mais ça fait quelques dizaines de milliers d'animaux
01:46 qui ont déjà été abattus.
01:47 Et donc pour le moment, c'est uniquement des dindes, pas de canards comme les années
01:51 précédentes ?
01:52 Pas de canards, puisqu'on espère en tout cas que c'est lié au fait qu'on vaccine
01:57 les canards.
01:58 Depuis le 1er octobre, l'ensemble des petits canetons qui ont été placés dans les élevages,
02:03 qui sont nés après le 1er octobre, ont été vaccinés une première fois à dix jours
02:06 et ensuite un rappel six semaines plus tard.
02:08 Ça fait combien de canards là, en total ?
02:09 Alors actuellement, on en est sur la première dose à peu près, peu ou prou, 8 millions
02:15 de doses administrées, et sur la deuxième dose à peu près 6 millions.
02:19 C'est la première fois qu'on mène une campagne de vaccination à cette échelle-là ?
02:22 Oui, c'est la première fois.
02:23 La vaccination était jusque-là interdite pour des raisons plus commerciales qu'autre
02:28 chose.
02:29 Parce que quand on vaccine les animaux des anticorps, on a du mal à prouver qu'ils
02:34 n'ont pas de virus, alors qu'effectivement ça les protège.
02:37 Là, on a des vaccins qui permettent de distinguer des animaux vaccinés des animaux infectés.
02:42 Donc il n'y a pas de problème de ce côté-là.
02:43 Cette vaccination, c'est la première fois.
02:46 On a choisi pourquoi les canards ?
02:48 D'abord parce qu'on a des vaccins efficaces sur les canards désormais.
02:51 Et ensuite, c'est l'espèce la plus sensible à ces virus influenza.
02:55 Et donc pour vous, c'est cette vaccination qui fait que pour le moment, il n'y a pas
02:58 de foyer de grippe aviaire détecté dans des élevages de canards ?
03:00 Je dirais qu'on espère.
03:01 On espère.
03:02 Il y aura peut-être des foyers en canards, parce que le vaccin ne protège jamais à
03:06 100%.
03:07 Mais néanmoins, le fait qu'on n'ait pas de foyer en canards, c'est plutôt bon signe.
03:12 Et même s'il n'y a pas de foyer de grippe aviaire dans des élevages de canards, il
03:15 faut quand même les confiner.
03:16 On prend quand même ces principes de précaution au maximum ?
03:18 Parce que pour les éleveurs, c'est quand même lourd de conséquences de confiner les
03:21 canards.
03:22 Tout à fait.
03:23 De la même façon que quand on est vacciné contre le Covid, en période de pic épidémique,
03:27 mettre un masque, c'est important.
03:28 De la même façon, quand on vaccine des canards, maintenir ces canards à l'abri, respecter
03:35 ces gestes barrières que sont les mesures de biosécurité, c'est particulièrement
03:39 important.
03:40 Il n'y a pas de vaccin pour les autres volailles, pour les dindes notamment, parce que c'est
03:42 elles qui sont concernées ?
03:43 Sur les dindes, il y a des vaccins qui existent.
03:45 Nos collègues italiens ont testé des vaccins.
03:46 Pour le moment, les vaccins qui existent sur les dindes sont beaucoup moins efficaces.
03:50 Le ministère de l'Agriculture a considéré qu'il était difficile dans l'immédiat
03:58 de vacciner les dindes, notamment parce que des vaccins contre l'influence aviaire chez
04:02 les dindes n'ont pas d'autorisation de mise sur le marché pour l'instant.
04:05 On se souvient de la grippe des deux dernières années où 30 millions de volailles avaient
04:10 été abattues en France.
04:12 Est-ce que c'est la même souche ? C'est la même grippe ?
04:13 C'est peu ou prou la même souche.
04:16 On l'appelle H5N1, clade 2,3,4,4B dans notre langage de…
04:21 Vous, pas nous !
04:22 Oui, c'est ça.
04:23 Mais c'est effectivement la même souche.
04:25 Depuis, elle a muté.
04:26 La souche qui a touché les élevages de dindes est une souche qui s'est combinée, réassortie
04:33 on dit, avec un virus de goélands, qui s'est adaptée au goélands et donc du fait qu'elle
04:38 est pathogène pour les goélands, mais qui est également pathogène pour les canards,
04:42 pour les dindes, pour les poules.
04:43 Et c'est cette souche qui a contaminé les élevages dans le Morbihan.
04:47 Et justement, est-ce qu'il y a plus de risques à force d'être confronté à ce virus ?
04:50 Est-ce qu'il y a plus de risques qu'il s'adapte à de nouvelles espèces ?
04:53 Alors tout à fait, c'est aussi pour ça.
04:55 On ne vaccine pas seulement pour prévenir la maladie chez les oiseaux.
05:00 C'est une maladie extrêmement grave chez les oiseaux et c'est aussi pour ça, bien
05:03 sûr.
05:04 Mais on essaye aussi de prévenir une forte multiplication du virus qui entraîne une
05:08 probabilité de mutations beaucoup plus importantes, de transformation du virus et d'adaptation
05:13 éventuelle à d'autres espèces.
05:15 On a déjà vu ce virus s'adapter aux renards, aux visons, donc des mammifères.
05:19 Donc c'est passé aux mammifères ?
05:20 C'est passé sur les mammifères.
05:21 En France ça ?
05:22 Alors, il y a eu quelques cas en France sur des renards, notamment en région parisienne
05:25 au printemps dernier.
05:26 Mais par contre, de façon plus massive, dans des élevages de renards pour animaux à fourrure
05:33 dans le nord de l'Europe.
05:34 Et est-ce qu'il y a un risque qui se propage un jour à l'homme ?
05:36 Alors, ce risque existe toujours et c'est vraiment le risque qu'on surveille nous en
05:40 séquençant tous les virus qu'on isole chez les oiseaux pour essayer de déterminer
05:45 si ces virus n'ont pas de nouvelles mutations génétiques qui entraîneraient effectivement
05:55 une adaptation à l'homme, notamment à la température de multiplication chez l'homme.
05:59 Les oiseaux c'est plutôt 42 degrés, nous c'est 37 et donc on regarde ces mutations-là
06:03 de façon très très précise.
06:05 Et les conseils de mon sens c'est justement de ne pas toucher.
06:08 Si on voit un oiseau mort, on ne le touche pas.
06:09 Alors, si on voit un oiseau mort, on ne le touche pas.
06:10 On appelle des professionnels pour le faire.
06:12 Il y a des associations qui le font, il y a des réseaux et puis surtout les agentes
06:17 de l'Office français de la biodiversité qui sont là aussi pour ça et qui prennent
06:21 toutes les précautions.
06:22 De la même façon, dans les élevages où le virus est présent, les éleveurs et les
06:28 gens qui abattent ces animaux malades portent des équipements de protection, notamment
06:32 des masques.
06:33 Ici Gilles Salva, directeur général délégué de l'Agence nationale de sécurité sanitaire.
06:38 Vous étiez l'invité du 5/7.