Loi de bioéthique, PMA pour toutes : 2 ans après, où en sommes-nous ?

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A l'occasion de la 10ème édition de la Journée de l'Infertilité que magicmaman organise le 18 novembre 2023, nous avons demandé au Dr Joëlle Belaish- Allart, présidente du Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF) et chef du service adjoint du service de médecine de la reproduction de l'hôpital de Saint-Cloud, de dresser un bilan sur la loi de la bioéthique, 2 ans après son entrée en vigueur, et l'ouverture de la PMA pour toutes.

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Transcript
00:00 Bonjour, je suis le Dr Joël Bélaï-Challard,
00:02 je suis la présidente du Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français.
00:05 J'ai longtemps été la responsable du pôle femmes-enfants de l'hôpital de Saint-Cloud
00:09 et je suis désormais chef de service adjoint du service de médecine de la reproduction.
00:12 La loi de bioéthique est une formidable avancée sociétale, avec trois avancées.
00:21 Bien sûr, la prise en charge des couples de femmes et des femmes seules,
00:23 mais surtout l'autorisation enfin en France de l'autoconservation ovocitaire.
00:28 Et la dernière avancée, bien sûr, la levée de l'anonyme.
00:31 On sait que c'est devenu de plus en plus compliqué pour les jeunes femmes de trouver des conjoints
00:34 parce que l'émancipation des femmes a des conséquences inattendues.
00:37 Le fait qu'elles soient plus éduquées, qu'elles gagnent plus d'argent que les hommes, etc.
00:41 fait qu'un certain nombre de filles qui sont vraiment superbes n'arrivent pas à trouver de conjoint.
00:45 Et dans les femmes seules qu'on voit arriver, je les interroge souvent,
00:49 soit en consultation, soit au moment de l'insémination ou au moment du transfert d'embryons,
00:53 et la réponse dont plus de 90% d'entre elles c'est
00:55 "Vous savez docteur, j'aurais bien voulu faire un enfant avec un conjoint ou une conjointe parfois,
00:59 sauf que je ne l'ai pas trouvé. Donc moi, je ne veux pas passer ma vie sans enfant."
01:02 Il y a aussi, c'est vrai, des femmes qui disent "je ne veux pas d'homme dans ma vie",
01:06 mais honnêtement, dans celles que nous on voit dans les services, c'est une minorité.
01:10 Et puis il y a beaucoup de couples de femmes effectivement aussi,
01:12 mais moins que de femmes seules ou que de demandes d'autoconservation ovocitaire.
01:17 Pour les couples de femmes et les femmes seules,
01:19 elles consultent leur gynéco, les centres d'AMP,
01:21 moi je représente plutôt les centres d'AMP, on est 104 centres en France,
01:25 mais elles ont besoin de passer par un centre de dons de sperme.
01:29 En France, seules les sécauses, qui sont 33 désormais,
01:31 peuvent délivrer la fameuse paillette, et c'est là qu'est le frein principal.
01:35 Les sécauses font ce qu'elles peuvent, mais il y a un délai d'attente faramineux.
01:39 Actuellement, pour le premier rendez-vous en Ile-de-France, il faut attendre 14 mois,
01:42 et ensuite pour avoir une paillette, 6 mois de plus.
01:45 Il faudrait trouver des solutions. Lesquelles ?
01:47 Faire des campagnes pour qu'il y ait plus d'hommes qui donnent du sperme ?
01:49 Oui, je ne suis pas sûre que ça suffise.
01:51 Certaines femmes, de ce délai, vont à l'étranger,
01:56 ou encore font appel à des inséminations artisanales qui ne sont pas sans danger,
02:00 ou des banques de sperme, par exemple la banque danoise, où elles font appel,
02:03 ce qui n'est pas franchement légal en France,
02:05 on peut le dire, en tout cas pour les médecins, on n'a pas le droit de le faire.
02:07 Et je crois qu'il faut qu'il y ait vraiment une réflexion.
02:09 Actuellement, la façon dont se passe le don en France,
02:12 nous n'avons pas assez de sperme à donner, c'est une certitude.
02:15 Rien qu'en 2022, il y a eu 15 000 demandes.
02:17 Et quand on voit ce qui s'est passé au premier semestre 2023,
02:20 on voit qu'on va aller sur la même demande, plus de 15 000 demandes.
02:23 Il n'y a pas 10 % de femmes qui sont satisfaites.
02:26 Mais la situation est encore pire, honnêtement, enfin encore pire,
02:29 non, du même acabit, pour la demande d'autoconservation ovocitaire.
02:33 L'autoconservation, c'est une vraie révolution.
02:36 Nous sommes le seul pays au monde où c'est là,
02:37 cette préservation de la fertilité sans indication médicale est prise en charge à 100 %.
02:42 Mais on paye très cher ce 100 %.
02:44 Conclusion, c'est que c'est limité.
02:45 Il faut avoir au moins 29 ans, ça ce n'est pas très grave,
02:48 parce qu'avant 29 ans, on a tout le temps rencontré l'homme de sa vie,
02:51 ou la femme parfois, c'est vrai.
02:52 Mais par contre, c'est limité jusqu'au premier jour des 37 ans, 37e anniversaire.
02:57 Et ça, c'est une limite très stricte.
02:59 Alors, que font les femmes qui n'ont plus 37 ans ?
03:01 Elles vont en Espagne, elles payent.
03:02 Et moi, je prêche pour qu'eux, et on est nombreux professionnels à se dire,
03:06 on aurait pû préférer qu'en France, ce ne soit peut-être pas pris en charge à 100 %.
03:09 Peut-être que les femmes payent un petit quelque chose.
03:12 Mais en tout cas, que celles qui veulent le faire après 37 ans,
03:14 où le taux de succès est moindre, c'est sûr,
03:16 puissent le faire en payant, plutôt que d'aller à l'étranger.
03:19 Et puis surtout, il n'y a pas assez de centres autorisés.
03:21 Il y a 104 centres d'autorisé en France à faire de l'assistance médicale à la procréation.
03:25 Il y en avait seulement 41 qui avaient le droit de faire de l'autoconservation.
03:28 On vient d'en avoir trois nouveaux en Ile-de-France, ça fait 44.
03:32 En région parisienne, la situation est catastrophique.
03:34 On est submergé de demandes.
03:36 Les femmes de 35 ou 36 ans sont refusées dans certains centres parisiens,
03:41 alors qu'elles ont le droit dans la loi,
03:42 mais refusées parce qu'elles sont en excès.
03:44 Ils disent "nous on ne vous prendra pas avant votre 37e anniversaire,
03:47 donc on n'aura pas le droit de vous prendre".
03:48 Et je voudrais juste tordre le coup à une idée préconçue.
03:51 On nous dit toujours "ouais mais c'est les femmes qui vont faire carrière,
03:53 c'est parce qu'elles n'ont pas le temps de s'occuper de leurs enfants
03:55 et elles disent "je ferai ma grossesse plus tard".
03:57 Ça existe ce profil, on le voit dans 1 ou 2% des cas.
04:00 Mais la majorité des cas, c'est quoi ?
04:01 C'est la jeune femme qui dit "mais moi j'ai passé 10 ans de ma vie avec ce monsieur,
04:05 puis il m'a laissé tomber".
04:06 C'est celle qui dit "mais moi je voudrais bien trouver, mais je ne trouve pas
04:08 et dès que je parle à l'enfant, le type se barre en courant".
04:11 Donc c'est une possibilité de préserver sa fertilité.
04:14 C'est un plus, c'est un droit des femmes.
04:16 Mais vraiment, aidez-nous, tout le gouvernement et tous les journalistes,
04:19 à ce que ce droit soit réel et pas seulement une porte entre-ouvertes.
04:23 [Musique]

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