« Pallywood » ou l’art d’accuser les victimes civiles de Gaza de faire « du cinéma ».

  • l’année dernière
De nombreux comptes pro-israéliens détournent des vidéos afin d’accuser les victimes civiles de Gaza de fabriquer leurs blessures de toutes pièces. Une stratégie de désinformation désormais reprise par certains médias et membres du gouvernement israélien.

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Transcription
00:00 Cette petite fille serait-elle en train de se maquiller pour faire croire qu'elle est
00:02 une civile blessée à Gaza ? C'est ce qu'affirment de nombreux militants pro-israéliens, qui
00:07 accusent des palestiniens de monter des scènes de blessures de toutes pièces pour décrédibiliser
00:11 Israël.
00:12 Et cette stratégie a un nom, le Paliwood, un mix entre Palestine et Hollywood.
00:16 Alors revenons aux bases.
00:18 Le mot Paliwood apparaît il y a une vingtaine d'années.
00:20 Nous sommes en septembre 2000 et la deuxième Intifada, qui va durer 5 ans, vient de commencer.
00:25 Charles Anderlin et son caméraman, tous les deux journalistes à France 2, diffusent des
00:29 images de Mohamed Aldoura, un garçon palestinien, et de son père pris entre les tirs sur un
00:33 carrefour à Gaza.
00:34 L'enfant décédera après avoir été touché par une balle.
00:37 Selon les journalistes, les tirs étaient d'origine israélienne, ce que reconnaît
00:40 l'armée dans un premier temps.
00:41 Mais très vite, l'armée israélienne se rétracte, affirmant que les tirs étaient
00:45 d'origine palestinienne.
00:46 C'est le début d'une bataille médiatique qui va durer des années, et c'est dans ce
00:49 contexte que naît le mot Paliwood.
00:51 Il est inventé en octobre 2003 par Richard Lands.
00:55 C'est un historien américain de religion juive qui exerce en Israël et qui intervient
00:59 régulièrement dans des associations sionistes.
01:01 Il travaille notamment sur la couverture médiatique du conflit israélo-palestinien.
01:04 Nous l'avons d'ailleurs contacté, et à en croire sa bio WhatsApp, il semble avoir
01:08 un parti pris sur la question.
01:09 Pour lui, à ce moment-là, l'image d'Aldoura fait alors d'énormes dégâts, je cite,
01:13 pour la réputation d'Israël.
01:14 En 2003, il découvre un article publié dans le magazine The Atlantic, qui évoque l'hypothèse
01:19 d'une fausse mort du petit garçon, qu'un des funérailles y eut lieu, et que Charles
01:22 Anderlin est affirmé de nombreuses fois que Mohamed était bel et bien décédé.
01:26 Les détracteurs de Charles Anderlin se basent notamment sur le fait qu'une partie du reportage
01:30 n'ait pas été diffusée, car l'agonie de l'enfant a été trop insupportable à
01:33 montrer selon les mots du journaliste.
01:35 Richard Lands décide alors d'aller enquêter dessus.
01:37 Il raconte avoir pu y visionner l'intégralité des images tournées par France 2, dont celle
01:41 coupée, dans lesquelles il affirme avoir vu une mise en scène grotesque.
01:45 A l'issue de ce visionnage, il invente l'expression "Pollywood", terme dont on lui conseillera
01:49 ensuite d'en faire, je cite, "une sorte de marque de fabrique".
01:52 L'hypothèse d'une mort qui serait une scène de cinéma en plein air, selon ses mots,
01:55 est reprise par des commentateurs pro-israéliens, qui accusent même France 2 d'avoir fait
01:59 appel à des figurants ou à de fausses ambulances.
02:01 Au final, on ne saura jamais vraiment qui a tiré sur Mohamed Aldoura, le site ayant
02:05 été rasé par l'armée israélienne les jours suivants les faits.
02:09 Un homme d'affaires pro-israélien, Philippe Karsanti, sera condamné pour avoir accusé
02:13 le reportage d'être bidonné.
02:14 En 2013, le gouvernement israélien publiera un rapport, affirmant que la scène a été
02:18 truquée, qui sera d'ailleurs critiquée, puisque les autorités n'ont pas interrogé
02:21 les journalistes de France 2, ni le médecin ayant soigné le père de Mohamed Aldoura,
02:25 mais le mal est fait.
02:26 En 2005, Richard Land publie ce qu'il appelle un documentaire intitulé "Pollywood selon
02:31 des sources palestiniennes", qui ne dure en réalité que 18 minutes, et où il reprend
02:35 plusieurs images montrant des blessés palestiniens, affirmant qu'elles sont truquées.
02:39 Des images qui sont difficilement vérifiables.
02:41 Certaines viennent selon lui d'un caméraman de Reuters, ce que n'a pu nous confirmer
02:45 l'agence de presse.
02:46 Bref, depuis, l'expression "Pollywood" revient à chaque escalade de violence.
02:49 Et elle gagne progressivement les cercles officiels.
02:52 Comme en 2014, lorsque trois palestiniens non armés sont abattus.
02:56 La scène est alors filmée par une caméra de surveillance, mais Tzahal accuse ses preuves
02:59 d'avoir été fabriquées.
03:00 Alors évidemment, il ne s'agit pas de dire qu'il n'y a aucune désinformation
03:04 du côté palestinien.
03:05 Depuis l'attaque du 7 octobre, plusieurs images ont été détournées par des internautes
03:08 pour servir la propagande du Hamas, avec d'autres fake news comme par exemple ce faux message
03:13 de l'armée israélienne, affirmant avoir bombardé l'hôpital Al-Ahly.
03:16 Mais ce qui est intéressant, c'est que ce discours est désormais repris par les
03:19 médias et par le gouvernement israélien lui-même.
03:22 Cette vidéo a par exemple été relayée par un des porte-parole de Benyamin Netanyahou.
03:26 "Les palestiniens trompent les médias internationaux et l'opinion publique.
03:29 Ne tombez pas dans le piège.
03:30 Regardez par vous-même comment ils simulent leurs blessures et évacuent des civils blessés
03:34 devant leur caméra.
03:35 Encore une preuve de Pollywood."
03:36 Mais avec une recherche d'images inversées, on s'aperçoit qu'il s'agit en fait
03:39 du making-of d'un court-métrage.
03:41 Cette autre vidéo a aussi été largement reprise, notamment par le média israélien
03:45 i24 qui utilise directement le terme de Pollywood.
03:48 Or ces images semblent bien réelles.
03:51 On distingue ici la façade de l'hôpital Nasser au sud de la bande de Gaza.
03:54 Et dans la vidéo suivante, on distingue cet individu qui semble être un vrai médecin
03:58 puisqu'il apparaît sur plusieurs photos publiées sur des articles de presse en train
04:02 de secourir des blessés.
04:03 Le journaliste auteur de cette vidéo, Mohamed Awad, a d'ailleurs affirmé à l'agence
04:07 AP que l'homme était bel et bien blessé.
04:10 Les détournements sont toujours plus nombreux à mesure que la guerre se poursuit.
04:13 Une guerre qui a à l'heure où est publiée cette vidéo fait plus de 1200 victimes israéliennes
04:17 et selon le Hamas, plus de 11 000 victimes palestiniennes.
04:20 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
04:23 [Musique]

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