"Cet accompagnement de 11 mois a été plutôt doux": Yannick Gast raconte le choix de son père, Jean-Claude, d'avoir recours à l'euthanasie un an après être devenu tétraplégique

  • l’année dernière
Jean-Claude Gast, ancien maire de Saint-Julien-en-Beauchêne, dans les Hautes-Alpes, a fait le choix d'avoir recours à l'euthanasie en Belgique, un an après être devenu tétraplégique. Avant de mourir, l'homme de 79 ans a interpellé Emmanuel Macron sur la fin de vie, alors que le texte à ce propos devait être étudié prochainement par le Conseil des ministres.

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Transcript
00:00 J'ai du mal à imaginer à quel point ça doit être dur.
00:04 Comment vous l'avez vécu, cette journée ?
00:06 -En fait, c'est un long processus.
00:10 C'est-à-dire que l'accident qu'il a eu,
00:12 de ce qu'il rendonnait en décembre 2022,
00:15 a enchaîné sur 11 mois de processus.
00:18 Assez rapidement, mon père, dès qu'il a été à l'hôpital,
00:21 a dit "je vais faire la grève de la faim"
00:23 à partir du début février,
00:25 ce qui nous avait fait rire dans les couloirs.
00:28 C'était un petit peu de pouvoir rigoler.
00:31 Et à partir de là, assez rapidement,
00:34 quand il a été en centre de rééducation et autres,
00:37 et qu'il a vu que rien ne progressait,
00:39 qu'il n'avait rien qui n'avançait,
00:41 il s'est exprimé pour un choix de fin de vie.
00:44 C'est à partir de ce moment-là
00:46 qu'on a pris contact avec la Belgique.
00:48 Et à titre personnel,
00:50 cet accompagnement de 11 mois durant
00:53 a été plutôt doux,
00:56 parce que pendant ces 11 mois,
00:58 comme je lui ai dit au dernier moment,
01:00 dans la chambre, je lui ai dit
01:02 "là, je crois qu'on s'est bien dit des choses.
01:04 "On a eu le temps, on a écrit,
01:06 "parce qu'il avait envie d'écrire aussi un livre,
01:09 "on a fait des enregistrements,
01:11 "on a passé beaucoup de temps à discuter,
01:13 "moi, j'ai pris beaucoup de temps avec lui."
01:15 Donc il y avait vraiment un côté assez doux.
01:19 Et le dernier moment,
01:21 je veux dire, vraiment ce souvenir
01:25 dans la chambre,
01:26 quand les infirmières très sympas
01:29 qui disaient qu'ils voulaient du café, du thé,
01:32 on était encore tous en famille,
01:34 on était encore 5-6,
01:35 et en rigolant, ils disent "oui, du champagne ?"
01:38 Et mon père dit "ok, oui, du champagne."
01:40 Et l'infirmière qui revient 10 minutes après
01:43 avec une bouteille de champagne.
01:44 Donc ça, c'était vraiment un quart d'heure avant.
01:48 On était là, on discutait,
01:49 ensuite, on est passé dans la chambre,
01:51 une chambre bien aménagée,
01:54 un lit, en face, sur le mur,
01:57 une photo,
01:59 une grande photo sur toute la largeur du mur,
02:01 de la mer avec un ponton.
02:03 On vient de la montagne, on aurait préféré la montagne,
02:06 mais on ne peut pas faire ça chez nous,
02:08 donc on s'adapte.
02:10 Et puis, ce dernier moment avec Yves,
02:13 je ne savais pas qu'il allait être là ce soir,
02:16 je suis content de le rentrendre,
02:17 on garde des liens avec une personne comme ça.
02:21 Et là, moi, j'étais avec ma mère,
02:24 ce dernier moment, je le raconte,
02:26 parce que les personnes avec qui j'ai discuté,
02:28 des fois, elles s'imaginent quelque chose d'assez dur
02:31 et compliqué.
02:32 Et pour dire comment c'était doux,
02:35 il y a un mois et demi, le chat de mes parents a eu un souci,
02:39 je l'ai emmené chez le véto, et il a fallu l'euthanasier.
02:42 Et donc, là, de nouveau, en faisant un peu d'humour noir,
02:44 ma mère était là aussi,
02:46 on a dit "là, c'est répétition générale."
02:48 Et franchement, quand le chat a été euthanasié,
02:51 il avait les yeux grands ouverts, les yeux se sont voilés,
02:53 le corps a continué à bouger, il y avait de la respiration,
02:57 franchement, ça n'a pas été facile.
02:58 La discussion que j'ai eue avec mon père, c'était de lui dire
03:01 "si au dernier moment, tu peux fermer les yeux,
03:04 "moi, ça m'arrange."
03:05 Et pour vous dire à quel point on avait des discussions franches.
03:08 -Oui, Yannick Gast, alors, vous dites,
03:11 c'était un long processus de 11 mois,
03:14 mais le moment, quand même, la première fois qu'il vous a dit,
03:17 "j'aimerais me faire euthanasier en Belgique",
03:20 on rappelle qu'il y a quatre pays d'Europe
03:23 qui autorisent l'euthanasie encadrée,
03:27 c'est la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg et l'Espagne.
03:30 Vous, en tant que fils, quand votre père vous annonce
03:33 la première fois "je veux me faire euthanasier",
03:35 votre réaction, c'est quoi ?
03:37 -Je ne suis pas surpris.
03:39 Au début, il disait la grève de la faim,
03:42 après, il a enchaîné là-dessus, il n'y a pas de surprise.
03:45 Il a dit "OK, on va t'accompagner,
03:47 "mais d'abord, on va voir s'il n'y a pas des possibilités
03:51 "de suivre... Est-ce qu'on peut faire des choses
03:56 "pour que tu retrouves tes jambes, tes bras,
03:58 "de suivre le processus ?"
04:00 On disait "OK, t'es OK là-dessus ?"
04:02 Au début, il n'était pas chaud, puis il a dit "OK, on va aller là-dessus".
04:06 Il ne voulait pas forcément rentrer à la maison,
04:09 c'était compliqué de s'imaginer le retour à la maison.
04:11 Avec ma sœur, on a insisté, on a dit "là, nous,
04:14 "on veut prouver, on veut montrer que c'est possible,
04:17 "la vie à la maison."
04:18 Donc il est rentré. A titre perso, je lui ai vraiment dit
04:21 "les yeux dans les yeux, si tu veux continuer comme ça,
04:24 "y a pas de problème."
04:26 Je m'arrange avec le boulot, c'est pas ma vie.
04:28 Il faut trouver de l'argent, y a pas de problème,
04:31 on en trouvera toujours.
04:32 On peut avoir même loué un gros camping-car,
04:35 aller sur la côte, aller des endroits, faire du surf,
04:38 il est là, il est d'un camping-car,
04:40 après, on change d'endroit...
04:42 Il y avait des choses à imaginer pour lui dire
04:45 qu'il n'était pas un poids pour nous.
04:47 C'est important aussi de dire ça à des proches
04:51 qui vont mourir, en tout cas, ça l'était.
04:54 Donc de lui dire "c'est possible de vivre comme ça,
04:57 "il a eu des visites, des gens..."
04:59 Nous, dans nos petits villages, chacun connaît tout le monde.
05:02 Donc il y a vraiment une solidarité.
05:04 Il y avait un groupe d'une centaine de personnes,
05:07 il a eu des visites tous les jours.
05:09 Il y a eu 10 jours en 11 mois où il n'a pas été visité.
05:12 Il y avait un élan, donc on s'habitue.

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