L’harmonie d’un couple est-il en péril quand la femme gagne plus que l’homme ? Est-ce que la société perçoit ces hommes différemment ? Quelle est la place de chacun quand l'argent change les rôles ?
Entretiens sincères et humoristiques avec des hommes et des femmes sur un sujet intime, voire tabou : l'argent dans le couple.
Entretiens sincères et humoristiques avec des hommes et des femmes sur un sujet intime, voire tabou : l'argent dans le couple.
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00:00 C'est l'histoire d'un couple extraordinaire.
00:06 "Tu viens avec moi Norman ? Ah oui, volontiers ! Voilà !"
00:09 60 ans de mariage et un coup de foudre en 1953.
00:15 Sur le bateau qui les conduit en Amérique.
00:20 "Tu te souviens qu'il s'appelait Henry ?"
00:22 L'histoire du Titanic mais sans le naufrage.
00:26 Arrivée aux Etats-Unis, Stéphane le français enchaîne les petits boulots.
00:31 Norma, elle, est anglaise. Elle fait carrière.
00:34 Un jour de 1954, elle rentre du travail effondré.
00:38 Son patron lui a fait une proposition indécente.
00:41 "Elle bafouille, j'ai pas pu. Mais je dis oui t'as pas pu quoi ?
00:45 Ben il m'a nommé vice-président. Ah ! Vice-président de la société.
00:49 Moi je dis c'est bien. Et puis il a doublé mon salaire.
00:53 Alors, ah ! Chouette alors enfin on va vivre largement.
00:58 Et elle ajoute, j'ai refusé.
01:00 "Pourquoi ?"
01:01 "Ben je voulais pas qu'il s'en...
01:05 Mais j'étais pas sur l'adulte du tout hein !"
01:08 "Emilie ! Mais pourquoi Emilie ?"
01:11 "Parce qu'il gagnait moins que moi, mais beaucoup moins."
01:15 Une époque qui semble bien révolue.
01:17 Leur fille Lucille est aujourd'hui à la tête d'une entreprise.
01:21 "Vous dites moi, l'herbe est belle, est-on sûr ?"
01:24 Difficile d'imaginer que jusque dans les années 60 en France,
01:28 la loi obligeait les femmes à demander l'autorisation de leur mari
01:32 pour travailler ou gérer de l'argent.
01:35 "Il fallait que je lui donne la permission d'ouvrir un compte en banque."
01:43 "Et en 65, enfin j'avais le droit d'avoir un carnet de chèques, à moi."
01:49 60 ans plus tard, une femme sur 4 gagne plus que son mari.
01:53 Mais la réussite financière des femmes est-elle toujours bien acceptée dans le couple ?
01:59 Dans son cabinet de recrutement, Lucille est spécialisée sur les femmes à très haut niveau.
02:06 Beaucoup gagnent plus que leur mari.
02:09 Avec elle, nous nous sommes livrés à un petit test.
02:12 Elle a envoyé aux 1000 femmes de son réseau un questionnaire
02:16 pour savoir comment le couple le vivait.
02:18 Et les réponses nous ont sidérées.
02:22 "Comment vivez-vous cette situation ? Quels sont les effets induits ?"
02:26 "Cela reste tabou."
02:29 "Quel regard porte votre entourage sur votre couple ?"
02:33 "Notre différence est une curiosité dans notre entourage."
02:37 "Et votre conjoint ?"
02:40 "Moins bien vécu par mon conjoint qui n'aime pas être entretenu."
02:45 "Je ne le vis pas bien car cela baisse dans mon imaginaire la virilité de mon mari."
02:52 "Les gens pensent que je castre mon mari sans m'en rendre compte."
02:58 "Je pense que fondamentalement, un homme n'a pas envie que ça se sache qu'il gagne moins que sa femme."
03:03 "Vous savez, les hommes sont dans un égo... celui qui aura le plus de voitures..."
03:10 "On est encore là-dedans."
03:13 En sommes-nous toujours là ?
03:16 Les garçons se vivraient en valeureux chevaliers bravant le danger pour nourrir le foyer.
03:20 Mais les filles changent.
03:23 Les princesses sortent désormais plus diplômées que les garçons.
03:26 Que se passe-t-il quand elles gagnent plus qu'eux ?
03:29 La question vous paraît anodine.
03:32 Et pourtant, derrière la fiche de salaire se cachent des enjeux de représentation et de pouvoir...
03:36 qui peuvent ébranler plus d'un couple.
03:41 "C'est même plus beau que ça !"
03:44 Dans les quartiers huppés de Paris...
03:50 nous nous sommes invitées dans cet hôtel de luxe.
03:54 A la table de 30 femmes réunies sous l'impulsion de Patricia Chapelotte.
03:59 "J'essaie d'avoir l'invité... je vais mettre l'invité au milieu."
04:02 La cinquantaine élégante, Patricia a créé ce réseau de femmes d'influence interdit aux hommes.
04:08 Toutes sont chefs d'entreprise, avocates ou magnates de la finance.
04:12 Des guerrières de l'économie qui entendent bien se serrer les coudes.
04:17 "On fait du réseau, parce que les mecs ont toujours appris à faire du réseau...
04:22 et nous on a toujours été mauvaise sur le sujet.
04:24 C'est aussi un club où on se fait du bien...
04:26 et on n'a pas peur de dire que si on peut faire du business aussi entre nous, c'est aussi ça l'objet."
04:30 Beaucoup gagnent plus que leurs conjoints.
04:33 "Il faut qu'on discute avec nous !"
04:35 Alors qu'est-ce que ça change ?
04:37 "Ça change tous les paradigmes de l'homme et de la femme...
04:40 et de la vision du rôle, du pouvoir de l'un et de l'autre."
04:43 "Ça change surtout dans la tête de l'homme, je pense."
04:45 "Ça change dans la tête de l'homme, mais dans la tête de la femme aussi."
04:47 "C'est possible qu'il y ait une forme de tabou, mais je pense qu'effectivement c'est les rapports aussi...
04:51 ça influence vraiment les rapports au sein du couple, au sein de la famille, la répartition des rôles."
04:58 Une fois à table...
05:02 les langues se déliaient, les discussions dévissent sur leur difficulté à être des femmes qui ont réussi...
05:08 "Et je pense que pour un homme, pour réussir, il faut absolument avoir du pouvoir."
05:12 jusqu'au moment où une voix brise le tabou.
05:15 "C'est assez difficile de témoigner en fait, et c'est vrai que j'ai été pendant très longtemps...
05:20 plus d'argent, plus dans la lumière, plus dans le pouvoir que mon mari...
05:26 et il se trouve que quelles que soient ses grandes qualités, c'était extrêmement difficile pour lui de l'accepter...
05:33 et en fait c'était comment il pouvait me rabaisser.
05:36 Et je finissais par ne plus l'emmener avec moi professionnellement...
05:40 parce que je savais que vis-à-vis de mes partenaires, de mes clients, des personnes qui étaient importantes pour moi...
05:46 j'allais être rabaissée, donc c'était assez terrible."
05:50 Un mari qui accepte mal la réussite de sa femme.
05:55 Des réactions hostiles qui finissent par tuer le couple.
05:58 C'est aussi l'histoire de Patricia Chapelotte.
06:02 Quelques jours plus tard, nous la retrouvons dans son agence de communication.
06:07 Ici, la politique rythme les agendas et les plaisanteries.
06:11 "Vous savez, j'ai croisé la ministre du Travail hier. Devant la mairie du 18ème, Pam, Myriam..."
06:16 "Elle est en réunion de section ?"
06:19 En 20 ans de carrière, elle a conseillé plusieurs ministres et même Jérôme Carviel dans l'affaire de la Société Générale.
06:25 Dans ce milieu, où com' et pouvoir se mêlent, elle rencontre son mari qui est un peu son mentor...
06:31 jusqu'au jour où l'élève dépasse le maître.
06:34 "Alors, il est resté accroché ici par mes collaborateurs...
06:37 parce que c'est pas tous les jours qu'on a son portrait en quatrième de coupe de l'IB...
06:41 et voilà, il est là. Et le titre, c'était assez sympa, c'était "Mission Commando".
06:45 Et je trouvais que le titre était vraiment génial, parce que ça reprenait la com' et c'est vrai que l'affaire Carviel, on était quand même en Mission Commando."
06:52 Patricia vit son apogée professionnelle, mais avec son mari, c'est le début de la fin.
06:58 "Parce que j'avais choisi de m'occuper de ce dossier, parce que j'avais décidé de faire ce livre...
07:04 ça m'a mis un peu dans la lumière, et c'est vrai que ça n'a pas été forcément facile à gérer pour lui, pour nous...
07:12 parce qu'il l'a pas bien vécu. Je sentais qu'à chaque fois qu'il y avait un focus médiatique me concernant, il était pas très à l'aise...
07:23 c'était pas quelqu'un qui me disait "Je suis content, c'est super, je suis ravi pour toi", etc.
07:27 C'était "Oui, très bien". On sentait qu'il y avait une espèce de réaction qui était pas très cool pour moi, d'ailleurs.
07:34 Voilà, et comment ça s'est manifesté ? On a divorcé, tout simplement."
07:39 Dans ce milieu de dirigeants d'entreprises et de cadres supérieurs, la réussite financière et professionnelle des femmes peut les placer en concurrence avec leurs conjoints.
07:48 Est-ce le cas à l'autre bout de l'échelle sociale ?
07:52 Florange et ses hauts fourneaux, la désespérance d'une économie perdue, l'industrie du XXe siècle s'en est allée,
08:03 et des bataillons d'hommes se sont retrouvés sur le carreau.
08:08 Alors, dans ces vallées sinistrées, les femmes ont pris le relais.
08:12 Elles travaillent dans les services, des secteurs qui embauchent.
08:15 Aujourd'hui, en France, le taux de chômage des hommes est supérieur à celui des femmes.
08:20 À quelques kilomètres de Florange, dans une maison flambant neuve, Lionel Buriello est un homme heureux.
08:30 Il a pu réaliser son rêve, faire construire une maison.
08:35 - T'as pas glissé jusqu'au fond ! - T'as un bobo ?
08:38 Ouvrier sidérurgiste, il a échappé au plan social harcelor-mittal et a conservé son emploi.
08:44 Mais surtout, sa femme est infirmière au Luxembourg.
08:47 - On n'aurait pas tout ça sans... Bah voilà, sans avoir son salaire.
08:54 Donc, dans le cas-là, je vous dis clairement, c'est le mien qui a le salaire d'appoint.
09:00 Y a une société qui change. Souvent, les anciens, même ma propre mère, qui a travaillé aussi, attention, hein,
09:07 mais qui disait "Ah, bah, la meilleure des femmes, c'est celle qui réussira à te faire une bonne cuisine."
09:12 - Ah bah, regarde, c'est la petite Mario. - C'est bête, mais c'est...
09:16 - C'est Mario. - Ouais, c'est bien. C'est vrai.
09:19 Mais aujourd'hui, bah, peut-être 30 ans ou 35 ans après, bah, la meilleure des femmes, c'est celle qui déjà travaille, tout simplement.
09:29 Sa femme gagne 3000 euros par mois. Lionel, tout juste 1800.
09:34 A la maison, c'est souvent lui qui assure avec les enfants, elle travaillant souvent le week-end.
09:39 - Mimi, je crois que ton nez, il est propre, hein.
09:41 - Moi, je m'y dessine.
09:43 Et personne parmi ses amis ne s'étonne de la situation.
09:46 - On est un peu tous dans le même... Dans ce même contexte, dans le milieu ouvrier, prolétaire.
09:51 Franchement, j'ai jamais côtoyé quelqu'un qui m'a dit "Ah, putain, t'es pas gêné que ta femme gagne plus que toi ?"
09:57 - L'idée reçue de milieu ouvrier plus macho, c'est plus vrai aujourd'hui ?
10:01 - Bah non. Franchement, macho peut-être encore dans certains domaines, mais pas dans celui-là.
10:08 Macho de quoi ? Ca n'existe plus.
10:12 Et ça, c'est le fils d'immigrés portugais, italien, qui vous le dit. Ca n'existe plus.
10:17 Mais Lionel a vu des centaines de ses anciens collègues perdre leur emploi dans la sidérurgie.
10:24 - Attention ! Bonne route ! - D'accord.
10:26 La fin d'un monde industriel essentiellement masculin et ses dégâts collatéraux sur les hommes.
10:32 - En tant qu'homme, c'est difficile à rentrer à la maison et à dire à sa femme "Bah voilà, j'ai perdu mon boulot, quoi."
10:41 "Voilà, moi, je suis un homme, je sais de quoi je parle, hein, si demain... Même si ma femme gagne plus, hein."
10:46 "Si demain, je rentre à la maison et je dis "Écoute, j'ai plus de boulot, bah voilà, effectivement, je serai gêné, c'est peu dire."
10:55 "J'aurai honte, ouais. Je pense que j'aurai honte."
10:58 "Franchement, je pense que j'aurai honte."
11:00 "Mais rien que le passage où on était en chômage partiel, où je travaillais une semaine sur deux, j'ai eu honte."
11:07 "Et c'est la raison pour laquelle j'ai même postulé à faire les vendanges en champagne parce qu'il fallait que je travaille."
11:14 "Et c'était pas pour une question de salaire, hein. C'était pas une question de salaire, c'était pas ramener de l'argent à la maison."
11:19 "Non, c'était de se dire, voilà, la fierté masculine de se dire "Bah non, je travaille une semaine sur deux, bah non.""
11:25 "Je peux pas rester là sous le canapé à ne rien faire, il fallait que j'aille faire des vendanges."
11:30 Quand Gaëlle rentre du travail...
11:34 "Elles sont un peu coquines, hein."
11:37 Comme toutes les mamans, elle est très attendue.
11:43 Pour elle, gagner plus que son mari est un non-sujet.
11:47 Comme deux tiers des couples en France, Gaëlle et Lionel mettent tous leurs revenus en commun
11:52 et ne font plus la différence entre ceux que l'un et l'autre rapportent.
11:56 "En fait, je me pose pas la question de me dire c'est moi qui ramène l'argent au foyer."
12:02 "Si, quand il me fâche, je lui dis "Ah, de toute façon, c'est à moi, c'est moi qui le paye.""
12:06 "Ouais, si tu dis "Tu ramènes l'argent", je ramène un peu."
12:09 "Voilà, oui, voilà, et t'en ramènes beaucoup, oui."
12:11 "Moi, je sais pas si... Mithal me paye très mal, hein, mais je ramène un peu."
12:15 "Mais oui, des fois quand... Mais non, sinon, pour moi..."
12:19 "Je sais pas, est-ce que je l'occulte ou pas, mais je m'en rends pas compte."
12:25 Chez Lionel et Gaëlle, nécessité fait loi.
12:28 La différence de salaire est plus simple à accepter quand on n'a pas vraiment le choix.
12:33 Mais quand l'argent est aussi symbole de pouvoir, quelle place l'homme peut-il trouver ?
12:39 Ce soir-là, à l'Institut du Monde Arabe,
12:42 Patricia Chapelotte est invitée à une soirée de gala avec son nouveau compagnon, Olivier Delamotte.
12:48 Lui, accepte d'être l'homme d'à côté et ne semble pas souffrir de la notoriété de Patricia.
12:56 "Je suis la présidente, je vous présente... Bonjour, je suis Patricia Chapelotte, présidente de Génération Femme d'Influence, un club privé dont je fais partie également."
13:05 Il s'en amuse même.
13:07 "C'est pas moi qui suis au fil du nez."
13:10 Olivier dirige une start-up sur le gaspillage alimentaire.
13:16 Il gagne moins bien sa vie qu'elle, mais il n'est pas dans le même secteur d'activité.
13:21 Entre eux, pas de compétition d'ego.
13:24 "Il n'y a pas de friction liée à ça, chacun a un univers qu'il partage à l'autre, l'autre apporte beaucoup de son propre univers pour renforcer.
13:34 Elle a une énergie débordante, comme vous avez pu le remarquer.
13:39 De temps en temps, je dois débrancher pour le week-end."
13:44 "J'ai rencontré une psy qui parlait justement de ces femmes d'influence qui avaient du mal à se trouver des maris, à se trouver des hommes, qui acceptaient de vivre à côté.
13:52 Et elle me dit 'Vous savez, il vous faut absolument un homme qui a une assise narcissique bien installée'.
13:58 Alors je ne comprenais pas ce que ça voulait dire, donc en fait on comprend que c'est un homme qui est bien dans sa peau, qui a sa propre vie."
14:05 "Donc j'ai a priori une assise narcissique bien établie."
14:08 Faut-il s'en référer à Narcis, Freud et les autres ?
14:14 Explorons les affres de la psychologie masculine.
14:20 Avec une psychothérapeute spécialisée sur les questions d'argent dans le couple.
14:27 Nicole Prieur accueille sur son divan des messieurs très encombrés par l'argent que gagnent leurs femmes.
14:33 "J'ai effectivement un homme récemment qui me disait 'Je ne me sens pas à la hauteur, je n'assume pas'.
14:42 Souvent ils vont sur-rajouter et projeter sur la femme un pouvoir qu'elle ne s'est pas d'avoir.
14:50 Dans la difficulté de parler pour un homme du fait de gagner moins, il y a quand même la peur d'être considéré comme celui qui n'est pas capable,
15:00 celui qui est moins fort que sa femme, qui a moins de puissance.
15:04 Derrière tout ça, il y a la question de la puissance et le viril."
15:07 Désormais masculé par une feuille de salaire, extrapolation fantaisiste d'une psy ou réalité statistique.
15:15 C'est au Danemark que nous allons trouver la réponse.
15:18 Et ce n'est pas par hasard. Nous sommes dans le pays le plus égalitaire au monde sur la question de la carrière des femmes.
15:24 Ici, plus d'un tiers d'entre elles gagnent plus que leurs conjoints.
15:28 Alors, les chercheurs de l'université d'Alborg ont mis en relation les niveaux de salaire de monsieur et madame et, un facteur étonnant, la prise de Viagra.
15:39 Ils ont étudié 200 000 couples danois pendant 8 ans et le résultat est sans appel.
15:47 "Nous avons comparé des couples à niveau de salaire équivalent et des couples dont le mari gagne un peu moins que sa femme, c'est-à-dire seulement de l'ordre de 1 500 à 2 000 euros par an.
16:01 Nous avons constaté que ces hommes, qui gagnent moins, sont 10 % de plus à consulter un médecin pour des troubles des fonctions érectiles.
16:13 Si nous avions la possibilité de conduire la même étude dans d'autres pays, comme la France où les conceptions hommes-femmes sont plus traditionnelles qu'au Danemark, nous constaterions certainement une différence encore plus importante."
16:34 Dans l'inconscient collectif, l'homme reste le mâle, le chasseur-cueilleur qui doit nourrir sa famille et pas forcément s'en occuper.
16:43 Un stéréotype renforcé par le monde professionnel.
16:48 Ces 5 hommes sont ingénieurs télécom. Ils ont monté un petit groupe de réflexion, Happy Men, des hommes heureux.
16:55 Ils sont des militants de l'égalité hommes-femmes dans l'entreprise.
17:00 Ils gagnent moins que leurs compagnes n'est pas un problème. C'est lorsque l'enfant paraît que la répartition des rôles se fige.
17:07 "Le problème de l'égalité professionnelle hommes-femmes quand ils sont en couple, ça vient pas de suite quand ils sont en couple, ça vient plutôt à la naissance du premier enfant."
17:19 A tel point que pour garder son rang dans l'entreprise quand on est un homme, il voudrait mieux dire qu'on fait du sport plutôt qu'on s'occupe de ses enfants.
17:28 "Pourquoi les cadres ils disent pas j'ai piscine ? Mais c'est une bonne question.
17:33 Dire je vais là à la piscine parce que je dois m'entraîner pour mon Iron Man, c'est super valorisant.
17:38 Dire je dois y aller là maintenant parce que je dois m'occuper de mes gosses, en face les gens vont dire c'est inintéressant, infaible."
17:45 "Oui je pense que dans l'idée des gens c'est ça, ils s'imaginent qu'on a une certaine faiblesse."
17:55 "Je pense que c'est une faiblesse parce qu'en fait il y a quand même encore beaucoup de gens qui raisonnent en étant très machos.
18:03 Je pense que ça s'en vient.
18:06 Donc ça veut dire qu'à partir du moment où on le fait, on le fait à la place de son épouse."
18:14 Ces Happy Men, qui réfléchissent à l'égalité hommes-femmes dans l'entreprise, ont été créés il y a 3 ans.
18:22 Par un consultant en ressources humaines, Antoine de Gabrielli.
18:26 Il en existe déjà 33 dans plusieurs groupes français.
18:30 Pour lui, la France va suivre le modèle américain où 40% des femmes gagnent aujourd'hui plus que leurs conjoints.
18:37 Mais cette évolution sera révolution quand hommes et femmes seront vraiment interchangeables.
18:46 "Je connais plusieurs couples où on a inversé le schéma traditionnel.
18:50 C'est un homme qui s'occupe des enfants à la maison et la femme qui a une carrière brillante.
18:56 Ça peut être très bien vécu, dans la mesure où le couple est clair là-dessus.
19:00 Mais c'est vrai que tous ces couples qui vivent ça témoignent qu'autour d'eux, le regard n'est pas forcément favorable.
19:05 Et puis c'est pas seulement image externe, c'est l'image de moi-même.
19:09 Est-ce que je reste bien viril ? Est-ce que j'occupe ma place dans mon couple, dans ma famille,
19:14 en étant finalement le numéro 2 professionnel d'une femme qui réussit mieux que moi ?
19:18 Est-ce que c'est bien ma place ? Et pour certains hommes, ça ne pose aucun problème.
19:22 C'est même pas une question. Pour d'autres, c'est une vraie question."
19:26 Maman au bureau, papa au landau.
19:29 Ça pourrait être la devise d'Anthony, père de Jade, 9 mois.
19:35 C'est sa compagne qui gagne le plus gros salaire, alors il n'a pas hésité à mettre entre parenthèses sa vie professionnelle
19:40 le temps de trouver un mode de garde.
19:43 "J'ai pris 6 mois, je vais les vivre à fond. Mes journées sont rythmées par rapport à Jade.
19:49 Mais du coup, je ne me sens pas du tout... Ma fierté d'homme n'est pas remise en question."
19:59 Anthony fait partie des 18 000 hommes qui, chaque année en France, s'arrêtent de travailler pour prendre un congé parental.
20:05 Des exceptions, car dans 96% des cas, ce sont encore les mères qui font une pause professionnelle.
20:13 "Ça, c'est le bavard."
20:16 Dans son entourage, Anthony a dû tout supporter. La réaction de son père, une incompréhension totale.
20:22 Celle de sa mère, plus ouverte.
20:26 "J'ai trouvé que c'était une très bonne idée, mais j'avais peur qu'il s'ennuie.
20:33 Mais apparemment, bon... Tu t'ennuies ou pas ?"
20:38 "Bah j'ai pas trop le temps de m'ennuyer, moi. J'ai pas trop le temps, moi."
20:44 "Mais moi je trouve que pour la petite, c'est super."
20:47 "Certains de mes amis qui comprennent pas trop le choix que je me suis arrêté à 6 mois pour prendre un congé parental,
20:55 parce que c'est peut-être pas dans leur nature de s'occuper d'un bébé."
21:02 "Après, moi je sais que je me sens bien comme ça, puis je me suis rendu compte que du coup, voilà, je crée beaucoup de liens avec ma fille."
21:10 Anthony a 34 ans. Il est guichetier à la poste. Et il s'est découvert, sur le tard, une vocation de père au foyer.
21:20 "Allez, on va aller plier les linges."
21:24 Anthony a une première fille d'une autre union.
21:27 A l'époque, il cumulait deux emplois, sa compagne ayant arrêté de travailler.
21:32 Il collait au rôle traditionnel du père de famille.
21:36 "Je pense pas à 24, 25 ans que j'aurais été prêt à prendre un congé parental."
21:45 "Pourquoi ?"
21:48 "Du coup, je pense pas que ça m'aurait traversé l'esprit de rester comme ça à la maison."
21:54 "Ça m'aurait traversé l'esprit de me dire, oui, le regard des gens, et voilà, c'est sûrement ça."
22:00 Ce qui a changé les choses, c'est sa rencontre avec Laetitia il y a 3 ans.
22:06 Directrice des ressources humaines, elle gagne 3 fois son salaire.
22:12 Au début de leur relation, Laetitia sentait bien que son homme était mal à l'aise avec ça.
22:17 Le couple en a beaucoup parlé, et les choses sont devenues plus fluides.
22:22 "Je pense que Anthony a fait un travail pour sortir un peu de ce cliché là où il fallait qu'il assume, qu'il soit un peu l'homme."
22:30 "Et moi j'ai fait un travail pour le mettre à l'aise par rapport à ça et lui dire, on s'en fout de qui paye, c'est toi, c'est moi, au final, c'est notre argent."
22:40 "C'est pas parce qu'elle gagne plus que moi qu'elle a plus de droits sur moi, ou non."
22:49 "Je pense qu'une femme n'est pas dans cette recherche là, forcément, de pouvoir parce qu'elle ramène plus à la maison, alors que l'homme, en termes de virilité, etc., l'économique et la virilité c'est plus lié que chez une femme, en tout cas chez moi."
23:04 "Est-ce que ça signifie pour autant qu'un homme qui gagne moins a moins de virilité ou se sent comme tel ?"
23:10 "Non, non, non, moi je ne me... j'ai pas de baisse de virilité ou quoi que ce soit, non, je suis toujours le même, je me sens pas moins homme parce que je me suis mis en congé parental, ça c'est sûr que non."
23:27 Et Laetitia, elle, se sent-elle moins mère ?
23:33 Reprendre le travail après son congé maternité lui a coûté, mais elle a trouvé aujourd'hui son équilibre.
23:41 Le lendemain matin, nous la retrouvons à 6h20 à la gare, pour une journée qui s'arrêtera à 20h.
23:49 Toucher un salaire de 4000 euros par mois, avec un conjoint qui en gagne presque trois fois moins, n'est-ce pas parfois trop lourd à porter ?
23:59 "C'est une pression parce qu'on sait que c'est sur ses épaules que repose un peu l'équilibre économique de la famille, en termes de niveau de vie, en termes de ce qu'on pourrait se permettre ou pas d'ailleurs."
24:10 "L'avantage c'est que moi je peux vivre aussi ma carrière plus sereinement parce que je sais que derrière j'ai un papa qui assure avec sa fille."
24:25 Laetitia trace son chemin sereinement avec une répartition des tâches bien définie. Un équilibre que beaucoup de femmes ont du mal à trouver.
24:34 Même quand elles mènent leur carrière tambour battant, les femmes gèrent bien souvent tout le reste.
24:41 Après un sévère burn-out, Véronique Julienne se reconstruit grâce au sport.
24:46 "Il y a 10 ans j'en faisais absolument pas, je prenais absolument pas de temps pour moi."
24:52 Pour cause, elle était sans cesse sous pression. Diplômée d'HEC, directrice générale d'une grande entreprise internationale mais aussi mère de 4 enfants.
25:01 Sur le papier, une réussite exemplaire. A l'époque, elle gagne plus que son mari mais veut aussi être une mère parfaite.
25:11 "La culpabilité que j'avais c'était le week-end de ne pas avoir l'énergie de faire plein de choses avec eux, de les sortir.
25:22 Alors je les sortais évidemment mais plutôt dans la forêt ou se promener mais je me disais je pourrais les emmener visiter des shows, des musées, des expos, des châteaux.
25:33 J'avais cette espèce de mythe de la maman qui en plus de les élever, les cultive et j'avais pas l'énergie.
25:41 Donc je me sentais coupable de ça, de ne pas jouer avec eux le soir quand je rentrais parce que j'étais crevée."
25:49 "Vous le détiez quoi ? Vous vouliez être une super-woman, une super-maman ?"
25:54 "Oui, oui, oui. Alors je pense que j'ai été élevée comme ça. Ensuite que c'est mon tempérament de vouloir réussir ce que j'entreprends et de mettre la barre un peu trop haut."
26:06 Résultat, un burn-out à 46 ans. Depuis, les enfants ont grandi. Véronique est devenue coach pour dirigeant d'entreprise.
26:15 Elle reste dans l'esprit de Pierre, son fils, une super-maman.
26:20 "Mais déjà, elle avait plein de projets, elle était toujours à droite à gauche et pourtant elle prenait quand même du temps pour nous.
26:24 Et ça que j'admirais en fait c'est qu'elle était à la fois au travail, plutôt impliquée au travail que dans la vie de famille.
26:29 Et ce que je trouvais vraiment déjà incroyable. J'étais fier."
26:33 Aujourd'hui encore, les mères passent deux fois et demi plus de temps à effectuer des tâches domestiques que les pères.
26:40 Avec le recul, Véronique analyse ses propres erreurs. Avoir voulu tout porter, seule.
26:47 "Moi je ne disais rien en fait. Je ne réclamais rien. J'assumais.
26:52 Et peut-être que d'une certaine façon ça me convenait parce que j'avais cette envie d'être superwoman aussi.
27:01 Donc peut-être que ça m'arrangeait d'un certain sens.
27:04 Et je crois que parfois les femmes ne laissent pas non plus la place.
27:09 Donc elles ont beau jeu de dire "il ne fait pas grand chose" mais je ne lui laisse pas complètement la place."
27:16 Mais les jeunes hommes sont aujourd'hui face à une génération de femmes qui osent, qui prennent la parole, qui demandent.
27:22 Dans une tour du quartier de la Défense,
27:26 Emmanuelle Duez est attendue.
27:30 Égérie de la génération Y, elle donne une conférence sur ses trentenaires hyperconnectées.
27:36 Face à elle, des jeunes consultants d'un grand cabinet d'audit.
27:41 Elle a mené une étude dans 70 pays intitulée "Dans les yeux des hommes".
27:46 Elle a demandé à 3 000 trentenaires de définir leur vision de la femme.
27:51 "Quand on demande à des jeunes hommes "pour toi la femme, elle est...", ils nous ont dit "elle est forte, elle est puissante, elle est nécessaire".
27:58 C'est intéressant parce que le regard qu'ils portent sur la femme a considérablement changé.
28:02 Elle est forte, elle est puissante, elle est nécessaire.
28:05 Ce sont des mots qu'on aurait pu qualifier de virils.
28:09 Elle est gentillette, elle est douce et elle est aimante.
28:11 Fini le temps des preux chevaliers, les hommes nouvelle génération ont accepté de rendre les armes.
28:17 Mais cela ne va pas sans un certain désarroi.
28:20 Moi la chose qui me touche, c'est qu'aujourd'hui nous, nous, en tant que garçons, en tant que hommes,
28:26 on a envie de vivre avec des femmes libres, contentes d'être femmes,
28:30 contentes de pouvoir prendre leur indépendance totalement.
28:33 La question est de savoir quelle place nous on prend derrière ça.
28:38 Et c'est ça ce qui est compliqué parce que d'un côté on nous dit "il faut vous laisser vivre comme ci, comme ça".
28:43 Mais à côté on se dit "le pot de confiture c'est moi qui vais l'ouvrir quand même".
28:47 Et c'est cette éducation là qui est compliquée et moi la question que j'ai envie de poser c'est
28:51 comment on fait pour passer ce que nos parents y sont passés de "accepte la femme telle qu'elle est, forte comme vous l'avez dit".
28:58 Mais par contre comment on fait pour récupérer notre place de garçon ?
29:02 On est face là à une génération de femmes qui a créé son histoire et une génération d'hommes
29:07 un peu "lost in transition".
29:09 Complètement en transition.
29:11 Bref, le conte de fées est à réécrire.
29:15 Je crois que des femmes qui attendent le prince charmant avec une belle voiture et un gros canton banque,
29:21 ça a toujours existé et ça existe encore dans nos générations évidemment.
29:24 Par contre je pense que le réflexe il a existé un jour de se dire "je vais être avec un homme qui gagne plus pour m'assurer de la sécurité".
29:31 Il est de moins en moins vrai.
29:34 Pour une raison très simple en fait on est face à une génération qui est éduquée,
29:37 de femmes qui est plus éduquée que la génération de garçons.
29:39 Quand on est éduquée c'est la clé de la liberté, c'est la clé pour monter des boîtes,
29:43 c'est la clé de trajectoire professionnelle, c'est la clé d'ambition.
29:47 Et je pense que ça change le rapport à l'autre et ça change le rapport à l'homme.
29:51 Demain, Cendrillon n'aura plus besoin du prince charmant.
29:58 Pour faire fortune, elle montera une boîte avec ses copines.
30:03 Et les hommes devront trouver leur place auprès de ces nouvelles conquérantes.
30:08 ♪ ♪ ♪