Lucas Canuel, pompier grièvement bléssé lors de l'incendie de Gabian en 2015

  • l’année dernière
On l'a découvert avec le succès du film "Je verrais toujours vos visages". La justice restaurative.
Cela consiste à faire se rencontrer des auteurs d'infractions avec des victimes.
Cela permet aux auteurs de mesurer la gravité de leurs actes. Et aux victimes de soigner leur traumatisme.
Ce lundi, le tribunal correctionnel de Béziers doit juger un jeune incendiaire de 26 ans, poursuivi pour avoir mis le feu dans un bois de la Tour sur Orb en juillet dernier.
Un incendie qui fort heureusement n'avait pas fait de victimes.
Il y a quelques semaines, une rencontre a eu lieu entre le jeune incendiaire, et Lucas Canuel, ce pompier très grièvement brûlé lors de l'incendie de Gabian en 2015.
Un face à face destiné à faire prendre conscience au jeune pyromane de ce qui aurait pu arriver.
Comment les choses se sont-elles passées ? L'objectif espéré a t-il été atteint ?
On en parle matin avec Lucas Canuel, le pompier blessé.
Transcript
00:00 ce concept, je sais pas si on peut appeler ça un concept, dans le film je verrai toujours vos visages en tout cas qui sont sortis.
00:04 - C'est plus qu'un concept, c'est une pratique désormais.
00:05 - Une pratique d'accord, la justice restaurative qui consiste à faire se rencontrer des auteurs d'infractions
00:10 avec des victimes. Alors on veut savoir ce que vous en pensez, est-ce que mettre l'auteur d'une infraction face à des victimes,
00:15 est-ce que c'est utile selon vous ? Dites-le au 04 67 58 6000, vous allez pouvoir prendre la parole là tout de suite, appelez-nous.
00:21 On vous a déjà posé la question sur les réseaux sociaux, au niveau des résultats Guillaume, on est à quoi ?
00:26 - Vous dites toujours à une grosse majorité, oui c'est utile à 72%, non à 28%.
00:31 Appelez-nous aussi si vous avez vu le film de Jeannery, je verrai toujours vos visages, vous avez sans doute découvert,
00:36 en tout cas je l'ai découvert, cette pratique de la justice restaurative, appelez-nous pour nous dire ce que vous en pensez.
00:41 - 04 67 58 6000, Lucas Canuel, pompier grèvement blessé lors de l'incendie de Gabion, c'était en 2015 et notre invité ce matin Guillaume.
00:48 - 2016, mais c'est moi qui ai commis l'erreur, je le précise Vivian. Bonjour Lucas Canuel.
00:52 - Bonjour Guillaume.
00:53 - Bonjour Lucas, merci d'être venu nous rejoindre une nouvelle fois, vous êtes un habitué de ce studio, on vous reçoit régulièrement,
00:58 vous êtes souvent venu nous parler de votre histoire et de votre combat aussi pour devenir pompier professionnel,
01:05 on essaiera d'en toucher un mot, mais avant ça, puisqu'on parle de justice restaurative ce matin,
01:10 il y a un mois vous avez rencontré un jeune homme qui s'appelle Joris, qui a 26 ans,
01:15 qui devrait normalement être jugé aujourd'hui devant le tribunal correctionnel de Béziers pour avoir provoqué un incendie
01:22 au mois de juillet dernier. Comment ça s'est passé, qui a eu l'idée de cette rencontre, comment vous vous êtes retrouvé tous les deux face à face ?
01:30 - En fait déjà par mon réseau, j'avais mis l'idée d'intervenir dans ce genre de situation,
01:37 l'occasion s'est présentée et bien évidemment j'ai pas dit non, j'ai dit oui de suite,
01:42 et je me suis dit que par ma présence je pouvais calmer certaines ardeurs
01:47 et surtout remettre sur le droit chemin quelqu'un qui avait fauté, ça peut arriver à tout le monde.
01:52 - Et qui n'avait sans doute pas à l'époque, quand il a mis le feu à ce bois,
01:56 qui n'avait pas mesuré évidemment la gravité et les éventuelles conséquences de son acte.
02:02 - C'est tout le sens de la responsabilité pénale, il n'en avait pas conscience au moment des faits,
02:08 mais je peux vous assurer que Joris aujourd'hui il a bien pris conscience de ce qu'il a fait
02:15 et surtout il s'est mis sur le droit chemin très rapidement.
02:19 - Alors comment s'est passée cette rencontre ? Ca s'est passé où d'abord ?
02:21 - Ca s'est passé au Poujol sur Orbe, j'ai dû prendre la voiture pour aller jusqu'à là-bas.
02:26 - Et la rencontre en elle-même, il y a d'abord j'imagine un petit moment de...
02:32 j'imagine que Joris était volontaire lui aussi pour vous rencontrer Lucas ?
02:36 - Oui. - Au départ il y a un petit moment de stress, de flottement, d'inquiétude, d'angoisse ?
02:41 - Quand j'arrive forcément on voit l'amputation, on voit le visage brûlé, ça calme,
02:45 mais très rapidement comme à mon habitude sur le ton de l'humour,
02:49 on a détendu l'atmosphère et on a parlé des projets, etc.
02:53 En fait mon but c'était pas de le blâmer pour sa bêtise,
02:57 mais je voulais vraiment savoir quelle vision il avait pour son avenir,
03:02 et juger quelqu'un c'est très très difficile.
03:05 - Oui, vous dites que vous ne voulez surtout pas que ce soit un procès avant l'heure,
03:08 vous n'êtes pas là pour lui faire la morale. - Non, c'est pas mon rôle.
03:12 Mon rôle justement dans ce processus de justice réparatrice que je voudrais étendre dans la France entière,
03:19 c'est éduquer la personne et surtout la réinsérer, ça c'est très important, la réinsertion pénale.
03:25 Je pense qu'aujourd'hui les chiffres, je ne les ai pas,
03:29 mais le taux de récidive il est impressionnant en France.
03:33 - Oui, la justice restaurative pourra peut-être permettre, on manque encore un petit peu singulièrement de recul,
03:39 mais pourra peut-être permettre effectivement de faire baisser ce taux de récidive.
03:43 Est-ce que Joris vous a expliqué les raisons de son geste ?
03:47 - Oui. - Il a très vite regretté ensuite apparemment d'après ce qu'on a vu.
03:51 - Oui, il a très vite regretté, puis surtout ce que j'aimais c'est que Joris il était responsable de ses actes,
03:57 il n'a pas cherché à se défaire de ce qu'il avait fait, il avait pris conscience,
04:01 et ça déjà c'est un grand pas vers la vie d'après.
04:05 Et après malheureusement il va falloir qu'il attende le procès pour se reconstruire,
04:09 mais il a déjà parcouru un beau chemin.
04:12 - Je crois qu'il a dit, rien que de vous voir passer la porte, Lucas,
04:17 avant même que l'échange se mette en place, ça m'a choqué.
04:21 Déjà il y a eu cette première impression, ce premier ressenti,
04:26 et après dans l'échange comment ça s'est passé ?
04:30 - L'échange ça s'est fait naturellement, il pensait que j'allais le juger, avoir des a priori,
04:36 mais plutôt que de passer mon temps à le détruire,
04:40 j'ai essayé de le reconstruire parce que c'est quelqu'un qui était à terre.
04:44 - Pour tout un tas de raisons. - Et moi je sais ce que c'est d'être à terre,
04:49 je sais ce que c'est de se relever, d'être puni pour une chose,
04:52 surtout que je n'ai pas commis il y a 7 ans et demi, et je ne voulais pas faire la même chose.
04:57 - Sans doute que ça lui a apporté beaucoup de choses,
05:01 et vous ça vous a apporté quoi cette rencontre Lucas ?
05:05 - Alors pour moi aujourd'hui ça fait 7 ans et demi qu'il y a eu l'accident,
05:10 - Gabian on le rappelle donc, - Gabian ça fait 7 ans et demi que je paye pour une erreur que je n'ai pas commise,
05:16 je vois toutes les personnes qui sont "jugées responsables",
05:20 il faudra le procès respecter la présomption d'innocence,
05:23 - Un procès qui n'a toujours pas eu lieu. - Oui, il pousse promu,
05:26 et malgré ça je ne suis pas en colère,
05:29 je continue d'avancer, je continue de faire mon bonhomme de chemin,
05:33 compte-vance et marrez, je veux inculquer certaines choses à des gens,
05:38 et apprendre de cette épreuve et surtout l'appliquer dans la vie de tous les jours,
05:42 et je continuerai à le faire, ça ne changera pas.
05:45 - Vous écoutez le témoignage de Lucas Canuel ce matin,
05:47 vous en pensez quoi de la justice restaurative ?
05:49 Est-ce que mettre l'auteur d'une infraction face à des victimes c'est selon vous utile ?
05:53 Pas utile ? Vous en pensez quoi ? Dites-nous en tout cas ce que vous ressentez.
05:57 0-4-67-58-6000, appelez-nous là tout de suite !
06:00 - Vous n'êtes plus en contact avec Joris aujourd'hui, ça a été un "one shot" ?
06:04 - Oui, un "one shot" très efficace, le but ça a été de...
06:08 - Très efficace pour lui ? - Oui, très efficace pour lui,
06:11 même pour moi, je trouve que d'avoir eu cet accident,
06:16 et puis de faire face à des gens qui potentiellement sont responsables
06:20 de choses telles que je les ai vécues, c'est quelque chose de fort,
06:24 pas tout le monde est capable de faire ça.
06:26 Et puis dans un calme le plus olympien possible.
06:29 - Lucas, puisque vous êtes là, on va en profiter aussi pour vous poser la question,
06:33 déjà savoir comment vous allez, où vous en êtes dans votre combat,
06:36 le combat qui est le vôtre, de devenir pompier professionnel.
06:40 Vous étiez pompier volontaire au moment de l'incendie de Gabion,
06:44 vous êtes toujours pompier volontaire aujourd'hui,
06:46 mais votre vœu le plus cher c'est de devenir pompier professionnel.
06:49 - Oui. - Mais ça pour l'instant on vous le refuse toujours.
06:52 - En fait le SDIS aujourd'hui se retrouve dans une situation très compliquée.
06:58 Il y a deux jours j'ai passé les tests sportifs,
07:01 comme n'importe quel sapeur-pompier,
07:03 et malgré mon handicap, mon manque de main, j'ai réussi à passer les tractions,
07:07 j'ai réussi à passer le rameur haut la main,
07:10 et j'ai un niveau sportif en fait excellent, malgré mon handicap.
07:13 Et aujourd'hui on m'interdit quelque chose parce qu'on pointe ma différence,
07:17 et on ne s'attache pas à mes compétences propres qui je pense feraient du bien au service.
07:22 - En plus vous ne réclamez pas un poste sur le terrain, d'opérationnel,
07:27 enfin une fois qu'on s'est parlé en tout cas vous m'expliquez...
07:29 - Avant ? Avant ?

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