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Nouvel épisode de notre format "C'est Technique" consacré à la fabrication d'objets que vous avez certainement dans votre poche (ou sous votre canapé) : les pièces de monnaie.Même si on en a de moins en moins sur nous, les pièces restent, avec les billets, le moyen de paiement le plus utilisé par les Français en 2022, selon un rapport de la Banque centrale européenne.

Et toutes les pièces fabriquées en France sont le fait d'une seule institution monétaire : la Monnaie de Paris. Cette structure, dont la première mention écrite date de 864 dans l'édit de Pîtres, est une des entreprises les plus vieilles du monde. Nous avons pu visiter l'usine ultra-sécurisée de la Monnaie, celle dont sort tous les euros produits sur le territoire français, mais aussi d'autres devises étrangères.
Transcription
00:00 1,1 milliard.
00:01 C'est le nombre de pièces de monnaie qui ont été fabriquées en France en 2022.
00:05 Toutes ces pièces ont été produites par une des plus vieilles entreprises du monde.
00:10 La Monnaie de Paris.
00:11 Cette institution, dont la première mention écrite date de 864,
00:15 est la seule à pouvoir frapper des euros pour l'État français.
00:18 Et elle nous a ouvert les portes de son usine ultra sécurisée
00:21 pour comprendre comment sont fabriquées nos pièces de monnaie.
00:28 Même si elle s'appelle la Monnaie de Paris et que son siège historique est dans la capitale,
00:32 l'entreprise fabrique nos pièces à Pessac,
00:35 une ville située juste à côté de Bordeaux.
00:37 Inaugurée en 1973, le site de production s'étend sur 10 hectares,
00:41 ce qui représente 14 terrains de football,
00:44 et l'ensemble est entouré d'une immense muraille faite de blocs de béton.
00:48 Bon, vous l'avez vu, l'extérieur est très sécurisé,
00:50 et pour rentrer dans l'usine, c'est la même chose.
00:51 Là, je vais enlever tous les objets métalliques que j'ai sur moi et passer sportique,
00:55 qui va mesurer ma masse magnétique.
00:56 Cette masse doit être la même à la sortie,
00:59 le but étant d'empêcher que des pièces soient volées.
01:01 Les 200 employés du site doivent passer ce contrôle chaque jour.
01:05 D'une superficie de 13 000 m²,
01:07 l'usine produit en moyenne 7 millions de pièces au quotidien.
01:11 Ce jour-là, la production est dédiée aux pièces de 2 centimes.
01:15 Dans le premier atelier, on fabrique ce qu'on appelle les flancs,
01:18 une version brute des futures pièces.
01:21 On les conçoit à partir de bobines d'acier pesant environ 3 tonnes.
01:25 Ces bobines sont déroulées et envoyées dans une presse à découpe.
01:29 A l'intérieur, on trouve des poinçons.
01:31 Ce sont des outils qui vont perforer l'acier en plusieurs endroits
01:34 et lui donner sa forme ronde.
01:35 13 000 flancs de pièces de 2 centimes peuvent y être découpées par minute.
01:39 On obtient alors des flancs avec un contour râpeux et surtout bien gras.
01:43 Voilà, donc ça, c'est ce qui sort de la machine.
01:45 Pour une bobine en entrée qui fait à peu près 3 tonnes,
01:47 on va produire 700 000 pièces en 2 centimes.
01:51 Autrement dit, une bobine permet de fabriquer
01:53 14 000 euros en pièces de 2 centimes.
01:56 Après, les flancs sont polissés et dégraissés dans cette grosse lessiveuse.
02:00 L'objectif est d'avoir des flancs lisses et surtout propres
02:03 avant de passer dans la cordonneuse.
02:05 Cette machine va les presser au centre et sur les côtés
02:08 pour leur donner une esthétique unique.
02:11 Les pièces de 2 centimes, par exemple,
02:13 sortent de la cordonneuse avec un contour entaillé.
02:16 Pour les flancs des pièces rouges, c'est l'heure du cuivrage.
02:19 Cette étape de coloration se fait par électrolyse.
02:22 En gros, ce procédé consiste à déposer les flancs
02:24 dans un bain de différents produits.
02:26 Le fond de la cuve, lui, est tapissé de billes en cuivre.
02:29 En faisant passer un courant électrique dans ce mélange,
02:31 les particules de cuivre vont se détacher des billes
02:34 et se déposer sur les flancs.
02:37 En plus de leur donner cette couleur de cuivre,
02:39 cela va aussi permettre de limiter le développement de la rouille.
02:42 Ce processus nécessite à lui seul 5 heures de travail.
02:46 Les flancs doivent enfin passer l'étape de la vérification.
02:49 Et ça se passe dans cette machine équipée de 3 caméras.
02:52 Elles vont vérifier la taille, le cuivrage et les rayures
02:55 à un rythme de 1600 flancs par minute.
02:58 Les flancs validés poursuivent l'aventure,
03:00 tandis que les rebuts repartent au cuivrage
03:02 ou à la refonte en fonction de leur état.
03:05 Maintenant, il faut fabriquer les éléments qui vont frapper des pièces.
03:11 Il s'agit des coins, des morceaux d'acier
03:12 sur lesquels on trouve les dessins des pièces.
03:15 Pour s'assurer de leur conformité et lutter contre les fausses monnaies,
03:18 les coins sont conçus à partir d'un poinçon original.
03:21 Celui-ci par exemple a été gravé en 1999
03:25 et sert encore aujourd'hui de base aux futures pièces.
03:27 Quand la monnaie de Paris veut mettre en circulation de nouveaux dessins,
03:36 notamment pour des commémorations historiques,
03:38 elle fait appel à ses graveurs.
03:40 Ces artistes vont reproduire leurs œuvres sur des plâtres.
03:43 Elles sont ensuite numérisées avant d'être gravées au laser
03:46 sur un poinçon qui servira de référence.
03:49 Avec les coins prêts, on peut passer à la frappe.
03:51 C'est cette étape qui donne son esthétique et surtout sa valeur à la pièce.
03:56 Et ça a lieu dans cet immense atelier.
03:58 25 presses hydrauliques y sont installées sous la supervision des ouvriers monnayeurs.
04:03 A l'intérieur de ces machines, les flancs sont frappés en même temps par deux coins.
04:10 Un pour le côté pile, l'autre pour le côté face.
04:13 Une pression de 80 tonnes est appliquée pour que les gravures soient homogènes.
04:18 Il faut savoir qu'une presse comme ça frappe à 850 coups/minute.
04:22 Ça fait à peu près 15 pièces à la seconde.
04:25 Ça va très très vite.
04:26 Pour les pièces de 1 et 2 euros, le processus est un petit peu plus complexe
04:31 car on a besoin de deux éléments à frapper.
04:33 Un insert et une couronne qui va aller autour.
04:36 Dans les presses hydrauliques, ces deux morceaux vont être alignés
04:41 et c'est la frappe qui va les sortir.
04:45 Les pièces sont alors envoyées au conditionnement
04:47 et n'appartiennent plus à la monnaie de Paris.
04:49 C'est la Banque de France qui prend le relais
04:51 et qui doit les acheminer sur tout le territoire.
04:53 Mais justement, pourquoi la monnaie de Paris centralise sa production à Pessac
04:57 au lieu de la répartir dans toute la France ?
05:00 A l'origine, les monnaies étaient fabriquées dans différentes villes du pays
05:03 parce que la frappe était très artisanale.
05:05 Toute l'histoire de la monnaie va tourner autour d'une concentration progressive
05:09 de l'activité autour de Paris au fur et à mesure que les techniques vont se développer.
05:12 Il y a aussi une volonté d'État qui est de contrôler la monnaie.
05:16 C'est un objet qui émane du pouvoir.
05:18 Si on les produit en un seul endroit, ça permet de faire le contrôle en un seul endroit
05:22 plutôt que de devoir envoyer des contrôleurs dans tout le pays.
05:25 Outre la lutte contre les fausses pièces,
05:27 la monnaie de Paris fait face à un autre défi, la baisse de la commande publique.
05:31 Avec l'essor des méthodes de paiement numérique et surtout de la carte bleue,
05:35 on utilise de moins en moins de pièces pour régler nos achats.
05:37 Résultat, l'État diminue ses commandes auprès de la monnaie de Paris.
05:41 Et donc, pour maintenir son activité et son chiffre d'affaires,
05:44 l'institution monétaire doit se tourner vers d'autres marchés.
05:47 La monnaie frappe pour d'autres États qui n'ont pas d'usine monétaire.
05:51 Il y a en gros 200 pays sur Terre, ça fait donc potentiellement très peu de clients.
05:56 La concurrence est rude, mais justement, la monnaie de Paris a cette réputation.
05:59 Elle a une qualité dans ce qui est fabriqué.
06:02 Et tout ça compte beaucoup dans le choix qu'un pays va faire
06:05 de décider que ce sera nous qui fabriquerons leur monnaie plutôt qu'un autre État.
06:10 En 2022, ce sont 23 pays, parmi lesquels le Guatemala ou le Costa Rica,
06:15 qui ont passé commande auprès de la monnaie de Paris.
06:18 Le volume de pièces fabriquées pour des banques centrales étrangères
06:21 a même dépassé le volume d'euros produits sur cette année.
06:24 Et grâce à cette ouverture sur l'international,
06:26 la monnaie de Paris a réalisé un chiffre d'affaires de 149,2 millions d'euros,
06:31 le plus élevé depuis 10 ans.
06:34 Ici à Explore Média, presque personne n'utilise de pièces au quotidien.
06:37 Et vous, qu'est-ce que vous faites ?
06:39 Encore des pièces ou juste la carte bleue ?
06:40 Dites-le-nous dans les commentaires.
06:42 Et aussi, n'hésitez pas à nous suggérer des idées d'objets
06:44 que vous aimeriez voir dans ce format,
06:46 et on vous en dévoilera les secrets de fabrication.
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