• l’année dernière
Depuis le mois de juin, les ateliers Tuffery qui fabriquent des jeans à Florac dans les Cévennes ont ouvert une boutique éphémère à Montpellier et veulent sensibiliser à la mode éthique.
Transcription
00:00 Consommer local pour ses courses du quotidien c'est bien et c'est aussi possible dans le secteur de l'habillement.
00:04 Anne Pinson Dussall, on reçoit ce matin Julien Tufferi des Ateliers Tufferi.
00:08 Exactement, une entreprise familiale installée donc depuis le mois de juin sur la place de la Comédie à Montpellier.
00:13 Vous fabriquez des jeans Julien ?
00:15 Exactement, je les fabrique depuis la période de mon arrière-grand-père.
00:18 À la date d'hier donc ?
00:20 Exactement, dans notre belle lozère à Florac, Sud Lozère, Nice Haven.
00:23 Magnifique lozère.
00:25 Et donc vous êtes installé à Montpellier, vous vous organisez là en ce moment.
00:29 Des rencontres, il y a des conférences, des ateliers, on va parler un petit peu de tout ça.
00:33 Sur les enjeux et les défis de la mode éthique, pourquoi c'est important la mode éthique ?
00:38 C'est quoi les enjeux justement ?
00:39 C'est très très important.
00:41 La mode, ça va dépendre des années, mais c'est soit le deuxième ou soit le troisième plus gros pollueur mondial.
00:45 Donc aujourd'hui c'est clair qu'il y a des...
00:47 à l'heure de toutes les réflexions autour du climat et de l'environnement,
00:51 il y a quand même un gros gros enjeu sur la mode.
00:53 Et évidemment nous c'est un petit peu comme ça qu'on développe la Maison Tufferi,
00:56 c'est de se dire "bon évidemment on s'habille, évidemment on porte des jeans".
01:00 Le jean c'est le produit de mode le plus consommé au monde,
01:02 mais on peut le faire de manière un petit peu différente.
01:04 Et l'un des plus gros pollueurs, parce qu'on parle notamment souvent du litre,
01:07 du nombre de litres d'eau qu'il faut pour faire un jean.
01:09 Exactement, il y a jean et jean.
01:11 C'est sûr que le jean le plus mondialisé est terriblement toxique pour la planète,
01:15 mais à côté de ça il y a des réponses.
01:17 On en fait partie, on peut...
01:18 Combien de litres, pardon de vous couper, combien de litres pour fabriquer un jean ?
01:21 Je crois que c'est...
01:21 Après ça va dépendre de tout ce que vous faites, si vous allez dans les délavages et tout.
01:25 Il va y avoir...
01:26 La littérature dit qu'un jean mondialisé c'est quasiment 10 000 litres pour fabriquer un jean.
01:30 Un jean, 10 000 litres.
01:31 Voilà, là où nous pour le coup on va répondre à un quelque dizaine de litres.
01:36 Parce qu'au-delà de la confection de nos jeans,
01:38 nous on a à cœur aussi de réinterliser toute la filière en France.
01:43 Alors ça c'est chouette parce que du coup il y a des normes écologiques,
01:46 environnementales et humaines qui sont drastiques,
01:48 mais qui nous obligent à une très grande exigence.
01:50 Et alors la semaine prochaine par exemple,
01:52 vous organisez une rencontre sur la relance des fibres naturelles.
01:56 Est-ce que dans la région déjà, on a de quoi fabriquer un jean en termes de matières premières ?
02:01 Oui, alors jeudi prochain à la boutique de la Comédie,
02:03 on a une conférence, on a Mathieu Ebbesen qui dirige la coopérative qui s'appelle Virgo Cop.
02:07 Alors c'est très régional tout ça puisqu'il s'en a le lot.
02:09 Et en fait avec Virgo Cop, ça fait 8 ans qu'on développe les fibres locales.
02:14 Donc notamment le chambre et la laine.
02:17 Et également, c'est un peu moins local, c'est en Normandie, le laine.
02:19 Et donc tout ça c'est une vraie aussi réponse à justement cette histoire de littrage d'eau pour faire un jean.
02:24 Typiquement quand tu utilises du chambre,
02:26 la culture du chambre en région Oxytianie ne nécessite aucun apport d'eau.
02:30 Donc ça c'est une sacrée réponse.
02:32 Et on a assez aujourd'hui, vous par exemple, pour faire les vêtements,
02:35 vous faites des jeans mais pas que, vous faites des vêtements de manière générale.
02:38 Vous avez de quoi vous fournir localement en matières premières ou pas ?
02:42 Oui, après c'est pareil, il faut accepter, vous savez,
02:44 c'est parfois un petit peu un gros mot dans le monde économique d'aujourd'hui,
02:46 c'est qu'il faut accepter une croissance raisonnée, raisonnable.
02:49 Et donc nous, oui, on a assez, mais parce que nous on conditionne notre développement économique
02:54 par la capacité à fabriquer nos jeans et surtout par la capacité à avoir des matières localement.
02:59 Donc si vous n'avez pas, vous ne faites pas plus de jeans.
03:01 Exactement, ou alors s'il y a une demande un petit peu particulière
03:04 mais avec le risque de compromettre un petit peu nos valeurs environnementales,
03:07 eh bien on ne fait pas, tout simplement.
03:08 Et de quoi on manque alors dans la région pour peut-être grandir par exemple
03:13 ou développer à plus grande échelle des vêtements locaux finalement ?
03:17 Alors je pense que la principale chose c'est qu'on manque d'éducation.
03:20 En fait on manque d'éducation sur le vêtement.
03:21 C'est-à-dire qu'aujourd'hui je pense que je ne vous apprends pas
03:24 les ravages de cette célèbre marque chinoise, Shein,
03:27 qui vend des jeans à quelques pouillèmes d'euros que vous avez livrés chez vous demain.
03:32 Enfin sachez à un moment donné qu'acheter un jean à 9 euros, 10 euros, 15 euros, c'est pas normal.
03:37 Alors par contre chez vous effectivement, c'est 129 euros le prix de base d'un jean on va dire.
03:42 Oui c'est ça, oui.
03:43 Ce qui n'est pas accessible à tout le monde quand même.
03:45 Et tout dépend de cette histoire de prix.
03:46 Alors évidemment, et ça je suis très décomplexé là-dessus,
03:48 c'est-à-dire que oui c'est un certain coût mais en fait on ne peut pas faire moins cher.
03:51 C'est-à-dire que si on est très précautionneux sur l'environnement,
03:54 sur les hommes et les femmes qui le fabriquent,
03:56 et sur toute cette démarche responsable, en fait on ne peut pas faire des prix les plus bas.
04:01 Et après tout dépend, acheter 129 euros un jean qui vous tiendra 10 ans...
04:04 C'est ce que j'allais dire, il dure dans le temps.
04:05 Ça fait que 13 euros, un peu moins de 13 euros de jean par an,
04:08 c'est largement moins cher qu'en acheter 3 à 19 euros.
04:10 Et puis vous parlez d'une marque chinoise, il y a aussi des marques américaines
04:13 qui vendent un jean à peu près à ce prix-là, qui sont fabriquées aussi en Chine.
04:17 On peut se dire que ces marques-là font beaucoup de marge et font un peu fi de l'écologie.
04:23 Alors je suis très content que ce soit vous qui puissiez le dire, parce que moi je ne peux pas.
04:25 Mais en effet, si on commençait déjà par se dire que tous les gens qui achètent des jeans à plus de 130 euros,
04:31 qui sont fabriqués à l'autre bout de la planète, achetés local,
04:33 ce seraient des millions de pantalons en France par an quand même.
04:36 Et vous vous disiez ça dure 10 ans, donc vous vous engagez à ça.
04:39 Tout dépend de ce qu'on a fait, c'est un peu une moyenne.
04:41 Et nous c'est pareil, dans cette histoire de quête d'une mode parfaite,
04:44 nous depuis 130 ans on répare nos produits aussi.
04:47 Donc c'est ça qui est hyper intéressant, et c'est ce que je conseille aussi aux auditeurs.
04:50 On a un trou, on ramène le jean à la boutique, on le répare.
04:53 Et puis essayez de vous intéresser aux marques qui pensent tout le cycle de vie du produit et du pantalon.
04:58 C'est aussi une sacrée réponse à l'écologie de la mode.
05:01 Y compris sur la fin de vie du vêtement.
05:04 Vous proposez d'ailleurs de participer carrément à la création,
05:07 puisque vous proposez aussi des ateliers pour créer sa propre pièce,
05:11 avec des morceaux de chutes de tissus.
05:14 Tout le monde peut participer ou il faut avoir un minimum de niveau en couture ?
05:17 Non, tout le monde peut participer.
05:19 Moi je peux pas.
05:20 Si, si, si, mais vous avez deux mains non ?
05:22 Ça va être un carnage.
05:23 On va citer une vocation, vous allez voir.
05:25 Ah bon d'accord.
05:26 Non, non, oui, tout le monde peut participer, et c'est là où c'est chouette.
05:29 C'est ce qu'on a aussi l'habitude de dire, c'est-à-dire qu'il y a 60 ans,
05:31 ces ateliers on n'irait pas les faire parce que tout le monde avait un petit peu des notions de couture.
05:35 Ils savaient qu'il y avait quelques rudiments à savoir.
05:39 Et aujourd'hui c'est vrai que la couture en revient très en force,
05:42 et on est très fiers d'apporter notre expertise là-dessus.
05:44 Quand vous dites que vous réparez les jeans, vous les réparez comment ?
05:47 Vous mettez une espèce de tissu dessus ?
05:49 Tout va dépendre du mal, entre guillemets.
05:52 On peut faire des renforts d'entrejambe, ou on peut mettre un tissu qu'on vient rapiécer.
05:56 On peut repriser, c'est-à-dire que repriser c'est le fait de quasiment recréer un petit peu la toile.
06:00 Donc presque invisible ?
06:01 Presque invisible.
06:02 Après nous on essaie aussi, typiquement les japonais,
06:05 les japonais assument énormément la réparation.
06:07 Il y a des kimonos qui coûtent une fortune, qui ont 300 ans,
06:10 et c'est hyper intéressant ce qu'ils font.
06:11 C'est-à-dire que chaque réparation raconte une histoire du moment de vie du vêtement.
06:14 Et parce qu'il y a toute une éducation autour de la réparation.
06:17 C'est ce qui plaît à ceux qui aiment par exemple les vêtements vintage,
06:19 et qui recherchent un petit peu des vêtements qui ont une histoire.
06:21 Alors comme vous organisez des conférences, des ateliers aussi,
06:24 auxquels on peut participer, dans cette boutique de la Place de la Comédie à Montpellier,
06:27 vous parliez d'éducation.
06:29 Est-ce que vous sentez que les mentalités quand même sont en train de changer ?
06:32 Qu'on commence à prendre conscience qu'il faut peut-être s'habiller différemment ?
06:36 Alors oui, beaucoup, mais je le relativise.
06:38 Alors moi je suis très très optimiste et ça bouge beaucoup.
06:40 Un chiffre. 3% des vêtements qui ont été achetés,
06:45 ont été fabriqués en France l'année dernière.
06:47 Seulement 3%.
06:48 Achetés en France ?
06:49 Achetés en France, ont été fabriqués en France.
06:51 3%. On pourrait se dire "c'est rien du tout".
06:53 Mais sauf qu'il y a 10 ans en fait c'était 0,1%.
06:56 Donc en fait la tendance de fond est là.
06:58 Alors évidemment après on a des gros challenges
07:00 parce qu'en fait le tissu économique du textile français
07:03 a été totalement dévasté dans les années 80-90.
07:06 Donc j'y crois beaucoup, il y a une tendance de fond,
07:08 on le sent sur la jeune génération.
07:10 Par contre ça prendra des décennies à se restructurer.
07:12 Votre profil type de client, est-ce que ce sont des jeunes ?
07:15 Est-ce que ce sont des personnes plus âgées ?
07:17 C'est tout le monde, mais on va dire que le profil cible,
07:20 il a entre 35 et 45 ans.
07:24 Il souhaite mieux consommer.
07:26 Il est conscient de là où il veut investir son argent.
07:29 Il vient nous visiter dans les Seven à Floroc.
07:31 Il voit à quoi sert son achat.
07:33 Et c'est une clientèle qui est passionnante
07:36 parce que très avertie sur ces notions de décoresponsabilité.
07:39 Juste un dernier mot, les ateliers Tuferi
07:41 sont actuellement sur la place de la comédie à Montpellier
07:44 depuis le mois de juin. C'est une boutique éphémère.
07:46 Vous allez quand même rester dans la ville ou pas ?
07:48 Alors a priori c'est une boutique éphémère,
07:50 jusqu'à fin janvier, mais c'est une boutique
07:52 qui marche très très fort.
07:54 Il semblerait qu'on reste à Montpellier.
07:57 Dans ces locaux-là ou vous cherchez ailleurs ?
07:59 Sans doute pas dans ces locaux-là,
08:01 parce qu'il y a plusieurs raisons à ça,
08:03 mais on est en pleine recherche en ce moment
08:05 d'un beau local intérieur Montpellier.
08:07 Vous n'allez pas nous quitter tout de suite !
08:09 Merci beaucoup !
08:11 Vu l'air, on aura pas l'info !

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