Depuis la pandémie, Disney est en baisse de régime, avec des résultats artistiques et commerciaux si inquiétants que la crise semble sans précédent. Mais la compagnie aux grandes oreilles a toujours traversé des zones de turbulence, comme il y a encore peu, au début des années 2000 avec une suite d'échecs et sorties anecdotiques parmi lesquelles se range malheureusement La Planète au trésor. Ce film d'animation sorti en 2002 est pourtant un des plus ambitieux de cette période maudite, mais Disney et l'univers se sont ligués contre lui, si bien que le projet semblait voué à son triste échec, comme l'explique Déborah Lechner.
00:00 Introduction
01:48 Le crash de La Planète au Trésor au box-office
03:17 La genèse de La Planète au Trésor
11:00 Pourquoi Disney a arrêté l'animation 2D
14:08 Les richesses et défauts de la Planète au Trésor
17:37 Les raisons de ce naufrage
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Court métrageTranscription
00:00 Salut tout le monde, c'est Déborah !
00:01 Le doigt dans le culte, au-delà d'être un jeu de mots d'un raffinement inégalé,
00:04 c'est surtout l'occasion pour nous de parler de nos obsessions, de ce qui nous passionne
00:08 et de tout ce dont on ne peut plus parler avec nos proches sans frôler le harcèlement.
00:11 Donc, après celui où je revenais sur Cliffhanger, la carrière chanfiante de Stallone
00:15 et les mutations du cinéma d'action hollywoodien dans les années 80 et 90,
00:19 je me suis naturellement tournée vers un autre pan du 7ème art et de l'industrie qui me fascine,
00:23 le cinéma d'animation et plus précisément l'Empire Disney dont on va encore explorer quelques failles.
00:28 Là comme ça on dirait pas hein, mais y'a un rapport et même une continuité entre les deux sujets.
00:32 Si on devait faire une comparaison aussi improbable soit-elle, Disney, bah c'est un peu comme Stallone.
00:37 Les deux sont devenus des marques à qui on doit des oeuvres majeures de la culture populaire,
00:41 mais à qui on a quand même envie de dire stop parce que c'était vraiment mieux avant.
00:44 Stop, stop, stop. Tu vas finir par crever un oeil à quelqu'un.
00:48 Mais comme pour Stallone et promis après j'arrête avec cette comparaison,
00:51 même si le point de nos retours semble avoir été franchi depuis peu,
00:54 ce n'est pas la première fois que Disney traverse une crise commerciale, managériale et identitaire.
00:59 Ça a notamment été le cas pendant la seconde guerre mondiale, pour des raisons évidentes,
01:03 mais aussi au début des années 70, après la mort de Walt Disney,
01:06 puis dans les années 80 avec la guerre financière et familiale qui a un peu plus fragilisé la compagnie.
01:11 Plus récemment encore, il y a eu le gros passage à vie du début des années 2000,
01:15 qui n'est d'ailleurs pas sans rappeler celui que traverse l'entreprise actuellement.
01:19 Et malheureusement, chaque crise a causé des dommages collatéraux.
01:22 Dernièrement, il y a eu la défaite sans précédent d'Avalonia,
01:25 qui s'explique en partie par les mauvaises décisions de Disney ces dernières années,
01:28 ou avant ça, en 1985, l'échec de Taram et le Chaudron Magique,
01:32 qui a été miné par une production des Enfers et un conflit interne de succession.
01:36 Mais il y a une balle perdue que je trouve encore plus cruelle et injuste que les autres,
01:41 c'est celle que s'est prise en plein cœur La Planète aux Trésors,
01:44 réalisée par John Musker et Ron Clements.
01:46 *Générique*
01:56 J'aime penser que depuis qu'il est sorti en 2002, le film a été redécouvert
02:00 et a fini par trouver son public et ses fans,
02:03 comme ça a été le cas pour d'autres flops qui ont été réhabilités avec le temps,
02:06 Alice au Pays des Merveilles par exemple.
02:07 Mais on risque encore de se souvenir longtemps de La Planète aux Trésors
02:11 comme l'un des plus gros crash de Disney au box-office.
02:14 Et le genre de crash bien moche qui laisse aucun survivant.
02:17 *Générique*
02:20 Avec son budget de 140 millions de dollars hors marketing et inflation,
02:24 c'était à ce moment-là le film d'animation le plus cher jamais produit
02:27 et ça reste encore aujourd'hui le film d'animation en 2D qui a coûté le plus d'argent.
02:31 Et ce ne serait pas aussi embarrassant s'il n'avait pas rapporté que 110 millions de dollars dans le monde,
02:35 dont 38 millions à domicile, et mis en pause la carrière de ses deux réalisateurs à cause de son échec.
02:40 Autant dire que le monde n'en a rien eu à faire de la sortie de La Planète aux Trésors,
02:44 sauf peut-être en France où il a plutôt bien fonctionné avec presque 3 millions d'entrées.
02:47 Alors pourquoi le film a été boudé à ce point ?
02:50 Comment un projet aussi fou et ambitieux que ça a pu tomber aussi bas ?
02:53 Évidemment les raisons sont multiples,
02:56 mais c'est bien le contexte dans lequel se trouvait Disney au moment de la production et de la sortie du film
03:00 qui l'a condamné, un peu comme un mauvais alignement d'étoiles.
03:03 Et c'est d'autant plus pervers comme situation
03:05 que La Planète aux Trésors n'aurait jamais pu porter ses enjeux visuels et thématiques
03:09 s'il n'avait pas été retardé pendant presque 10 ans.
03:11 Mais de l'autre côté, il ne se serait certainement pas autant craché
03:14 s'il n'avait pas été retardé jusqu'au début des années 2000.
03:17 En fait, La Planète aux Trésors est un projet qui a germé chez Disney début 1985
03:22 et qui, tout au long de son développement et de sa production,
03:24 a été impacté par les mutations de la compagnie et plus largement des mutations de l'industrie.
03:29 Tout a donc commencé au milieu des années 80,
03:32 à un moment où le studio était encore en mauvaise place, aussi bien créative que financière.
03:36 Les films d'animation avaient de plus en plus de mal à convaincre, et donc à rapporter d'argent,
03:40 les parcs à thème ne ramenaient pas assez de visiteurs pour éponger les pertes,
03:43 et deux ans auparavant, Disney Channel avait été un gros investissement qui devait encore être rentabilisé.
03:48 C'est donc à ce moment bien tendu qu'ont débarqué, non sans encombre,
03:52 le nouveau directeur général de l'entreprise, Michael Eisner,
03:55 et celui qu'il a nommé président de Walt Disney Pictures, Jeffrey Kasenberg.
03:59 Roy E. Disney, le neveu de Walt Disney, est quant à lui arrivé au poste de directeur du département d'animation.
04:04 C'est dans ce contexte de transition et de crise structurelle qu'ont été mis en place les Gong Shows,
04:09 qui étaient en fait des réunions créatives avec plusieurs réalisateurs et scénaristes
04:12 qui pitchaient des idées de films, parfois de façon très sommaire et superficielle,
04:16 avec seulement un dessin ou juste une phrase pour résumer l'histoire.
04:19 Si l'idée plaisait, elle était très vite validée,
04:22 le but étant de rapidement trouver de nouvelles impulsions pour sortir le studio de sa léthargie.
04:26 C'est donc durant un des premiers Gong Shows, début 85,
04:29 que Ron Clements, qui avait précédemment travaillé comme animateur sur Winnie l'Ourson et le Tigre Fou,
04:33 Bernard et Bianca et Rox et Rookie, a présenté ses meilleures idées,
04:36 la première étant une adaptation de La Petite Sirène, et la seconde,
04:40 une adaptation du roman L'île au Trésor mais dans l'espace.
04:43 Une idée qu'il avait apparemment en tête depuis qu'il était tout gamin
04:45 et que Star Wars a crédibilisé dès 77.
04:48 Sa première proposition a donc été retenue, et c'est devenu La Petite Sirène qu'on connaît,
04:52 soit le film d'animation qui a marqué la renaissance et le second âge d'or de Disney,
04:56 tout en trouvant une nouvelle recette plus proche des comédies musicales de Broadway,
04:59 dans la continuité des scènes chantées qui existaient déjà depuis Blanche Neige et les Sept Nains.
05:03 Comme le racontaient les deux réalisateurs, peu de temps après le lancement de La Petite Sirène,
05:07 le producteur Charlie Fink a approché Ron Clemens pour lui demander
05:10 s'il n'aurait pas par hasard en tête des histoires avec des pirates et de la science-fiction.
05:13 En plus de tomber à pic, vu qu'il avait déjà rédigé un traitement de deux pages
05:16 sur son idée de L'île au Trésor dans l'espace,
05:18 cette demande n'était d'après lui pas sans rapport avec le fait
05:21 qu'avant d'être engagé chez Disney, Michael Eisner et Jeffrey Kassenberg
05:24 travaillaient à la Paramount qui avait lancé Star Trek au cinéma.
05:27 Et il se racontait même que l'histoire du prochain Star Trek IV
05:30 serait grosso modo une adaptation de L'île au Trésor dans l'espace.
05:33 Bon, soit les sources étaient vraiment pas fiables,
05:36 soit le scénario a bien changé en cours de route,
05:38 puisque Star Trek IV, bah ça parle plutôt de voyage dans le temps
05:40 et de sauvetage de baleines à bosse sur Terre.
05:42 L'idée de Ron Clemens a donc continué à faire son bonhomme de chemin dans les couloirs de Disney,
05:46 mais sans vraiment être validé, puisque la condition pour qu'il travaille dessus,
05:49 c'était qu'il se lance d'abord sur un autre film.
05:51 À la place, ils ont donc pitché Aladdin, qui a été validé.
05:54 Et ça se comprend facilement, puisqu'en comparaison à un space opéra animé,
05:58 c'était un projet beaucoup plus sûr pour Disney.
06:00 Après le succès de La Petite Sirène, il fallait rester dans le même carcan,
06:03 donc un conte de fées ou une histoire populaire,
06:05 une romance à la Roméo et Juliette et des chansons qui restent en tête.
06:08 On a retrouvé ce modèle avec La Belle et la Bête, Aladdin donc,
06:12 puis ensuite Le Roi Lion, qui a atteint des sommets,
06:14 et reste aujourd'hui encore un sinon le Disney le plus adoré du public,
06:18 même s'il faut que je vous avoue que j'ai jamais vraiment compris pourquoi.
06:21 J'ai juste senti ton regard !
06:25 C'est ma hot take !
06:26 J'espère vraiment ne pas être la seule à vivre avec cette incompréhension.
06:29 Dites-moi en commentaire si vous pensez exactement la même chose.
06:31 Pendant la production d'Aladdin, les réalisateurs ont cependant fait une rencontre importante,
06:35 celle de deux scénaristes, Terry Rossio et Chris Elliott,
06:38 qui eux pour le coup étaient plutôt emballés par l'idée de faire un film de pirates animés.
06:42 Ils ont donc commencé à travailler de façon plus ou moins informelle
06:45 sur ce qui deviendra plus tard La Planète aux Trésors.
06:47 Peut-être que vous les connaissez déjà, mais ce sont aussi eux
06:49 qui ont écrit le premier Pirates des Caraïbes pour Disney,
06:52 qui est sorti un an après La Planète aux Trésors,
06:54 à lever la malédiction qui pesait sur les pirates à Hollywood
06:57 depuis le naufrage de l'île aux pirates en 95,
06:59 en plus de ramasser un sacré butin.
07:01 Soit tout ce que n'a pas fait La Planète aux Trésors.
07:03 Évidemment, on sait que La Planète aux Trésors n'a pas été le prochain film
07:06 de Ron Clements et John Musker.
07:08 D'après ce dernier, Jeffrey Katzenberg avait de plus en plus de réserve sur le projet
07:12 et avait tout l'air de vouloir le laisser de côté.
07:14 Pendant la campagne promotionnelle d'Aladdin,
07:15 les deux réalisateurs ont eu une réunion avec Jeffrey Katzenberg,
07:18 qui ne leur aurait pas dit un mot sur le projet de La Planète aux Trésors,
07:22 ce qui a particulièrement agacé les deux réalisateurs.
07:24 Mais c'était pas la dimension science-fiction qui freinait Katzenberg,
07:27 puisqu'il leur a plutôt suggéré une adaptation d'Une princesse de Mars,
07:30 le roman d'Edgar Hightbrow, qui fait partie de son très culte Cycle de Mars.
07:34 On sait que c'est pas ce projet-là qui a été retenu,
07:36 mais ironiquement, l'oeuvre a quand même fini par être adaptée par Disney en 2012
07:40 dans le film en live-action John Carter,
07:42 qui a été un énorme raté pour la compagnie,
07:45 qui leur aurait fait perdre près de 200 millions de dollars
07:47 et qui est encore aujourd'hui régulièrement cité parmi les plus gros flops commerciaux de tous les temps.
07:51 Comme quoi, s'il fallait vraiment un exemple de plus,
07:53 Disney n'a pas attendu cette nouvelle décennie pour se casser violemment la gueule au box-office.
07:58 L'idée de Katzenberg était donc de rester sur des bases communes avec La Petite Sirène,
08:01 c'est pourquoi il leur a proposé comme compromis une histoire à la Roméo et Juliette mais dans l'espace,
08:06 ce qui, d'après ses dires, a énormément énervé Ron Clements,
08:10 qui aurait même haussé le ton contre Katzenberg et ses idées obtues, pour rester poli.
08:14 Et donc, rebelote, le projet n'a pas été refusé,
08:17 mais plutôt laissé de côté le temps que les réalisateurs sortent un autre film.
08:20 Ils ont donc pitché une adaptation du mythe grec d'Hercule, qui est sorti en 97.
08:25 Sauf que quand Hercule est sorti, la situation avait bien changé entre temps.
08:28 En 1994, déçu de ne pas avoir été nommé pour prendre la succession de Frank Wells,
08:33 l'ancien président de Disney et directeur des opérations qui venait de décéder dans un accident d'hélicoptère,
08:37 Jeffrey Katzenberg a tout simplement claqué la porte du studio, après avoir voulu porter l'affaire en justice.
08:43 C'est donc plein d'amertume et avec un certain sentiment revanchard
08:46 qu'il est parti fonder son propre studio d'animation, Dreamworks, avec Steven Spielberg et David Gaffen.
08:51 Et cette concurrence non prévue a dû causer quelques belles insomnies à Michael Eisner et Roy E. Disney,
08:56 qui avaient peur que leurs animateurs soient courtisés et puissent partir chez Dreamworks.
09:00 Parce que même si ça remontait déjà à pas mal d'années,
09:02 la compagnie devait encore avoir en tête le départ de Don Bluth à la fin des années 70,
09:06 qui avait emporté avec lui une dizaine d'animateurs très talentueux,
09:09 dont Gary Goldman et John Pembroid, pour lui aussi fonder son propre studio, Don Bluth Production,
09:15 ce qui a cassé la situation de quasi-monopole de Disney.
09:17 Donc même si la guerre a officiellement commencé avec la sortie parallèle de Fourmise et Mille et Une Pâtes en 98,
09:23 la compétition faisait déjà rage des années plus tôt.
09:26 Pour s'assurer de garder ses effectifs en place,
09:28 Michael Eisner a en quelque sorte brossé ses équipes dans le sens du poil.
09:31 Même s'il n'avait suivi que de loin, voire de très loin, les discussions sur la planète au trésor,
09:36 il savait que Ron Clements et John Musker avaient à cœur ce projet.
09:39 L'assurance que le film serait bel et bien développé a donc grandement joué dans le fait que Ron Clements et John Musker
09:44 aient reconduit leur contrat avec Disney en 96.
09:47 En plus de ça, pour rester le plus compétitif et attractif possible,
09:50 Disney a augmenté la plupart des salaires de ses employés, donc ceux des deux réalisateurs aussi.
09:54 Débarrassé des doutes et des errements de Katzenberg,
09:56 la première phase de développement a donc pu commencer aux alentours de 1998.
10:01 Comme pour de nombreux films d'animation traditionnels,
10:03 cette phase est généralement longue mais importante
10:05 puisqu'elle permet de tracer les grandes lignes narratives et esthétiques du film.
10:09 Durant ces deux ans, l'équipe a ainsi rassemblé près de 15 000 dessins préparatoires sur tous les personnages et les décors.
10:14 Bref, le vent avait à priori tourné en leur faveur et le projet allait enfin se concrétiser,
10:19 même si, en y regardant plus près, tout n'était pas si rose que ça,
10:23 encore moins au moment où la production a réellement commencé en 2000.
10:26 En fait, à la fin des années 80, le studio s'était vite remis à flot avec La Petite Sirène
10:30 mais ensuite atteint une sorte de plafond de verre dès 1994 avec Le Roi Lion.
10:34 En plus de ça, en augmentant les salaires, les coûts ont fatalement augmenté pour chaque film.
10:39 À côté de ça, Pocahontas n'a pas été le succès attendu,
10:41 pareil pour Le Bossu de Notre-Dame et Hercule.
10:44 Donc, dès 1999, pour rééquilibrer la balance,
10:47 Thomas Schumacher, le nouveau directeur des productions cinématographiques animées,
10:51 a donc commencé à revoir à la baisse les salaires en plus de réduire les effectifs qui avaient gonflé quelques années auparavant.
10:57 Il s'agissait alors de passer de 2200 employés à environ 1200.
11:00 De ce qu'en raconte Ron Clements, la dernière année de production de La Planète au Trésor a donc été la plus déprimante et stressante
11:06 car, en plus de voir le studio faire son grand ménage de printemps,
11:09 Disney était en train de décider de mettre à l'arrêt les productions en 2D traditionnelles, donc majoritairement dessinées à la main.
11:15 Et il y a plusieurs raisons à ça, la première étant que Pixar avait bouleversé dès 1995 le paysage cinématographique avec Toy Story
11:22 "On n'arrête pas le progrès !"
11:23 avant que DreamWorks se lance aussi avec Fourmise.
11:26 C'était donc un progrès technologique auquel il fallait s'adapter pour ne pas devenir obsolète.
11:31 L'autre raison, plus pragmatique,
11:33 c'est que les films en animation traditionnelle étaient en comparaison plus longs et plus chers à produire.
11:38 L'écart s'est depuis comblé, mais par exemple, en 1995, le premier Toy Story avait coûté seulement 30 millions de dollars
11:44 et Pocahontas, qui est sorti la même année, en avait coûté 55 millions.
11:47 En 1998, Mille et Une Pâtes était 45 millions de dollars et Mulan, un peu plus de 90.
11:53 Donc l'intérêt de passer à des productions entièrement en images de synthèse était aussi là.
11:57 En plus de ça, les sorties très tièdes de Cusco et de l'Atlantide, l'Empire perdu, n'ont pas tellement plaidé en la faveur de la 2D.
12:03 Donc d'après Ron Clements, le studio avait déjà fait une croix sur l'animation traditionnelle quand La Planète au Trésor était encore en production.
12:09 Les départements consacrés à la 2D étaient en train d'être vidés
12:13 et une grande part des animateurs qui travaillaient sur La Planète au Trésor savait qu'ils quitteraient l'entreprise juste après, de gré ou de force.
12:19 Au final, Frères des ours et La Ferme se Rebelle, qui avaient déjà été commandés, ont bien été les derniers films en 2D de Disney
12:24 qui, de 2005, est passé au tout 3D avec Chicken Little.
12:28 Donne-moi une seule chance, rien qu'une.
12:30 Non.
12:31 Et ailleurs aussi, la 3D était en train de devenir une norme, par exemple chez Blue Sky avec le premier L'Âge de Glace, sorti lui aussi en 2002,
12:38 ou chez Dreamworks avec le succès démentiel du premier Shrek.
12:41 Et c'est vraiment cruel, parce que le film a clairement été invisibilisé, parce qu'il s'inscrit dans une période de creux et qu'il n'a pas fait le poids face aux productions 3D.
12:48 Et le fait que La Planète au Trésor n'ait pas laissé de traces ni d'empreintes dans l'imagerie de Disney,
12:53 ça s'inscrit dans le contexte plus global du début des années 2000, qui est donc une ère d'expérimentation technologique et thématique,
12:59 comme on l'a vu par exemple avec Dinosaure, qui ne ressemblait à rien de ce qu'avait déjà pu faire Disney.
13:04 Et qu'on parle de Dinosaure, de L'Attenté de l'Empire perdu, ou Frères des ours, que par ailleurs j'aime beaucoup,
13:09 ou même de La Ferme se rebelle ou de Chicken Little et bien vu chez les Robinson,
13:12 la plupart de ces films sortis dans les années 2000 sont des classiques laissés pour compte,
13:16 ceux que les gens sont le plus susceptibles de ne pas avoir vu et qui se retrouvent généralement à la fin des classements.
13:21 Ils n'ont par exemple pas eu l'aura ravageuse de La Reine des Neiges ou Réponse, qui sont très vite devenus de nouvelles icônes dès la décennie suivante.
13:28 On pourrait d'ailleurs citer Lilo et Stitch comme seuls contre-exemples et donc comme exceptions qui confirment la règle,
13:33 étant donné tous les projets dérivés qu'il y a eu après, principalement des suites et une série,
13:37 sans oublier la suprématie de Stitch dans tous les Disney Stores du monde,
13:41 la création de cette affreuse petite extraterrestre, ayant été un coup marketing de génie.
13:49 Clairement je pars du principe que les fans de Disney ont forcément eu un objet dérivé de Lilo et Stitch à un moment dans leur vie,
13:55 sinon prouvez-moi que j'ai tort.
13:56 Mais bon, on va pas pleurer parce que tout le monde a oublié La Ferme se Rebelle et Bienvenue chez les Robinson.
14:00 Même si non rien de catastrophique, ils sont clairement en deçà de ce qu'on peut attendre d'un classique Disney.
14:05 Et on peut juste pas mettre La Planète aux Trésors dans le même panier qu'eux.
14:08 Vraiment, ça mise sous le tapis est tellement un crève-cœur du fait de sa richesse et surtout de sa singularité.
14:13 Parce que l'idée en elle-même était complètement folle et super ambitieuse, en tout cas plus qu'une histoire de vache chasseuse de primes.
14:20 On parle quand même d'une adaptation animée de L'Île aux Trésors, donc le roman de Robert Louis Stevenson,
14:25 mais dans l'espace, avec une esthétique steampunk et des influences fantastiques.
14:29 En plus de ça, le film a voulu faire un pas de côté par rapport à la plupart des productions Disney,
14:32 en visant spécifiquement un public d'adolescents et de pré-adolescents, et pas la tranche d'âge inférieur comme à l'ordinaire.
14:38 La Planète aux Trésors n'est donc ni une histoire d'amour, ni une comédie musicale.
14:42 La toile de fond est plus chargée, l'action est plus galvanisante et les personnages sont plus ambivalents.
14:47 Surtout Jim, qui est moins solaire et plus désagréable que ce qu'on pourrait attendre d'un héros de film d'animation,
14:51 et John Silver, qui tient plus de l'anti-héros que du grand méchant.
14:55 On a aussi cette belle relation entre les deux personnages, plus complexe et déchirante,
14:59 et une fin presque moralement ambiguë par rapport à la dichotomie habituelle entre le bien et le mal chez Disney.
15:04 Pour autant, tout n'est pas parfait, et il y a un reproche qui est ressorti plus que les autres,
15:08 qui est que La Planète aux Trésors n'échappe pas à l'entre-deux bâtard dans lequel tombent souvent les films d'animation
15:13 qui veulent toucher un public légèrement plus mature que les enfants.
15:16 On peut donc y reprocher de ne pas suffisamment s'écarter du goût l'enfantin de Disney,
15:20 que ce soit avec son humour parfois immature,
15:23 *bruit de pet*
15:25 *bruit de pet*
15:26 ses personnages secondaires plus pénibles que comiques,
15:28 *j'ai perdu la mémoire*
15:30 sa mascotte un peu inutile qui baragouine,
15:32 ou sa fameuse chanson "Un homme au libre" en VF,
15:34 qui sert de support narratif et d'aération au récit,
15:37 et même si la musique est bien, elle est clairement pas assez pour justifier de se farcir David Hallyday au casting vocal.
15:42 Tiens, mange-toi ça David !
15:43 *musique*
15:47 Malgré ce manque d'équilibre, La planète au trésor reste quand même une proposition forte et surtout originale,
15:52 même si en 87 il y avait déjà eu une mini-série italienne en live-action sur le même principe,
15:56 et en 82 un film d'animation bulgare qui s'appelle Treasure Planet en anglais,
16:00 et qui s'appelle...
16:01 comme ça, en VO parce que je vais clairement pas me brisquer à le prononcer.
16:04 C'est donc une histoire particulièrement ambitieuse, mais c'est aussi le cas de ses visuels qui sont absolument dingues !
16:09 Et là encore c'est vraiment injuste,
16:11 le film s'est planté parce qu'il est sorti à un moment bien précis,
16:14 mais il aurait pas pu être fait avant !
16:16 En fait c'est presque comme si ce film était voué à l'échec, peu importe quand sa production aurait commencé.
16:21 Parce que La planète au trésor est une très belle démonstration technique,
16:23 qui mélange l'animation traditionnelle en 2D et la 3D,
16:26 de la même façon qu'avait tenté Titan AI deux ans plus tôt,
16:29 et qui d'ailleurs a souffert d'un contexte assez similaire.
16:31 Donc là on a beau ne pas être sur un film entièrement en 3D,
16:34 on retrouve des mouvements amples,
16:35 et cette profondeur proche du cinéma en prise de vue réelle,
16:38 notamment de Star Wars ou d'Indiana Jones,
16:40 qui ont été cités comme sources d'inspiration par les deux réalisateurs.
16:43 Et donc ça n'aurait pas été possible d'avoir un rendu aussi immersif dans les années 90.
16:47 Pour avoir cette profondeur et ces mouvements de caméra impressionnants,
16:50 l'équipe a utilisé le Deep Canva,
16:53 une technologie qui permettait une hybridation optimum,
16:56 et qui avait été mise au point pour Tarzan en 99,
16:58 avant d'être perfectionnée pour La planète au trésor.
17:00 Le but était simple,
17:02 comme on construirait un décor en dur pour un film en live-action avant d'y placer les comédiens,
17:06 le but du Deep Canva est de créer tout un environnement en 3D sur ordinateur,
17:11 de le coloriser et de le texturer pour ensuite seulement réfléchir à la mise en scène
17:14 en ajoutant les personnages dessinés à la main.
17:16 En procédant de cette façon,
17:18 les réalisateurs avaient une liberté totale et une possibilité infinie de mouvements,
17:22 vu qu'ils pouvaient placer la caméra fictive n'importe où,
17:25 et jouer avec leur environnement comme ils l'entendaient.
17:27 C'est surtout utilisé sur le bateau pirate que la caméra balaye entièrement,
17:30 un peu comme le Titanic de James Cameron,
17:32 mais aussi pendant la scène du début avec la planche à voile
17:34 qui permet d'accompagner Jim dans sa redescente.
17:37 Parmi les raisons de l'insuccès du film,
17:38 ses concurrents ont été pointés du doigt,
17:40 en particulier Harry Potter 2 qui est sorti 10 jours après.
17:43 Coucou !
17:44 Mais le plus gros concurrent de Disney a été…
17:47 bah Disney lui-même, avec Hyper Noël,
17:49 la suite de Super Noël qui est sortie une semaine avant La planète aux trésors,
17:53 ce qui n'était pas un choix stratégique optimal.
17:55 En effet, cette suite était plutôt attendue,
17:58 et mine de rien, elle a quand même encaissé plus de 139 millions de dollars
18:02 rien qu'aux Etats-Unis,
18:03 et pour un budget de seulement 65 millions de dollars.
18:05 On peut en rigoler,
18:06 mais le fait que Disney mette malgré lui en concurrence deux de ses propres films
18:10 a aussi joué d'une certaine façon dans l'échec de La planète aux trésors,
18:13 qui a aussi été noyé sous d'autres productions Disney.
18:16 Déjà, il s'est suffisamment rare pour le souligner,
18:18 en 2002, Disney a sorti deux longs métrages et classiques.
18:21 C'était même une première en réalité,
18:23 parce que jusqu'ici, quand il y avait une sortie de deux classiques la même année,
18:26 c'était toujours un projet on va dire consensuel,
18:29 et un projet plus original, plus à part.
18:32 C'était le cas dès 1940 avec Pinocchio,
18:34 qui était donc le film consensuel entre guillemets,
18:37 et Fantasia, le projet différent qui ne pouvait pas vampiriser Pinocchio.
18:40 Pareil en 1977 avec Bernard et Bianca,
18:43 et Les aventures de Winnie l'ourson,
18:44 qui était en fait une compilation de trois moyens métrages.
18:47 Puis en 99, il y a eu Tarzan et Fantasia 2000,
18:50 et en 2000, Dinosaures et Couscous.
18:52 Donc en 2002, il y a eu Lilo et Stitch en juin,
18:55 qui était le blockbuster estival,
18:56 et La planète aux trésors en novembre,
18:58 pour reprendre l'habitude du film de Noël ou de fin d'année,
19:01 comme c'était le cas à la fin des années 80 et au début des années 90,
19:04 avec La petite sirène, Bernard et Bianca 2,
19:07 La belle et la bête ou Aladdin.
19:08 Mais du coup, le vrai film de Noël de Disney,
19:11 c'était Hyper Noël en fait, pas La planète aux trésors.
19:13 Et c'était pas la seule stratégie dont le film a payé les frais.
19:16 Depuis l'arrivée de Disney+,
19:18 on voit bien que l'accélération des sorties,
19:20 et le fait d'avoir bradé plusieurs films sur Disney+
19:22 a bousillé le caractère rare et événementiel des classiques,
19:26 que le public ne voit plus forcément comme une grande oeuvre cinématographique exceptionnelle,
19:30 mais plutôt comme un contenu, comme un haut,
19:32 qui peut très bien se regarder sur un écran de télévision plusieurs mois après la sortie.
19:36 Couplé à d'autres facteurs,
19:37 ça a notamment ruiné la carrière en salles d'Avalonia ou de Buzz l'éclair chez Pixar.
19:41 Et même si à l'époque on parlait pas encore de streaming ou de plateforme,
19:43 La planète aux trésors a plus ou moins été victime du même phénomène,
19:47 mais avec l'ancêtre des spin-off et sorties Disney+,
19:50 je parle évidemment des sorties des TV auxquelles j'avais déjà consacré une vidéo.
19:54 Parce qu'en 2002, en réalité, y'a pas juste eu La planète aux trésors et Lilo et Stitch,
19:59 y'a aussi eu Peter Pan 2, Cendrillon 2, Le beau-suil Notre-Dame 2
20:03 et La légende de Tarzan et Jane,
20:04 qui était en fait une compilation de 3 épisodes de la série animée.
20:07 Et comme Disney a plus ou moins lancé la mode du DTV familial en 1994,
20:11 il était évident que le mouvement allait s'ouvrir à d'autres studios et franchises.
20:16 Ce qui fait qu'en 2002, en plus de tous les films qu'on a déjà cités,
20:19 dans les bacs à cassette, il y avait aussi Barbie Princesse Réponse,
20:22 Balto 2 et Le petit dinosaure 4.
20:24 Et comme il n'est pas possible de tout consommer,
20:26 les parents et familles ont donc sûrement choisi de vite faire l'impasse sur La planète aux trésors,
20:30 qui en plus n'avait pas un concept très facile à vendre.
20:32 Donc c'est en tombant dans cet entre-deux thématiques plus difficiles à vendre,
20:36 en étant invisibilisé à sa sortie par une tonne de productions familiales,
20:39 dont plusieurs des Disney,
20:40 et en débarquant en pleine transition dans le monde de l'animation,
20:43 avec des visuels certes sublimes mais déjà dépassés,
20:47 que La planète aux trésors a depuis disparu des conversations.
20:50 Le seul espoir pour le film d'ouvrir son univers à un public plus large,
20:53 ce serait avec un remake, en live-action,
20:55 mais au vu de ce que Disney en a annoncé en ces dernières années,
20:58 on serait probablement sur une mauvaise imitation de Star Wars,
21:00 qui enterrait encore un peu plus le film d'animation.
21:03 Donc espérons plutôt que comme pour Taram et le chaudron magique,
21:06 le film restera une pépite méconnue qu'on prendra plaisir à défendre.
21:09 Voilà, cette vidéo est maintenant terminée,
21:11 mais avant, je voulais juste vous rappeler qu'écran large
21:13 poste environ deux vidéos chaque semaine,
21:16 ce qui est un rythme assez soutenu.
21:17 Et en plus des critiques à chaud,
21:18 on essaye aussi de sortir de l'actualité en traitant des sujets plus froids.
21:22 Vous avez déjà été nombreux à regarder nos vidéos plus techniques
21:25 sur les effets spéciaux ou le problème de structure des séries Marvel et Disney+,
21:28 mais aussi nos vidéos sur les coulisses et les décryptages de box-office qu'on adore faire.
21:33 Et bien évidemment, cette chronique du doigt dans le culte
21:35 qu'on a aussi consacré à Event Horizon, Predator 2 ou encore Sauver Willy.
21:39 Et ces vidéos-là, on veut vraiment en faire plus.
21:41 Le problème, c'est qu'elles nous prennent beaucoup de temps.
21:43 C'est pourquoi on a besoin de votre aide.
21:46 Écran large s'est lancé dans une campagne de financement participatif via Ulule.
21:49 Vous pouvez la retrouver en tapant Ulule écran large dans Google
21:52 ou en cliquant sur le lien dans la description de cette vidéo.
21:55 Voilà, on compte sur vous parce que le monde a vraiment besoin d'une vidéo d'Antoine sur LIMAX
22:00 et d'une rétrospective de 40 minutes de Mathieu sur le monde perdu.
22:03 Merci d'être resté jusqu'ici et à très bientôt !
22:06 Stop !
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