Benjamin Duquenne a toujours été un passionné de lecture et de ce fait, il croule sous les livres. Chez lui, il en entasse près de 50.000. C’est ainsi qu'il décide de faire de sa passion, son métier. Il commence d’abord par référencer sur son site internet “livrenpoche.com”, ses nombreux ouvrages personnels afin de les proposer à la vente car une grande question se présente à lui : que faire de tous ces livres déjà lus ? En 2009, il crée une association tournée vers l’accessibilité à la lecture et la réutilisation des livres avec une finalité sociale. Ainsi naît Book Hémisphère. Il commence par organiser des braderies de manière mensuelle puis parvient à ouvrir sa propre boutique. Au départ, entre dix et vingt mille livres sont récupérés chaque mois. 45% sont remis en circulation, les autres étant recyclés en pâte à papier. A la fois gérant de son site internet et président de son association, Benjamin Duquenne franchit un pas important dans son aventure entrepreneuriale en 2018 : afin de rapprocher ses deux structures, il décide de créer une SCIC (Société Coopérative d'Intérêt Collectif) à but non lucratif. Aujourd’hui, la coopérative compte près d’un million de livres collectés par an. Book Hémisphères, c’est avant tout une coopérative aux valeurs culturelles mais aussi sociales et écologiques. Pour ce faire, la moitié de l’équipe se trouve en situation de réinsertion. Pour Benjamin Duquenne, l’objectif est de vendre des livres tout en créant des emplois. Les camions limitent leur empreinte carbone en voyageant de manière optimisée et uniquement en Bretagne, là où la coopérative est implantée. Aujourd’hui, l’ambition de Benjamin Duquenne est la diversification de son entreprise. Il souhaite prochainement faire de la récupération d'objets, de meubles et de textiles et ouvrir un entrepôt ainsi qu’une nouvelle boutique. Dans cet épisode du podcast “Impacts Solidaires” présenté par la journaliste Elisabeth Assayag, Benjamin Duquenne décrypte la mise en place, le fonctionnement et les valeurs de son projet. Il y donne également ses conseils et fait par du soutien dont il a bénéficié. Ce podcast est une production Europe 1 Studio en partenariat avec France Active et avec le soutien de Mirova Foundation.
Retrouvez "Impacts Solidaires, le podcast des entrepreneurs engagés" sur : http://www.europe1.fr/emissions/impacts-solidaires-le-podcast-des-entrepreneurs-engages
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NewsTranscription
00:00 Je m'ennuyais beaucoup, donc j'ai énormément lu
00:02 et j'ai énormément accumulé de livres dans ma bibliothèque.
00:05 Et par le fruit des hasards et des rencontres,
00:09 j'ai décidé de faire de ces livres mon métier.
00:12 Benjamin Duquesne est un passionné de littérature, de polard essentiellement.
00:21 Adolescent, il vit avec ses parents d'Ordogne, loin des terres familiales bretonnes.
00:27 Petit à petit, il commence à se constituer une bibliothèque digne de ce nom.
00:33 À la fin des années 90, il décide donc d'en faire son métier.
00:38 Trente ans plus tard, Benjamin Duquesne dirige Book Hemisphère,
00:43 une entreprise de 32 salariés, dont 15 en insertion,
00:48 basée dans le Morbihan, près de l'Orient.
00:51 Je m'appelle Elisabeth Assayag et vous écoutez Impact Solidaires,
00:56 le podcast des entrepreneurs engagés.
00:59 Vous êtes un acteur de l'économie sociale et solidaire.
01:02 Vous avez envie d'entreprendre, mais vous hésitez encore à vous lancer dans l'aventure.
01:07 Bienvenue dans ce podcast produit par Europe 1 Studio, en partenariat avec France Active.
01:15 J'étais reparti en Bretagne en 98 et j'étais dans une maison dans laquelle
01:21 effectivement, les livres se sont accumulés jusque dans le grenier,
01:24 où j'avais jusqu'à 50 000 livres dans la maison.
01:27 À un moment donné, on s'est dit que ce n'était pas possible,
01:28 il faut qu'on achète un bâtiment parce que ça ne va pas être jouable.
01:32 Il y en avait dans le grenier, il y en avait dans la cuisine, il y en avait partout.
01:35 Donc, c'était une maison que je louais en tant que célibataire entrepreneur.
01:39 Et donc, j'ai commencé à accumuler les livres,
01:42 donc à les stocker, à les référencer sur le site Internet pour proposer ces livres à la vente.
01:47 Et donc, j'ai commencé à en mettre dans le salon, à mettre dans la chambre,
01:51 dans le grenier, à investir la maison familiale qui était à 300 mètres de là
01:55 où je louais et à remplir la salle, à remplir la chambre.
02:00 Et là, mes parents m'ont dit "ça va être bon là, il faut que tu bouges".
02:04 Et on a donc acheté notre premier entrepôt
02:07 où il y avait 200 m² de stock qui a été vite trop petit.
02:10 Donc, on l'a agrandi, agrandi, agrandi, etc.
02:13 Jusqu'à avoir le stock actuellement où on a 600 000 livres à présenter à la vente.
02:20 L'aventure Bout de Chémisphère, en fait,
02:21 est née de l'idée de déjà qu'est-ce qu'on fait des livres une fois qu'on les a lus.
02:26 La deuxième, c'était "Cordonnier le plumage chaussé".
02:28 J'avais transformé ma passion en métier et du coup, je ne lisais plus.
02:33 Donc, je ne partageais plus l'idée de lecture.
02:37 Donc, naturellement, l'idée d'une association tournée vers la lecture,
02:40 tournée vers l'accessibilité à la lecture,
02:42 tournée vers la possibilité pour les personnes de se débarrasser gratuitement
02:46 de la société, de se débarrasser de la société.
02:50 C'est une finalité, je dirais, sociale aînée comme ça.
02:55 Donc là, on est en 2009-2010.
02:57 On est passé par tous les états, c'est-à-dire le fait de se dire c'est dommage.
03:04 Il y a plein de gens qui ont plein d'idées,
03:06 mais les méandres administratifs sont tellement compliqués que je pense
03:09 qu'il y a plein de gens qui ont dû lâcher.
03:11 Heureusement, j'avais mon père qui m'a ouvert des portes,
03:13 il était administratif. Pour l'anecdote, les banques ont plutôt fait grisemines
03:18 puisque Internet était un gros mot.
03:20 Donc, j'ai fait, je ne sais plus,
03:22 alors je ne sais plus, 7 ou 8 banques et autant d'assureurs.
03:26 Voilà tout ça pour trouver un banquier amoureux des livres
03:29 et un assureur qui connaissait ma petite copine de l'époque.
03:34 À la fin des années 90,
03:36 le livre d'occasion n'est pas encore aussi répandu qu'aujourd'hui.
03:40 Et l'idée de Benjamin Duquesne est de vendre toutes sortes d'ouvrages à petit prix.
03:45 Après son site Internet LivreEnPoche.com,
03:49 il obtient en 2003 le prix JPG des jeunes entrepreneurs.
03:53 Puis, il se lance dans l'aventure Book Hemisphère en 2010.
03:57 La première boutique ouvre en 2012 à Cernignac,
04:00 perdu au milieu de la campagne lorientaise.
04:04 Au début, ce n'était qu'une braderie, donc tous les derniers dimanches du mois.
04:08 Et puis, au fur et à mesure, on a ouvert une boutique
04:10 qui a permis d'accueillir du public tous les jours.
04:12 Quand on a commencé, on récupérait entre 10 et 20 000 livres par mois.
04:16 Donc, tous ces livres là sont traités un par un.
04:19 On regarde leur état, sachant que nous, on ne répare pas des livres.
04:23 On regarde leur état.
04:24 Et donc, sur ces 20 000 livres, on arrive à remettre en circulation 45%.
04:29 Et 55% sont recyclés en pâte à papier.
04:32 Donc, 100% de ce qu'on nous donne a une finalité connue.
04:36 On n'est pas loin du million de livres collectés annuellement.
04:39 Voilà, avec des hauts et des bas.
04:40 Mais franchement, ça tend plutôt à accélérer,
04:44 puisqu'on a ouvert un entrepôt à Carré
04:48 dans l'objectif d'aller chercher des livres dans la Bretagne Nord.
04:51 Dans les valeurs qu'on préconise, c'est essentiellement la valeur insertion,
05:01 c'est-à-dire que la valeur sociale, puisque nous sommes à but non lucratif.
05:05 Donc, on évoquera la suite de l'association,
05:07 mais on est dans nos objectifs coopératifs.
05:10 Et donc, l'objectif, c'est de vendre des livres afin de créer des emplois.
05:14 Donc, nous sommes toujours en entreprise d'insertion.
05:17 La moitié de l'équipe est en insertion.
05:19 Alors maintenant, effectivement, nous sommes en coopérative.
05:22 Alors, le cheminement de pensée s'est fait en plusieurs étapes.
05:25 Le premier, c'est que j'étais toujours gérant de la SARL LivreEnPoche.com,
05:29 qui avait toujours pour vocation de vendre des livres sur Internet,
05:32 qui était client de Book Hemisphere.
05:34 L'un sans l'autre n'aurait jamais pu exister.
05:36 Et c'est des reproches qui m'ont été formulés souvent,
05:39 puisque j'étais aussi président d'une association à but non lucratif.
05:43 Et donc, l'idée du rapprochement s'est faite très, très vite.
05:47 Et le format SIC, Société Coopérative d'Intérêt Collectif,
05:51 commençait vraiment à prendre de l'essor,
05:53 bien que créé depuis une quinzaine d'années.
05:55 Et c'était vraiment le type de société
05:57 qui nous permettait de regrouper une association et une entreprise.
06:00 En 2018, on a transformé l'association en Société Coopérative.
06:04 On a été accompagnés par France Active Bretagne essentiellement.
06:08 On a été accompagnés par la région.
06:10 On a été accompagnés par la Fédération des entreprises d'insertion.
06:13 Ça a été très compliqué pour nous, pour plusieurs raisons.
06:16 La première, c'est qu'il a fallu acculturer des gens qui travaillaient
06:20 dans une SARL et des gens qui travaillaient dans une association
06:23 pour les faire travailler en commun sur un même projet commun.
06:25 Donc, France Active Bretagne nous a accompagnés dans le cadre d'un DLA,
06:30 dispositif local d'accompagnement, je crois que c'est ça,
06:32 qui a fait qu'on s'est posé et a fait venir un cabinet de gestion
06:36 pour nous montrer nos faiblesses et voir aussi quelles étaient nos forces
06:40 pour pouvoir avancer dans l'activité.
06:42 Ça a été extrêmement utile. Sans ça, je pense qu'on serait morts.
06:46 Pendant un an et demi,
06:47 Benjamin Duquesne ne se verse pas de salaire ou à peine.
06:50 Mais malgré les difficultés financières,
06:53 malgré le casse-tête administratif, il n'a rien lâché.
06:57 Et avec le recul, il est persuadé que son engagement avait du sens.
07:02 On est chef d'entreprise, on porte sur ses épaules,
07:06 on est H24 dans le projet,
07:08 et c'est son propre moral qui a influence sur l'ensemble de l'équipe.
07:11 Donc, il faut avoir l'air insolide,
07:13 il faut être bien accompagné personnellement aussi, je dirais.
07:16 Sans ma femme, je pense que je n'y serais pas là non plus.
07:19 J'ai eu la chance d'être accompagné par mon père aussi.
07:21 Donc, voilà, c'est quelque chose de très familial,
07:23 mais très professionnel.
07:25 Pour ceux qui ont peur, il y a toujours des solutions.
07:28 Il y a toujours des gens très compétents,
07:30 dans plein de domaines, il faut savoir les trouver.
07:32 Il faut se donner la peine, il ne faut pas baisser les bras,
07:35 parce que c'est effectivement un combat, je ne peux pas dire autrement.
07:39 Mais si les valeurs sont là, si les objectifs, si la volonté est là,
07:43 il n'y a aucune raison que ça ne fonctionne pas.
07:44 La dimension territoriale est très importante pour moi
07:52 parce que déjà, je n'ai jamais eu la vocation de faire un Jeff Bezos.
07:56 Pour l'anecdote aussi, à l'époque où j'ai démarré,
07:59 en fait, il n'y avait qu'une société qui faisait des livres d'occasion
08:02 et sinon, Amazon ne faisait pas encore de l'occasion.
08:04 Moi, ce que je voulais, c'était avoir cette résonance sociale, engagée, locale.
08:08 Et ce qui reste encore actuellement de résonner sur la Bretagne,
08:12 c'était aussi ne pas se laisser dépasser,
08:15 être capable d'assumer des flux, d'être capable d'assumer des rentrées,
08:19 des sorties, sachant que les moyens dont j'y disposais étaient relativement faibles
08:24 et d'être vraiment sûr de ce que je pouvais engager.
08:27 Nos deux points de vente, c'est Carvignac et Carré.
08:30 Alors nos points de collecte, oui, on en a 250 en Bretagne.
08:33 Ce sont des partenariats qu'on fait avec des villes, des collectivités
08:36 ou des structures privées comme les Biocop,
08:39 qui nous permettent de déposer une boîte, ce qu'on appelle boîte à culture,
08:43 en carton ou en bois, qui permet au public de déposer leurs livres
08:48 ou leurs produits culturels dans cette boîte-là.
08:50 Et nous, on a plusieurs camions qui sillonnent la Bretagne
08:53 de manière optimisée pour éviter l'impact carbone,
08:56 pour aller collecter et chercher ces livres-là.
08:59 Si les Français se sont remis à la lecture pendant le Covid,
09:03 il y a eu un retour de bâton pour Book Hemisphere.
09:06 De nouveaux acteurs sont arrivés sur le marché du livre d'occasion
09:10 après la crise sanitaire.
09:11 Une concurrence avec des finalités plus ou moins sociales,
09:16 difficile à encaisser pour Benjamin Duquesne.
09:19 Nos marges ont fondu comme neige au soleil.
09:22 Donc, c'est vrai qu'on se pose la question de la suite.
09:25 Ça a été aussi la raison de la création du bâtiment à carré,
09:28 pour faire du volume, pour conserver ces marges-là.
09:31 Et c'est aussi la raison pour laquelle on commence une diversification,
09:35 notamment via les produits culturels qui sont CD, DVD, vinyles et cassettes.
09:40 Puis, depuis quelques mois, l'ouverture d'une recyclerie localement.
09:45 Donc, on a monté un second projet, en lien toujours,
09:48 en insertion aussi, de récupération de tout objet,
09:52 meubles, vaisselles, textiles, tout,
09:56 en ouvrant un entrepôt et une boutique.
09:59 Cette recyclerie, c'est à Merlevenais, à 15 km de chez nous.
10:04 Elle s'appelle Chouette Cop Recyclerie,
10:06 qui d'ailleurs va être le nom général de l'entreprise.
10:08 Book Hemisphere va "mourir" par son nom, en devenant Chouette Cop.
10:14 Mourir pour mieux renaître, pour pouvoir aller chercher une autre communication,
10:18 aller se donner la possibilité de créer des synergies
10:21 avec d'autres structures de réemploi, par exemple,
10:22 d'ouvrir vers d'autres horizons, tout en continuant notre travail d'insertion
10:26 et de notre démarche sociale et écologique.
10:28 Ces entrepreneurs qui ont envie de se lancer dans l'aventure solidaire,
10:38 il faut y aller, il ne faut pas avoir peur.
10:40 Il y a tellement de structures qui peuvent accompagner ces personnes,
10:44 de plus en plus maintenant.
10:45 Ce n'est pas que le réemploi, c'est le social, c'est l'environnement.
10:48 À tout niveau, on peut apporter sa pierre à l'édifice.
10:51 Mais si on ne fait rien, c'est sûr, on ne pourra que regretter.
10:54 Donc, il faut y aller.
10:55 Vous venez d'écouter Impact Solidaire,
11:02 un podcast européen studio en partenariat avec France Active.
11:07 Production Sébastien Guyot, réalisation Victor Nolo.
11:12 À très vite pour un prochain épisode sur le site et l'appli Europe 1
11:16 et toutes vos plateformes d'écoute.
11:18 [Musique]