Les sentinelles de l'oubli

LCP Assemblée nationale

Les monuments aux morts de 1914-1918 nous sont devenus tellement familiers qu'on ne les voit plus. C'est un musée invisible qui a fini par se confondre avec les paysages de France. Et puis un beau jour, une sculpture arrête le regard, ici un soldat monte à l'assaut, ailleurs une jeune femme pleure dans un champ devant un casque... une autre histoire apparait. C'est le projet artistique le plus ample peut-être depuis les cathédrales, un grand chantier qui va s'étendre des années 20 aux années 30. Les morceaux d'un récit en trois dimensions semblent avoir été dispersés à travers tout le pays, comme des rushes d'un film mis en scène dans la pierre, au moment même où le cinéma muet est en train de devenir cinéma parlant. Les plus étonnantes de ces statues nous font entrer dans un monde parallèle, là où continuent à vivre les fantômes de la Grande Guerre. Durée : 62' / Année : 2023 / documentaire réalisé par Jérôme Prieur / Coproduction Mélisande Films / LCP-Assemblée nationale

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00:08:25 - On est invité à aller voir les plans ou la maquette

00:08:30 à la mairie ou chez l'épicier pour donner son avis.

00:08:33 Car l'oeuvre à créer doit être l'oeuvre de tous,

00:08:37 selon l'expression du maire de Châteauneuf-la-Forêt.

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00:10:31 - En rendant hommage aux soldats de la Croix-sur-Meuse

00:10:36 et aux habitants morts pendant la guerre,

00:10:39 le village a été presque intégralement détruit.

00:10:42 Donzelli utilise peut-être aussi la pierre

00:10:45 pour remercier le pays qu'il a accueilli

00:10:48 et donner libre cours à sa gratitude

00:10:51 envers les femmes et les hommes de la commune.

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00:11:04 Ailleurs, on est fiers de solliciter des célébrités de la capitale,

00:11:09 des sculpteurs prestigieux,

00:11:12 prix de Rome, membres de l'Académie des Beaux-Arts,

00:11:16 anciens élèves de l'atelier de Frémiers,

00:11:19 de Carpeaux, de Dalou ou de Rodin.

00:11:23 Y a-t-il eu un tel projet dans le passé?

00:11:27 Y a-t-il eu un tel projet depuis les cathédrales?

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00:11:51 Des entreprises qui s'étaient spécialisées

00:11:54 dans la statue de la République ou les bustes de Marianne,

00:11:57 le culte des grands hommes et des petits notables,

00:12:00 se convertissent dans la production en série de monuments aux morts.

00:12:04 Les marbrueries funéraires, les bronziers,

00:12:11 les fonderies offrent sur catalogue des stèles,

00:12:14 des obélisques, des colonnes tronquées,

00:12:17 lauriers, palmes, couronnes, coques gaulois, etc.

00:12:23 Des effigies sortent en quantité du même moule.

00:12:27 Près de 800 exemplaires du poilu modèle Camus,

00:12:31 en une seule taille de 1,60 m,

00:12:34 patinés imitation pierre de taille ou imitation bronze,

00:12:38 en ciment dur, inaltérable, aussi résistant que le granit,

00:12:42 ou peints en couleur naturelle, bleu horizon, à la demande.

00:12:48 Les exemplaires produits en série sont bien meilleurs marché que les œuvres originales.

00:12:53 Dans son premier roman, le jeune Alexandre Vialat imagine en 1928

00:13:07 le personnage d'un représentant de commerce.

00:13:12 Il y a encore plus de communes qu'on ne pense qui n'ont pas leurs monuments aux morts.

00:13:17 Mais on n'a pas compris ce qu'il leur faut.

00:13:19 On leur propose la France avec des ailes,

00:13:22 la victoire avec des nichons pointus,

00:13:25 des pyramides de casques, des faisceaux de baïonnettes,

00:13:29 et des tas de choses allégoriques.

00:13:31 Et l'art, que je dis aux maires en le regardant bien en face.

00:13:35 Ils s'en foutent, ils veulent leurs monuments aux morts.

00:13:39 Alors voilà, je leur fais des poilus, en série.

00:13:43 Suivant les villages, je leur colle le numéro du régiment dans lequel ils ont servi presque tous.

00:13:49 Ils ne voient plus que ça dans la statue.

00:13:51 Ça leur fait plus de plaisir qu'une belle femme avec des cheveux,

00:13:55 comme les réclames pour le pétrole.

00:13:57 Tu signales les moletières, les boutons, le sac, la musette, la grenade du casque,

00:14:04 servet chaud, c'est du pain vendu.

00:14:07 Ils se reconnaissent.

00:14:09 Ça c'est nous, c'est comme ça que nous étions.

00:14:12 J'appris ainsi pourquoi les villages s'ornaient inexcusablement

00:14:25 d'une belle floraison de poilus, raides comme des tuyaux de gouttières,

00:14:29 et peintes de fleurs de fleurs.

00:14:32 Raides comme des tuyaux de gouttières et peintes comme des mannequins.

00:14:36 Si ce n'était pas un triomphe de la sculpture, c'était du moins une victoire de la psychologie.

00:14:42 Majorité réactionnaire, j'offre le modèle numéro 4,

00:14:47 le poilu debout, invincible, victorieux.

00:14:50 Majorité rouge, je préconise le 4 bis,

00:14:54 le soldat mourant, le cadavre, la guerre sans compensation.

00:15:00 Le roi de la guerre sans compensation

00:15:04 Dans la pierre ou la fonte, on donne des leçons d'héroïsme.

00:15:19 On met en scène l'exaltation patriotique,

00:15:22 les tambours et les trompettes, le vieux sang séché.

00:15:27 "On ne passe pas", crient les soldats aux bras tendus,

00:15:31 qui, ainsi postés, auraient offert une cible parfaite.

00:15:35 Ultime représentation du théâtre aux armées.

00:15:44 Le théâtre aux armées

00:15:47 L'ennemi est hors champ.

00:16:04 Comme dans les tranchées, l'ennemi ne se montre pas.

00:16:07 Au mieux, un casque à pointe, un casque pris dans les barbelés.

00:16:12 Ou bien un aigle immense, abattu au pied d'un soldat.

00:16:16 Le temps est suspendu, le drap tombe d'un coup,

00:16:39 et la statue apparaît.

00:16:41 L'inauguration est la fête rituelle de l'entre-deux-guerres.

00:16:45 Année après année, les discours s'adressent aux monuments aux morts

00:16:51 comme aux dieux protecteurs de la cité.

00:16:54 Défilent les corps constitués et les enfants des écoles.

00:16:59 Le monument devient le centre autour duquel gravite la vie locale.

00:17:06 La victoire a lieu dans chaque commune.

00:17:09 La République honore le sacrifice de ses soldats.

00:17:18 La République console ses enfants

00:17:21 en proclamant qu'ils ne sont pas morts pour rien.

00:17:25 Le défilé de la République

00:17:33 est un des monuments les plus célèbres de l'Histoire.

00:17:37 La Presse nationaliste lance une virulente campagne en avril 1927

00:17:42 pour interdire l'inauguration du monument de Levallois-Perret.

00:17:46 Elle s'insurge que la guerre y soit montrée comme une chose horrible.

00:17:51 Le populaire, le quotidien dirigé par Léon Blum,

00:17:54 se félicite au contraire d'y voir un des mutinés,

00:17:57 fusillé pour l'exemple.

00:17:59 Et que soit figuré un tirailleur des troupes d'Afrique,

00:18:05 victime de la colonisation.

00:18:07 Le défilé de la République

00:18:11 est un des monuments les plus célèbres de l'Histoire.

00:18:15 La Presse nationaleiste lance une virulente campagne en avril 1927

00:18:20 pour interdire l'inauguration du monument de Levallois-Perret.

00:18:24 Le populaire, le quotidien dirigeant des troupes d'Afrique,

00:18:29 se félicite au contraire d'y voir un des mutinés,

00:18:33 victime de la colonisation.

00:18:35 Au centre, un soldat gazé, à l'agonie.

00:18:43 Le préfet de la Seine veut réconcilier les points de vue.

00:18:49 Qu'objecte-t-il dans son discours ?

00:18:52 Quant à l'ouvrier, qui attire toute la polémique,

00:19:01 brise-t-il son glaive ?

00:19:03 "C'est l'une des armes de l'ennemi ramassée sur le champ de bataille",

00:19:07 justifie encore le préfet.

00:19:09 La paix retrouvée n'est-il pas temps de jeter ses armes ?

00:19:17 L'artiste, hirondi, un ancien combattant valeureux,

00:19:20 se défend de toute inspiration subversive.

00:19:23 "Il fut quand même bien imprudent",

00:19:29 déplore le journal de l'Union Nationale des Combattants,

00:19:32 "d'en appeler à l'imagination des spectateurs,

00:19:35 au risque de prêter son œuvre à toutes les interprétations."

00:19:40 Le premier acte de la Seine-Saint-Denis

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00:20:36 Parmi les sculpteurs, beaucoup étaient en âge de partir combattre sur le front

00:20:42 ou de rejoindre des unités de camouflage.

00:20:45 Maintenant, ils veulent témoigner pour leurs camarades.

00:20:53 Les plus novateurs veulent simplifier, frapper.

00:21:00 Être moderne, ce peut être simplement refuser l'allégorie ou le style épique,

00:21:05 chercher à être vrai.

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00:26:36 Les monuments sont la manière moderne de pratiquer l'alchimie.

00:26:40 Ils transmutent en dur la chair.

00:26:45 Ils transmettent aussi les corps par le calcaire.

00:26:48 Mais aussi le marbre blanc, la fonte ou le bronze.

00:26:52 L'agglomérat de poudre de roche, le béton armé.

00:26:56 Mais le fer à l'intérieur peut rouiller.

00:27:00 Il faut des aciers mêlés de cuivre et c'est plus cher.

00:27:04 Le granit en Bretagne ou dans les Vosges.

00:27:08 Le grès rose en Alsace.

00:27:13 Rien ne doit provenir d'Allemagne.

00:27:16 Ni matériaux, ni main-d'œuvre.

00:27:20 Les voici maintenant, les sculpteurs qui attrapent des choses vues.

00:27:41 Les monuments fixent en volume et en relief

00:27:44 ce que personne ne pouvait voir loin du front.

00:27:48 Les sculpteurs stockent des gestes.

00:27:58 Ils cachent des souvenirs au fond de leurs statues.

00:28:02 Les monuments sont un peu comme des récits.

00:28:05 Ils sont un peu comme des récits.

00:28:09 Ils sont un peu comme des récits.

00:28:13 Ils sont un peu comme des récits.

00:28:17 Ils sont un peu comme des récits.

00:28:21 Ils sont un peu comme des récits.

00:28:25 Ils sont un peu comme des récits.

00:28:30 Le spectacle est contemporain de l'essor du cinématographe.

00:28:33 Le passage du muet au parlant.

00:28:41 Les statues sont muettes, mais elles parlent.

00:28:59 Si ce jeune soldat se bouche les oreilles,

00:29:02 c'est que la guerre en permanence fait un boucan de tous les diables.

00:29:06 Les statues sont toujours dressées, érigées.

00:29:17 Seuls les bas-reliefs gravés sur le socle,

00:29:23 comme des vues photographiques imprimées dans la pierre,

00:29:28 comme des vues photographiques imprimées dans la pierre,

00:29:31 sont des statues qui sont toujours enregistrées.

00:29:35 Les statues sont toujours enregistrées.

00:29:39 Les statues sont toujours enregistrées.

00:29:43 Les statues sont toujours enregistrées.

00:29:47 Les statues sont toujours enregistrées.

00:29:51 Les statues sont toujours enregistrées.

00:29:56 Les statues sont toujours enregistrées.

00:29:59 Les statues sont toujours enregistrées.

00:30:03 Les statues sont toujours enregistrées.

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00:47:15 Le 169e Régiment d'Infanterie

00:47:18 Dernière lettre d'Edouard Béga, lieutenant au 169e Régiment d'Infanterie.

00:47:29 Ma chère femme,

00:47:34 les attaques, les contre-attaques de part et d'autre

00:47:38 ne font que tuer les hommes.

00:47:42 Dans de telles circonstances, nous n'avons plus qu'à attendre la mort.

00:47:46 Tu embrasseras nos enfants.

00:47:51 Je te recommande de veiller à leur éducation,

00:47:54 si possible de leur faire apprendre un métier.

00:47:57 Pour notre René, il faut lui faire avoir son brevet supérieur,

00:48:02 pour le faire entrer dans l'école spéciale

00:48:05 pour les fils des officiers tués devant l'ennemi.

00:48:11 En ce qui concerne ta pension, les assurances, les mutuelles, ma solde,

00:48:16 vois M. Chenet, surveillant de travaux à la mairie de Nancy.

00:48:20 Il t'aidera à régler tout cela.

00:48:23 Quant à moi, qui vais reposer avec mes camarades au cimetière de Montauville,

00:48:29 j'aimerais bien être rentré près de vous tous au cimetière de notre village.

00:48:37 Bien, ma chère femme, je pense au moment de mourir que j'ai passé 14 années heureuses avec toi.

00:48:43 Au revoir, ma chère femme.

00:48:46 Embrasse bien mes pauvres petits.

00:48:49 Ton mari tué, Édouard.

00:48:53 (Musique)

00:49:12 Les monuments sont des mises en abîme, des tombeaux.

00:49:21 Connus ou inconnus, enterrés dans les cimetières des champs de bataille,

00:49:26 reposant dans leur village ou disparus corps et âme,

00:49:30 le mort peut maintenant revenir à la maison.

00:49:33 (Musique)

00:50:03 Celles qui n'ont jamais pu s'approcher, elles peuvent enfin arriver.

00:50:07 Les jeunes filles, les jeunes femmes, les marraines de guerre, les épouses,

00:50:12 les veuves en noir et les fiancées que l'on appelle les veuves blanches.

00:50:18 (Musique)

00:50:47 La famille peut voir son défunt une dernière fois.

00:50:50 Le gisant est lavé, embaumé, paré.

00:50:57 Plus beau mort que vivant, comme s'il s'était éteint dans son lit.

00:51:04 (Musique)

00:51:18 La pierre accorde des larmes, des caresses, et des étreintes que le mort n'a jamais reçues.

00:51:25 (Musique)

00:51:31 La pierre des monuments célèbres des funérailles qui n'ont jamais eu lieu.

00:51:35 (Bruit de la mer)

00:51:47 (Musique)

00:52:11 A l'Audev dans les Rho, en guise de pleureuse moderne,

00:52:14 à l'époque où les femmes jouent un nouveau rôle et réclament en vain leur droit de vote,

00:52:19 quatre élégantes sont habillées selon la mode des années folles.

00:52:24 Leurs robes, leurs manteaux, leurs parures, leurs broderies sont taillées dans un calcaire coloré à l'acide.

00:52:35 (Bruit de la mer)

00:52:52 « Il y a deux éléments qui dictent impérieusement les grandes lignes du monument.

00:52:58 La lumière directe du soleil et la disposition du terrain », répond le sculpteur Paul Dardé au journal local.

00:53:05 (Bruit de la mer)

00:53:12 « La question de la lumière est très importante.

00:53:15 C'est elle qui fait jouer la perspective, qui la détruit ou l'accentue.

00:53:20 Pour qu'elle ne soit pas détruite, cette perspective, il faut qu'elle possède une forte ossature,

00:53:27 une masse qui ne soit pas déchiquetée par la lumière.

00:53:29 (Bruit de la mer)

00:53:35 D'où la disposition de ces quatre figures, sur lesquelles viendront battre les rayons du soleil.

00:53:41 (Bruit de la mer)

00:53:48 Ainsi disposées, l'ensemble prendra un beau caractère d'intimité.

00:53:54 (Bruit de la mer)

00:54:01 Un côté du visage est intact, comme chez les gisants, mais l'autre côté est défiguré, par exception.

00:54:10 Les gueules cassées, il faut les laisser errer dans les rues, ou les cacher dans les hôpitaux et les asiles.

00:54:17 On ne les sculpte pas, ça suffit comme ça leur visage cubiste.

00:54:23 Un amputé, très rarement.

00:54:25 Aucun cul-de-jatte.

00:54:27 Alors qu'il y a un million d'invalides et d'hommes défigurés.

00:54:31 D'êtres trafiqués par la guerre.

00:54:34 (Musique)

00:54:41 (Applaudissements)

00:54:45 (Bruit de la mer)

00:54:56 Yvonne, 24 ans, apprend la mort de son mari, Maurice Retour.

00:55:02 « Je suis brisée.

00:55:05 Il me semble que je n'ai plus de cœur, tant il est broyé dans ses fibres les plus intimes.

00:55:14 Quand je songe aux longues années qui s'ouvrent devant moi, je suis prise de vertige.

00:55:19 Il m'a abandonnée alors que je n'ai fait qu'entrevoir le bonheur de notre union.

00:55:24 Du jour au lendemain, j'apprends que tout est fini, sans avoir pu donner un dernier regard à celui que j'aimais plus que moi-même. »

00:55:38 Près de sept ans plus tard, Yvonne assiste à l'exhumation du corps de son mari pour son rapatriement dans le cimetière de sa ville de Normandie.

00:55:46 « Ah ! si je le revoyais non pas vivant ! » s'exclame-t-elle.

00:55:53 « C'est de la folie d'y songer.

00:55:56 Mais seulement intacte. »

00:56:06 C'est lui, intact, le jeune officier au visage de héros qu'a sculpté Marcel Pierre à la Ferté-Massé, pour exaucer le vœu de sa jeune épouse.

00:56:16 Le jour où il est arrivé, Yvonne est enceinte.

00:56:18 « Je ne sais pas. Je ne sais pas. »

00:56:21 « Je ne sais pas. »

00:56:23 « Je ne sais pas. »

00:56:25 « Je ne sais pas. »

00:56:27 « Je ne sais pas. »

00:56:29 « Je ne sais pas. »

00:56:31 « Je ne sais pas. »

00:56:33 « Je ne sais pas. »

00:56:35 « Je ne sais pas. »

00:56:37 « Je ne sais pas. »

00:56:39 « Je ne sais pas. »

00:56:41 « Je ne sais pas. »

00:56:44 Qu'aurait-on pu comprendre à leurs histoires ?

00:56:47 Le fracas des explosions les poursuit, leurs rêves sont des cauchemars.

00:56:53 Ils sentent un vide à la place de leurs pensées.

00:56:58 Nombre de ceux qui sont revenus vivants font semblant d'être en vie,

00:57:02 absents comme des revenants, comme des statues.

00:57:06 Une part d'eux n'en reviendra jamais.

00:57:11 Et l'autre part, elle ne reviendra jamais.

00:57:15 Elle est en vie.

00:57:17 Elle est en vie.

00:57:19 Elle est en vie.

00:57:21 Elle est en vie.

00:57:24 Et l'autre part d'eux n'en reviendra jamais.

00:57:27 Ils ne répondent pas aux questions,

00:57:32 muets,

00:57:34 comme des tombes.

00:57:36 Les enfants portent l'empreinte de ces silences.

00:57:40 Ils sont pétrifiés.

00:57:52 Les petites filles et les petits garçons ont beau supplier,

00:57:55 ils sont voués à fêter les héros

00:57:58 pour faire oublier qu'ils sont des victimes collatérales.

00:58:02 Il y eut 760 000 à 1 million d'orphelins,

00:58:12 on le sait,

00:58:14 qui s'ajoutent aux 600 000 veuves,

00:58:17 aux parents, aux frères, aux sœurs, aux proches

00:58:21 qui ont été atteints.

00:58:22 ...

00:58:51 ...

00:59:07 Les monuments ne montrent pas que la guerre,

00:59:10 ils ne font pas que célébrer les héros.

00:59:13 Les statues contiennent l'endurance,

00:59:20 la résignation,

00:59:21 la colère,

00:59:23 la douleur.

00:59:26 ...

00:59:49 Ce sont des sarcophages pour enfouir les chagrins,

00:59:52 pour continuer à se souvenir,

00:59:57 pour parvenir à oublier.

01:00:01 Il y a des larmes dans les choses.

01:00:10 ...

01:00:38 André Pézard, "Nous autres à vos quoi" 1918.

01:00:43 Mes amis, tout cela est fini,

01:00:47 et maintenant vous êtes morts.

01:00:49 Je m'égare dans mes souvenirs,

01:00:51 et parfois je ne les reconnais pas tellement j'ai changé depuis.

01:00:54 Mes amis, je vis encore à toute heure avec vous,

01:00:58 et vous ne savez pas.

01:01:00 Je deviendrai vieux,

01:01:03 avec vous qui serez jeunes.

01:01:07 Je m'en veux de voir en ma tristesse une chose qui est tellement mienne.

01:01:10 Il faudrait oublier que c'est moi qui parle,

01:01:14 car c'est vous qui en êtes le prix.

01:01:16 Vous me rendez si triste que je ne voudrais même pas mourir maintenant,

01:01:22 mais rester sans plus jamais changer.

01:01:25 Car si je mourais,

01:01:28 toute cette peine qui est votre chose serait perdue.

01:01:32 ...

01:01:37 Laissez-moi dire ceci lentement,

01:01:40 comme est lente une pensée endolorie.

01:01:43 Laissez-moi dire lentement,

01:01:45 comme tombent ta regret de chère syllabe meurtrie,

01:01:50 adieu ma pauvre guerre.

01:01:53 Et c'est tout.

01:01:55 Adieu, ma pauvre guerre.

01:02:00 ...

01:02:11 ...

01:02:20 ...

01:02:30 ...

01:02:40 ...

01:02:50 ...

01:03:04 ...

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01:03:41 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org

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