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125 ans d'histoire en péril : les salariés du groupe Casino sont en grève à partir de ce matin. C'est le déclin de l'empire ligérien : tous les supermarchés et les hypermarchés toujours en possession de Casino pourraient disparaitre. Des concurrents sont déjà sur les rangs.

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Transcription
00:00 Il est 7h45, avec la vente possible de tous les magasins casinos encore détenus par la
00:05 marque stéphanoise, c'est une partie de l'histoire économique et sociale qui pourrait disparaître.
00:10 Est-ce que vous en êtes ému ? Qu'est-ce que ça suscite comme réaction chez vous ? Vous,
00:15 les Ligériens, les Stéphanois, appelez-nous 04 77 10 0010. On va en parler de ce sujet,
00:22 notamment avec Michel à Saint-Etienne. Bonjour Michel.
00:25 Bonjour.
00:26 Vous êtes salarié du groupe Casino. Et pour vous, cette situation est désolante. C'est
00:30 ce que vous ressentez ce matin.
00:31 Moi, je suis salarié depuis 1986, donc ça fait 38 ans, au mois d'avril. Et je vais vous
00:37 dire, je me ressentis un profond dégoût. Je suis dégoûté de voir le groupe Casino
00:43 être entrainé dans une spirale infernale depuis 1993, depuis que M. Nahori a pris les
00:48 rênes. Et lorsqu'il a vendu, vous savez, moi, ce qui m'a fait réagir, c'est, je crois,
00:53 en 1997, lorsqu'il a vendu le premier magasin qu'avait monté Geoffroy Guichard en 1898,
00:59 rue Michel Rondet, qui était devenu une cafétéria. Il a vendu ça comme un vulgaire panier de
01:03 pommes. Et là, j'ai dit, il est en train de vendre l'âme du groupe. Et voilà où on
01:08 en est 30 ans après. Un profond dégoût. Vous savez, moi, à l'immédiat, je pourrais me
01:12 dire, allez, je m'en fous, dans 10 mois, je suis en retraite. Vous savez, je suis en
01:15 demi-retraite déjà. Je pourrais m'en foutre, mais non, je serai à 9 heures devant le siège
01:19 social en solidarité de tous les salariés du groupe. Et voilà, je suis dégoûté, moi.
01:25 Je suis dégoûté parce que j'étais en plus délégué syndical, moi, à la CPT pendant
01:29 deux ou trois mandats. Et on avait déjà averti, on avait déjà averti la direction
01:34 sur ce qui se passait dans le groupe, la baisse des prix, la carte au caisse, les références
01:38 qui sont trop nombreuses. Il fallait faire tout ça vis-à-vis de la concurrence. On
01:44 nous a pas écoutés. Et voilà ce qu'il en est, quoi.
01:47 On en est là aujourd'hui. Vous avez vu, effectivement, Michel, la situation se dégrader. On vous
01:52 remercie infiniment, Michel, pour votre témoignage qui est vraiment dans la tonalité de ce que
01:58 vivent les salariés de casinos. Bonjour, Jean-Pasteur.
02:01 Bonjour.
02:02 Vous êtes le porte-parole de l'intersyndical qui a été créé la semaine dernière, au
02:06 vu de la situation, parce qu'avant les syndicats n'étaient pas unis. C'est aussi un signe
02:09 très fort, cette intersyndical manifestation, comme nous le disait Michel à l'instant,
02:14 ce matin, dans le siège du groupe à Saint-Etienne et puis dans les rues de la ville. Là, c'est
02:18 clair. Aujourd'hui, tous les salariés de casinos se réveillent ce matin avec la peur
02:21 de perdre leur emploi.
02:22 En fait, ils se sont réveillés dimanche, il y a dix jours, quoi. Dimanche, lundi matin,
02:28 quand ils ont lu l'article de Dimanche le soir des échos, en apprenant que la branche
02:31 supermarché et hypermarché étaient mises en vente. Donc, avec l'effet de domino que
02:36 ça peut avoir sur les autres structures du groupe, notamment le siège et la logistique
02:41 des idices, parce que qui peut croire que le siège va rester intact ? Ah oui, il y aura
02:47 toujours les quatre murs. On pourrait dire, tiens, c'est le siège des casinos, même
02:49 dans 30 ans, on dira, tiens, ici, feu le siège des casinos, mais les salariés qui sont dedans,
02:53 les 1500 salariés qui y sont, qu'est-ce qu'ils vont devenir ?
02:56 - La direction dit, on va renforcer le siège. Il y aura finalement du monde qui va arriver
03:02 à Saint-Etienne. Ça ne sera pas une coquille vide.
03:05 - On vit dans un monde de communication. Hier, j'ai écouté la réponse que Bruno Lemaire
03:10 a donnée au député Bataillon. - Quentin Bataillon.
03:14 - Excusez-moi, je le connais très bien. - Député de la Loi. On précise que vous
03:18 travaillez à Marseille, vous êtes délégué syndical et vous venez spécialement à Saint-Etienne.
03:22 On ne vous en voudra pas. - Ah oui, pour l'interview et pour soutenir
03:25 l'action de l'intersyndical dont la CGT et toutes les organisations syndicales font partie.
03:29 Et donc, comme je le disais précédemment, je veux dire, on vit dans un monde de communication.
03:33 Donc, quand j'écoute la réponse de Bruno Lemaire, c'est un politique. C'est un politique.
03:37 On a tout fait. Mais en attendant, quand on écoute ce qu'il dit, je veux dire, c'est
03:41 une coquille vide. On continue le projet. Oui, on continue le projet avec 18 000 salariés
03:46 en moins dans les magasins, 4 000 en moins dans les sièges et 2 500 dans les entrepôts.
03:53 Bon, qui peut croire, qui peut croire dans les spécialistes de la grande distribution
03:59 que Monoprix et Franprix vont pouvoir survivre à terme ? Je leur donne deux ans, je leur
04:02 donne pas plus, deux ans. Aujourd'hui, est-ce que vous avez encore l'espoir que ça se
04:10 passe autrement ? Quand on se mobilise, il y a toujours de l'espoir. Est-ce qu'il est là ?
04:14 Nous, on a toujours l'espoir d'eux. On a toujours cet espoir. Mais quand on découvre
04:18 que, comme il disait votre Michel, ce salarié qui a 36 ans ou 38 ans de boîte, je veux dire
04:25 qu'il va nous dire que l'arrivée de Jean-Charles Nauri, ça a été une catastrophe pour le
04:28 groupe Casino, ben oui, il a raison dans ce qu'il dit. Pour moi, je veux dire, pour nous,
04:34 qu'est-ce qu'il a fait ? Je veux dire, oui, il a mené d'un groupe régional, il a marché
04:36 à marche forcée pour amener un groupe international, il l'a présenté comme un fleuron. Mais quand
04:41 vous achetez toutes les structures par la dette et que vous prenez, je veux dire, ce
04:45 que produisent les entreprises que vous achetez par la dette pour payer que des intérêts,
04:49 je veux dire, elle est où le but, le projet industriel ? Parce qu'en fait, cet argent
04:54 qui a été donné en connivence aux banques, parce que les banques, elles sont aussi coupables,
04:58 les commissaires aux comptes sont coupables, je veux dire, ils auraient dû alerter, les
05:02 commissaires aux comptes auraient dû alerter du risque de faillite, il n'y a rien en arrière.
05:05 – La situation a vraiment pourri. – Elle était déjà pourrie avant, il ne
05:08 peut pas me dire que la dette est arrivée du jour au lendemain. Le problème qu'il
05:11 y a eu, c'est que la dette, on nous a présenté une date de 5 milliards, mais on s'aperçoit
05:14 que ce n'est pas 5, c'est entre 5 et 12. Donc, comment peut-on sauver, comment cet
05:18 homme peut se présenter comme le sauveur d'un groupe alors que lui-même n'a pas
05:22 arrêté de mentir ? – Vous réagissez à ces propos et à ce
05:27 que vous ressentez sur la situation de Casino 04-77-10-0010 ? On a Abida qui nous écrit
05:33 sur la page Facebook "France Bleu Saint-Etienne Noir", l'histoire de Casino est liée à
05:36 la ville de Saint-Etienne, Thierry qui s'y rend chéri, Casino fait partie du patrimoine
05:40 stéphanois, vous n'avez pas envie de défendre cette belle entreprise plutôt que de la laisser
05:45 le rachat par des étrangers non ligériens ?
05:48 – Est-ce que c'est dans un coin de votre tête, vous qui travaillez finalement loin
05:51 de Saint-Etienne, Jean Pastore, on est furieusement en 2023, l'histoire, c'est ce qui compte
05:56 aujourd'hui les emplois ou il y a l'héritage stéphanois de Casino ?
05:59 – Il y a un héritage, moi hier soir j'étais dans ma chambre d'otage, je me rappelais
06:02 quand ma mère, à Saint-Etienne, quand ma mère m'a mené, quand j'étais jeune,
06:06 une dizaine d'années, elle m'a mené à la Valentine faire mes courses, au Casino
06:09 à la Valentine, j'ai encore cette image en tête, j'ai toujours fait mes courses
06:13 à Casino et c'est pas pour dire que je suis un employé modèle, c'est pas l'histoire.
06:16 – La Valentine qui est un quartier de Marseille.
06:17 – Oui c'est ça, et cette histoire, je veux dire, ça va faire bizarre de voir cette
06:24 enseigne disparaître, je veux dire, 125 ans d'histoire, M. Nahoury n'a même pas su
06:29 faire perdurer l'héritage qu'il a reçu de Gichard, je veux dire, il doit se retourner
06:33 dans son tome ce monsieur.
06:34 – Jean-Jean Nahoury qui était le patron du groupe, qui s'est entêté aujourd'hui,
06:39 est-ce que vous en voulez aussi à Kretensky, le milliardaire tchèque qui prend cette décision
06:45 de couper net à tout espoir ?
06:47 – Quand vous avez quelqu'un en face de vous qui ne vous raconte pas la vérité,
06:51 qui ne fait que mentir, je veux dire, comme vous voulez, lui peut-être il fait ce qu'il
06:55 peut, mais je ne vais pas non plus lui donner un blanc de seins, je veux dire, il devait
07:00 savoir dans quelle situation exacte devait se trouver le groupe, mais on en veut à
07:04 tout le monde, on en veut aux commissaires aux comptes, on en veut aux banques, parce
07:07 que les banques, elles ont beau dire ce qu'elles veulent, elles ont encaissé leur 1 milliard
07:10 d'intérêts par an, je veux dire, donc le silence complice.
07:17 Vous avez derrière, vous avez les pouvoirs publics, Bruno Le Maire, je veux dire, il
07:21 y avait deux offres, est-ce qu'il a pris la meilleure ? On se pose encore la question,
07:24 je veux dire, Macron, il s'est fait rouler dans la farine, et Kretensky, pareil, on
07:29 va les mettre tous au même niveau, parce que finalement, je veux dire, c'est que les
07:32 salariés qui vont payer cette casse sociale.
07:34 – Forcément, il y aura beaucoup de colère ce matin du côté de Châteaucruz, ensuite
07:38 un défilé jusqu'au centre-ville de Saint-Etienne, on a eu beaucoup de réactions sur les réseaux
07:44 sociaux pour forcément se positionner par rapport à ce qui est en train d'arriver à
07:49 Casino, Leila sur Facebook nous disait "Saint-Etienne va perdre une partie de son histoire, de son
07:53 patrimoine, de son identité, quelle tristesse", cela dit, ça fait longtemps que Casino prend
07:57 l'eau et les tarifs pratiqués n'aident pas, c'est ce qui revient quand même assez
08:03 souvent.
08:04 On a Catherine de Saint-Etienne qui nous a appelé durant la matinale sur France Bleu
08:08 Saint-Etienne Noir, elle aussi, elle est finalement très émue de voir tous ces supermarchés,
08:13 ces hypermarchés de la marque Stéphanoise Casino disparaître.
08:17 – C'est dramatique, ça prouve malheureusement que quand il y a des grandes entreprises,
08:22 quand c'est la famille, c'est difficile pour les héritiers de finalement de perpétuer
08:29 ce fleuron par rapport à Leclerc qui lui se perpétue, il est dommage que Casino soit
08:35 dans cette impasse, c'est vraiment très dommage pour les Stéphanois, moi j'ai ma
08:40 grand-mère qui était, mes parents, donc non, ça me fait de la peine.
08:44 – Et puis Bernard est également forcément attaché à cette histoire de notre territoire
08:48 après Manufrance, après la manufacture d'armes, Saint-Etienne va encore perdre un fleuron.
08:55 Jean Pastore, un dernier mot avec vous, cette manifestation, dans quel état d'esprit
08:59 on est, il y a de la colère, on va aussi se soutenir entre salariés, c'est aussi
09:03 à ça que servent les rassemblements, les manifestations ?
09:06 – Déjà on voit qu'il y a une union sacrée qui s'est organisée au niveau des organisations
09:10 syndicales, bon vous le disiez, il y avait eu des inter-syndicales de façon épisodique
09:13 sur notre sujet, mais je veux dire, celle-là elle est plus forte et tout le monde le comprendra.
09:17 Bien entendu qu'on va tous se soutenir, on va tous s'accompagner, déjà les magasins,
09:21 je veux dire, est-ce qu'il y aura une grosse casse sociale, comment ils vont connaître
09:25 au siège, parce que qui peut croire, qui peut croire, qui va regarder…
09:27 – Mais ça on ne sait pas.
09:28 – Non mais vous savez, je veux dire un truc, nos DRH actuels c'est les journaux, ça
09:32 a toujours été les journaux à casinos, on prend les journaux, on lit, tiens, il va
09:35 nous arriver ça demain, et après les DRH ils nous téléphonent, eh bien viens on va
09:38 faire la réunion pour parler du problème qu'on a vu, voilà, vous êtes au courant,
09:41 donc on parle déjà de la fermeture du 8 en tropeau, du siège, de 60 magasins, bon,
09:46 on verra le 20 puisqu'ils ont déjà annoncé dans la presse, ils ont déjà donné la
09:51 feuille de route.
09:52 – J'ai vendé ça en mois.
09:53 – Voilà, nous on a une réunion avec la direction, ils ont proposé les stats, on
09:56 verra, on va en discuter avec l'intersyndicale, par contre j'invite toute la population
10:00 à venir se joindre aujourd'hui entre 9h et 10h, nous accompagner parce que c'est
10:05 quand même, je pense que ça touche toutes les familles de Saint-Etienne et ce n'est
10:09 pas qu'un problème de salariés.
10:10 – Et on l'a bien entendu effectivement dans les témoignages, merci Jean Pastore d'avoir
10:13 été avec nous ce matin.
10:14 – Merci beaucoup.
10:15 – Interview à retrouver sur francebleu.fr

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