Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Lundi 13 novembre 2023 : le cinéaste Claude Lelouch. Il est de retour avec son "Ciné Spectacle Symphonique" qui mêle les plus belles musiques originales revisitées et illustrées par les scènes cultes de ses films.
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00:00 Bonjour Claude Lelouch.
00:01 Bonjour, bonjour.
00:02 Tour à tour réalisateur, producteur, scénariste, cadreur, vous êtes devenu au fil du temps
00:05 le cinéaste de nos vies avec des films qui mêlent des destins et qui nous racontent
00:10 nous.
00:11 Un homme et une femme en 1966, Le voyou en 1970, L'aventure c'est l'aventure en 1972,
00:15 Itinéraires d'un enfant gâté en 1988, Les misérables en 1995 ou 1+1 en 2015.
00:21 Je ne vais pas tous les citer.
00:22 Votre carrière a démarré il y a plus de six décennies avec toujours cette même rigueur
00:26 et cette même passion vissée au corps.
00:28 Cette reconnaissance aussi du public et la critique, même si parfois elle ne vous a
00:32 pas épargné.
00:33 Vous avez reçu l'Oscar du meilleur film étranger pour un homme et une femme, le Golden
00:37 Globe du meilleur film étranger, le Grand Prix du cinéma français pour vivre ou survivre.
00:40 Après le succès le 12 novembre 2022 au Palais des congrès de Paris de votre concert événement
00:45 à l'occasion de vos 60 ans de carrière, constitué donc de plus de 50 films, vous
00:50 avez décidé de partir en tournée afin de rencontrer votre public.
00:53 Votre ciné-spectacle symphonique va donc nous permettre de remonter le temps avec d'un
00:59 côté les partitions des plus belles musiques originales revisitées par les musiciens du
01:02 pop philharmonique orchestre et les scènes cultes qu'elles venaient illustrer.
01:06 On pense évidemment à Shabba Dabba Da et Francis Lay.
01:09 Était-ce important, Claude Lelouch, de vous poser avec celles et ceux qui finalement sont
01:14 venus s'asseoir et en contribuer au succès de vos films ?
01:18 J'avais très envie avec ce ciné-concert de revisiter ces 60 ans de cinéma.
01:22 Moi j'ai passé ma vie à observer le monde, je ne suis rien d'autre qu'un reporter.
01:28 Et ce ciné-concert nous fait faire un voyage formidable sur ces 60 dernières années dont
01:35 j'ai été le témoin.
01:36 Et c'est vrai que les gens qui sont dans la salle revisitent leur vie, revisitent leurs
01:42 souvenirs, font un flashback absolument incroyable, non pas avec mes images mais avec leurs images
01:47 réelles qu'ils superposent aux images que je propose.
01:50 Et en plus j'avais envie de rendre hommage à tous mes copains qui ne sont plus là,
01:55 de Trintignant à Belmondo en passant par Johnny Hallyday, Francis Lay, Pierre Barrou.
02:00 Enfin la liste est impressionnante.
02:01 Et j'avais envie de montrer à quel point le cinéma peut les rendre immortels.
02:06 Et donc j'avais envie de faire la fête avec tous mes potes, tous mes copains et avec
02:11 toutes ces secondes incroyables que je suis incapable d'analyser et de comprendre.
02:15 Le premier cadeau que vous avez reçu de votre père c'était une caméra.
02:18 Cette caméra elle va changer le cours de votre vie.
02:21 Vous allez d'abord décider de filmer l'actualité autour de vous, notamment l'URSS.
02:26 Et c'est vraiment le premier pas que vous faites.
02:29 C'est d'aller raconter les histoires des autres mais l'histoire avec un grand H.
02:33 Oui au départ cette caméra c'est un microscope formidable.
02:38 Je suis curieux, j'aime tout et j'ai envie de connaître le monde.
02:43 Donc avec cette caméra je vais pouvoir voyager et aller là où il se passe des choses.
02:47 Donc je suis allé aux Etats-Unis, en URSS, j'ai fait le tour du monde, j'ai fait Suez,
02:53 Budapest et jusqu'au jour où je me suis aperçu que la fiction était encore plus
02:59 forte que la réalité.
03:00 Jusqu'au jour où je me suis aperçu qu'en racontant mes propres histoires, j'allais
03:04 être plus performant qu'en étant simplement un reporter.
03:08 Quand tu es sorti d'ailleurs, quand le rideau se lève, vous avez eu cette notoriété qui
03:11 vous a donné envie effectivement de faire autre chose.
03:14 Mais en même temps, vous avez compris à ce moment-là, comme vous aviez des acteurs
03:19 qui n'en étaient pas, puisque vous réalisiez des documentaires à ce moment-là, que la
03:22 direction d'acteurs était extrêmement importante.
03:25 Ça a été un tournant pour vous ça ?
03:27 Oui puisque au départ, d'abord j'ai fait mon service militaire pendant la guerre d'Algérie.
03:34 Et là on m'a donné des films à faire et donc j'avais les plus mauvais acteurs du
03:37 monde, c'était des militaires qui n'avaient jamais été acteurs.
03:40 Et là, si j'avais commencé à travailler avec Gabin et Belmango, je ne me serais pas
03:44 posé de questions sur la direction d'acteurs.
03:46 Et donc j'ai très vite compris que ce qui m'intéressait au cinéma, c'est qu'on croit
03:51 aux histoires.
03:52 Moi, j'aime tous les genres à condition de croire aux histoires.
03:55 Et donc je me donne beaucoup de mal pour qu'on croit aux histoires que je raconte.
03:59 Et pour croire aux histoires, il faut filmer des hommes et des femmes qui ne jouent pas.
04:03 Il faut filmer des acteurs qui cessent de jouer, des acteurs qui à un moment donné
04:08 nous font cadeau de leurs cicatrices, de leur joie, de leur peine, de leur expérience.
04:13 Et donc quand je travaille avec des comédiens, j'ai besoin de bien les connaître pour filmer
04:20 leur vie autant que celle que je leur propose.
04:23 Votre vie s'est divisée en plusieurs étapes.
04:26 La première est née avec "Un homme et une femme".
04:30 C'était en 1966.
04:31 Ce film, il a changé votre vie ?
04:33 Oui.
04:34 "Un homme et une femme" reste à ce jour le film le moins cher de l'histoire du cinéma
04:38 et celui qui a apporté le plus.
04:40 Donc dans le rapport qualité-prix, on n'a jamais été aussi performant.
04:45 Et c'est vrai que ce film, c'était peut-être le dernier film que j'allais faire puisque
04:51 les six précédents n'avaient pas très bien marché.
04:53 Donc j'ai fait un peu ce film, un peu comme "On se suicide", en prenant tous les risques.
04:58 Et c'est quand on prend tous les risques que ça rigole.
05:00 Et après, ce film a changé ma vie.
05:03 Effectivement, il m'a offert 50 ans de liberté et j'en ai profité.
05:07 Et puis, mon métier à moi, c'est quoi ? C'est de faire rêver les gens.
05:11 Et comme on ne meurt jamais d'une overdose de rêve, je suis bien décidé à aller au
05:17 bout de mes rêves.
05:18 Et vos yeux à vous, alors ? Est-ce qu'ils ont changé, Claude Lelouch, sur ces 60 ans
05:21 de carrière, sur toute cette vie ? Est-ce que votre regard a changé ?
05:24 Oui.
05:25 Oui, dans la mesure où il est de plus en plus bienveillant.
05:29 Je veux dire que je suis de plus en plus tolérant.
05:32 J'accepte tout.
05:33 Je pardonne tout.
05:34 Je suis dans le pardon.
05:36 C'est ce que je vous disais tout à l'heure.
05:39 Je pense que les fautes font partie de notre vie.
05:42 Et les gens intelligents ont le goût du pardon.
05:46 Et en pardonnant, on arrive à tout.
05:48 On arrive à tout.
05:49 J'ai fait pas mal de conneries dans ma vie.
05:51 On me les a pardonnées.
05:52 Donc, je suis encore vivant.
05:53 Quel regard vous portez, vous, du coup, sur cette carrière, sur cette immense carrière,
05:57 sur ce que vous avez réalisé sur ces plus de 50 films, puisqu'on est à 51 aujourd'hui ?
06:01 Écoutez, si on m'avait fait lire le scénario de ma vie à ma naissance, je ne l'aurais
06:06 pas cru.
06:07 Je suis allé de miracle en miracle.
06:09 Et c'est vrai que quand j'arrive à filmer des petits miracles, je suis très très heureux.
06:14 Vous avez en face de vous un homme heureux.
06:15 Profitez-en.
06:16 C'est une espèce en voie de disparition.
06:19 Merci beaucoup, en tout cas, Claude Lelouch, d'être passé dans le monde d'Élodie sur
06:22 France Info.
06:23 Donc, Claude Lelouch, le ciné-spectacle Symphonique passera évidemment pas très
06:26 loin de chez vous.
06:27 On vous verra le 15 novembre à la salle Playel, aux Énith de Lille le 3 décembre,
06:33 le 17 novembre 2024, aux Énith de Rond et aux Énith de Caen le 1er décembre 2024.
06:36 Merci infiniment.
06:37 Merci de m'avoir accueilli si gentiment.