"Arnaud avait 20 ans": sa maman Cindy évoque la difficile reconstruction d'une maman après la mort de son fils dans un accident de voiture
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00:00 Il y a eu un événement qui a fait que David a perdu le contrôle de la voiture
00:04 et un camion arrivait en face.
00:06 Ils se sont encastrés dans le camion et ils ont perdu la vie tous les trois.
00:11 Il passait une soirée mini-foot avec ses deux amis, David et Benjamin.
00:21 C'est sur le trajet du retour, il y avait une météo mauvaise.
00:25 Que s'est-il réellement passé, on ne le sait pas.
00:28 Il y a eu un événement qui a fait que David a perdu le contrôle de la voiture
00:32 et un camion arrivait en face.
00:34 Ils se sont encastrés dans le camion et ils ont perdu la vie tous les trois.
00:39 Rarnot avait 20 ans, il avait eu 20 ans le 25 janvier.
00:43 Ça a été compliqué parce que j'étais partie travailler à l'école, je suis enseignante.
00:48 À 9h du matin, j'ai mon téléphone qui s'est déconnecté.
00:52 Je suis allée voir mon frère, il avait 20 ans, il avait perdu la vie.
00:56 À 9h du matin, j'ai mon téléphone qui sonne en classe et je vois que c'est Clémence.
01:01 C'est la petite amie d'Arnaud qui m'appelle.
01:04 Elle ne m'appelle jamais parce qu'elle sait que je suis en classe.
01:07 Je réponds parce que je me dis que c'est bizarre.
01:10 Elle me dit "tu as des nouvelles d'Arnaud ? Tu sais quelque chose ?"
01:14 J'ai dit "non, dis-moi".
01:17 Elle m'apprend qu'ils auraient eu un accident et qu'Arnaud ne serait plus là.
01:22 Elle l'a appris par la petite amie de David, qui était conducteur,
01:26 dont les parents avaient déjà été informés du décès de leur fils 2h plus tôt.
01:30 Mais nous, les parents d'Arnaud, nous n'étions pas encore avertis.
01:34 Donc c'est elle qui me l'annonce par téléphone au boulot.
01:38 On a l'impression d'être ailleurs.
01:40 On se dit "mais qu'est-ce qui se passe ? On n'y croit pas, on est perdu."
01:45 Heureusement, j'avais mes collègues qui étaient proches de moi
01:48 parce qu'on était en concertation à ce moment-là.
01:50 Je marche un peu partout, je perds un peu mes mots.
01:54 J'ai dit "il faut que j'appelle mon mari", qui lui aussi était au boulot.
01:59 C'est ce qui se passe.
02:01 À côté de ça, j'ai mes collègues qui téléphonent dans les différents hôpitaux
02:04 pour voir s'ils ont eu un jeune qui est arrivé en pleine nuit.
02:09 Mais pas de nouvelles, on ne sait pas.
02:12 J'ai ma meilleure amie qui est policière sur la zone de la brouillère.
02:17 Je l'appelle et elle me dit "écoute, je me renseigne".
02:21 Une demi-heure après, elle me rappelle et me dit "je viens te chercher".
02:27 Et là, tout s'effondre.
02:30 Si elle vient me chercher, c'est qu'effectivement, il n'est plus là.
02:34 Je lui dis "dis-moi, dis-moi".
02:37 Elle me dit "oui, il n'est plus là, mais j'arrive".
02:40 Tout s'engeugne parce que mes collègues me supportent.
02:45 Elle me "transporte" dans le bureau de la direction.
02:48 J'attends. Entre-temps, la secrétaire appelle l'ambulance
02:52 parce que je suis complètement en état de choc.
02:56 Mon amie arrive, elle me prend et m'amène ici.
03:01 Entre-temps, mon mari était rentré.
03:05 Cinq minutes après qu'il soit rentré, la police arrivait chez nous
03:09 pour nous prévenir.
03:13 - C'était prévu avant ? - Oui.
03:17 - A quelle heure s'est-il déroulé l'accident ?
03:20 - Aux alentours de 2h30 du matin.
03:23 L'acte de décès est de 3h15.
03:26 On est toujours en phase de reconstruction.
03:30 Je pense qu'on se construit encore.
03:33 Ce sera jusqu'à la fin de notre vie.
03:36 Les premiers mois sont très difficiles.
03:39 C'est comme si on était dans un océan.
03:43 Au début, il y a beaucoup de vagues.
03:46 On est envahi, on coule et on s'accroche à ce qu'on peut.
03:50 Il y a des planches à côté de nous.
03:53 Toutes ces planches, c'est tous nos proches qui sont près de nous
03:57 et qui nous tiennent.
04:00 J'ai eu des voisins ou des amis qui m'ont dit
04:03 "Je t'ai fait une sauce bolo, je t'apporte des lasagnes".
04:07 On ne sait plus.
04:10 On est complètement détruit.
04:13 On se lève parce qu'on doit se lever.
04:16 Les autres enfants sont là.
04:19 On n'a pas le choix pour eux.
04:22 Mais les 6-8 premiers mois, c'est très difficile.
04:26 Les vagues de chagrin nous emportent tellement régulièrement
04:30 qu'on coule et on se relève, tant bien que mal.
04:34 Plus le temps passe, plus ces vagues s'espacent.
04:38 Aujourd'hui, c'est difficile d'estimer la durée d'un calme.
04:42 D'un coup, ça peut revenir.
04:45 Une chanson, une odeur.
04:48 On passe à un endroit.
04:51 Ça m'est arrivé la semaine dernière.
04:54 J'ai été rechercher mon Thomas qui a 14 ans à l'école à Ouy.
04:58 Sur la route, je repasse à côté de l'école où était Arnaud.
05:02 Je suis passé régulièrement.
05:05 Cette fois-là, c'est venu.
05:08 Nos vagues de chagrin arrivent de manière très imprévisible.
05:12 Mais avec le temps, elles viennent moins souvent.
05:16 La vie reprend ses droits.
05:19 Quand c'est arrivé, on est perdu.
05:23 A peu près 4 semaines après l'accident,
05:27 on a des voisins qui sont très attentifs à nous.
05:31 On ne connaît pas trop la vie de chacun.
05:35 4 semaines après, ma voisine Ingrid est venue sonner à la porte.
05:39 Elle ne le fait jamais.
05:42 Elle me dit qu'elle vient parce qu'après 4 semaines,
05:46 les gens reprennent leur vie et qu'on se retrouve tout seul.
05:50 Elle dit qu'elle l'a vécu aussi.
05:53 Je me suis dit qu'elle est ma voisine.
05:56 Elle a perdu un fils à l'âge de 4 ans dans un accident à la ferme.
06:00 Cette démarche m'a énormément fait du bien.
06:04 Elle n'était pas obligée de le faire.
06:07 Elle a juste traversé la rue pour me raconter son histoire.
06:11 On a papoté pendant 1 ou 2 heures.
06:14 Je me suis dit que c'est ça qu'il me faut.
06:18 C'est ce dont j'avais besoin.
06:21 Elle a perdu son fils il y a plus de 20 ans.
06:25 À chaque grande étape, les anniversaires, les fêtes,
06:29 elle m'envoie un SMS ou elle vient faire un coucou et boire un café.
06:33 Ce genre de personne m'a énormément aidée.
06:36 Je me suis dit que si je peux être cette personne,
06:40 je suis toujours dans ce chagrin.
06:44 Je n'aime pas le mot d'oeil.
06:47 Je vivrais tout le temps avec.
06:50 Si je peux apporter un peu de réconfort face au drame qu'on a vécu,
06:54 c'est ma petite mission.
06:58 Je sais qu'Arnaud était comme ça.
07:01 Il mettait de la lumière dans le cœur des gens qu'il a rencontrés.
07:05 Je continue aussi pour lui et pour moi.
07:09 Je sais que ça me fait du bien.
07:12 À la WSR, on est quotidiennement en contact avec des victimes de la route et leurs proches.
07:17 Beaucoup de ces personnes ont besoin de parler de ce qui leur est arrivé.
07:22 Elles ont envie de partager leur vécu pour conscientiser les autres usagers.
07:26 On a décidé de mettre à disposition un espace sur notre site Internet
07:31 où ces personnes peuvent raconter leur histoire.
07:34 Ça concerne les victimes et les proches de victimes,
07:37 mais aussi les personnes responsables d'un accident
07:40 et qui souhaitent partager ce qu'elles ont vécu sur notre site.
07:43 Notre service d'accompagnement des victimes de la route
07:46 vient en aide à toutes les victimes de la route et leurs proches,
07:49 peu importe le temps écoulé depuis l'accident.
07:52 On peut offrir un espace de parole.
07:55 On peut donner des informations précises sur toutes les démarches
07:58 qui sont à faire après l'accident, notamment pour avoir des indemnisations.
08:02 On peut aussi aider à faire ces démarches
08:04 et orienter vers des professionnels spécialisés qui peuvent aussi être activés en cas de besoin.
08:09 Le service est gratuit et il est joignable via la ligne téléphonique 081 821 321.
08:15 [Musique]