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Léa Salamé reçoit le cinéaste Ridley Scott à l'occasion de la sortie en salles de "Napoléon", un film France Inter.

À l'image : Morgane Fougeri, Thomas Moisan
Au son : Virginie Lorda
Montage : Julien Michel

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Transcription
00:00 Bonjour Hidley Scott.
00:01 Bonjour.
00:02 Merci d'être avec nous ce matin.
00:04 Vous êtes l'un des derniers titans du cinéma,
00:07 l'un des plus grands réalisateurs vivants.
00:09 Blade Runner, Alien, Thelma & Louise, Gladiator, Kingdom of Heaven,
00:14 La Chute du Faucon Noir, c'est vous.
00:17 Mais aussi plus récemment, Seul sur Mars ou encore House of Gucci.
00:21 Et vous êtes en France pour présenter le film le plus attendu de l'année,
00:26 votre Napoléon, une fresque spectaculaire, monumentale, qui retrace l'ascension du lieutenant Bonaparte
00:33 jusqu'à la chute tragique de l'empereur à Sainte-Hélène,
00:37 avec un Joaquin Phoenix ahurissant dans le rôle-titre.
00:41 Napoléon disait "Quand on veut, on peut et quand on peut, on doit".
00:46 C'est pour être votre devise, non ?
00:48 Oui, c'est Nike qui a répété en disant "Just do it".
00:56 Just do it, dude.
00:57 Ils ont été inspirés par Napoléon, vous pensez ?
01:00 I think Napoleon invented the line "Just do it".
01:03 C'est Napoléon qui a inventé "Just do it".
01:05 Ridley Scott, vous vous êtes déjà frotté dans d'autres films aux grands hommes de l'histoire.
01:10 Il y a eu Christophe Colomb dans 1492 ou Moïse dans Exodus.
01:14 Il vous manquait Napoléon.
01:16 Qu'est-ce qui vous a fasciné à ce point dans le personnage de Napoléon
01:20 pour avoir cette idée folle de le mettre en scène, de mettre en scène sa vie ?
01:24 Je dis idée folle parce que même Stanley Kubrick rêvait de faire son Napoléon.
01:28 Il y a renoncé.
01:29 Je vous surprends.
01:32 Est-ce que vous vous rendez compte qu'il y a eu 10 000 livres écrits sur ce sort de nom ?
01:39 Vous le saviez ?
01:40 Non, je ne savais pas.
01:41 Mais par contre, je sais qu'il y a très peu de films.
01:43 Le cinéma, vous savez, ce sont des histoires.
01:51 Avant le cinéma, le livre était une expérience visuelle.
01:55 Un livre, c'est quelque chose de très visuel, en fait.
01:57 Et c'est ce que vous répondez à ceux qui ont pu dire qu'il y avait des inexactitudes.
02:02 Au fond, c'est votre Napoléon à vous.
02:04 Si les historiens y voient des inexactitudes historiques,
02:08 vous assumez que c'est votre vision de l'homme ?
02:10 Ma réponse à eux, c'est...
02:14 Qu'est-ce que vous savez ?
02:15 Qu'est-ce que vous en savez ? Vous y étiez ?
02:17 Vous y étiez ? Non.
02:20 Donc, effectivement, je fais de la spéculation sur l'histoire de Napoléon.
02:25 Il y a des choses qui sont factuelles.
02:26 Et la plupart des choses, sur les batailles, etc., on peut y croire.
02:32 Mais l'histoire même de Napoléon,
02:37 ce qui est en tout cas certainement vrai,
02:41 ce sont les lettres de Napoléon à Josephine.
02:43 Et ça, pour moi, ça m'a donné vraiment un regard intérieur.
02:50 Sur le pourquoi du personnage.
02:51 Et ça dépasse la sensualité.
02:55 C'est plus que ça.
02:56 Pour moi, je crois que Napoléon savait,
03:02 en tant que membre de la classe moyenne de Corse,
03:06 qu'il n'avait pas vraiment de conscience sociale.
03:09 Je ne pense pas qu'il était vraiment très doué socialement.
03:12 Il n'était pas très bon dans...
03:17 Il pouvait être excellent dans les réunions.
03:20 Mais il savait qu'elle, elle avait une grâce,
03:23 un talent que lui n'avait pas.
03:25 Et ça faisait part, finalement, de leur façon d'être ensemble.
03:30 C'est vrai que la spécificité du film,
03:32 c'est son centre émotionnel, on pourrait dire.
03:34 C'est la place que vous donnez à Josephine.
03:37 Incarnée, je rappelle, par Vanessa Kirby.
03:39 La relation amoureuse, passionnelle, tourmentée, toxique, diront certains,
03:43 entre Napoléon et Josephine est capitale à vos yeux
03:46 pour comprendre à la fois l'homme, l'empereur et son destin politique.
03:50 Je crois que Josephine était fondamentalement très intelligente.
03:56 Quelqu'un qui avait survécu un mariage
04:01 avec quelqu'un qui n'était pas quelqu'un de très bon,
04:04 quelqu'un qui sortait beaucoup avec des femmes qui avaient été guillotinées.
04:07 Elle avait été, finalement, elle avait fini toute seule,
04:10 elle avait fait de la prison.
04:14 En prison, à cette époque,
04:16 c'était quand même des mois et des mois à faire.
04:20 Ça a duré particulièrement longtemps,
04:25 parce que de rester vivant dans une prison, finalement,
04:29 une femme se devait de tomber enceinte pour éviter la guillotine.
04:33 Et c'est là que l'on voit vraiment son caractère, son indépendance,
04:38 la façon qu'elle avait vraiment de se défendre.
04:42 Et donc, en tant que prisonnière,
04:44 elle a trouvé des hommes qui pouvaient s'occuper d'elle.
04:47 Un de ses personnages, Barras,
04:52 l'a trouvé finalement extrêmement extravagante.
04:56 Et à un moment, je pense qu'il a fait une plaisanterie,
05:00 que si jamais il ne l'avait pas sorti de là,
05:04 finalement, il aurait fait faillite.
05:06 Quand on fait un film, il faut simplifier les choses.
05:12 Ça a peut-être pris des semaines, des mois.
05:13 Il y a une scène où on voit vraiment
05:17 qu'elle regarde ce nouveau général et elle se dit qu'il va aller quelque part
05:22 et que quelque part, ça pourrait l'aider.
05:24 Et on lui propose de le présenter.
05:27 C'est là où ça commence.
05:28 Mais vous montrez comment ce grand empereur,
05:31 ce génie de la stratégie militaire,
05:33 ce conquérant qui pouvait avoir, au fond, toutes les femmes qu'il voulait,
05:37 était sous l'emprise de Joséphine,
05:40 alors qu'il s'apprête à conquérir Moscou.
05:42 Il passe son temps, il est obsédé par l'idée de savoir
05:45 qu'est-ce qu'elle fait à Paris ?
05:46 Est-ce qu'elle est en train de le tromper ? Avec qui ?
05:48 Vous dites qu'il était comme un petit enfant face à elle,
05:51 alors même, et vous venez de le dire,
05:52 qu'elle était plus âgée que lui, elle était veuve,
05:56 elle avait deux enfants, elle n'arrivait pas à lui donner d'enfants.
05:58 Et pourtant, il est totalement sous son emprise.
06:00 Vous savez, quand il le faut, il le faut.
06:05 Quand c'est juste, on rencontre plein de belles femmes,
06:10 mais elles ne veulent rien, et puis vous tombez sur une femme
06:12 qui vous attire, de certaine façon.
06:15 Ça s'appelle quelque part le destin.
06:19 Quelque chose qui fait que cette personne est la bonne,
06:21 quelque chose qui est signifiant.
06:25 Je crois que avec lui, elle était également très attirante physiquement.
06:29 Elle était plus grande que lui.
06:31 Elle était plus mature qu'il était, parce qu'elle avait six ans de plus que lui.
06:37 Et je crois que ça l'a impressionné, lui, sa présence.
06:40 Sa présence était impressionnante.
06:43 Elle avait appris, dans les salons, à avoir une présence.
06:49 Tout ça fait partie, finalement, de la mène à s'impliquer.
06:56 Elle n'était pas tant impressionnée par lui, je crois.
07:00 On dit qu'il était plus petit qu'elle.
07:05 Et puis, il n'était pas tellement petit pour l'époque.
07:07 Mais ce sont les vilains Anglais qui l'ont caricaturé
07:12 en en faisant un petit homme avec des grandes personnes autour de lui.
07:16 Et Joséphine était une géante dans ces caricatures, et lui était minuscule.
07:21 Elle n'était pas si impressionnée par lui,
07:26 mais avec le temps, elle s'est rendue compte qu'elle devait lui faire confiance.
07:30 Elle devait vivre ces choses-là.
07:32 Mais quand ils ont atteint le moment
07:36 où il est devenue impereur, qu'elle allait devenir impératrice,
07:42 là, les choses sont devenues sérieuses.
07:44 Et j'essayais de montrer, de voir s'il y avait un moment
07:49 où elle est effectivement tombée amoureuse de lui.
07:51 Et je ne suis pas certain de ça, parce que je ne crois pas.
07:54 Vous n'êtes pas sûr. Vous ne pensez pas.
07:56 Mais reconnaissez-vous que,
07:58 vous dites que Napoléon fascine parce qu'il avait une personnalité extrêmement complexe.
08:03 Et vous avez choisi Joaquin Phoenix pour l'incarner.
08:07 Et il a son charisme, il a sa puissance,
08:10 mais il a aussi quelque chose d'étrange, d'un peu immature, d'un peu enfantin.
08:15 Il y avait tout ça dans le choix de Joaquin Phoenix
08:18 et dans ce qui vous a intéressé, dans le personnage complexe qu'il est.
08:22 Oui, c'est ça.
08:23 Vous venez de décrire Joaquin Phoenix.
08:25 Je ne dis pas que vous l'avez fait, mais non, Joaquin est unique.
08:30 En tout cas, c'est quelqu'un d'unique.
08:32 En tout cas, dans ce que je connais, il est unique.
08:35 À cause de son fonctionnement,
08:37 qui fonctionne comme personne avec lequel j'ai travaillé.
08:41 Il pose des questions sur tout.
08:44 Il met tout en oeuvre.
08:46 Il a une façon de faire.
08:48 Il pose des questions sur tout.
08:52 Il met tout en doute.
08:54 Tout le temps.
08:55 Trop, trop.
08:57 Disons qu'il m'oblige d'être sincère.
09:02 Parce que des fois, je peux contourner
09:04 et lui, si jamais il voit que je contourne, il me piège.
09:09 Et donc, c'est un grand plaisir pour moi de travailler avec lui.
09:14 Et puis, vraiment, il me rend sincère.
09:16 Il n'est pas venu vous dire, je sais que vous avez beaucoup parlé avec lui avant le tournage,
09:20 il ne vous a pas dit des fois, je ne vais pas y arriver, c'est trop grand Napoléon.
09:25 Qui a dit ça ?
09:27 Je vous pose la question, si Joaquin vous l'a posé.
09:29 Il a dit ça, c'est ça ?
09:32 Non, c'est moi qui pose la question.
09:34 Comment vous le savez ?
09:36 Non, non.
09:38 Il dit toujours ça.
09:40 Même quand il faisait le Prince de Rome,
09:43 il disait, je ne pense pas que je peux faire ça.
09:45 Quand il faisait le Prince de Rome,
09:47 quand il était en costume et avec un paquet de cigarettes,
09:51 il disait, non, je ne peux pas le faire.
09:52 C'est sa façon à lui.
09:54 Et ça lui donne une sorte de moteur.
10:01 C'est son moteur, en fait.
10:03 C'est son insécurité qui est son moteur.
10:05 Ce film est d'une ampleur et d'un souffle
10:07 qu'on reverra très peu au cinéma à l'avenir.
10:11 C'est le producteur du film qui dit ça.
10:13 Et c'est vrai que vous n'avez pas recouru à la facilité des effets numériques.
10:18 Vous avez reconstitué les batailles en décor réel
10:21 avec des centaines de figurants Ridley Scott.
10:24 Le résultat est époustouflant.
10:26 C'est-à-dire qu'on n'avait jamais vu ça.
10:28 On n'avait jamais vu le sol glacé s'effondrer sous les canons français
10:35 et les soldats russes s'effondrer dans l'eau et mourir.
10:38 Vous avez vraiment voulu qu'on y soit,
10:41 qu'on soit dans les batailles napoléoniennes,
10:43 qu'on soit à Waterloo, qu'on soit au Stirlitz.
10:45 Il faut que je vous parle de mon équipe.
10:48 J'ai une équipe extraordinaire.
10:51 Je sais qui est génial, qui est fantastique.
10:54 Je sais que c'est les meilleurs.
10:56 Ils sont tous dans différents départements.
10:59 Et partout, je cherche tout le temps les meilleurs.
11:02 En fait, ils aiment assez bien travailler avec moi, je crois,
11:06 parce qu'on avance vite, on travaille vite.
11:08 Je travaille toujours avec entre 4 et 11 caméras en même temps.
11:14 En faisant cela, il faut vraiment savoir ce qu'il faut faire,
11:19 parce qu'autrement, ça devient le bordel.
11:22 Si vous avez la géométrie de la scène dans votre tête,
11:25 alors c'est beaucoup plus facile pour tout le monde,
11:28 pour tous les composants de la scène, de jouer.
11:31 C'est très important que ces 11 caméras soient vraiment au courant de ce qui se passe.
11:37 Quand je fais la transition des caméras,
11:39 je sais que c'est celle qui fait que je sais dans quel sens l'action va aller.
11:44 Effectivement, c'est organiser une guerre autour des caméras.
11:47 Et vous vouliez qu'on ressente ça ?
11:50 Non, je fais des choses qui sont un peu bizarres.
11:54 Je suis allé dans des écoles d'art fantastiques.
11:58 J'étais vraiment dans des écoles d'art pendant 7 années.
12:02 Et je sais vraiment dessiner et peindre.
12:05 Je dessine mes propres storyboards moi-même.
12:07 En faisant cela, ça veut dire que je filme sur papier,
12:10 déjà des semaines avant d'y arriver, des mois avant d'y arriver.
12:14 Et le storyboard, il est épais comme ça, 12 cm.
12:18 Et il y a 12 images par page, donc c'est fait beaucoup d'images.
12:22 Et quand j'ai le temps, je m'assois, je regarde le scénario,
12:27 et je réfléchis à comment visuellement ça sera.
12:30 Et j'écris, je dessine l'image. Et c'est comme ça que ça fonctionne.
12:33 C'est d'ailleurs une figure historique très débattue.
12:36 Votre scénariste dit dans l'histoire qu'on a tendance à classer les personnages,
12:39 soit on est un héros, soit on est méchant.
12:42 Soit on est Martin Luther King, soit on est Adolf Hitler.
12:45 C'est plus compliqué pour Napoléon.
12:47 D'ailleurs, vous montrez clairement le grand personnage, le grand stratège qu'il était.
12:52 Vous montrez aussi que ses conquêtes ont coûté des millions de vies humaines.
12:55 Et le rôle de Napoléon, est-ce que c'était un rôle positif ou néfaste dans l'histoire,
12:59 il reste très débattu.
13:01 J'ai l'impression que pour revenir à ces 10 000 livres qui existent,
13:07 personne n'a été au temps d'écrit.
13:11 Jules César, Charlemagne, personne n'a eu autant de choses écrites sur lui.
13:17 C'est donc une grande fascination qui existe sur ce type,
13:21 qui venait de rien, de la Corse, mais il n'était de rien.
13:25 Mais je crois qu'il avait une grande intuition.
13:28 L'intuition est quelque chose de très créatif.
13:31 Il y a un moment, quand on se rend compte qu'on a cette intuition,
13:36 elle l'amène à Toulon.
13:38 Et vous dites à Barras,
13:41 si toutes les armes sont pointées vers la mer, elles ne pourront pas se retourner.
13:46 Moi, je veux arriver par derrière.
13:49 Si jamais je peux prendre le fort de Toulon,
13:53 alors je pourrais prendre les bateaux anglais.
13:57 Je vais retourner les armes et après je prendrai la ville.
14:01 C'était ça, son intuition.
14:03 L'intuition, c'est un cadeau. C'est son don.
14:07 Et ce don, il y a aussi le fait qu'il le suit.
14:11 Il suit. Et si vous êtes très intelligent,
14:14 vous mettez cette intuition en doute.
14:17 Il ne faut pas croire le portrait qu'ont fait des gens.
14:20 Il faut croire en vous, mais en ayant confiance.
14:24 Il y a un danger d'être trop dans la confiance.
14:28 On commence à avoir les pieds qui quittent la terre,
14:31 alors qu'il faut garder les pieds sous terre.
14:33 Vous êtes britannique, et pour les britanniques,
14:36 Napoléon est le meilleur ennemi.
14:39 Pour les britanniques comme vous, ben si.
14:42 Oui, formidable.
14:44 Mais on avait aussi toute une armée, toute une armée de marines.
14:48 Et il y a une grande citation de Joachim dans le film,
14:52 qui n'a pas été écrite.
14:55 Il dit à l'ambassadeur d'Angleterre, il dit,
14:58 "Vous vous croyez grand parce que vous avez des bateaux."
15:01 Et c'est juste après Trafalgar.
15:05 Il avait les boules.
15:07 Vous connaissez la France, vous avez une propriété en France.
15:10 Est-ce que vous diriez que les Français sont aussi orgueilleux,
15:14 arrogants que Napoléon, surdeux que Napoléon ?
15:19 Vous voulez vraiment que je réponde franchement ?
15:22 Oui, c'est vrai, oui, tout à fait.
15:24 C'est pour ça qu'ils ne sont jamais d'accord.
15:27 C'est la vision que vous avez.
15:29 Vous, vous n'êtes jamais d'accord, n'est-ce pas, ici ?
15:32 Jamais.
15:34 C'est ça la différence, c'est pour ça que je vous aime.
15:37 Napoléon disait il y a 200 ans,
15:39 "On gouverne mieux les hommes par leurs vices que par leurs vertus."
15:43 Elle s'applique toujours, cette phrase ?
15:46 Oui, je pense qu'il voulait dire qu'il fallait trouver les faiblesses des gens.
15:52 Une fois que vous avez les faiblesses des gens,
15:55 vous avez une main d'avance, une avance.
15:59 Parce que quelque part, le vice peut être délibéré.
16:02 Alors il faut vraiment jouer la bonne carte.
16:06 Ridley Scott, petite question de fin pour finir.
16:08 Vous répondez en un mot le film que vous avez le plus vu et revu.
16:15 Oh, oh my God.
16:18 Mon Dieu.
16:21 Barry Lyndon.
16:24 Stanley Kubrick.
16:25 Le film de votre filmographie sur les 28 films que vous avez faits,
16:28 dont vous êtes le plus fier.
16:30 "Boy in a Bicycle", en noir et blanc, qui a coûté 65 livres.
16:41 C'est Tony Scott qui avait 6 ans de moins que moi.
16:45 Après lui, il a réalisé "Top Gun".
16:49 On faisait ça ensemble.
16:52 On avait tourné ça. J'avais 21 ans.
16:56 Et puis on avait une bolex, une caméra.
16:59 J'avais écrit le scénario.
17:02 J'ai fait rater vraiment, j'ai gâché l'été de mon frère
17:07 parce que j'ai voulu ouvrir des vacances.
17:09 Je veux que tu joues dedans.
17:11 On a fait le film ensemble. Ça a pris cinq semaines.
17:14 Il a détesté ça.
17:16 Et quand je lui ai montré le film, un an plus tard, monté,
17:19 eh bien, ça l'a épaté.
17:21 Et c'était le début de cette histoire, de notre histoire.
17:24 De votre histoire, des deux frères Scott et du cinéma.
17:27 Est-ce qu'il y a un film de votre filmographie dont vous n'êtes pas fier,
17:31 que vous n'aimez pas ?
17:35 Oh non, je n'ai pas de regrets.
17:38 Ce sont tous mes préférés. Je n'ai pas de regrets.
17:41 Vous savez, à la fin du jour, ce que vous apprenez,
17:47 que vous soyez peintre ou quoi que ce soit,
17:50 ça n'a rien à voir avec l'argent ou les récompenses.
17:54 Ça a à voir avec votre travail.
17:57 Et il vous faut, du coup, être le plus grand critique de votre travail.
18:02 L'acteur qui vous a le plus fasciné ?
18:06 Hum...
18:10 Je dois dire que c'est Orson Welles.
18:14 À 19 ans, il fait Citizen Kane.
18:19 Incroyable, non ? Il l'a réalisé.
18:24 Mais ses pieds ont quitté terre un peu trop tôt,
18:28 parce qu'il s'est pris pour un génie.
18:31 Et il a créé finalement son propre problème.
18:36 Parce que le business d'Hollywood, notre industrie,
18:41 c'est vraiment la créativité contre.
18:44 Si vous ignorez la finance, si vous vous en foutez,
18:48 vous ne pouvez pas durer. Il faut s'en inquiéter.
18:51 Vous dites pour Orson Welles ce que vous dites sur Napoléon.
18:54 Il ne faut pas croire quand on nous dit qu'on est un génie.
18:57 Il ne faut pas péter les plombs.
19:00 Orson Welles, il savait qu'il était un génie.
19:06 Il le croyait et il a vécu ça.
19:10 Et c'est ça qui a créé sa chute.
19:13 Et Napoléon, même chose, il a créé aussi sa chute.
19:16 Et vous, vous êtes vacciné contre ça ?
19:19 Vous n'écoutez pas quand les gens disent "c'est un génie Ridley Scott" ?
19:22 Non, non, non, je suis raisonnable.
19:26 Pour finir, Napoléon ou Bonaparte ?
19:30 J'aime Bonaparte. C'est comme un gangster.
19:35 Churchill ou De Gaulle ?
19:38 Churchill, je crois.
19:41 Enfin, c'est proche.
19:44 C'est serré.
19:47 Il a dit, j'ai découvert ça quand je suis allé à Hollywood,
19:52 il a dit "il y a deux nations divisées par la même langue".
19:58 Parce que j'ai trouvé qu'à Hollywood, et j'y suis toujours,
20:03 que mon sens de l'humour est beaucoup plus noir que leur sens.
20:09 Et leur sens même dramaturgique est plus réservé chez moi en tout cas
20:15 que chez les Américains.
20:18 Ils ont toujours dû me battre après ça.
20:22 Et quelque part, il faut porter deux casquettes,
20:25 sans trop se compromettre en tout cas dans mon cas.
20:27 Merci beaucoup Ridley Scott d'avoir été avec nous.
20:30 Votre Napoléon avec Joaquin Phoenix sort le 22 novembre prochain en France.
20:34 Ça vous angoisse un peu de le montrer, Napoléon, au public français ?
20:38 Vous plaisantez ? Ah oui, bien sûr.
20:41 Ne me posez pas cette question-là.
20:45 On ne va pas vous guillotiner. Merci beaucoup.
20:48 Ne me passez pas la guillotine.

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