Brigitte Macron et Mika étaient les invités de 22h Max pour évoquer leur combat commun contre le harcèlement scolaire.
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00:00 Bonjour Brigitte Macron.
00:01 Bonjour Maxime Switek.
00:02 Et bonjour Mika.
00:03 Bonjour.
00:04 Merci à tous les deux d'être avec moi ici dans ce lycée Pierre-Gilles de Gênes.
00:07 Qu'est-ce que ça vous fait Brigitte Macron de vous retrouver dans cette salle de classe,
00:12 vous qui avez été prof, prof de français, je suis désolé on a des sciences physiques aujourd'hui.
00:16 Je suis dans mon élément, pas vraiment avec la physique et je me sens très à l'aise.
00:19 Merci de me recevoir dans une salle de classe, c'est plus facile pour moi, c'est mon environnement.
00:23 Bon c'est votre environnement, c'est un environnement qui vous manque ou pas ?
00:26 Oui, bon j'enseigne encore un peu mais à des adultes, mais bien sûr que ça me manque,
00:30 le rapport aux élèves me manque beaucoup.
00:32 C'est quelque chose d'extrêmement fort, les profs le savent.
00:36 On va parler évidemment des élèves dans une seconde, Mika, vous vous retrouvez dans cette salle de classe.
00:41 C'est surréaliste, avec Brigitte Macron, avec vous, mais c'est pour une bonne cause.
00:47 Une cause qui vous réunit tous les deux, c'est la lutte contre le harcèlement scolaire.
00:52 Se retrouver dans une salle de classe, il n'y a pas forcément que des bons souvenirs pour vous dans les salles de classe.
00:56 Vous, vous avez été harcelé, vous allez raconter votre histoire ensuite, dans un instant, à des élèves qui vous attendent.
01:02 Vous, vous avez été harcelé.
01:03 J'ai vécu ça, comme beaucoup d'enfants, et en fait, là, dans quelques instants, je vais aller parler avec 300 étudiants.
01:11 Et cette idée d'aller parler à 300 étudiants dans une école, je la trouve plus terrifiante que d'aller chanter au Stade de France.
01:19 Oui, merci, franchement. C'est quelque chose que j'ai vécu, c'est quelque chose que j'ai dû vivre avec, qui m'a isolé.
01:27 Parce que c'est ça, la chose fondamentale avec le harcèlement, ça isole.
01:31 Et c'est pour ça qu'aujourd'hui, je me suis dit, maintenant, j'ai 40 ans, j'ai trouvé une manière de faire ma vie, je suis heureux.
01:40 Mais j'ai eu ça dans mon passé, je ne vais pas le cacher, je vais en parler.
01:43 Qu'est-ce qui vous est arrivé, exactement ?
01:45 J'étais harcelé depuis un très jeune âge. Ça a commencé quand j'avais 7, 8 ans.
01:52 Et ça a évolué, parce que ce n'était pas toujours la même chose.
01:55 Au début, c'était pour mes fringues, c'était pour la manière que je m'habillais.
01:58 Tu vas parler de tes chaussures.
02:00 Et c'était mes chaussures. C'était mes nœuds papillons, parce que moi, je trouvais que c'était totalement logique d'aller à l'école avec des shorts et des nœuds papillons du même tissu.
02:09 Des choses assez poétiques et excentriques comme ça. On peut rigoler, mais quand on a 8 ans, on ne rigole pas.
02:14 Et ça a continué, c'est devenu de plus en plus sérieux. J'ai eu des problèmes même avec une prof. J'ai été renvoyé d'école.
02:23 Vous avez été sans bouc émissaire aussi.
02:25 Oui, mais ça a continué même quand j'avais 13 ans, 14 ans, 15 ans, 16 ans.
02:30 Et c'était tellement intense à l'âge de 14, 15 ans que je n'osais même pas sortir de la classe avec le reste de mes collègues de classe.
02:40 Donc, j'étais très, très, très, très seul et très triste par rapport à ce qui se passait.
02:44 Je me suis enfermé et je me suis perdu dans la musique.
02:47 Ça m'a donné une manière de m'échapper à la réalité quotidienne.
02:51 Et je me rends compte maintenant qu'en fait, ce n'est pas nécessaire de se retrouver aussi isolé.
02:58 Il y a une autre manière de le faire. Il y a une autre manière de gérer cette situation.
03:02 Et d'en parler, c'est le premier step.
03:04 On va en parler évidemment de la manière dont on peut sortir de tout ça.
03:08 Mais vous avez rebondi tout de suite Brigitte Macron sur un mot qui a été prononcé par Mika.
03:11 C'est le mot d'isolement, le fait de se retrouver isolé.
03:13 Complètement. Parce que Mika a parlé. Tu as parlé à ta maman, il a parlé à sa famille.
03:18 Mais on se sent seul et on se sent coupable. Coupable de quelque chose d'assez indéfini.
03:23 On pense que c'est quelque chose que nous on induit. Ce qui est totalement faux.
03:27 Et ce qui est très important aussi, Mika a 40 ans.
03:30 On sent que la chose est toujours là. D'une manière ou d'une autre.
03:34 Et ça c'est très important parce qu'en règle générale, il en reste toujours quelque chose.
03:38 Ça peut être quelque chose d'extrêmement profond.
03:40 Donc c'est pour ça que plus on essaie de le régler vite, moins les traces sont importantes.
03:45 Et pourtant toi tu as été beaucoup entourée de ta parolée.
03:48 C'est très important de parler.
03:50 Parler et d'écouter.
03:51 Et d'écouter. J'ai eu vraiment la chance d'avoir une famille qui était très à l'écoute.
03:59 Il y avait beaucoup d'amour, il y avait beaucoup de soutien.
04:01 Et c'était évident qu'il y avait quelque chose qui ne se passait pas.
04:04 La première fois que ça a commencé à se passer, je me suis renfermé. J'ai arrêté de communiquer.
04:10 C'était clair que je me fermais même de ma propre famille.
04:13 Et c'était là où il y avait une alarme qui a commencé à sonner.
04:16 Et mes parents étaient tellement… Ils ont senti l'urgence de comprendre ce qui se passait.
04:20 On a un nouveau sondage, un nouveau chiffre qui est tombé aujourd'hui.
04:22 Il est absolument terrible.
04:24 Généralement on dit qu'il y a un élève sur dix qui est harcelé.
04:27 On a un sondage aujourd'hui qui nous dit que c'est un sur cinq.
04:29 Ça veut dire qu'un élève sur cinq que vous allez avoir en face de vous tout à l'heure a été harcelé.
04:35 Vous la prof de français, comment est-ce que vous réagissez face à ce chiffre ?
04:38 C'est-à-dire que maintenant la parole est ouverte.
04:41 Et c'est très important.
04:42 Donc je pense qu'avant on ne le disait pas.
04:44 Maintenant on le dit.
04:45 Je pense que ça explique aussi ce chiffre.
04:47 C'est la violence quotidienne à laquelle sont soumis les enfants.
04:50 Via les réseaux, via les écrans.
04:52 Donc ils reproduisent d'une manière ou d'une autre.
04:55 Il faut s'imaginer l'impact dans leur vie sociale, l'impact dans leur vie psychologique.
04:59 Et ça on ne mesure pas.
05:02 Et je pense que c'est aussi comme cette violence.
05:05 D'une manière ou d'une autre ils l'intègrent et ils la reproduisent.
05:08 Et c'est ça qui est extrêmement dangereux.
05:10 Bon, cela dit, maintenant, ce que je trouve bien c'est qu'on s'en préoccupe.
05:16 Tout le monde, on est vraiment sollicité, on est attentif.
05:20 Et les parents, le personnel de l'éducation, les profs, les autres élèves, via les ambassadeurs.
05:26 On est quand même beaucoup plus vigilants.
05:28 Ça ne règle rien.
05:30 Et bien sûr, c'est pour ça qu'une semaine comme celle-là est importante.
05:33 Aujourd'hui il y a Fairface, demain je suis au 38, après demain c'est la lutte interministérielle.
05:37 On voit que c'est un combat et il faut qu'ils nous entendent.
05:40 Parce qu'il faut qu'ils nous parlent.
05:42 Vous parlez des élèves.
05:43 Le problème c'est qu'ils parlent effectivement, on le voit avec ces nouveaux chiffres qui sont absolument terribles.
05:49 Ils parlent mais ils ne sont pas toujours écoutés.
05:51 On a eu un certain nombre de drames ces derniers mois.
05:53 Je pense à Lindsay, je pense à Nicolas, qui ont fini par se suicider.
05:57 Une issue absolument dramatique et terrible.
05:59 Ces enfants-là avaient parlé.
06:01 Leurs parents avaient parlé.
06:02 – Et là il y a quelque chose de terrible.
06:04 Maman, le jour J elle l'avait appelé.
06:06 Et il lui a dit, pourtant il était dans une autre école, il était dans un autre environnement.
06:10 Il a fait quand même un jour de classe.
06:12 Et le jour de classe, il a dit, ça ne changera jamais.
06:16 Donc vous imaginez, il ne voulait même pas essayer.
06:19 Donc ça nous montre l'immense violence, le désespoir total.
06:24 Il prend un climat de classe, un jour, et un jour suffit pour…
06:28 Je pense que détruire un enfant, ça se fait très très vite.
06:32 Ça se fait très très vite et on ne mesure pas.
06:34 Ils n'ont pas les structures pour gérer toute cette violence.
06:37 Ils n'ont pas, ils ne peuvent pas.
06:39 Donc il faut qu'on soit extrêmement attentif, extrêmement.
06:42 Et là, Nicolas avait des parents extrêmement attentifs.
06:45 Ils ont tout fait, ils ont tout fait pour prévenir.
06:48 – Ça n'a pas marché ? – Non.
06:50 – Ça n'a pas marché ? – Non, c'est un échec terrible.
06:53 – Mika, cette question-là, elle est terrible,
06:56 mais est-ce qu'elle vous est passée par la tête ?
06:58 De dire, c'est trop dur, je n'y arrive pas,
07:00 je n'arrive pas à gérer comme le dit Brigitte Macron là.
07:03 Et de dire, il faut que ça s'arrête.
07:05 Y compris par une issue absolument terrible.
07:07 Est-ce qu'à l'époque, adolescent, vous vous êtes posé cette question-là ?
07:10 Vous vous êtes dit ça ?
07:12 – Honnêtement, et là j'ai 40 ans et je peux le dire,
07:16 il y avait des jours où je ne savais pas comment m'en sortir.
07:19 Il y avait des jours où je prenais le métro pour aller à l'école
07:22 et je me disais, et si je disparaissais ?
07:26 Si je m'en allais ? Et si c'est… ou pire ?
07:30 Et franchement, et aussi, même avec le soutien
07:36 et avec le support de ma famille,
07:38 mais le harcèlement, c'est quelque chose qui peut avoir des conséquences
07:42 tellement, tellement, tellement profondes
07:45 et on ne sait pas comment s'en sortir de ce trou.
07:49 La chose qui m'a aidé, moi,
07:55 c'était de trouver une autre manière de m'exprimer.
07:57 C'était de trouver, heureusement que j'ai vu la musique.
08:00 – C'est ça qui vous permet de sortir de ce cercle-là terrible ?
08:03 – Absolument, parce que je pouvais métaboliser la peur que j'avais,
08:08 je pouvais métaboliser et transformer ce que je sentais
08:12 en quelque chose d'autre et ça, ça m'a sauvé.
08:14 J'ai des professeurs qui ne m'ont pas aidé,
08:16 j'ai des professeurs qui m'ont vraiment aidé, qui m'ont changé la vie,
08:19 qui m'ont montré, et surtout des professeurs qui m'ont montré
08:23 que l'art, que la musique, que le théâtre, que tout ça,
08:28 ça pouvait me changer la vie et changer mon quotidien.
08:32 Et c'est exactement ce qui s'est passé en long terme.
08:35 – Vous dites que les choses ont changé, évolué,
08:38 vous le dites tous les deux dans votre combat,
08:40 vous dites Brigitte Macron qu'on écoute mieux les élèves aujourd'hui,
08:44 malgré tout on a encore ces drames dont on parlait,
08:46 l'école est encore défaillante aujourd'hui par rapport à ça ?
08:49 – De moins en moins, dirais-je, de moins en moins.
08:51 Il y a eu ce programme fort qui est en train de généraliser,
08:54 les ambassadeurs, il y a des équipes à l'intérieur des écoles qui sont formées,
08:58 il y a maintenant des équipes volantes,
09:00 il y a aussi la répression du harceleur maintenant,
09:03 c'est à l'ordre du jour, avant ça ne l'était pas du tout,
09:05 maintenant on examine ça, qu'est-ce qu'on fait ?
09:08 C'est pas l'alpha et l'oméga parce que parfois le harceleur n'est plus là,
09:11 mais il y a ses copains qui sont là.
09:13 Mais il y a aussi quelque chose qu'il faut mettre dans la tête des jeunes
09:16 et qui est difficile, c'est que ça ne va pas être comme ça toute la vie.
09:19 Parce qu'ils ont quelquefois, ce qu'ils subissent,
09:22 ils pensent que ça ne va jamais s'arrêter.
09:24 Et c'est cela aussi qui fait cette difficulté.
09:28 C'est ce que tu dis, je suis dans le métro, je me dis pourquoi j'y vais, etc.
09:31 La journée n'a pas commencé mais tu sais qu'elle va mal se passer.
09:34 – Ce qui est terrible pour les élèves et pour les parents,
09:36 je me mets aussi à la place des parents aujourd'hui,
09:38 c'est de voir que parfois la réponse, et on l'a vu ces derniers mois y compris,
09:42 des rectorats est d'une violence inouïe,
09:44 en rejetant la faute sur les parents et quasiment sur l'élève.
09:48 Comment vous l'avez pris cette information-là
09:51 et le fait de voir qu'il y avait cette violence-là ?
09:53 – Elle n'est pas acceptable, elle est totalement inacceptable.
09:56 C'est certain qu'on doit les écouter.
09:57 À partir du moment où il y a l'expression d'une souffrance, il faut l'écouter.
10:01 Il y a forcément quelque chose.
10:02 Il n'y a pas forcément ce qui est dit, mais il y a forcément quelque chose.
10:06 Donc il faut examiner, il faut écouter.
10:08 J'en suis persuadée parce que moi dans ma vie de prof,
10:11 quand j'ai entendu des choses, il n'y avait jamais rien.
10:13 Il y avait toujours quelque chose.
10:15 Et ils me demandaient en règle générale de ne pas intervenir.
10:18 C'est-à-dire quand je savais quelque chose, surtout Madame vous ne dites rien.
10:21 – Donc le pas de vague, vous l'avez connu, on vous l'a, comment dire, imposé.
10:25 – Voilà, c'était bien sûr quand ils nous demandent,
10:28 très souvent quand un élève parle à quelqu'un,
10:30 il ne veut surtout pas que ça se sache.
10:32 Donc il faut respecter aussi ce qu'il dit, mais aussi agir en sous-main.
10:35 – Mais donc il y a aussi une forme d'omerta.
10:37 – Oui, bien sûr.
10:39 C'est cette omerta que tout le monde s'impose.
10:42 Parce qu'on a l'impression que quand la chose est sue, elle va exploser.
10:46 Il en est pareil de tous les sujets.
10:48 Une fois que c'est sur la table, on ne sait pas jusqu'où ça va aller,
10:51 jusqu'où ça va impacter.
10:53 Donc c'est un peu la peur des conséquences.
10:55 Il ne faut pas avoir peur des conséquences.
10:57 Bien sûr, il y a un moment de bruit.
10:59 Et le moment du bruit est toujours assourdissant.
11:01 Mais après le bruit, il y a la guérison.
11:03 Il faut pouvoir assumer ce moment de transition qui est très difficile.
11:07 Parce que vous regrettez d'avoir parlé, parce que ça a des conséquences.
11:10 Et en plus, on vous réduit à votre harcèlement.
11:12 Et c'est hyper dur d'être réduit à ça.
11:15 – Ça vous fait rager tout de suite, Mika.
11:17 Sur le moment où un parent parle, la première chose, c'est qu'on ne se sent pas soulagé.
11:24 Je me souviens de ce souvenir de mon enfant.
11:27 Je me sentais humilié.
11:29 Je me sentais encore plus isolé.
11:31 Et après, il y avait une manière de commencer un sorte de discours.
11:35 D'avoir un petit peu une chance, une possibilité,
11:40 juste de demander la question "pourquoi".
11:44 Il faut juste poser la question "mais pourquoi ça se passe ? Pourquoi vous faites ça ?"
11:49 – Mais est-ce que l'école vous a soutenu ?
11:52 Vous avez été viré de plusieurs écoles.
11:55 – Il y a des écoles qui ne m'ont pas soutenu.
11:57 Il y en a une école qui ne m'a pas soutenu.
11:59 Il y en a des autres qui m'ont vraiment aidé.
12:01 – Mais pas soutenu, ça veut dire quoi concrètement ?
12:04 – Je me souviens toujours d'un moment où il y avait ma mère qui est rentrée à l'école.
12:12 Et ça c'était plus tard, j'avais 14 ans.
12:16 Elle est rentrée dans l'école, c'était avant la fin de la classe.
12:19 Elle est rentrée dans la classe, elle a dit "maintenant je vous parle".
12:22 – À la prof ? – Oui, au prof.
12:25 Et elle a dit "madame, vous devez partir, je vous attends".
12:31 "Et vous vous attendez dehors ?" Elle a dit "non, non, j'attends ici".
12:34 Et moi je voulais pleurer, j'étais en train de pleurer, je me cachais.
12:41 Je disais "je suis invisible, je suis invisible, je ne suis plus là".
12:44 – T'imagines à quel point elle t'a aidée ?
12:47 – Oui mais bien sûr, cette folie, mais ça a provoqué une discussion.
12:53 Ça a provoqué une discussion dans la classe.
12:56 Une discussion qui était extrêmement difficile au début.
13:01 Mais ensuite, tout le monde a commencé à parler dans la classe.
13:04 Je me souviens de ça, tout le monde a resté un peu plus longtemps.
13:07 Tout le monde a commencé à se parler.
13:09 Pourquoi c'est comme ça ?
13:12 Et je dis toujours que l'empathie, la tolérance se provoque.
13:19 Il faut l'encourager.
13:21 C'est pas quelque chose qu'on peut juste…
13:23 On ne va pas juste dire que ça va être naturel tout le temps.
13:25 Il faut l'encourager.
13:26 – Mais ça vous vous battez là-dessus tous les deux.
13:28 Brigitte Macron, ça fait des années que vous réclamez ça.
13:30 Des cours d'empathie, des cours de bienveillance.
13:32 Quelque chose qui a été un peu moqué par moment,
13:35 quand l'idée a ressurgi là, dernièrement.
13:38 En disant "ça ne se décrète pas".
13:40 – Moi je pense qu'il faut que les enfants entendent leur droit.
13:44 Il faut aussi qu'ils entendent leur devoir.
13:46 Et je pense qu'il faut leur dire.
13:48 D'une manière ou d'une autre, il faut en débattre, il faut en parler.
13:50 Et ce ne sont pas des cournures en yantre de bienveillance.
13:52 Il ne s'agit certainement pas de ça.
13:54 Mais bon, ça fait partie du jeu.
13:56 Mais c'est très important d'entendre.
13:59 Même chose pour les réseaux.
14:00 Il faut qu'ils entendent ce qu'ils doivent mettre, ne pas mettre,
14:02 pourquoi ils se mettent en danger, etc.
14:04 On pense toujours qu'eux…
14:06 – Je prends le même exemple que Gabriel Attal au Danemark.
14:09 Au Danemark c'est hyper symbale, le matin l'enfant arrive,
14:12 il a plein d'émoticônes.
14:14 Il rentre dans la classe, il choisit l'émoticône
14:16 qui correspond à son humeur du jour.
14:18 Et il met ça sur sa table.
14:20 Et le prof commence à l'interroger, non pas sur le cours, mais "comment vas-tu ?"
14:24 Et on gagne un temps fou.
14:26 On gagne un temps fou.
14:28 On ne perd pas de temps quand on fait ça.
14:30 Et tout de suite ça dédie quelque chose.
14:32 Je trouve que ta mère est extraordinaire d'avoir fait ça.
14:34 – Il ne faut surtout pas que les parents fassent ça.
14:36 Surtout pas.
14:38 Mais le fait qu'elle l'ait fait, c'est une preuve d'amour immense.
14:42 Elle t'aime mieux, elle aurait pu te mettre aussi en difficulté.
14:44 Mais nous parfois les parents, quand ce sont nos enfants qui sont impactés,
14:48 on est capable de tout, il faut savoir aussi ne pas le faire.
14:50 – Il faut réagir avec mesure, c'est ce que vous dites.
14:54 – Oui, mais quand ce sont nos enfants, c'est parfois difficile.
14:56 – Juste une chose, quand vous parlez de la bienveillance, de l'empathie, du Danemark,
14:59 vous en parliez déjà il y a 5 ou 6 ans.
15:02 Ça veut dire qu'on a perdu ce temps-là aussi.
15:04 – Alors là, on commence à trouver des éléments de langage.
15:06 Parce que les professeurs, parfois, on est un peu déconcerté.
15:09 On ne sait pas quoi dire à nos élèves, comment le dire.
15:11 Si on sait ce que l'on a à dire, ça va aller très bien.
15:14 Et je pense qu'il faut mettre en place des éléments de langage,
15:16 c'est ce que fait en ce moment Gabriel Attal.
15:19 Et je trouve ça très bien.
15:20 À partir du moment où on a un conducteur, on sait où aller et comment y aller.
15:24 Et donc les parents sont embarqués dans ce projet,
15:26 les professeurs, les élèves, tout le monde.
15:29 On est tous sur le paquebot là.
15:30 – Ça veut dire que Gabriel Attal est le bon commandant du paquebot pour vous ?
15:33 – Bon, j'ai eu trois commandants.
15:35 J'ai eu trois commandants.
15:36 L'origine, c'est bien émement Jean-Michel Blanquer,
15:39 qui a mis au point PAPENDIA et qui l'a généralisé.
15:43 Et là, Gabriel Attal qui est parti tout de suite sur le sujet.
15:49 Le premier jour de la rentrée, je peux partager un moment,
15:53 Gabriel a été inondé, moi aussi.
15:55 Et le premier jour de la rentrée,
15:57 parce que pendant les vacances ça se passe aussi sur les réseaux,
16:00 mais il n'empêche que le 2 septembre, le jour où ils sont rentrés,
16:03 je me dis "mais qu'est-ce qui se passe ?"
16:04 J'ai eu des mails, j'ai eu des tas de choses, Gabriel a eu des tas d'alertes.
16:07 Et le soir, il m'a appelé, il a dit "on y va tout de suite,
16:09 on ne va pas attendre une semaine".
16:11 C'est qu'on a l'impression qu'ils ont attendu d'être ensemble pour recommencer.
16:15 – Pour recommencer le harcèlement.
16:17 – Mais en présence.
16:19 – Tout ce que vous dites là, vous le dites au président Macron ?
16:21 Vous faites pression sur lui aussi pour que ça avance plus vite ?
16:23 – On parle de tout.
16:24 Mais je n'ai pas besoin de faire pression parce que lui c'est un sujet qu'il fait sien.
16:29 C'est très essentiel pour lui.
16:31 Ce matin, il était très content.
16:33 Il partait et moi j'étais là, il me dit "surtout tu leur dis à quel point c'est ma préoccupation".
16:39 Et c'est très important pour lui.
16:41 Non mais je ne l'influence pas, il n'a pas besoin de moi pour ça.
16:43 Mais j'en parle.
16:45 – Une question encore sur les parents parce qu'il y a…
16:47 – Pardon Maxime, je lui lis des lettres.
16:49 – Ah.
16:50 – Je lui lis des lettres qu'on m'envoie.
16:51 – Parce que vous en recevez des dizaines et des dizaines.
16:52 – Je lui dis des lettres d'enfants, je lui dis des lettres de parents.
16:55 Ça je n'ai pas besoin de commenter, je ne fais que les lire.
16:58 – Vous l'alertez sur le harcèlement ?
17:01 Vous l'alertez sur quoi d'autre en ce moment ?
17:03 Dans ces lettres que vous recevez, qu'est-ce qui ressort ?
17:05 – Je l'alerte beaucoup sur la violence que les enfants se prennent en ce moment.
17:09 Parce que bien évidemment, elle est partout, elle est dans le monde.
17:12 Mais eux ce qu'ils reçoivent, il n'y a pas de sens pour eux.
17:16 Donc c'est extrêmement, extrêmement fort ce qu'ils sont en train de dire.
17:20 Il faut bien regarder, il faut bien leur parler en ce moment.
17:23 – On est dans cette salle de classe, je reviens à cette salle de classe.
17:27 On dit toujours que l'école est un sanctuaire,
17:29 que des lycées comme ceux-là sont des sanctuaires.
17:32 C'est un sanctuaire qui est fragilisé par le harcèlement,
17:34 c'est un sanctuaire qui est attaqué aussi.
17:36 Brigitte Macron, on l'a vu récemment encore avec l'assassinat de Dominique Bernard.
17:41 Qu'est-ce que vous pouvez dire, notamment aux élèves et aux professeurs,
17:45 vos anciens collègues, pour les rassurer par rapport à ça ?
17:49 – Qu'ils tiennent bon, mais je sais qu'ils vont tenir bon.
17:54 Parce que quand on est prof, c'est aussi un métier de vocation.
17:59 On sait pourquoi on est là.
18:01 Et j'ai rencontré aussi les collègues de Dominique Bernard,
18:03 quand on est allé à l'enterrement.
18:05 Chacun a su ce qu'il avait à faire, à intenter.
18:08 Il y a un moment où la communauté s'est mise à protéger ses enfants.
18:12 Et on protégera nos enfants.
18:14 Et les profs protègent les enfants, le personnel enseignant,
18:16 tous ceux qui sont autour.
18:18 C'est fort ce qui s'est passé dans cette école.
18:20 C'est un drame absolu.
18:22 On a évité un drame encore plus fort.
18:25 Chacun a su ce qu'il avait à faire.
18:28 Et ils l'ont fait. Et tout le monde les a protégés.
18:31 Il faut qu'ils sachent qu'on est là pour eux.
18:32 Bien sûr, on voudrait que ce soit un sanctuaire.
18:34 Mais ça ne l'est pas encore.
18:35 J'aimerais tant qu'il y ait un peu plus de légèreté.
18:37 Parce que le monde de l'enfance et de l'adolescence,
18:39 ça ne doit pas forcément être ça.
18:41 Ça ne doit même sûrement pas être ça.
18:42 – Il est très très dur.
18:43 Et on en a un dernier exemple dramatique avec le cas de Lucas.
18:46 Lucas qui est un jeune de 13 ans qui s'est suicidé
18:50 avec quatre élèves de son établissement
18:53 qui ont été traduits en justice pour l'avoir harcelé.
18:56 Ils ont été relaxés.
18:58 Ils ont été relaxés tous les quatre.
18:59 La justice dit "on ne peut pas faire le lien entre le harcèlement qui a existé
19:02 et le suicide de Lucas".
19:03 La mère de Lucas est effondrée, évidemment.
19:06 Qu'est-ce que vous pouvez lui dire, tous les deux,
19:08 dire à la famille aujourd'hui, à cette famille ?
19:13 – Bien évidemment, que dire contre un jugement ?
19:16 Nous respectons les jugements.
19:20 Mais ça n'enlève pas que Lucas, on en parle.
19:24 Lucas, il est avec nous.
19:25 Lucas, on ne l'oubliera jamais.
19:27 Jamais.
19:28 Donc, et ça aussi c'est excessivement important.
19:32 Et la maman, ce qu'elle doit ressentir aujourd'hui,
19:35 effectivement c'est incommensurable en douleur.
19:37 Mais il y a un jugement, mais il y a aussi le non.
19:42 Et cet enfant, il reste avec nous.
19:44 – Je pense que la tristesse pour ce qui s'est passé avec Lucas,
19:49 ça résonne dans tout le monde.
19:51 Évidemment tous les parents, mais aussi tous les adultes
19:55 et les enfants qui ont vécu quelque chose de similaire.
20:00 Mais il faut en parler.
20:02 C'est fondamentalement important.
20:05 – Je pense aussi à Lindsay, parce que Lindsay qui est partie,
20:08 aussi Lindsay avait énormément parlé.
20:10 Elle en parlait énormément à sa maman qui a essayé aussi de tout faire.
20:15 Et c'était un combat impossible à mener.
20:19 Donc ce n'est pas possible.
20:21 Et il ne faut pas dire "ça va passer" parce que ça ne passe pas.
20:24 La plupart du temps ça ne passe pas.
20:26 – Il faut parler les aînés.
20:27 – Oui, oui.
20:28 Et quand je rentre dans les maisons des adolescents,
20:30 parce qu'avec la Fondation des hôpitaux en finances,
20:32 les maisons des adolescents, ils ont entre 11 et 25 ans.
20:35 Il n'y a pas que des ados, il y a des jeunes adultes.
20:37 Il n'y en a pas un qui a pas été harcelé.
20:39 Quand on parle avec eux, il y a toujours d'une manière ou d'une autre ça.
20:43 Et une énorme dépréciation d'eux-mêmes à la suite de ça.
20:46 – Vous savez, j'avais des parents qui m'adoraient.
20:52 J'ai un père qui m'aime, ma mère n'est plus là.
20:55 J'avais des parents qui faisaient des choses très extrêmes, plusieurs fois.
21:00 – On l'a un peu entendu aujourd'hui.
21:02 – J'étais mortifié quand ils étaient en train de me protéger.
21:05 Et j'avais des sœurs qui m'aimaient aussi.
21:10 Malgré tout ça, je vous dis la vérité, si je n'avais pas le piano,
21:15 si je n'avais pas la musique, si je n'avais pas l'art et la musique fondamentalement,
21:21 et ce rapport que j'ai pu développer avec la musique,
21:24 et dans une pièce qui était comme un petit placard à l'école.
21:28 Je me cachais dans cette petite pièce,
21:30 et on avait un dans la première école où j'étais,
21:32 dans la deuxième aussi, dans la troisième,
21:34 il y avait toujours un petit piano caché quelque part.
21:36 Si je n'avais pas ça, si je ne pouvais pas monter mon système de valeur,
21:39 ma valeur pour moi-même, honnêtement, je ne serais pas là aujourd'hui.
21:43 Et je le sais.
21:44 – Il est quand même sacrément fort,
21:46 parce que tu as toujours gardé ta différence.
21:48 Il a toujours eu, même très jeune, une différence vestimentaire.
21:51 Tout lui va, il peut tout mettre.
21:53 Il l'a toujours fait, il a toujours continué.
21:55 Il n'a pas succombé à la pression.
21:57 – Même avec le soutien de mes parents,
21:59 si je n'avais pas la musique pour me donner un sentiment
22:02 que j'avais du pouvoir, que j'avais une voix,
22:05 que j'avais une manière d'avoir une valeur pour moi-même,
22:08 même avec tout le soutien de mes parents et de ma famille,
22:11 je n'aurais pas pu m'en sortir.
22:13 Et je vous le dis sincèrement, je ne serais pas là aujourd'hui.
22:15 – Je crois qu'il est l'heure.
22:16 – Excusez-moi, je veux simplement dire une chose.
22:18 Mika, il avait tout.
22:19 Il avait des parents aimants, il avait tout.
22:21 Et il avait le sentiment de n'être rien.
22:23 Et ça, c'est hyper important.
22:26 – Justement.
22:27 – Je vous laisse rejoindre les élèves de ce lycée.
22:29 – On va les rejoindre.
22:30 – Merci à tous les deux. Merci Mika, merci beaucoup.
22:32 – Merci Maxime Soufek.
22:33 – Je vous le dis, j'ai le trac.
22:34 Croissance en France, j'ai très peur.
22:36 – On t'a fait le stade de France il n'y a pas longtemps.
22:38 – Non, j'ai très peur.
22:39 – Ils vous attendent.
22:40 Merci à tous les deux en tout cas.
22:41 – Merci beaucoup Maxime Soufek.