• il y a 2 ans
Claire, rescapée de la Shoah âgée de 91 ans, réagit sur BFMTV à la recrudescence des actes antisémites en France et à la marche les dénonçant, à laquelle elle a pris part à Paris.

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Transcription
00:00 -Bonsoir Claire, vous avez 91 ans et demi.
00:04 Vous y tenez, d'accord.
00:06 Vous êtes une rescapée de la Seconde Guerre mondiale.
00:09 Vous étiez hier dans la manifestation
00:11 contre l'antisémitisme, organisée notamment à Paris.
00:15 Quand vous entendez qu'il y a des jeunes, des très jeunes,
00:18 qui peuvent se permettre de chanter des chants antisémites,
00:21 d'insulter les Juifs dans le métro,
00:23 si vous étiez face à eux,
00:25 qu'est-ce que vous auriez envie de leur dire ?
00:28 -Disons que je l'admets pas du tout.
00:31 Comment ont-ils pu apprendre cela ?
00:35 C'est parce qu'ils l'entendent chez eux.
00:37 C'est les parents qui parlent, et eux, ils ne font que répéter.
00:40 Ils ne savent même pas ce qu'ils disent.
00:43 Ils ne comprennent pas les mots, la plupart du temps,
00:46 ce que ça représente.
00:47 Je pense que, comme on l'appelle,
00:49 on a de la chance d'être en France,
00:53 ils ont de la chance d'être en France,
00:55 d'aller à l'école laïque,
00:57 et qu'ils ont beaucoup à apprendre.
00:59 -C'est de l'ignorance, de la bêtise ?
01:02 -C'est de l'ignorance.
01:04 -Mais en 2023,
01:07 dans le métro, on entend des insultes antisémites.
01:10 Qu'est-ce que ça vous fait ?
01:12 -En définitive, ils sont fiers de le répéter.
01:16 Ils sont fiers. -Justement, c'est ça, le problème.
01:20 -Mais je pense que tout vient des parents.
01:24 -Si on s'occupe de ces jeunes,
01:26 il faut aussi s'occuper des parents.
01:28 Comme ils sont mineurs,
01:29 les parents devront en répondre.
01:31 -Ils répètent ce qu'ils ont entendu.
01:33 -Qu'est-ce que vous avez ressenti ?
01:36 -D'ailleurs, même au point de vue langage,
01:38 les mots grossiers, ils ne savent pas ce que ça veut dire.
01:41 -Qu'est-ce que vous avez ressenti hier, dans la marche ?
01:44 -J'ai ressenti...
01:46 -Qui a réuni plus de 100 000 personnes à Paris.
01:49 -C'était extraordinaire.
01:51 Parce que j'ai senti une chaleur humaine,
01:56 j'ai senti une union
01:58 des gens qui étaient là pour me manifester.
02:02 Et c'est...
02:04 Je ne l'ai pas retrouvé dernièrement,
02:06 enfin, auparavant, lorsque j'allais à une manifestation.
02:09 C'est pas la première fois que j'ai eu l'occasion d'aller.
02:13 Et là, franchement, c'était sensationnel.
02:15 -Vous vous êtes sentie moins seule ? -Oui.
02:17 Oui. Oui.
02:19 J'ai pensé que c'était un devoir que je devais être là.
02:24 -Vous êtes inquiète depuis quelques semaines,
02:27 ou peut-être davantage, d'ailleurs ?
02:29 -Inquiète...
02:31 -Angoissée ? -Angoissée.
02:33 Oui, pour la bonne raison que je revis
02:37 tout ce que j'ai passé.
02:38 C'est enfoui en moi.
02:41 Et à fort mesure que le temps passe
02:44 et que les événements arrivent,
02:46 et qu'on dévoile,
02:48 oui, j'en souffre.
02:51 -Hier... -Je déroule la pellicule à l'envers.
02:55 Parce que, comment dirais-je,
02:57 je suis partie de Paris
03:00 à la déclaration de la guerre,
03:03 en 39,
03:04 pour arriver dans ce petit village de France,
03:09 le Châtelet-Ambéry, dans le Cher,
03:12 où nous étions... Comment on l'appelle ?
03:14 C'était à l'époque, je me souviens,
03:17 maintenant, vous voyez qu'en parlant,
03:19 je me souviens que c'était la mairie
03:22 du 11e arrondissement
03:23 qui avait prêté un train
03:27 pour les personnes apatrides,
03:30 juives et apatrides.
03:32 Et on était...
03:34 Il y avait un wagon, un train entier,
03:37 je me souviens.
03:38 D'ailleurs, on avait été bombardés
03:40 aux Oubrais par des Italiens.
03:42 C'était la catastrophe.
03:45 Il avait fallu changer de train.
03:48 C'était la débarque.
03:49 -Vous aviez quoi, 6 ans, au début de la guerre ?
03:51 -Oui.
03:53 Et on était arrivés...
03:55 On nous déposait dans...
03:57 Comment on appelle ?
03:59 Parce qu'on avait déjà dit
04:02 que c'était la zone libre.
04:04 Vous voyez ?
04:05 Et on déposait, en fin de mesure du voyage,
04:08 les gens arrivaient à Bourges,
04:10 Châtelet-Ambéry, Châtelet-Ambéry,
04:12 Culans,
04:14 comment on s'appelle ?
04:16 Euh...
04:17 Comment ça s'appelle ?
04:19 Je m'en rappelle plus.
04:20 Jamais ça.
04:21 Et là, bon, on a été reçus
04:24 par la mairie, d'ailleurs.
04:27 La mairie, les villageois.
04:29 On était des réfugiés, on n'avait rien.
04:31 -Christophe Barbier, c'est un sursaut
04:33 ou ça peut être une illusion, ce qui s'est passé hier ?
04:36 -C'est un sursaut.
04:38 Après un mois où on a connu une inflation des actes antisémites,
04:41 comme depuis la Seconde Guerre mondiale.
04:44 C'est un sursaut.
04:45 Gérard Larcher a eu raison de dire qu'après la marche,
04:48 il faut des démarches.
04:49 Quelles seront-elles ?
04:51 Qu'est-ce qui va sortir de la réunion
04:53 des responsables du culte ?
04:54 Qu'est-ce que le ministre de l'Intérieur
04:57 et de la Justice peuvent préparer
04:58 pour mieux armer la lutte contre l'antisémitisme ?
05:01 Ces démarches-là sont éducatives, judiciaires, historiographiques,
05:05 parce que la mémoire est en train de s'éteindre,
05:08 de s'éloigner de ceux qui ont connu ça de leur vivant.
05:11 Nous avons la chance d'avoir un témoin.
05:14 Ce qu'il a vécu, ce train qu'il a évacué sous les bombes,
05:17 ça a une force qu'aucun historien, aucun journaliste ne peut avoir.
05:20 Or, nous allons sortir de cette période.
05:23 Nous sommes avec une jeunesse qui n'a plus les témoins vivants
05:26 comme notre génération, mais qui, depuis les accords d'Oslo,
05:30 il y a 30 ans, a l'impression que sur le terrain,
05:32 dans la négociation entre Israël et la Palestine,
05:35 ça n'avance pas.
05:37 Comme les réseaux sociaux ont fait leur travail de propagande,
05:40 on arrive avec une jeunesse qui est, à minima,
05:43 circonspecte et, au pire, hostile à la communauté juive.
05:46 Il faut agir très vite.
05:48 -Vous êtes optimiste ? -Oui.
05:49 -Claire ? -Oui.
05:51 -Qu'est-ce qui vous rend optimiste ?
05:53 -Parce que je pense que les jeunes,
05:55 ceux qui ont défilé hier,
05:57 les Éclaireurs d'Israël de France,
05:59 on a quand même cité les 100 ans,
06:02 et je pense qu'eux, ils ont l'espoir
06:05 qu'ils sont présents, ils sont en France,
06:08 ils seront aidés,
06:10 le gouvernement va les aider aussi,
06:13 de reconnaître, parce qu'en définitive,
06:16 moi, ce qui me fait mal,
06:19 c'est que nous, la génération,
06:22 on a été abandonnés.
06:24 -C'est quand même sur cette note d'optimisme
06:26 que l'on terminera. Merci, Claire, d'avoir été avec nous.

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