Eric de Riedmatten reçoit chaque week-end un invité dans #LHebdoDeLEco pour approfondir un sujet économique.
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00:00 On va vous parler de la gestion des déchets parce que tout s'accélère l'année prochaine en 2024.
00:05 Le compost est obligatoire à partir du 1er janvier pour le recyclable chez les particuliers.
00:10 Et puis pour les produits industriels, là, on va encore accélérer le recyclage.
00:15 Je suis avec Nicolas Cruaux, président de Neolith.
00:19 Vous allez nous parler de votre entreprise qui transforme tous les déchets solides en cailloux et en pierre.
00:24 Vous avez une technologie. Alors ça veut dire quoi ?
00:26 Ça ne sera plus enterré, ça ne sera plus incinéré, c'est ça le grand changement ?
00:30 Exactement. Aujourd'hui, la majorité des déchets non recyclables,
00:33 donc une fois qu'on a extrait tous les plastiques ou les bois recyclables,
00:38 doivent être enfouis dans des décharges ou valorisés énergétiquement dans des incinérateurs.
00:44 Qui consomment énormément d'énergie.
00:45 Et qui émettent beaucoup de CO2 parce que finalement, quand on brûle des plastiques,
00:48 on brûle du pétrole qui a été raffiné autrement.
00:51 Et donc nous, on a inventé un procédé qu'on a appelé la fossilisation accélérée
00:54 qui consiste à transformer tous ces déchets non recyclables en des granulats,
00:58 donc des formes de pierre, qui sont ensuite réutilisables dans la construction,
01:02 au même titre que des granulats de carrière, pour faire des routes et du béton.
01:04 Vous allez vous recréer de la pierre. D'ailleurs, c'est presque un métier, le tailleur de pierre.
01:09 On peut dire que vous êtes nouveau tailleur de pierre.
01:11 Exactement. En fait, ce qui est assez rigolo, c'est que c'est mon père qui est lui tailleur de pierre,
01:16 qui a eu cette idée et qui me l'a proposée il y a maintenant 4 ans.
01:19 Donc un tailleur de pierre en enjoue, ça taille le tuffot, c'est la pierre des châteaux de la Loire.
01:24 Et il s'est dit que ce tuffot, c'était en fait les déchets des dinosaures,
01:28 le poisson du Crétacé qui est mort et qui s'est sédimenté, puis fossilisé pour devenir un calcare.
01:34 Et il s'est demandé si on ne pouvait pas faire pareil avec nos propres déchets.
01:36 C'est-à-dire en fait, vous allez récupérer des destructions, des immeubles qui sont déconstruits,
01:41 le débétonnage, comme on le dit, et vous recréer de la pierre.
01:44 Alors, on n'est pas sur la partie vraiment grava, donc le morceau de tuile ou le morceau de béton,
01:50 on sait déjà refaire des granulats à partir de ça.
01:54 Nous, on est vraiment sur, plus ça se rapproche plus de votre poubelle ménagère
01:58 que vous avez dans votre cuisine, donc les mixes de papier, de carton, de plastique non recyclable.
02:03 C'est ça qui nous intéresse aujourd'hui, parce que c'est ça qui n'a pas de débouché.
02:05 - Mais comment peut-on faire de la pierre s'il y a des matières plastiques ou pétrole ?
02:09 - Alors, le procédé de fossilisation, c'est un procédé qu'on a totalement inventé, qui est à froid,
02:15 qui consiste en 3 étapes assez simples.
02:17 On va microniser le déchet, donc le broyer très fin, en faire une sorte de farine.
02:22 Ensuite, cette farine, on va la faire réagir avec des liants minéraux, des sortes de ciments de notre formulation.
02:27 Cette réaction chimique, elle va minéraliser la matière déchet.
02:30 Et ensuite, cette pâte qu'on obtient, on va pouvoir la presser très fort et obtenir des caisses.
02:35 - Alors, pour le particulier, ça change quoi ? Il y gagne quoi ?
02:38 - Le particulier, c'est surtout via la collectivité qu'il y gagne,
02:42 parce que la collectivité, aujourd'hui, elle paye l'enfouissement, elle paye l'incinération.
02:46 Demain, les contraintes carbone vont s'accroître sur ces solutions.
02:52 Et donc, le particulier, il va être payé de plus en plus cher via sa taxe d'enlaissement des ordures.
02:57 Et donc, finalement, avec une solution qui est carbonegative, comme la nôtre,
03:01 il a une maîtrise des coûts et la collectivité, elle se décarbone.
03:03 - Parce que ça peut être revendu, bien entendu, donc il y a un marché autour de cela.
03:06 - C'est ça. Nous, notre modèle économique, c'est qu'on construit ce qu'on appelle des fossilisateurs,
03:11 qui sont des unités de traitement.
03:13 On est payé en entrée à la tonne de déchets traités, comme un centre d'enfouissement l'est,
03:17 et ensuite, on revend le granulat en sortie.
03:19 Et l'avantage d'être carbonegatif, donc de séquestrer du carbone plus que ce qu'on en émet,
03:25 c'est justement d'être dans l'air du temps vis-à-vis des contraintes environnementales qui vont s'accélérer.
03:30 - Et ça se vend combien, un sac de pierre ?
03:32 - Des granulats, ça ne coûte pas très cher, c'est peut-être 10, 20 euros la tonne.
03:37 Notre principale source de revenus, aujourd'hui, c'est plutôt le traitement du déchet,
03:40 qui lui rapporte entre 120 et 200 euros la tonne.
03:43 - Et ce qu'on voit à l'écran, tous ces déchets qui sont accumulés,
03:46 ça doit quand même représenter une sacrée énergie pour les transformer.
03:50 Ça vient d'où cette énergie ? Elle n'est pas encore renouvelable ?
03:52 - Alors, nous, on est branchés sur le réseau électrique.
03:54 On n'a pas de chaleur, donc finalement, en termes de consommation primaire d'énergie,
03:58 ça reste assez faible. L'électricité, c'est très décarboné.
04:01 Donc, ce n'est pas ça qui pèse lourd.
04:04 - Malgré les coûts de l'électricité récents qui ont explosé ?
04:06 - Alors, les coûts de l'électricité, il faut s'en méfier dans un process comme le nôtre.
04:11 Aujourd'hui, on n'est pas non plus sur des parts qui sont si significatives que ça.
04:15 Et on cherche à s'autonomiser, justement, avec l'installation de panneaux solaires sur nos usines.
04:19 - D'accord. Mais ces pierres serviront après à construire des maisons, par exemple ?
04:22 - Exactement. Aujourd'hui, on est certifié pour aller dans les bétons, on va dire, les moins contraints.
04:28 Donc, les bétons non structurels, les bétons de voirie, les bordures de trottoirs, la préfabrication.
04:33 Et on est en train de se faire certifier pour aller chercher des bétons structurels dans des murs porteurs.
04:38 - Donc, c'est ce qu'on ramène. Il n'y a plus de traces de dinosaures dans un petit caillou comme ça,
04:41 mais on peut retrouver des morceaux d'électronique ou...
04:44 - C'est ça. C'est les nouveaux fossiles, finalement.
04:46 C'est les archéologues dans 10 000 ans, se diront.
04:49 - Alors, question sur l'environnement en général. Est-ce qu'on n'en fait pas trop ?
04:52 On a vu que l'Europe, récemment, ne s'est pas tellement mise d'accord.
04:54 On n'est pas sûr sur la fin des énergies carbonées 2050, point d'interrogation.
04:58 Qu'est-ce que vous en pensez ? Est-ce qu'on n'est pas en train de tâtonner ?
05:01 - Moi, je considère que si l'Europe ne fait pas son travail de réussir à unifier, finalement, les contraintes,
05:08 la France a quand même tout intérêt à le faire.
05:10 Parce qu'il y a deux écoles.
05:11 Soit on voit les contraintes sur l'industrie française comme une perte de compétitivité.
05:16 À court terme, c'est peut-être vrai.
05:17 Soit on le voit comme un investissement pour faire de l'industrie française un fleuron exportable.
05:22 Parce que si la France fait sa transition écologique en première,
05:25 c'est elle qui pourra venir expliquer aux autres pays comment faire et viendra avec ses industries préférées.
05:30 - Oui, mais alors certains industriels disent "on nous met à genoux, est-ce qu'on aura les moyens d'aller jusqu'au bout ?"
05:34 La France n'est pas si mauvaise dans le domaine de la décarbonation, aujourd'hui ?
05:37 - Oui, mais si demain vous avez des technologies décarbonées dont vous avez besoin pour respecter vos contraintes à 2050
05:44 et que vous êtes obligés de les acheter aux Chinois, aux Américains, vous n'avez pas gagné.
05:49 - Donc vous dites, c'est ça, c'est à nous de donner l'exemple.
05:51 Mais il ne faut pas être trop brutal non plus dans cette...
05:53 - Non, mais c'est un investissement long terme et moi je suis persuadé, je suis ingénieur de formation,
05:57 je suis persuadé que l'industrie, elle n'évolue que par les contraintes.
06:01 On cherche l'effort minimal et donc on sait trouver des solutions dans l'industrie.
06:05 - Juste un mot pour finir, vous êtes polytechnicien.
06:07 Quelle reconversion ? Devenir tailleur de pierre ?
06:10 - Mais les polytechniciens, je pense, peuvent avoir un rôle dans l'industrie française du futur.
06:15 Normalement, on est câblé pour construire la nouvelle industrie et je pense qu'on devrait plus miser sur ce type de profit.
06:22 - Restez avec nous sur CNews, merci d'être venu chez nous.
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