L'invité du jour : Enquête sur la pénurie de médecins en France

  • l’année dernière
Retrouvez William Leymergie entouré d’experts, du lundi au vendredi en direct dès 12h30, pour une émission dédiée aux problématiques de notre quotidien.

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00:00 -Bonjour Arnaud Deblot. -Bonjour.
00:02 -Arnaud est rédacteur en chef du magazine Que Choisir
00:05 et vous êtes attaqué au sujet de la pénurie de médecins.
00:08 Quelle est la situation en France exactement ?
00:10 -Elle est pas très bonne,
00:12 car si on croise un certain nombre de données,
00:15 on se rend compte que 30 % des Français vivent dans un désert médical,
00:18 très loin d'un médecin. 5 à 6 millions de Français
00:21 n'ont pas de médecin traitant alors que c'est normalement obligatoire.
00:25 On pourrait donner un autre chiffre,
00:27 mais il y a 30 millions de personnes qui renoncent à suivre des soins
00:31 car ils n'ont pas de médecin.
00:32 La situation est relativement compliquée.
00:35 -Pas de médecin proche ou beaucoup trop loin pour y aller ?
00:38 -Beaucoup trop loin.
00:40 Ca concerne essentiellement les généralistes,
00:42 mais c'est encore pire dans certaines régions
00:45 pour les spécialistes ophtalmo, gynéco, etc.
00:48 -Y a-t-il des zones plus touchées que d'autres ?
00:50 -Les zones rurales et périurbaines sont particulièrement touchées.
00:54 Dans certaines grandes villes, la situation est correcte.
00:57 Dans certaines régions, le sud de la France, par exemple,
01:00 connaît moins de pénurie de médecins que la Seine-Saint-Denis,
01:04 pour prendre un exemple, en zone périurbaine.
01:07 C'est vrai que le problème est particulièrement criant
01:10 en zone rurale. -Est-ce qu'on sait
01:12 à quoi s'est due cette pénurie ? Pourquoi cette désaffection ?
01:15 -C'est une vieille histoire. Il faut remonter aux années 80-90,
01:19 quand le trou de la sécurité sociale était une vraie obsession
01:22 de nos gouvernants. Il fallait réduire les dépenses de santé.
01:26 On s'est dit qu'on réduirait le nombre de médecins
01:29 parce qu'il y a trop de médecins.
01:31 S'il y a trop de médecins, il y a trop de demandes.
01:34 On a fait l'inverse, on a réduit l'offre
01:36 pour éviter que les Français aillent chez le médecin.
01:39 On a instauré le numerus clausus,
01:41 on a réduit le nombre d'entrées à la fac de médecine
01:44 pour réduire le nombre de médecins,
01:46 mais c'était un mauvais calcul, il fallait prévoir plus loin.
01:50 Ça n'a pas changé grand-chose.
01:52 Quand vous êtes malade, vous devez aller chez le médecin.
01:55 -On en paye les pocassets. -Parce qu'il y a trop
01:58 d'ordonnances, donc trop de médicaments à délivrer.
02:01 -C'est ce qu'ils imaginaient. -C'est ce qu'ils croyaient.
02:04 -En plus, dans une situation où la population française vieillissait,
02:08 c'était un mauvais calcul.
02:10 -Cela dit, est-ce que le métier de médecin
02:12 attire toujours les jeunes générations ?
02:15 C'est ça aussi qui m'inquiète. -Il a aussi beaucoup changé.
02:18 Certains d'entre nous, les plus âgés comme moi,
02:21 ont connu le médecin de famille qui était dévoué,
02:24 le médecin de campagne qui ne dormait pas
02:26 parce qu'il était "corvéable" jour et nuit.
02:29 Et puis, les nouvelles générations sont arrivées,
02:32 la société a changé, la profession s'est aussi assez féminisée.
02:36 Les médecins, comme tout le monde, ont envie d'avoir des loisirs,
02:39 de profiter de leur week-end.
02:41 Ils le reconnaissent d'ailleurs, ils sont moins disponibles.
02:44 J'ai souvent entendu des médecins dire
02:47 "Pourquoi vous pourriez aller au cinéma,
02:49 "pour cette société de loisirs ?"
02:51 Ils nous seraient à nous refusés.
02:53 -Les vacances aussi. -Les vacances, c'est pareil.
02:56 -Est-ce que la solution, ce serait d'alléger le quotidien des médecins ?
03:00 -Oui, c'est ce qui se passe.
03:02 De plus en plus, on permet à des paramédicaux
03:04 de faire des actes réservés aux médecins.
03:07 Les pharmaciens peuvent vous vacciner contre la grippe,
03:10 ça avait déjà commencé avec le Covid.
03:12 Il y a l'accès aux kinesithérapeutes
03:14 sans forcément passer par un médecin traitant.
03:17 Mais les médecins ont voulu enlever un certain nombre
03:20 de leurs prérogatives, leurs syndicats,
03:22 mais ils ne sont pas contents.
03:24 C'est pas toujours aussi simple que ça
03:26 de les décharger de certaines fonctions.
03:28 -Il faut négocier. -Avec tout le monde.
03:31 -Au vu des récentes réformes et mesures mises en place,
03:34 est-ce que la situation pourrait s'améliorer
03:36 dans les 5 ans à venir ?
03:38 -C'est un peu trop tôt.
03:39 La 1re décision qui a été prise,
03:41 c'est que le numéro sclosis a été supprimé il y a 2 ans.
03:44 Aujourd'hui, on permet à 10 000 étudiants
03:47 de faire des études en médecine,
03:49 mais on n'imagine pas que la situation
03:51 va changer. En 2035, pour plein de raisons,
03:53 on paye les conséquences des politiques passées,
03:56 il faut du temps pour former un médecin.
03:59 Aujourd'hui, il y a des médecins qui vont partir à la retraite
04:02 beaucoup plus qu'on l'imagine.
04:04 On n'imagine pas un retour à une quasi-normalité
04:07 avant 2035. -Ca n'a pas changé
04:08 depuis ce que vous disiez.
04:10 Trop de médecins, trop d'ordonnances,
04:12 trop de médicaments, et la Sécu coule.
04:14 -Avec une population qui vieillit aussi.
04:17 Tout ça, c'est encore un "cocktail" relativement extravagant.
04:21 -Qu'est-ce qu'on fait ? Des solutions émergent ?
04:23 -Vous êtes une émission de solutions,
04:25 vous aimez qu'on donne des solutions.
04:28 -Vous avez raison. -On est un peu diminu.
04:30 Il faut attendre. -Il a raison.
04:32 -L'UFC Que Choisir, malgré tout, depuis l'apparition
04:35 de notre article, a pris une initiative.
04:37 L'UFC Que Choisir a attaqué l'Etat pour inaction
04:40 devant le Conseil d'Etat.
04:42 Ce n'est pas tellement de punir l'Etat,
04:44 c'est pour l'obliger à prendre un certain nombre de mesures
04:47 ou qu'on y réfléchisse.
04:49 Par exemple, un grand débat est ouvert
04:51 et qui peine à être conclu.
04:52 Faut-il obliger les médecins, les jeunes médecins,
04:55 à s'installer dans des zones désertifiées ?
04:58 -Pourquoi ? On ne déciderait pas que c'est
05:00 "grande cause nationale", c'est arrivé pour d'autres sujets.
05:04 -Grande cause nationale, c'est... -Il y a des gens
05:07 qui n'ont pas de médecin, ils sont malades.
05:09 -Vous l'avez dit, il faut négocier.
05:11 On sait que les médecins, ce sont des libéraux,
05:14 la médecine libérale est libérale,
05:16 et c'est vrai que c'est une profession,
05:18 et on peut les comprendre, qui n'aime pas trop qu'on leur impose
05:22 des choses venues d'en haut.
05:24 -Oui, mais on peut en discuter.
05:26 -On peut en discuter, le débat est ouvert,
05:29 mais il peine à être bouclé et à apporter des solutions.
05:32 -Vous parlez de ça dans "Le Dernier que choisir" ?
05:35 -Tout à fait. Voilà.
05:36 -Merci beaucoup, Pédurine Médecins.
05:38 La faute à tout le monde, finalement.
05:40 Vous regarderez ce dossier de "Que choisir".
05:43 Merci, Arnaud. A bientôt.
05:45 [Musique]

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