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#DiCaprio #Scorsese #Netflix #Apple
Martin Scorsese et Leonardo DiCaprio sur Apple TV+ (Killers of the Flower Moon), David Fincher sur Netflix (The Killer), Ridley Scott et Joaquin Phoenix sur Apple TV+ (Napoleon) : les films les plus importants de la fin 2023 sont liés à la SVoD. Alors que tout le monde parlait du streaming comme une menace pour le cinéma, les géants comme Apple et Netflix accueillent désormais les plus grands noms de Hollywood. Est-ce que ça veut dire qu'ils ont gagné la bataille ? Ou qu'au contraire, la guerre ne fait que commencer ?


00:00 Introduction
01:08 Ecran Large a besoin de vous !
02:03 Hollywood vs la SVOD ?
06:31 Les raisons de cette mutation
10:08 La SVOD au cinéma
13:30 Vers une fin de la guerre Hollywood/SVOD ?

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Transcription
00:00 En 2023, vous ne pourrez pas voir le nouveau film de David Fincher au cinéma,
00:03 et Scorsese a eu besoin de Apple pour faire un film avec Leonardo DiCaprio.
00:07 Est-ce que ça vous semble normal, ou est-ce que vous trouvez ça un peu bizarre, voire énervant ?
00:11 Salut tout le monde, c'est Geoffrey, et aujourd'hui on va parler d'une grande question
00:24 que tout le monde se pose depuis quelques années.
00:26 Est-ce que Netflix, Apple TV+, Disney+ et les autres plateformes de SVOD
00:30 sont en train de sauver ou tuer le cinéma, et notamment Hollywood ?
00:33 Plein de gens se sont demandé ça avec la peur de voir le public déserter les salles de cinéma,
00:37 et plus globalement la peur d'un gros changement dans l'industrie,
00:40 comme avec la naissance de la télévision ou de la VHS.
00:43 Ça c'est la question facile, et donc c'est pas forcément la bonne question.
00:46 Pour moi, il y en a une plus évidente qui part d'un simple constat.
00:49 Martin Scorsese, David Fincher, Jane Campion, Ridley Scott, Guillermo del Toro,
00:54 ou encore Spike Lee ont fait des films sur Netflix et Apple TV+,
00:57 et parfois, souvent, parce qu'aucun autre studio ne voulait les financer.
01:01 Est-ce que c'est pas ça le vrai problème ?
01:03 Peu importe ce qu'on pense de ces films,
01:04 est-ce que ça ne montre pas que quelque chose ne tourne pas rond à Hollywood ?
01:08 Vous le savez, on vous propose à peu près deux vidéos par semaine sur notre chaîne YouTube,
01:12 et on ne se contente pas de traiter l'actualité cinéma.
01:15 Récemment, vous avez été nombreux à regarder nos vidéos sur l'enfer des effets sociaux à Hollywood,
01:19 nos décryptages sur les box-office, notamment l'énorme bide d'Indiana Jones 5,
01:24 ou bien sûr nos fameux doigts dans le culte, comme la version gore perdue d'Event Horizon,
01:28 ou le chef-d'œuvre Contact, sans lequel Interstellar n'existerait tout simplement pas.
01:32 Et bien tout ça pour vous dire que ces vidéos nous prennent forcément beaucoup de temps,
01:36 qu'on aimerait en faire plus, et que pour ça, on a besoin de votre aide.
01:39 C'est entre autres pour cette raison qu'on a lancé une campagne Ulule,
01:42 dont tous les détails sont visibles dans le lien en description de cette vidéo.
01:45 En nous aidant, vous nous permettrez de continuer à produire des vidéos décryptage,
01:49 plus fouillées, et à explorer un peu plus les coulisses des films, de leur production,
01:53 voire de faire plus d'interviews de réalisateurs, d'acteurs, d'actrices, etc.
01:56 de gens qui travaillent dans l'industrie du cinéma tout simplement.
01:59 Quelle que soit votre contribution à notre Ulule, en tout cas, on vous dit un immense merci.
02:03 Qu'est-ce qui s'est passé pour que quelques-uns des plus grands cinéastes actuels
02:07 se retrouvent parfois forcés à aller vers la SVOD ?
02:10 Et si au fond, le système des studios avait creusé sa propre tombe
02:13 en laissant Netflix, Apple et compagnie devenir l'El Dorado des grands artistes ?
02:17 Partons de la situation en 2023.
02:19 Parmi les films les plus attendus de cette fin d'année, on a
02:22 Killers of the Flower Moon, réalisé par Scorsese le 18 octobre.
02:26 The Killer, réalisé par David Fincher le 10 novembre.
02:29 Et Napoléon, réalisé par Ridley Scott le 22 novembre.
02:32 Deux films Apple TV+ et un film Netflix.
02:34 Je précise d'emblée que Killers of the Flower Moon et Napoléon vont bien sortir au cinéma en France.
02:39 Le Scorsese sera distribué par Paramount et le Ridley Scott par Sony.
02:42 Mais derrière ces films, il y a Apple.
02:44 Des films de réalisateurs prestigieux qui existent grâce à la SVOD.
02:48 C'est pas du tout la première fois que ça arrive,
02:49 notamment pour le cas de David Fincher et Martin Scorsese.
02:52 En 2020, Fincher avait déjà fait un film sur Netflix, Manc.
02:55 Et en 2019, Scorsese avait déjà fait un film sur Netflix, The Irishman.
02:59 Le point commun, c'était deux projets passion très personnels
03:03 que ces deux cinéastes traînaient depuis des années,
03:05 et qui ont été sauvés grâce à la SVOD.
03:07 Manc, c'est à l'origine un scénario écrit par le père de David Fincher, décédé en 2003.
03:12 Il avait envie de le réaliser dès la fin des années 90, après The Game,
03:15 et c'était bien parti, mais le studio a finalement abandonné
03:18 parce qu'ils avaient peur d'un film en noir et blanc.
03:20 Et en 2019, après deux saisons de la série Mindhunter,
03:23 Netflix a demandé à Fincher s'il avait un projet de film dans un tiroir.
03:26 Il a reparlé de Manc, et Netflix a apparemment signé sans hésiter
03:30 pour un film en noir et blanc avec un budget de 25 millions de dollars.
03:33 Pour The Irishman, Scorsese et De Niro essayaient de faire ce film depuis au moins 2007.
03:38 En 2016, tout était lancé, mais finalement, tout s'est écroulé, le financement s'est écroulé.
03:43 En 2019, Netflix a racheté The Irishman pour plus de 100 millions de dollars,
03:48 et avec un budget de 125 millions qui aurait en fait explosé jusqu'à 200 millions de dollars.
03:53 Alors pourquoi Scorsese, qui vende si souvent les mérites des salles de cinéma,
03:56 fait-il ses films chez Netflix et Apple TV maintenant ?
03:58 Il explique très simplement la situation.
04:00 Alors oui, c'est important l'expérience des salles de cinéma avec un public,
04:03 mais le problème, c'est que pour faire un film, il faut de l'argent.
04:06 Et il faut donc aller là où il y a de l'argent.
04:08 En fait, le problème, c'est pas vraiment que Netflix ou Apple donnent 100 ou 200 millions
04:12 pour se payer des cinéastes de ce calibre.
04:13 Le problème, c'est qu'ils sont parfois les seuls à vouloir ou pouvoir le faire.
04:17 Scorsese a vécu une situation similaire avec Killers of the Flower Moon,
04:20 qui sort donc en 2023 au cinéma.
04:22 Avant la pandémie, le film devait se faire chez Paramount,
04:25 mais finalement, le studio a commencé à avoir des doutes à cause du budget de 200 millions de dollars.
04:29 Ils ont voulu un partenaire pour produire et distribuer le film,
04:32 et Scorsese a été voir chez Netflix et Apple.
04:34 À l'époque, le Wall Street Journal titrait
04:37 "Scorsese courtise Apple et Netflix pour sauver le film coûteux avec DiCaprio".
04:41 C'est finalement Apple qui a récupéré le film,
04:43 et le budget aurait apparemment grimpé jusqu'à 250 millions,
04:46 dont 30 millions pour DiCaprio.
04:48 Le message était clair, il s'agissait de sauver un film d'un grand cinéaste,
04:52 grâce à la SVOD.
04:54 C'est exactement ce qui s'est passé avec le Pinocchio de Guillermo Del Toro.
04:57 Après une dizaine d'années à y croire, il avait abandonné parce que personne ne voulait le financer.
05:00 Et en 2018, c'est Netflix qui a ressuscité le projet en acceptant le budget de 35 millions de dollars.
05:05 Même chose pour Jane Campion.
05:07 Personne n'avait envie de financer The Power of the Dog avec un budget de 20 à 30 millions de dollars,
05:12 et sans Netflix, le film n'aurait jamais existé.
05:14 Même chose aussi pour Rebel Moon de Zack Snyder, qui sort fin 2023,
05:17 et qui avait été notamment refusé par plusieurs studios.
05:20 Alors je vous vois venir, peut-être que ces films ne méritaient pas d'être financés,
05:23 peut-être qu'ils coûtaient trop cher, peut-être que les studios n'en voulaient pas parce qu'ils étaient nuls.
05:27 Alors ok, pourquoi pas, d'ailleurs je suis pas spécialement fan de tous ces films,
05:30 mais en fait c'est pas vraiment le sujet.
05:32 Parce que si Paramount, Sony, Warner Bros et compagnie finançaient uniquement de bons films,
05:36 je pense que ça se saurait.
05:37 Et d'ailleurs c'est quoi un bon film ? On sera jamais d'accord là-dessus.
05:43 Mais on sera a priori d'accord sur une chose,
05:45 chaque année, on voit plein de films sortir au cinéma,
05:47 et on pourrait longuement débattre sur ceux qui le méritent ou ceux qui coûtent trop cher.
05:50 Mais ça semble un peu aberrant que Scorsese, par exemple, ne puisse pas trouver de financement auprès des studios.
05:55 D'ailleurs, son prochain film, avec encore une fois DiCaprio, se fera chez Apple, pour info.
06:00 Et David Fincher, lui, de son côté, a carrément signé en 2020 un contrat d'exclusivité de 4 ans avec Netflix.
06:06 Alors comment est-ce qu'on peut expliquer tout ça ?
06:08 Est-ce que ça veut dire qu'il faut simplifier les choses avec les méchants studios d'un côté,
06:11 et la gentille SVOD de l'autre ?
06:13 Évidemment que non.
06:14 Ce sont les deux facettes de la même pièce, et tout ça s'écrit quasiment en direct sous nos yeux,
06:18 avec des changements de stratégie très clairs ces derniers temps.
06:20 D'ici 5 ou 10 ans, ce sera certainement plus simple de comprendre ce qui s'est vraiment passé,
06:25 et ce que ça a réellement changé.
06:26 Mais en attendant, on peut essayer de trouver quelques explications à ces bouleversements.
06:30 Alors qu'est-ce qui s'est vraiment passé ?
06:31 Première explication, déjà tout simplement, depuis une petite dizaine d'années,
06:35 la SVOD a explosé, et ça a changé le paysage audiovisuel.
06:39 D'abord avec Netflix, qui a commencé à s'imposer très sérieusement vers 2013,
06:43 puis avec Amazon Prime, Apple TV+, Disney+, HBO Max, qui s'appelle maintenant Max tout court, et bien d'autres.
06:48 Tout ça s'est fait dans une espèce de chaos, qui n'a même pas été caché par les entreprises,
06:52 qui ont dépensé des milliards en 4ème vitesse, et la pandémie n'a pas aidé.
06:55 Il y a eu une vraie bataille pour occuper le terrain,
06:58 et il y a encore une vraie bataille pour occuper le terrain face à une concurrence de plus en plus énorme.
07:02 Et comment est-ce qu'on fait ça ?
07:03 Bah tout simplement en dépensant beaucoup, beaucoup d'argent.
07:06 J'ai dépensé sans compter.
07:07 Et donc peut-être en misant sur des projets que les studios refusent.
07:10 Le budget de Disney+ et Apple TV+, ce serait en gros entre 6 et 8 milliards.
07:15 Et si vous trouvez que c'est une somme énorme, prenez une grande inspiration.
07:17 Le budget Netflix pour produire des "contenus", comme on dit aujourd'hui,
07:20 a quasiment été multiplié par 10 entre 2012 et 2022 pour atteindre plus de 17 milliards.
07:26 Même chose chez Amazon.
07:28 En 2022, ils auraient dépensé quasiment 17 milliards, contre 13 milliards en 2021.
07:32 Et en même temps, c'est pas étonnant, puisque la première saison de la série "Les Anneaux de Pouvoir"
07:36 tirée du seigneur des anneaux, aurait coûté plus de 400 millions,
07:39 donc autant que "Avatar 2", bordel !
07:41 ♫ Quand on rentre sur la piste ♫
07:43 Voilà le genre de dépenses qu'on a dans le monde de la SVOD.
07:46 Et quel est le budget des studios pour produire des films classiques destinés au stade de cinéma ?
07:49 Alors, difficile de trouver les vrais chiffres, mais apparemment, pour Disney et Warner,
07:53 ce serait seulement une partie d'un budget global de 9 milliards en 2023.
07:57 Contre 17 milliards, donc, pour Amazon et Netflix.
08:00 Netflix dépensera encore 17 milliards en 2024, selon le co-PDG de la boîte Ted Sarandos,
08:06 qui parlait d'un budget adapté à leur objectif.
08:08 Et leur objectif, c'est avoir un plus grand impact que tous leurs concurrents pour chaque milliard dépensé.
08:14 C'est comme ça qu'il l'explique.
08:15 Alors, comme je disais, c'est vraiment une bataille pour occuper le terrain et attirer l'attention.
08:19 Quand Netflix lâche 200 millions pour un Scorsese, c'est pas forcément pour l'amour de l'art.
08:23 C'est aussi, voire surtout, pour s'imposer sur le marché, pour gagner en prestige,
08:27 pour se positionner dans l'industrie et aussi probablement pour faire chier les autres.
08:30 Mais qu'on soit clair, c'est exactement ce que font tous les studios classiques.
08:33 Mais la différence, c'est que Netflix et Amazon ont apparemment beaucoup plus d'argent.
08:36 Et comme il faut remplir les catalogues pour justifier l'abonnement
08:38 et satisfaire les gens avec un maximum de propositions,
08:41 ça fait qu'il y a plein de films et de séries qui sont produits.
08:44 Et là-dedans, il y a parfois du Scorsese et du Fincher.
08:46 Autre possible explication, c'est peut-être plus simple de dépenser autant
08:50 quand il n'y a pas la pression du box-office.
08:52 Pour les studios classiques, la sortie d'un film est un moment assez tendu.
08:55 C'est déterminant, puisque c'est là que se joue quasiment en direct toute la carrière du film.
08:59 En deux jours, en gros, ça peut être plié, sauf certaines exceptions.
09:02 D'ailleurs, j'ai fait une vidéo absolument fantastique où j'explique tout ça.
09:05 Le box-office est surveillé de près et commenté par tout le monde,
09:08 et notamment les médias comme nous.
09:09 Et très vite, on va parler de déception, de flop ou de désastre,
09:12 parce que toutes les données sont disponibles et relativement simples à déchiffrer.
09:16 Et tout ça, ça peut faire très mal et ça peut être très compliqué à gérer pour les studios.
09:20 La réputation d'un film peut être détruite en quelques jours à la lumière du box-office.
09:23 Mais dans la SVOD, c'est beaucoup moins simple.
09:25 Netflix partage certes de plus en plus d'informations et calcule
09:28 en divisant le nombre d'heures visionnées par la durée du film ou de la série
09:32 pour sortir un classement hebdomadaire.
09:34 Mais on a aussi beaucoup d'annonces officielles qui parlent de records plus ou moins précis
09:38 selon les plateformes, sans donner de véritables détails.
09:41 Et de toute façon, la SVOD, c'est un secteur assez jeune,
09:43 donc on n'a pas autant de comparatifs et d'expériences qu'avec le box-office.
09:47 Ça fait donc une sacrée différence.
09:48 En gros, si je devais caricaturer,
09:50 je dirais qu'un film qui se plante pour son démarrage sur Netflix ou Disney+,
09:53 c'est moins grave qu'un film qui se plante au cinéma.
09:56 Moins de détails, moins de couverture médiatique, moins de problèmes.
09:59 Et est-ce que ça permet aux plateformes d'avoir moins peur
10:01 et donc de financer plus facilement des films qui faisaient justement peur aux studios classiques ?
10:05 Peut-être.
10:06 Et tout ça, c'est un peu ironique.
10:07 Alors qu'on entend parler depuis des années d'une guerre entre le cinéma et le streaming,
10:11 la frontière entre les deux va peut-être devenir de plus en plus floue,
10:14 puisque les géants de la SVOD veulent aussi investir les salles de cinéma.
10:18 On en a encore la preuve, comme je le disais, en 2023,
10:20 avec Napoléon et Killers of the Flower Moon,
10:23 qui sortiront au cinéma malgré la présence d'Apple au générique.
10:26 Et aux États-Unis, ils resteront exclusivement en salle pendant au moins 45 jours, apparemment,
10:30 avant d'arriver sur Apple TV+.
10:32 45 jours dans le monde de la SVOD, c'est énorme.
10:34 C'était 42 jours pour Bardot et 26 jours pour The Irishman, justement, côté Netflix, par exemple.
10:39 Et il faut quand même bien se souvenir qu'on n'exagère pas
10:41 quand on parle de bataille entre le cinéma et la SVOD.
10:44 Revenons deux minutes en arrière, en 2015.
10:46 À l'époque, Netflix venait d'acheter le film Beasts of No Nation avec Idris Elba,
10:50 et c'était un énorme coup, c'était un de leurs premiers gros coups,
10:53 et aux États-Unis, ils avaient annoncé une énorme sortie simultanée sur Netflix et au cinéma,
10:57 c'était du jamais vu.
10:58 Sauf que quatre importantes chaînes de cinéma ont boycotté le film aux États-Unis,
11:02 parce que ça ne respectait pas la fenêtre traditionnelle
11:04 de 80 jours d'exploitation exclusive au cinéma.
11:07 Donc Netflix a dû se contenter d'une sortie limitée dans les salles.
11:10 En 2022, la situation avait bien changé.
11:13 Le film Glassonion avec Daniel Craig a eu droit à une véritable sortie au cinéma dans plusieurs pays,
11:18 et notamment aux États-Unis, avec trois grosses chaînes de cinéma,
11:21 celles-là même qui avaient boycotté Netflix sept ans plus tôt.
11:23 Tout le monde a mis de l'eau dans son vin.
11:25 Ce qui était une révolution inacceptable en 2015, selon certains,
11:29 est devenu une évolution inévitable en 2022.
11:31 Et je ne dis pas du tout que c'est bien ou pas bien,
11:33 ça c'est à vous de juger à chacun et chacune de se faire son avis sur cette question qui est épineuse.
11:38 Mais ce qui est sûr, c'est que pendant qu'on réfléchit et qu'on fait nos supers articles,
11:40 nos vidéos, nos tweets, un peu pour participer à cette baston,
11:43 les choses avancent.
11:44 En 2019, Netflix a mis la main sur une salle de cinéma mythique à New York,
11:47 et en 2020 sur une autre salle de cinéma à Los Angeles.
11:50 Une manière de gérer eux-mêmes leurs avant-premières et événements prestigieux,
11:53 et de courir après les Oscars, qui exigent que le film ait été exploité un minimum au cinéma.
11:57 Et d'ailleurs c'est assez drôle, puisque les Oscars ont déjà adapté et durci les règles pour s'adapter à la situation.
12:02 En 2023, Amazon et Apple ont réaffirmé leur désir de se faire une place au cinéma eux aussi,
12:07 et ils auraient prévu un budget de 1 milliard par an pour produire des films destinés aux salles de cinéma.
12:11 Apple veut vraiment s'imposer au cinéma avec des films qui sortent sur des milliers d'écrans
12:15 pendant plusieurs semaines, comme les films normaux.
12:17 D'ailleurs on a pu observer ça en direct avec Killers of the Flower Moon encore une fois.
12:21 Au départ, le film de Scorsese devait avoir droit à une sortie limitée aux Etats-Unis,
12:24 donc sur un petit nombre d'écrans pour commencer.
12:26 Et finalement, Apple, en partenariat avec le studio Paramount,
12:29 a décidé d'en faire une énorme sortie dès le départ, donc sur un max d'écrans dès la sortie.
12:34 Et on parle bien d'une énorme sortie, peut-être même un record pour Scorsese,
12:37 ce qui voudrait dire que la plus grosse sortie cinéma de toute la carrière de Martin Scorsese
12:41 serait grâce à Apple et la SBOD.
12:44 Donc si je résume dans cette fameuse bataille entre le cinéma et le streaming,
12:47 d'un côté on a des studios de cinéma qui se sont lancés dans la guerre du streaming
12:50 en créant leurs plateformes de SBOD comme Disney avec Disney+,
12:53 pour se battre avec Netflix qui était censé à l'époque menacer le cinéma.
12:57 Mais en faisant ça, ils ont un peu, eux aussi, abîmé l'expérience de la salle de cinéma.
13:01 Disney le reconnaît quasiment officiellement par rapport au Pixar,
13:04 sorti directement sur Disney+.
13:06 Une sortie simultanée en streaming et dans les salles,
13:08 c'est le meilleur moyen de dévaloriser le cinéma et finalement torpiller son propre business.
13:13 Et de l'autre, on a les géants de la SBOD, Netflix, Amazon, Apple,
13:16 qui au départ proposaient une alternative au cinéma.
13:19 Mais maintenant, ils veulent vraiment s'installer, eux aussi, dans les cinémas,
13:22 que ce soit en achetant des salles, en organisant des sorties hybrides
13:24 ou en dédiant une grosse part de leur budget à ça.
13:27 Ce qui, d'une certaine manière, revalorise l'expérience de la salle de cinéma.
13:30 Est-ce que ça veut dire qu'il n'y a plus de guerre
13:32 et que les deux vont se rejoindre dans le monde merveilleux des bisons-ours ?
13:35 Bien sûr que non.
13:36 En réalité, je ne sais pas trop, il y a plusieurs manières de voir ça.
13:38 Imaginons un instant que je suis un optimiste et que je suis doux comme un agneau.
13:41 Dans ce cas, je pourrais dire qu'il y a plein de bons côtés à tout ça.
13:43 La guerre du streaming, ça se joue à coups de milliards
13:46 et ça a permis à plein d'artistes de décrocher des contrats incroyables
13:49 et à plein de films et séries d'exister.
13:51 Sans streaming, il y a plein de bons trucs qui n'auraient pas vu la lumière du jour.
13:54 Les catalogues de Netflix, Disney+, Apple TV+, Amazon Prime, HBO Max qui s'appelle Max,
13:59 Paramount+, etc., ça doit être rempli, donc il y a plus de place pour plus de créations.
14:04 Je pourrais même aussi dire que puisque les gens peuvent maintenant très facilement
14:07 rester chez eux plutôt que d'aller au cinéma,
14:09 ils sont plus exigeants et donc les studios aussi.
14:12 Il faut motiver les gens à aller au cinéma, sortir de chez eux, créer une place de cinéma.
14:15 Donc il faut leur proposer des films dignes de ce nom.
14:17 Donc peut-être que ça tire la production vers le haut.
14:20 Imaginons maintenant que je suis un pessimiste et que je vois toujours le négatif dans la vie.
14:23 Là, je pourrais dire qu'à cause de cette guerre du streaming,
14:25 il y a trop de films et trop de séries, ou plutôt trop de contenus,
14:28 puisque c'est comme ça qu'on les appelle maintenant.
14:30 Donc au lieu de donner plus de choix, ça amène à une forme de saturation,
14:33 ça incite finalement à se retrancher dans ses habitudes tellement il y a d'options.
14:36 Ce qui donne cette impression qu'il n'y a rien à regarder, que tout se ressemble,
14:40 et qu'au fond, Netflix est devenu un peu l'équivalent de la télé.
14:43 Moi, quand j'étais gamin, mes parents regardaient un peu automatiquement
14:46 la 12ème rediffusion de Notre Belle Famille et La Petite Maison dans la Prairie,
14:49 et franchement, je trouvais ça bizarre.
14:50 Alors désolé maman, je sais que tu me regardes et je t'en veux pas du tout.
14:53 Mais aujourd'hui, on a parfois l'impression qu'on regarde Netflix,
14:56 comme si c'était un programme à lui seul.
14:58 On consomme ce qu'il y a sur la page d'accueil, ce qui nous est proposé par l'algorithme,
15:02 et finalement, peut-être qu'on effleure seulement la surface du catalogue
15:04 en regardant tous les mêmes choses.
15:06 Autre possible problème là-dedans,
15:08 peut-être que dans la course à la visibilité, les géants de la SVOD
15:11 ont craqué leur slip et validé des projets qui n'avaient aucun sens,
15:14 avec un seul but, remplir le catalogue et se payer de gros noms.
15:17 Je pense notamment au contrat à 300 millions de dollars
15:20 pour 5 ans entre Netflix et Ryan Murphy,
15:23 ou à la saison 1 de The Morning Show sur Apple TV+,
15:25 qui a coûté 150 millions de dollars, bordel !
15:28 Et plus globalement, l'explosion de la SVOD a peut-être accéléré un phénomène,
15:31 la fin des budgets moyens.
15:33 On va peut-être de plus en plus vers deux mondes bien séparés.
15:36 D'un côté, les salles de cinéma réservées au pur spectacle,
15:38 aux grands films d'action, aux très gros budgets,
15:40 bref tout ce qui justifie de sortir de son salon pour payer une place de cinéma,
15:44 et de l'autre, tous les films qui ne mériteraient pas
15:46 d'être forcément vus sur un grand écran.
15:47 On vous l'aurait compris, on peut débattre de tout ça pendant des heures,
15:50 mais finissons quand même par un constat.
15:52 En 2023, le succès de Barbie, Openheimer ou encore le film Mario
15:55 ont encore rappelé que les gens aiment aller au cinéma,
15:57 ou en tout cas parfois, ou en tout cas sur certains films.
16:00 Ça peut sembler évident, mais après la fausse euphorie du streaming pendant et après la pandémie,
16:04 et suite à la catastrophe des sorties simultanées au cinéma et en SVOD,
16:08 ce n'est pas anodin.
16:09 Les studios ont bien compris qu'ils se tiraient une double balle dans le pied
16:12 s'ils traitaient la sortie cinéma et la sortie en SVOD sur un même plan.
16:16 Le public allait déserter les salles de cinéma sans pour autant s'abonner durablement aux plateformes,
16:20 qui sont d'ailleurs encore des trous financiers vu les investissements absolument hallucinants,
16:23 et en même temps, les artistes allaient peut-être s'énerver et se barrer
16:26 si leur film était privé de cinéma, et oui, on pense à toi Christopher Nolan,
16:29 qui a claqué la porte du studio Warner en voyant leur stratégie sur HBO Max.
16:32 D'ailleurs, on peut noter que depuis un moment, la SVOD est devenue une sorte de joker
16:36 pour essayer de sauver les meubles quand un film se plante au box-office.
16:39 Est-ce que vous avez vu le dernier voyage du Déméter ?
16:41 Parce que si c'est le cas, bravo, puisque le film s'est planté en salle début août.
16:44 Résultat, il a été balancé en VOD trois semaines après.
16:47 Idem pour Expendables 4.
16:49 En gros, quand un film cartonne au cinéma,
16:51 la fenêtre d'exploitation en salle peut être rallongée jusqu'à 60 ou 90 jours,
16:55 mais quand un film se vautre au box-office, ça peut être réduit à 30 jours ou moins.
16:58 C'est là qu'on se dit que le cinéma et le streaming ne sont pas vraiment en guerre.
17:01 Ils vivent, ou en tout cas, essayent de vivre en symbiose.
17:04 Si l'un des deux s'écroule, ça fera très mal à tout le monde,
17:07 et la solution serait donc de s'allier ou au moins de ménager ces coups
17:10 pour trouver un équilibre global.
17:12 À voir dans quelques années à quoi ressemblera l'industrie
17:14 et comment vont évoluer les comportements du public
17:16 face à une offre de plus en plus énorme et dispersée,
17:19 surtout dans un monde où on se ruine déjà pour acheter des coquillettes,
17:22 sa carte de métro ou son plein d'essence.
17:23 En tout cas, si ça vous intéresse, toutes ces histoires de business et réflexion sur l'industrie,
17:27 on en parle souvent dans notre podcast La Réu d'écran large.
17:29 On a notamment fait un épisode en deux parties sur le box-office de 2023,
17:33 et vous pouvez l'écouter sur toutes les plateformes habituelles.
17:35 Mais comme on est super sympa, on vous remet aussi le lien sous la vidéo.
17:38 Allez, c'est tout pour moi, je vous dis à bientôt,
17:40 merci d'avoir regardé jusqu'au bout,
17:42 et si vous avez envie qu'on continue à faire des vidéos comme celle-ci,
17:44 n'hésitez pas à le dire.
17:45 Mais en réalité, vous n'avez pas vraiment le choix,
17:47 parce que je reviendrai très vite pour parler du business de Marvel
17:49 avec la sortie plutôt très compliquée de The Marvels.
17:52 Donc, à très bientôt.
17:53 [Générique]

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