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00:00 je ne connaîtrais pas mes enfants, je ne connaîtrais pas les siens.
00:02 On voulait aller à New York, tu vois, c'est bête,
00:04 mais du coup, je n'y suis jamais allée parce que je n'ai pas envie d'y aller sans elle.
00:06 Elle avait un rêve, c'est qu'elle voulait vraiment devenir écrivain.
00:08 Elle avait travaillé pour devenir écrivain depuis des années,
00:11 que je la voyais tout écrire, se donner du mal.
00:13 Ses harcèleurs, au-delà de lui avoir pris tout ce qu'elle avait et sa vie,
00:17 lui empêchaient d'accomplir son rêve.
00:19 Le harcèlement scolaire de ma petite sœur,
00:20 il a commencé quand elle est rentrée en 6e.
00:22 C'est un harcèlement qui a commencé de manière relativement discrète, dans le sens où c'était surtout une fille de sa classe qui se moquait parce qu'elle avait des lunettes.
00:30 Et elle ne riposte pas, elle encaisse.
00:32 Forcément, ça dérive sur un peu toute son identité.
00:35 Le fait qu'on ait des cheveux bouclés, donc forcément, ça ne se porte pas forcément très bien,
00:39 donc il y a toujours quelque chose à redire, c'est la mouton.
00:41 Puis c'est le début d'Internet aussi.
00:43 À l'époque, il y avait plutôt MSN, mais c'est un peu l'équivalent des réseaux sociaux qu'on a encore aujourd'hui.
00:48 Et donc, il y a déjà des photos avec des commentaires.
00:50 Et il y a un moment où les élèves se rendent compte qu'elle est lesbienne.
00:53 Et donc, le harcèlement scolaire, il prend une certaine ampleur.
00:55 Ses copines ne veulent pas forcément rester avec elle.
00:57 Je pense qu'elles avaient peur sûrement d'être aussi exclues, d'être aussi victimes du groupe.
01:02 Ma sœur et moi, on était quand même très proches.
01:04 On a grandi ensemble dans une jolie maison.
01:07 On a eu une enfance très heureuse.
01:08 Quand je suis partie à l'étranger pour mes études, on se voyait moins souvent, mais on se voyait quand même assez régulièrement.
01:12 Et franchement, quand on voyait, ça allait bien.
01:14 On partait en vacances à Paris ou en Europe ou juste on restait à Toulouse.
01:18 Moi, j'aurais l'impression qu'on était proches et qu'on n'avait pas de difficultés particulières dans la vie.
01:24 Parce que quand on parlait de nos problèmes, on parlait des petits tracas du quotidien,
01:27 mais il n'y avait pas de vrais sujets.
01:29 Et c'est vrai que son harcèlement scolaire, elle n'en a jamais parlé.
01:32 Moi, on n'avait pas appris parce qu'il n'y avait pas eu beaucoup de sensibilisation sur ce sujet-là,
01:36 que quelqu'un qui a l'air d'aller bien peut aller mal à l'intérieur.
01:39 Quand tu ne l'as pas vécu, tu as l'impression que des moqueries, entre guillemets, ça ne peut pas être très grave.
01:44 Et tu ne te rends pas forcément compte que si c'est au quotidien,
01:47 que tu as tout un groupe qui se moque de toi, de ton identité, tous les jours,
01:51 en fait, ça t'empêche de te construire.
01:53 Un harcèlement scolaire qui commence en sixième jusqu'en terminale,
01:57 ça dure pendant tellement longtemps qu'en fait, forcément, ça laisse des séquelles.
02:00 Elle se sent blessée, elle n'arrive plus à sortir de chez elle, elle a des phobies,
02:04 elle n'arrive plus à suivre une scolarité normale.
02:05 Donc, elle est obligée d'avoir, par exemple, des examens qui sont avec un temps adapté
02:08 parce qu'elle a peur, donc elle ne peut pas se concentrer.
02:11 Quand elle est décédée, elle avait 21 ans.
02:13 Donc, ça faisait trois ans que le harcèlement scolaire s'était arrêté
02:15 et ça faisait trois ans qu'elle essayait de se reconstruire.
02:17 Je l'ai appris alors que j'étais à Singapour.
02:19 C'était le jour de mon anniversaire.
02:22 Je pensais qu'on allait avoir un appel tous ensemble au téléphone
02:24 parce que c'est ce qu'on fait d'habitude.
02:26 Tu te dis, on me dit ça, mais en fait, ce n'est pas possible que ce soit vrai.
02:29 Ce n'est pas possible parce que je l'ai vu il n'y a pas longtemps,
02:30 parce qu'elle allait bien, parce qu'on s'est parlé, parce qu'il n'y a aucune raison.
02:34 C'est après, quand il y a eu l'enterrement, que j'ai vu que c'est terminé.
02:37 Le harcèlement scolaire, malheureusement, s'amène à ça assez régulièrement.
02:42 Pour moi, le harcèlement scolaire, c'est un problème systémique
02:44 dans le sens où s'il y a une victime de harcèlement scolaire comme ça,
02:47 qui signale en sixième ou en cinquième aux infirmières, aux professeurs
02:51 qu'ils sont en train de vivre un harcèlement,
02:53 on ne devrait pas arriver dans des situations
02:56 où la même personne arrive à 21 ans et n'a pas su recevoir de l'aide.
03:00 J'ai énormément de jeunes qui m'écrivent en me disant
03:03 qu'ils ont fait des tentatives de suicide
03:05 et que malheureusement, ils ne sont pas capables d'en parler à leur famille
03:08 parce qu'ils ont peur d'être jugés, parce qu'ils ont peur d'inquiéter.
03:10 Il y a beaucoup de jeunes aujourd'hui qui savent pas
03:12 qu'on peut aller voir un psychologue gratuitement en France et que c'est anonyme.
03:16 Tu es isolé, en fait, tu es isolé tout seul avec ton harcèlement
03:18 et tu ne sais même pas qu'il y a des dispositifs qui existent pour t'aider.
03:21 Je pense que c'est un travail extrêmement difficile, mais possible,
03:24 de se reconstruire après avoir vécu ça.
03:26 Et c'est pour ça que c'est important d'arrêter le harcèlement scolaire
03:28 quand il commence en sixième
03:29 et pas de laisser comme ça quelque chose qui continue indéfiniment.
03:33 C'est poser la question à vos proches.
03:34 C'est impossible de le savoir si on ne pose pas la question.
03:37 Est-ce que tu as vécu un harcèlement scolaire ?
03:38 Est-ce qu'il y a des personnes autour de toi qui sont en train de le vivre ?
03:41 Est-ce que quand tu étais plus jeune, tu as reçu des remarques qui t'ont blessé ?
03:44 Est-ce que tu as envie qu'on en parle ?
03:45 Juste ça, en fait, ça peut tout changer.