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L'invité des Matins de France Culture.
Comprendre le monde c'est déjà le transformer(07h40 - 08h00 - 5 Décembre 2023)
Retrouvez tous les invités de Guillaume Erner sur www.franceculture.fr

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Transcription
00:00 * Extrait *
00:06 Le tueur du pont de Bir Hakeim, ce terroriste islamiste qui s'est donc livré à un attentat
00:13 samedi soir était suivi par les services de renseignement depuis des années mais il
00:17 s'est joué de la surveillance psychiatrique et c'est pourquoi le ministre de l'intérieur
00:23 Gérald Darmanin a évoqué un ratage dans le suivi psychiatrique de cet homme.
00:29 Bonjour Guillaume Monod.
00:30 Bonjour.
00:31 Vous êtes médecin psychiatre consultant au centre pénitentiaire de Paris la Santé,
00:35 directeur adjoint du centre d'études des radicalisations et de leur traitement à
00:38 l'université de Paris cité et on vous doit notamment en prison, parole de djihadiste
00:43 aux éditions Gallimard.
00:44 Qu'est-ce que l'on peut dire au sujet de cet homme, de ce terroriste ?
00:48 Je pense qu'on peut dire deux choses, c'est qu'il y a d'une part la question psychiatrique
00:54 et d'autre part la question de la radicalisation.
00:56 Ce qu'on oublie un petit peu c'est que la question de la radicalisation, la question
00:59 d'un passage à l'acte terroriste, ce sont des crimes, ce sont des crimes de terreur
01:02 mais ce ne sont pas des maladies psychiatriques.
01:04 Donc la grande difficulté est qu'il y a deux aspects qui sont différents mais convergents,
01:09 l'aspect psychiatrique d'une part, l'aspect radical criminologique d'autre part qui vont
01:14 arriver à cet acte.
01:15 Alors quand on dit que c'est un ratage de la psychiatrie, oui et non.
01:19 Ce qu'il faut bien voir c'est que ce personnage avait eu un suivi en bonne et due forme, qu'il
01:23 a rempli toutes ses obligations, que le psychiatre a rempli toutes les siennes.
01:26 À un moment donné le psychiatre estimait en toute bonne foi sur le plan médical qu'il
01:30 allait bien, qu'il était stabilisé, il ne voyait pas l'intérêt de poursuivre.
01:33 Mais ça c'est ce qui existe pour des dizaines si ce n'est des centaines d'une part de
01:38 personnes radicalisées qui ont des troubles psychiatriques mais également pour des milliers
01:41 si ce n'est des dizaines de milliers de personnes françaises qui ont des maladies
01:45 psychiatriques et qui vivent au quotidien normalement.
01:46 Je crois que l'erreur que l'on fait un petit peu dans cette affaire c'est un peu
01:51 le syndrome de la SNCF.
01:52 On parle uniquement des trains qui déraillent, on ne parle jamais des trains qui arrivent
01:55 à l'heure.
01:56 Bien sûr il y a eu ce ratage mais ce qu'il faut oublier, ce qu'il ne faut pas oublier
01:59 c'est qu'il y a énormément de situations identiques qui par contre n'aboutissent
02:02 jamais à une catastrophe comme ça.
02:04 Il a été évoqué par exemple la fin d'un traitement médicamenteux.
02:08 Est-ce qu'il peut y avoir un lien entre la fin d'un traitement et un passage à
02:12 l'acte de type terroriste ?
02:13 Il y a des gens qui font des passages à l'acte malgré le fait qu'ils ont un traitement
02:17 médicamenteux.
02:18 Donc ça peut être un élément mais c'est impossible à dire que c'est le élément
02:22 déclencheur.
02:23 Il y a des gens qui ont des troubles psychiatriques qui même en hospitalisation font des passages
02:26 à l'acte.
02:27 Donc un traitement médicamenteux ce n'est absolument pas la panacée.
02:30 D'autre part les troubles psychiatriques ce sont des choses qui sont évolutives avec
02:34 le temps en ce sens où les symptômes peuvent être stabilisés pendant quelques mois, s'aggraver
02:38 pendant quelques semaines, ensuite aller à nouveau mieux pendant quelques mois voire
02:41 quelques années et puis à nouveau s'aggraver.
02:42 Et ce qu'on oublie un petit peu c'est que le psychiatre, son travail se limite à ce
02:47 qui se passe à un tenter.
02:49 Le psychiatre il peut voir l'état dans lequel ils sont passés aujourd'hui, il peut éventuellement
02:52 comprendre ce qui s'était passé il y a quelques semaines, il y a quelques mois voire
02:55 quelques années.
02:56 Mais un psychiatre c'est un médecin, c'est pas un voyant, il lit pas l'avenir, il a
03:00 pas des cartes de tarot pour savoir ce que fera la personne dans six mois.
03:03 Mais alors l'une des questions sur cet homme parce qu'apparemment il a changé beaucoup
03:06 de discours.
03:07 Il faut savoir évidemment si ces discours sont ou bien le reflet de ce qu'il pensait
03:13 ou bien tout simplement des stratégies de dissimulation qui sont semble-t-il habituelles
03:18 chez certains terroristes.
03:19 Justement votre point de vue de psychiatre là-dessus, quelqu'un qui change du tout
03:24 au tout par exemple par rapport à la radicalité religieuse, s'agit-il d'un fou, de quelqu'un
03:31 qui a été déradicalisé ou bien tout simplement de quelqu'un qui simule ?
03:34 Là encore, on peut retrouver ça aussi bien dans la maladie de la psychiatrie où les
03:38 gens évoluent, les éléments délirants évoluent avec le temps.
03:41 Et puis on peut trouver ça également chez quelqu'un de normal pour une politique d'ordre
03:45 criminologique où la personne veut mentir.
03:46 L'un n'empêche pas l'autre.
03:48 La grande difficulté dans cette situation, c'est qu'il y a autant d'éléments d'ordre
03:52 psychiatrique que d'éléments de l'ordre de son propre caractère, de sa personnalité
03:55 qui ne sont pas d'ordre psychiatrique.
03:57 Et arriver à désintriquer tout ça, c'est extrêmement compliqué.
03:59 Cet homme a donc poignardé trois personnes.
04:04 Une personne est morte samedi soir.
04:07 Il l'a fait, dit-il, pour venger les musulmans.
04:10 On ne comprend évidemment pas de quoi il s'agit.
04:13 Il a frappé au hasard trois personnes, évidemment innocentes.
04:18 Est-ce que de toute façon, pour se livrer à ce type d'acte, il ne faut pas être,
04:23 je ne sais pas comment le dire, mais parfaitement irrationnel dans son comportement, Guillaume
04:27 Monod ?
04:28 Non, je pense que ce n'est pas une question de rationalité.
04:31 C'est une question de choix, d'impératif moral.
04:34 Si on prend l'exemple des terroristes des années 70 ou 80, comme par exemple Action
04:38 Directe ou comme par exemple un certain nombre de Corses, de Basques et autres.
04:42 C'était des gens qui ont commis des assassinats.
04:44 Jean-Marc Rouillat a assassiné cinq ou six personnes.
04:46 Ce n'est pas pour autant quelqu'un qui avait une maladie psychiatrique.
04:49 Ce qui a déterminé ces actions, ce n'est pas une perte de la rationalité, ce n'est
04:54 pas un moment délirant, c'est une question d'équilibre, de choix moral.
04:57 Pour lui, il y avait un impératif qui est de respecter la vie humaine.
05:00 On ne tue pas les gens.
05:01 Ça, c'est un impératif humain, moral.
05:03 Mais il y a d'autres impératifs moraux, comme par exemple, il faut combattre l'inégalité,
05:07 il faut combattre ceux qui asservissent les autres.
05:09 Eh bien, à un moment donné, les gens dans leur parcours de vie se disent que l'impératif
05:13 moral de combattre les inégalités au besoin de tuer quelqu'un pour le marquer devient
05:18 supérieur à l'impératif moral de ne pas tuer.
05:20 C'est une question de choix rationnel.
05:22 Contrairement à ce qu'on pense, ce sont des actes qui ont de la rationalité.
05:24 Mais le fait de décider de tuer quelqu'un, ce qui par exemple est le cas dans une guerre,
05:31 ce qui peut être le cas dans d'autres situations, guillot mono, ce cas-là, il est généralement
05:37 accompagné d'une justification logique.
05:42 On peut bien sûr adhérer ou pas à cette justification, on peut la remettre en cause.
05:46 Mais en tout cas, elle existe.
05:47 Le lien qu'il peut y avoir entre un passant dans les rues de Paris et un combat plus vaste,
05:53 comme par exemple le fait de protéger les musulmans, là, c'est une revendication,
05:59 en tout cas un lien beaucoup plus lâche, beaucoup plus fumeux.
06:03 Oui, c'est beaucoup plus fumeux.
06:04 Parce que comme je le disais, il y a les deux aspects qui se combinent.
06:07 C'est ça la grande difficulté.
06:08 Il y a l'aspect rationnel du choix politique d'un choix moral ou un impératif moral
06:13 en surpassant un autre, avec à côté de ça, qui vient se combiner, un élément d'ordre
06:18 délirant, pathologique, qui fait qu'effectivement la personne décide, pour des raisons qu'on
06:22 ne comprend pas, que c'est un passant anonyme qui incarne la cause, ou plutôt l'ennemi
06:27 de la cause que l'on défend.
06:28 Donc le problème pathologique, il vient là, sur le choix de la cible.
06:31 Mais sur la question du choix de passage à l'acte, Jean-Marc Rouillant, tous ces gens-là
06:35 étaient des gens rationnels, réfléchis, qui avaient pensé, théorisé leurs actes.
06:39 La mère de cet homme, donc, qui s'est livrée à cet attentat samedi soir, évoque une personne
06:47 influençable.
06:48 Est-ce que ça, c'est une catégorie psychiatrique ? Est-ce que beaucoup de ces personnes que
06:52 vous avez vues en prison, puisque vous êtes médecin psychiatre consultant au Centre pénitentiaire
06:58 de Paris la Santé, est-ce que beaucoup de ces hommes, de ces femmes sont des gens influençables ?
07:03 Oui, beaucoup sont influençables, c'est même la majorité, la très grande majorité.
07:07 En réalité, vous avez plutôt deux, de façon très schématique, deux catégories.
07:11 Vous avez les chefs, les dirigeants, qui eux sont les influenceurs, et vous avez l'immense
07:17 majorité des gens qui sont les suiveurs, qui effectivement se font influencer.
07:20 Phénomène qu'on retrouve d'ailleurs aussi dans la délinquance, entre le chef
07:22 de la bande et tous les suiveurs.
07:24 Mais alors, influençables, oui.
07:26 Et donc influençables sur le plan psychiatrique, il y a certaines pathologies qui effectivement
07:30 rendent les gens extrêmement influençables, notamment les troubles psychotiques, notamment
07:33 certaines formes de schizophrénie.
07:34 C'est-à-dire, justement, comment on comprend ça ? Comment, a priori, un trouble psychiatrique
07:41 comme la schizophrénie peut donner prise à des personnes qui vont manipuler ces individus ?
07:49 Parce que quelqu'un qui souffre de schizophrénie n'est pas uniquement schizophrène.
07:52 Il a une maladie qui va modifier son fonction psychique, mais il conserve en partie sa personnalité
07:57 et son intelligence.
07:58 C'est comme quelqu'un qui a du diabète, il n'est pas que diabétique, c'est un
08:02 individu qui souffre de diabète.
08:03 Quelqu'un qui souffre de schizophrénie, sa maladie va le rendre beaucoup plus difficilement,
08:08 il va lui rendre des choses plus difficiles pour se défendre psychiquement contre des
08:11 influences extérieures, contre tout ce qui va être de l'ordre du sentiment de la persécution.
08:15 Et le grand talent des recruteurs, justement, c'est d'arriver à jouer sur ses fragilités.
08:19 Le talent d'un recruteur, ce n'est absolument pas du tout de rendre quelqu'un radical
08:24 d'une façon ex nihilo, si je puis dire.
08:26 C'est d'arriver à identifier des fragilités psychiques dans l'individu, notamment les
08:29 pathologies psychiatriques, et de se servir de ces failles pour influencer la personne.
08:33 Ce que je ne comprends pas, c'est que s'ils sont influençables dans un sens, ils pourraient
08:37 l'être dans l'autre.
08:38 Je veux dire, ce seraient donc des individus qui pourraient très bien être influencés
08:42 dans l'autre sens lorsqu'on est, par exemple, dans le cadre d'un programme de déradicalisation.
08:47 Or, ces programmes de déradicalisation, aujourd'hui, ils sont de moins en moins à la mode parce
08:52 qu'on a l'impression, docteur Monod, qu'ils sont jugés comme étant peu efficaces, voire
08:59 pas efficaces du tout.
09:00 Alors, l'efficacité ne se déterminera pas tout de suite pendant quelques années parce
09:04 qu'il faut un minimum de recul.
09:05 Ensuite de quoi, oui, ce côté influençable fonctionne dans les deux champs.
09:09 C'est précisément pour ça qu'en matière de soins psychiatriques d'une part, ou en
09:13 matière de soins éducatifs et d'accompagnement social d'autre part dans ces programmes de
09:17 radicalisation, c'est précisément ça qu'on met en œuvre.
09:19 On cherche à influencer la personne dans le bon sens et pour énormément de personnes,
09:24 ça fonctionne bien, voire très bien.
09:25 Mais alors, comment procède-t-on ? Parce qu'on a affaire à des individus qui ont peut-être
09:29 un profil psychiatrique, qui ont peut-être un profil psychologique, mais qui ont aussi
09:34 une idéologie.
09:35 On va en reparler dans quelques instants en compagnie du sociologue Farhad Khosrow-Khabar.
09:39 Mais cette idéologie, elle leur fournit une armature, une vision du monde.
09:45 Ce n'est pas facile de changer la manière dont un individu voit le monde ?
09:50 Oui et non.
09:51 Tout dépend des enjeux personnels, psychologiques.
09:54 Tout dépend si la personne a des éléments dépressifs avec des pulsions suicidaires
09:57 qui lui font voir les choses d'une façon apocalyptique, où le monde est fichu, il
10:02 faut aller le plus vite possible pour en finir avec cette horreur-là.
10:05 Tout dépend des éléments psychologiques d'un individu.
10:08 Et si en plus, il y a une pathologie psychiatrique qui fragilise l'individu, malheureusement,
10:11 tout est possible.
10:12 C'est intéressant ce que vous dites parce qu'on s'est longuement interrogé, on continue
10:16 à s'interroger d'ailleurs, pour savoir si ces terroristes qui bien souvent se lancent
10:20 dans des actions dont ils se disent qu'il est peu probable qu'ils en ressortent vivants,
10:25 est-ce que par exemple, il est possible de faire un lien entre ce type de comportement
10:30 et des pulsions suicidaires ?
10:32 Oui, ça a déjà été fait, ça a déjà été prouvé.
10:35 Il y a beaucoup d'études dans les années 70, 80, 90 sur tous les attentats terroristes
10:39 qui ont montré qu'un certain nombre de personnes qui effectivement avaient été arrêtées
10:42 avant leur passage à l'acte, avaient effectivement des pulsions suicidaires de ce type-là.
10:46 C'est toute proportion gardée.
10:47 Un petit peu par analogie, ce qu'on voit aux États-Unis, ces fameux suicide by cop,
10:52 suicide par la police, c'est-à-dire des individus qui prennent une arme pour faire
10:56 un massacre dans une école ou ailleurs, dont le but de se faire tuer par la police.
11:00 C'est analogue.
11:01 Mais alors là-dessus, qu'est-ce que l'on peut faire ? Parce qu'on a affaire à des
11:07 individus qui relativisent leur propre mort, qui aspirent à mourir.
11:12 Est-ce que dès lors, cela les conduit à voir la mort d'autrui comme, je ne sais pas,
11:16 une péripétie ?
11:17 Ça va dépendre de l'individu.
11:19 Je ne peux absolument pas vous répondre de ce qui se passe dans la tête d'une personne
11:22 en particulier.
11:23 Mais d'une façon générale, oui.
11:24 Dès lors qu'on a décidé de sacrifier sa vie sur Terre, finalement, ce qui reste,
11:28 ce qu'on laissera, finalement, apporte peu si on est persuadé que c'est la vie d'après
11:31 qui vous apportera le salut.
11:33 Est-ce que ce type de drame, cet attentat terroriste et de nature guillemonnaut, a à
11:41 devoir faire évoluer les règles qui sont actuellement en vigueur, en psychiatrie, pour
11:45 le suivi des personnes fichées S ?
11:48 Non, parce que les règles telles qu'elles sont actuellement sont largement suffisantes.
11:52 Là encore, comme je le disais, ce n'est pas à chaque déraillement d'un train qu'on
11:55 va reconstruire toute la SNCF, qu'on va réparer tous les rails et tous les trains.
11:58 Ça, pour le coup, on peut changer les procédures.
11:59 On peut changer un certain nombre de procédures, mais on ne va pas se remettre à tout refaire
12:03 de A à Z.
12:04 C'est ça que je veux dire.
12:05 On peut améliorer les choses.
12:06 Et précisément pour améliorer les choses, moi, ce que je constate en France, c'est
12:08 qu'il y a des juges aux affaires familiales, il y a des juges aux libertés d'intention,
12:12 il y a des juges de curatel, il y a des juges spécialisés en matière de terrorisme.
12:15 Je pense qu'il serait intéressant, c'est qu'il y ait des juges spécialisés aux
12:18 affaires psychiatriques, c'est-à-dire des juges formés pour prendre en charge les
12:21 individus qui ont des pathologies psychiatriques, avec une équipe spécialisée qui peuvent
12:24 les aider.
12:25 On va en parler dans une vingtaine de minutes.
12:27 Guillaume Monnot, vous êtes médecin psychiatre, consultant au Centre pénitentiaire de Paris
12:31 de la Santé.
12:32 Vous serez rejoint par le sociologue Farhad Khosrow-Khavar.
12:34 7h56.
12:35 6h39, les matins de France Culture.
12:41 Guillaume Erner.
12:42 Et l'on continue d'évoquer les suites de cet attentat, cet attentat islamiste qui a
12:47 eu lieu ce week-end à Paris, avec un ratage de la psychiatrie, nous dit le ministre de
12:55 l'Intérieur Gérald Darmanin.
12:57 On en a parlé avec Guillaume Monnot, vous êtes médecin psychiatre, consultant au Centre
13:02 pénitentiaire Paris de la Santé.
13:03 On vous doit notamment en prison, parole de djihadiste aux éditions Gallimard.
13:07 Et nous sommes en duplex avec un sociologue, Farhad Khosrow-Khavar.
13:11 Bonjour Farhad Khosrow-Khavar.
13:13 Bonjour.
13:14 Vous êtes directeur d'études et mérites à l'EHESS, on vous doit notamment le nouveau
13:18 djihad en Occident aux éditions Robert Lafon.
13:21 Quelle part accordait Farhad Khosrow-Khavar dans ce geste, dans cet attentat terroriste
13:29 de ce week-end à l'idéologie et à la psychiatrie ? Comment faire la part des choses
13:37 dans ce type de passage à l'acte ?
13:39 En réalité on ne peut jamais le faire.
13:42 On ne peut jamais faire la part des choses dans la mesure où on ne peut pas quantifier.
13:46 On sait bien qu'il a eu des problèmes psychiatriques.
13:52 On sait aussi qu'il avait été radicalisé idéologiquement au moins à partir de 2015.
13:59 On sait que l'élément déclencheur du moins en l'absence de recherche plus approfondie
14:09 c'est la guerre Hamas-Israël.
14:14 Ces éléments si vous voulez se prêtent main forte.
14:18 Mais on ne peut jamais affirmer que l'élément psychiatrique y est pour un pourcentage défini
14:24 ou que la radicalisation ou l'idéologie ou l'islam, bref on est dans une sorte d'articulation
14:31 dont les éléments ne peuvent pas être isolés.
14:33 Ou sinon on affabule.
14:36 Je peux vous assurer que bon il y a dit-on aux alentours de 20% en France de ceux qui
14:45 se sont radicalisés qui ont des problèmes mentaux.
14:51 En Europe c'est quasiment identique et on peut affirmer qu'il y a aussi un certain
15:00 nombre de profils dominants des djihadistes que les sociologues ont dressés, vraiment
15:07 auxquels moi-même j'ai contribué parmi d'autres.
15:09 Et alors justement Farad Khosrow Kavar qu'est-ce que vous diriez à ce sujet ?
15:12 C'est un profil si vous voulez beaucoup plus rare que par le passé.
15:16 Je veux dire c'est quelqu'un qui vient d'une famille sécularisée iranienne.
15:21 Ils ont quitté l'Iran, la raison vraisemblablement est qu'il y a eu le pouvoir théocratique
15:26 islamique, la république islamique.
15:28 En second lieu il est né selon nos indications à Neuilly sur Seine qui n'est quand même
15:39 pas un banlieue déshéritée à ma connaissance.
15:42 Il a 26 ans, il est aussi quelqu'un qui dans une famille de classe moyenne chiite
15:54 a été élevé et si vous voulez les iraniens sont des chiites et bien des sunnites.
16:00 Or le djihadisme dans son écrasante majorité mais vraiment à 99% est un phénomène sunnite,
16:09 c'est pas chiite.
16:10 Et par conséquent il y a un certain nombre de points sur lesquels il s'écarte du modèle
16:16 dominant.
16:17 On a eu dans le passé par exemple des gens de l'Asie du Sud-Est etc. qui avaient été
16:23 djihadistes et qui provenaient de familles de classe moyenne mais dans l'ensemble il
16:31 n'est pas d'origine immigrée au sens de l'Afrique du Nord.
16:35 Tous ces éléments le distinguent si vous voulez du profil qu'on pourrait qualifier
16:40 de dominant ou des deux profils dominants au moins des djihadistes.
16:45 En cela c'est un cas exceptionnel mais il y a aussi un phénomène qui est fondamental,
16:50 c'est la guerre Hamas-Israël et c'est un élément déclencheur.
16:56 Peut-être que s'il avait pris des médicaments, si on veut dire que ça aurait rendu cet élément
17:02 déclencheur moins intense, c'est possible mais disons que cet élément déclencheur
17:10 risque par la suite aussi même des gens qui n'ont pas de problème psychiatrique se révéler
17:18 dangereux pour leur radicalisation future.
17:21 Qu'est-ce que vous en pensez Guillaume Monod, l'élément déclencheur ? Est-ce que justement
17:26 la manière dont le conflit au Proche-Orient semble avoir pesé dans la décision de cet
17:33 homme ?
17:34 C'est très difficile de savoir parce qu'on ne l'a pas rencontré, il ne nous en a pas
17:37 parlé mais je pense que oui c'est tout à fait possible à défaut d'être certain
17:41 parce qu'on sait très très bien que chez des gens qui ont des troubles psychiatriques
17:44 les événements extraordinaires du quotidien malheureusement induisent des passages à
17:49 l'acte.
17:50 Au moment de l'an 2000, le fameux bug de l'an 2000 où tous les ordinateurs devaient
17:53 s'écrouler, j'ai vu moi-même certains patients effectivement décompensés, j'ai
17:56 vu des patients décompensés au moment des attentats du 11 septembre donc à chaque grand
17:59 événement on voit qu'il y a des gens qui ont des maladies psychiatriques qui décompensent.
18:03 Maintenant là où je suis plus circonspect sur la question du profil de ce monsieur et
18:07 la question du profil général des djihadistes, il n'y a pas de profil type.
18:10 Je veux dire on sait quand même aujourd'hui que la plupart, en tout cas en France, la
18:13 plupart donc des candidats terroristes djihadistes et autres ce sont des gens qui viennent des
18:17 classes moyennes, je veux dire c'est absolument pas lié à des conditions socio-économiques.
18:22 De même que le terrorisme n'est pas lié à des conditions socio-économiques.
18:25 Je le rappelle simplement pour mémoire comme exemple c'est que Mohamed Attar qui était
18:29 le chef du commando des attentats du 11 septembre avait un doctorat en urbanisme de je ne sais
18:33 plus quelle université allemande.
18:34 Alors justement Farhad Khosrokhabar.
18:38 Sur ce plan je ne suis absolument pas d'accord.
18:42 Pour chaque cas de classe moyenne qu'on peut citer, on peut citer au moins dix cas
18:47 de gens qui sont dans une situation de précarité, qui se sentent agressés, humiliés du fait
18:54 de leur origine sociale etc.
18:56 Je n'ai pas dit de profil, j'ai dit des profils.
18:59 Et il y en a des profils qu'on peut dresser au moins trois ou quatre dont l'un est le
19:05 cas où prévaut l'élément psychiatrique.
19:07 Encore une fois il ne s'agit absolument pas de dire que tous ces hadiths proviennent
19:12 des banlieues ou des classes défavorisées.
19:16 Mais les dernières statistiques qu'on a donnent une vision à mon avis totalement
19:20 distordue de la réalité parce que c'est sur la prison et les gens qui ont été arrêtés
19:26 avec des lois qui ont été de plus en plus restrictives et qui par exemple qualifient
19:31 de radicalisation ceux qui par exemple vont sur internet ou autre.
19:34 Alors que dans les années 2010-2015 les radicalisés étaient ceux qui s'impliquaient dans une
19:41 action violente.
19:42 En d'autres termes il y a une dimension de classe sociale dans ce phénomène même
19:49 si cette dimension n'est pas exclusive.
19:51 Je veux dire que dans beaucoup de cas on a des classes moyennes mais leur nombre est
19:56 quand même beaucoup plus réduit que ceux qui proviennent des classes précarisées
20:03 et surtout d'origine immigrée.
20:04 Aujourd'hui Farad Khosrow Kavar il y a évidemment un débat en France pour savoir
20:08 comment on peut mieux surveiller ces islamistes, les empêcher de passer à l'acte.
20:15 En tant que sociologue qu'est-ce que vous pourriez dire à ce sujet ? Qu'est-ce qui
20:19 vous paraît pertinent sur ce débat ?
20:21 Vous savez il y a une question de fond qu'on ne soulève pas et je le comprends, c'est
20:29 la spécificité française.
20:31 Pourquoi en Europe, moi j'avais fait des statistiques là-dessus, entre 2013 et 2015
20:40 en France il y en avait eu 300 morts alors que le second pays en nombre de morts d'attentats
20:48 djihadistes c'était l'Angleterre avec 59 si mes souvenirs sont exacts dans le livre
20:53 dont vous avez fait mention.
20:54 Alors il y a par exemple il y a eu déjà un attentat il y a deux mois en France à
21:01 Arras, un professeur qui a été tué ensuite il y a celui-ci, il y en a eu un en Belgique
21:08 récemment il y a quelques semaines mais dans les autres pays européens il y en a très
21:13 peu.
21:14 Je veux dire il y a aussi un phénomène lié à la France et il faut essayer de le comprendre
21:20 pour diminuer évidemment le nombre de ces phénomènes d'attentats qui ciblent des
21:26 gens innocents.
21:27 Moi je crois qu'on va dans le bon sens dans la mesure où il faudrait qu'il y ait un
21:32 suivi psychiatrique beaucoup plus pointu.
21:36 Mais d'un autre côté en France et en Europe on a fermé les hôpitaux psychiatriques.
21:42 Le nombre des lits a été réduit je veux dire drastiquement et là aussi c'est-à-dire
21:49 que finalement ces gens-là vont en prison et la prison n'est pas faite pour être un
21:54 hôpital psychiatrique même s'ils ont des hôpitaux psychiatriques ou des sections d'hôpitaux
22:02 psychiatriques.
22:03 En d'autres termes il y a aussi un problème général de psychiatrie en France pour ce
22:09 qui est du nombre des lits et du fait que beaucoup de gens qui ont des problèmes mentaux
22:13 qui auraient dû être hospitalisés ne peuvent pas l'être parce qu'on ne dispose pas de
22:18 ces lits-là.
22:19 Donc il y a un suivi psychiatrique qui doit être renforcé et c'est le cas actuellement.
22:24 Je crois qu'il va y avoir une loi vraisemblablement dans ce sens mais aussi la prise en charge
22:32 plus accentuée, plus normalisée des gens qui ont des problèmes psychiatriques qui
22:38 se retrouvent ensuite en prison.
22:39 Des statistiques informelles dans la prison où je travaillais si vous voulez affirment
22:45 qu'il y a un pourcentage extrêmement élevé de gens qui ont des problèmes mentaux dans
22:49 les prisons en France.
22:51 Par conséquent il faut faire un travail de fond sur la longue durée mais aussi un travail
22:57 sur la courte durée avec l'imposition des normes de suivi psychiatrique chez les gens
23:06 radicalisés.
23:07 Alors dans ce que vient de dire Farad Khosrow Kavari, il y a beaucoup de choses guillot
23:12 mono tout d'abord sur la question de la paupérisation de la psychiatrie.
23:15 Ça a été longuement dit depuis samedi.
23:19 Vous qui êtes médecin, est-ce que vous avez le sentiment effectivement qu'il y a une
23:24 question de moyen ?
23:25 Oui, il y a une question de moyen en nombre de lits.
23:27 Ça c'est absolument clair.
23:28 Mais ce n'est pas une question en nombre de lits.
23:30 C'est aussi une question de manque de psychiatres.
23:32 Il y a des numerus clausus qui ont été faits depuis plusieurs décennies dans les études
23:36 de médecine qui a beaucoup limité le nombre de psychiatres.
23:38 Là on est à peu près moitié moins qu'il y a une quarantaine d'années.
23:41 Donc il y a beaucoup de facteurs au niveau de la psychiatrie.
23:43 Mais cela étant, il ne faut pas s'imaginer que combien même on aurait le nombre de lits
23:47 suffisant, combien même on aurait le nombre de psychiatres suffisant, il ne faut pas s'imaginer
23:50 que ça suffirait à résoudre le problème.
23:52 Parce que ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que quelqu'un qui a un trouble psychiatrique,
23:55 pour qu'il soit soigné, il faut d'abord que la personne ait envie d'être soignée.
23:58 Il faut qu'elle soit dans la démarche d'accepter le soin.
24:00 Vous pouvez très bien mettre quelqu'un dans un hôpital psychiatrique.
24:03 S'il refuse des traitements, s'il refuse le soin, il ne se passera rien.
24:05 On peut très bien faire des tas de lois nouvelles pour autoriser le préfet à ordonner une
24:10 injonction de soin.
24:11 C'est une loi supplémentaire avec l'obligation thérapeutique, avec l'obligation de soin
24:15 et ce genre de choses.
24:16 Qu'est-ce que ça changera si la personne ne veut pas être prise en charge ? Ça ne
24:19 changera rien.
24:20 Bon, mais par ailleurs, cet individu, celui qui s'est livré à l'attentat islamiste,
24:26 celui-ci avait été vu par un psychiatre.
24:28 Donc là…
24:29 Il avait été vu, il avait été suivi, il allait mieux.
24:31 Le traitement s'était arrêté parce qu'à un moment donné, le psychiatre estimé en
24:34 toute bonne foi scientifique que c'était largement suffisant ce qui s'était passé
24:37 et qu'il allait mieux, comme ça se passe pour des centaines, si ce n'est des milliers
24:40 de personnes.
24:41 Farad Khosrow Kavar, vous qui avez beaucoup étudié ses profils, le fait qu'il ait,
24:47 semble-t-il, changé de discours.
24:49 Alors, par dissimulation, par conviction, justement, je vous pose la question.
24:52 Est-ce que ça, c'est un fait traditionnel ?
24:55 Ah oui, on a plusieurs cas de cette nature.
24:59 Par exemple, le jeune homme qui avait tué le prêtre, si vous voulez, en Bretagne.
25:04 Qui avait dissimulé son état mental, si vous voulez, en mentant.
25:10 Et ces gens-là aussi ont une capacité de convaincre qui est extrêmement importante.
25:18 En un sens, on pourrait dire, comme ils n'ont pas de surmoi aussi développé, semblablement,
25:24 ils peuvent mentir cyniquement beaucoup plus spontanément que les autres.
25:30 Mais moi, j'ai l'impression qu'il y a vraiment un problème là-bas aussi qui est,
25:35 en un sens, insoluble.
25:36 Je veux dire, vous ne pouvez pas, quand un psychiatre est convaincu que la situation
25:43 s'améliore chez son malade, l'empêcher d'exercer son métier.
25:47 De même qu'un juge, puisque c'était le cas d'un juge dans le cas de ce jeune homme
25:52 en Bretagne.
25:53 Un juge, si en toute bonne foi, croit que l'autre s'est déradicalisé, il faut accepter.
26:01 Ce sont les risques, en quelque sorte, de la vie dans la société moderne.
26:04 Mais encore une fois, on peut rendre plus restrictif, en quelque sorte, le suivi des
26:10 soins quand il s'agit, par exemple, pour un détenu radicalisé de sortir de la prison.
26:17 Donc ça, est-ce que ça signifie que les discours doivent être interprétés ?
26:24 Qu'on ne peut pas faire confiance à ces gens-là ?
26:27 Puisqu'il y a évidemment différents appels depuis samedi à surveiller plus étroitement
26:34 les islamistes.
26:35 Voire, c'est un appel de Marion Maréchal aujourd'hui dans le Figaro pour que les
26:41 fichés S soient maintenus en détention.
26:45 Qu'en pensez-vous, Farah de Kostro-Kamar ?
26:46 Ça, si vous voulez, c'est la démocratie.
26:49 Si on le fait, ça veut dire qu'on peut illégalement garder quelqu'un.
26:54 Les fichés S n'ont aucune validité légale.
26:58 Je veux dire, c'est un instrument de travail aux mains de la police pour pouvoir identifier
27:06 les problèmes de quelqu'un ou d'un groupe.
27:08 Mais ça n'a aucune validité légale.
27:11 Je veux dire, on ne peut pas faire fond sur les fichés S pour les mettre en prison ou
27:16 pour lui imposer quelques restrictions, etc.
27:21 Il faut passer par la loi.
27:23 Même question pour ces islamistes détenus qui sortent de prison à la suite de leur
27:32 peine, lorsqu'ils l'ont purgée.
27:34 Votre point de vue à cet égard, Farah de Kostro-Kamar ?
27:37 Comment se prémunir contre de potentiels récidives ?
27:40 Vous savez, on a un certain nombre de statistiques sur les détenus, enfin les radicalisés d'autres
27:48 époques, si vous voulez, il y a 20 ans, etc.
27:52 Mais on voit bien que, dans le temps, mettons 15% d'entre eux se reradicalisent.
28:02 C'est-à-dire que si un détenu a passé plusieurs années en prison, il est déjà
28:06 plus vieux, il est déjà un peu exclu des autres et il peut se radicaliser à titre
28:11 individuel, c'est-à-dire prendre un couteau par exemple, ou sa voiture, foncer sur la
28:16 foule, mais il ne peut plus faire partie d'un groupe, si vous voulez, de jeunes.
28:23 Il y a donc l'emprisonnement qui, en un sens, réduit les risques de la radicalisation dans
28:30 cette perspective.
28:31 Mais dans une autre perspective, l'emprisonnement peut aussi contribuer à la radicalisation
28:36 d'un détenu qui ne l'était pas amplement.
28:38 Dans le cas qui nous occupe, je crois qu'il était déjà suffisamment radicalisé et
28:44 surtout il avait des problèmes mentaux extrêmement graves, puisque vivre dans une famille sécularisée
28:50 et ensuite se convertir à l'islam sunnite en 2015 apparemment, et devenir quelqu'un
28:58 qui, au sein même de la famille, si vous voulez, n'a plus sa place, puisque sa mère
29:02 a alerté les autorités au mois d'octobre au sujet de sa condition mentale, eh bien
29:09 tout ça, ça fait que ce sont aussi des risques difficiles à aborder et auxquels il est tout
29:18 aussi difficile de trouver une solution.
29:20 Mais on peut essayer de faire en sorte que légalement, par exemple, le suivi médical
29:27 soit plus strictement respecté et en second lieu, on peut aussi s'interroger sur la politique
29:37 globale, mais là je veux dire, je touche à un domaine difficile.
29:41 Je veux dire, les pays européens, après le crime de Hamas contre Israël, les pays
29:50 européens ont prit fait cause pour Israël, or actuellement on est à 16 000 morts et
29:55 la télévision qui montre tous les jours ces photos, eh bien il y en a qui vont déraper.
29:59 Il va y avoir quelques-uns qui vont déraper.
30:02 On prie fait cause, c'est un discours qui a largement évolué pour le discours français.
30:08 Guillaume Monod, sur la question des profils de ces terroristes, il y a une chose qui m'étonne,
30:16 en dehors de deux ou trois cas, il n'y a pas de femmes.
30:20 Pourquoi ? Parce que les choses ne se jouent pas de la
30:23 même façon en ce qui concerne les femmes.
30:24 D'une part pour la question de la radicalisation violente, et puis d'autre part sur la question
30:28 de l'idéologie en question.
30:29 Si on prend les idéologies du passé, corps sous basque, on sait que les femmes représentaient
30:34 à peu près 40% des effectifs, pas tout à fait la moitié.
30:36 Là on constate que les enjeux ne sont pas du tout les mêmes parce qu'il y a sans doute
30:40 un certain nombre de femmes, mais elles ne se radicalisent pas de la même façon.
30:44 Pour vous donner un chiffre assez précis que moi j'ai constaté, chez les femmes actuellement
30:48 en fleur et mirogysque incarcérées pour radicalisation de l'ISIS ou terrorisme,
30:51 à peu près les deux tiers ont été victimes d'agressions sexuelles dans l'enfance ou
30:55 l'adolescence ou alors de violences conjugales.
30:57 Et pour elles, l'engagement radical n'a pas tellement la signification de mettre en
31:01 oeuvre une idéologie politique sur le violence radicale, c'est plutôt pour elles une façon
31:05 de s'émanciper des violences qu'elles ont subies, de se purifier au travers du discours
31:09 religieux porté par cette histoire radicale.
31:11 Donc les enjeux, ce qu'elles recherchent dans la question de radicalisation, les femmes,
31:15 ce n'est pas tout à fait la même chose que ce que recherchent les hommes.
31:17 Qu'est-ce que vous en pensez, Farad Koss roukavar ?
31:19 Je crois que dans une très grande mesure c'est vrai.
31:23 Il y a eu en Europe, si vous voulez, des statistiques qui ont montré que par exemple aux alentours
31:30 de 25-26%, enfin bon selon les pays c'était différent, de jeunes qui sont partis en Syrie
31:38 entre 2013 et 2016-2017, et bien c'était des femmes.
31:44 Leur volonté c'était d'épouser un djihadiste, un héros djihadiste.
31:49 Mis à part le côté traumatique qu'a cité notre médecin, je crois qu'il y a aussi
31:57 cette dimension de rêve d'une vie autre, d'une vie totalement différente, et surtout
32:02 il y a aussi une dimension d'un féminisme inversé.
32:07 C'est-à-dire qu'avoir une famille où les rôles soient fixés, le fait que ce soit
32:15 égalitaire mais en même temps la distribution des rôles sous une forme ambivalente soit
32:22 surmontée et surtout le fait qu'il y a une part imaginaire de la famille qui est
32:28 très très importante chez les femmes.
32:31 Et alors ça, est-ce que ça a été instrumentalisé au besoin ? Parce que pour Daesh par exemple,
32:39 il y a certaines femmes qui se sont livrées à des passages à l'acte en Irak aussi,
32:43 Farhad Khosrow Kavar ?
32:44 Oui, tout à fait.
32:46 Daesh a constitué une sorte de groupe de femmes, si vous voulez, violentes.
32:54 Il y a eu par exemple une Allemande qui a été condamnée en Allemagne pour avoir fait
32:59 mourir son esclave femelle qui était Yazidi.
33:06 On a des cas et puis des femmes qui se sont engagées directement dans la guerre.
33:11 Et puis il y a eu aussi des vedettes qui sur internet ont fait l'éloge dithéambique
33:17 de la guerre et de la mise à mort.
33:20 On a, mais c'est une infime minorité, et Daesh s'en est servi.
33:24 Et puis ce sont des femmes qui, d'une manière ou d'une autre, en un sens, contestaient
33:32 aussi leurs conditions féminines au sein de l'islam de manière implicite.
33:36 C'est-à-dire, je veux être un martyr comme les hommes, je veux être comme eux, capable
33:41 de prendre les armes.
33:42 Donc cette dimension-là, ça a existé et Daesh la circonscrit à une infime minorité.
33:47 Un mot de conclusion rapide, Guillaume Monod.
33:51 On a vu votre scepticisme par rapport aux déclarations officielles.
33:55 Vous ne pensez pas que le système même doit être remis en cause suite à cet attentat
34:01 de samedi ?
34:02 Moi je pense que ce qui manque, c'est pas tellement une injonction supplémentaire ou
34:05 un cadre de l'obligation.
34:06 Je pense que ce qui manque, c'est des juges qui soient spécialisés pour les affaires
34:10 qui ont détruit le psychiatrique.
34:11 C'est fondamental que des juges soient vraiment mieux formés, mieux accompagnés, mieux
34:15 aidés pour prendre en charge les dossiers des personnes qui ont détruit le psychiatrique.
34:18 Un juge aux affaires psychiatriques.
34:20 Merci Guillaume Monod en prison.
34:22 Parole de djihadiste, c'est votre livre publié aux éditions Gallimard.
34:25 Merci beaucoup Farhad Khosrow Kava, le nouveau djihad en Occident publié aux éditions.
34:31 Robert Laffont dans quelques minutes, le point sur l'actualité.

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