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00:00:00 ...
00:00:04 -Maladie incurable, accident,
00:00:07 crise cardiaque ou vieillesse,
00:00:10 nous serons tous un jour confrontés à la mort.
00:00:13 Demain, pour notre fin de vie,
00:00:16 qui décidera de notre sort ?
00:00:19 Nous seuls ? Notre famille ?
00:00:21 Nos médecins ? Nos juges ?
00:00:24 Aujourd'hui, 1800 personnes meurent chaque jour en France.
00:00:29 60 % à l'hôpital,
00:00:31 40 % à domicile et en maison de retraite.
00:00:34 Depuis 20 ans, des lobbies instrumentalisent le débat
00:00:37 et réclament l'ouverture d'un droit à l'euthanasie
00:00:40 ou au suicide assisté.
00:00:41 -Je me demande qui pourrait continuer à vivre comme ça.
00:00:44 Qui ?
00:00:46 -Faites de bonheur.
00:00:47 -Le président de la République, Emmanuel Macron,
00:00:50 n'a pas caché ses intentions en s'adressant à Aline Renaud
00:00:54 lors de la remise de la Légion d'honneur.
00:00:56 -Votre combat pour le droit à mourir
00:00:58 est un combat que l'humanité vous ressent
00:01:00 et nous oblige.
00:01:02 Parce qu'il est dicté par la bonté, l'exigence
00:01:05 et cette intuition unique que c'est le moment de faire.
00:01:08 Alors nous ferons mieux.
00:01:09 Applaudissements
00:01:11 ...
00:01:13 -Le compte à rebours est lancé.
00:01:15 Convention citoyenne, mission parlementaire,
00:01:18 intervention d'experts vont ponctuer l'année 2023.
00:01:21 Le Comité consultatif national d'éthique
00:01:25 a déjà donné sa caution
00:01:27 à la légalisation de l'aide active à mourir.
00:01:30 -Aide active à mourir, c'est complètement insensé
00:01:33 qu'un comité d'éthique ait utilisé cette expression.
00:01:36 -Si l'euthanasie s'installe en France,
00:01:39 est-ce à nos médecins que l'on demandera de donner la mort ?
00:01:42 -C'est hyper violent, c'est demander à la médecine
00:01:46 d'éliminer les plus vulnérables,
00:01:50 ceux qui souffrent le plus.
00:01:51 -Alors que 85 % des acteurs de soins
00:01:55 se disent défavorables à l'idée de provoquer intentionnellement la mort,
00:01:59 nous avons suivi une unité de soins palliatifs.
00:02:02 Chaque jour, des hommes et des femmes accompagnent
00:02:05 les personnes en fin de vie pour apaiser leur souffrance
00:02:08 et les aider à profiter des derniers moments de l'existence.
00:02:11 -Ha !
00:02:12 -Nous sommes allés en Belgique,
00:02:15 où l'euthanasie est légalisée depuis 20 ans.
00:02:18 -Et là-dedans, il y a 3-4 ampoules d'un barbiteric.
00:02:22 C'est donc suffisant pour provoquer le décès du patient.
00:02:27 -2 700 personnes ont été euthanasiées en 2021,
00:02:31 et nombreuses sont les dérives.
00:02:34 -Des jeunes filles de 23 ans se font euthanasier
00:02:37 pour des souffrances purement psychiques.
00:02:39 Une dame de 64 ans se fait euthanasier
00:02:41 pour dépression à l'insu de son mari.
00:02:44 -Voulons-nous cela en France ?
00:02:46 Personnes âgées, vulnérables, handicapées,
00:02:49 demain, seront-elles incitées à mourir ?
00:02:51 -Sous couvert !
00:02:52 De respecter le droit et la liberté de chacun,
00:02:56 on établit une forme de tri entre les individus.
00:03:01 -Le geste qui soulage ne peut pas être,
00:03:04 comme on le répète à l'envie, le geste qui tue.
00:03:07 C'est une rupture éthique,
00:03:09 une rupture éthique avec nos valeurs fondamentales.
00:03:14 -Nous avons questionné des patients,
00:03:17 des médecins,
00:03:18 philosophes,
00:03:20 juristes,
00:03:21 et psychologues.
00:03:22 -Ca sera la perte d'une liberté, la légalisation de l'euthanasie.
00:03:26 On va nous formater en nous disant
00:03:28 "Vous êtes arrivé au stade où il faut en finir."
00:03:31 -Si en France, une loi existait en faveur de l'euthanasie,
00:03:35 Angèle ne serait plus là.
00:03:36 -Je sais ce que c'est, une expérience de fin de vie.
00:03:40 J'étais comme ça,
00:03:42 j'étais à la fin de ma vie.
00:03:45 -Le choix de légaliser l'euthanasie est à haut risque.
00:03:49 Est-ce que nous voulons rester dans une démocratie
00:03:52 ou est-ce que nous voulons entrer dans une société tribale
00:03:56 qui relativise l'interdit de tuer ?
00:03:58 -Je crois qu'une fois que vous avez légalisé l'euthanasie,
00:04:01 il n'y a pas de retour en arrière possible.
00:04:04 C'est comme les vannes d'un barrage,
00:04:06 vous ne pouvez pas les refermer.
00:04:08 -Une enquête inédite
00:04:10 pour comprendre les enjeux et les dérives de l'euthanasie.
00:04:15 Musique de tension
00:04:17 ...
00:04:24 -Quels sont les moyens qui existent en France
00:04:27 pour accompagner les personnes en fin de vie
00:04:30 quand elles souhaitent rester à domicile ?
00:04:32 Ce matin, au coeur de la capitale,
00:04:34 un médecin et une infirmière se rendent au chevet d'un homme
00:04:37 qui est en train de mourir.
00:04:39 -Bonjour, madame. Vous tenez le coup ?
00:04:41 La nuit, ça a été ? -La nuit, c'était bien.
00:04:44 -Ça marche quand vous lui donnez les gouttes ?
00:04:47 Il est plus apaisé, après ? -Oui.
00:04:48 -Bonjour, monsieur. Vous ouvrez les yeux ?
00:04:51 Ouvrez les yeux.
00:04:52 -Il y a deux jours, ce monsieur manifestait
00:04:54 une situation de détresse.
00:04:56 Le SAMU avait alors appelé l'équipe palidome.
00:04:59 C'est la deuxième fois que le docteur Leclerc
00:05:02 rend visite à cette famille.
00:05:03 -Mon impression, quand je vois son visage,
00:05:06 c'est qu'il était très apaisé lundi
00:05:08 et que là, il est moins apaisé aujourd'hui.
00:05:10 Vous êtes d'accord avec ça ? -Oui, tout à fait.
00:05:13 -Vous avez compris que là, on est dans les dernières heures
00:05:16 ou peut-être les derniers jours ? -Voilà.
00:05:18 -D'accord.
00:05:19 OK.
00:05:20 Monsieur Gaulle,
00:05:24 on va vous mettre un traitement qui va vous apaiser.
00:05:27 D'accord ?
00:05:28 On va mettre un peu de traitement qui vous fait mieux respirer
00:05:32 et un traitement qui vous apaise, qui enlève un peu l'angoisse.
00:05:35 Peut-être qu'il vous fera un peu dormir.
00:05:37 Vous pouvez lâcher prise.
00:05:40 Et votre famille, qui est auprès de vous,
00:05:43 ils sont prêts, vous aussi, je pense. D'accord ?
00:05:46 -Pour éviter aux personnes qu'elles ne décèdent
00:05:49 aux urgences de l'hôpital, l'assistance publique
00:05:52 a développé ce service de soins palliatifs à domicile.
00:05:55 -Il faut mettre un peu plus de traitement.
00:05:57 -Ici, pas d'obstination déraisonnable,
00:06:00 mais pas d'abandon non plus.
00:06:02 -Dedans, j'ai mis un petit peu de morphine
00:06:04 pour améliorer son état respiratoire,
00:06:07 car souvent, quand on est encombré, on respire très vite,
00:06:10 et la morphine va diminuer un peu la fréquence respiratoire.
00:06:13 On a mis aussi un peu de midazolam,
00:06:15 qui va en même temps le relaxer un peu,
00:06:17 le rendre un peu moins angoissé.
00:06:19 -Ca va être tout bien.
00:06:21 T'inquiète pas. T'es pas tout seul.
00:06:25 -Je vais rajouter une pâte de...
00:06:27 -Cet homme sera accompagné selon ses dernières volontés,
00:06:32 jusqu'à son dernier souffle,
00:06:34 entouré de sa famille, de manière apaisée.
00:06:37 -Il y a quelqu'un qui lui aide, et moi aussi,
00:06:43 psychologiquement.
00:06:45 C'est plus important que physique, pour moi.
00:06:49 -D'accord.
00:06:50 -La bébée, monsieur.
00:06:51 -Mon papa, je suis seule.
00:06:55 Musique douce
00:06:57 ...
00:07:00 -C'est super important.
00:07:02 -Entre le patient et l'équipe du docteur Leclerc,
00:07:06 la relation repose essentiellement sur la confiance.
00:07:09 -C'est vous qui faites le futur.
00:07:11 Nous, on est là juste parce que vous êtes là.
00:07:14 -C'est très important, oui.
00:07:15 -Tout simplement.
00:07:16 -On a besoin les uns des autres.
00:07:18 -C'est vrai.
00:07:20 -En un an, le docteur Leclerc et ses coéquipiers
00:07:26 ont accompagné 360 patients en fin de vie.
00:07:30 Ils n'ont reçu que deux demandes d'euthanasie.
00:07:33 Leur intérêt, c'est de faire en sorte
00:07:34 que le nombre de cas de malheur soit moins de 1 %.
00:07:37 -C'est une question importante,
00:07:39 mais qui ne s'adresse pas aux gens qui sont en train de mourir.
00:07:43 Les gens qui sont en train de mourir,
00:07:45 ils demandent à ce qu'on les apaise,
00:07:47 à rester chez eux, ça, ils le demandent.
00:07:50 Et donc, on...
00:07:51 On soutient leur volonté, oui.
00:07:53 -Palidome, c'est quatre équipes médicales
00:07:55 qui se relaient chaque jour sur Paris et les Hauts-de-Seine
00:07:59 pour couvrir un bassin de 3,5 millions d'habitants.
00:08:02 Retour au siège de l'hospitalisation à domicile
00:08:06 de l'assistance publique.
00:08:07 Toute la journée, Clément et Hélène
00:08:10 vont répondre à de nouveaux appels d'urgence,
00:08:12 sept par jour en moyenne.
00:08:14 -Il s'agit d'un monsieur de 98 ans
00:08:17 qui en a assez de vivre.
00:08:19 Il a eu le Covid, il a bien atteint,
00:08:22 il ne veut plus s'alimenter, il veut qu'on le laisse tranquille.
00:08:26 Ses deux filles sont épuisées.
00:08:28 -Pendant une demi-heure,
00:08:30 le docteur Leclerc va écouter,
00:08:32 discuter avec le médecin généraliste
00:08:34 et avec la fille du patient qui demande conseil.
00:08:37 Ils vont délibérer de manière collégiale.
00:08:40 -Aucun médicament, non.
00:08:41 -Il a exprimé la volonté de mourir ou pas forcément ?
00:08:45 -Non, non. -Non, d'accord.
00:08:47 -Votre papa, il dit "laissez-moi tranquille".
00:08:50 Mais qu'est-ce que ça veut dire, "laissez-moi tranquille" ?
00:08:53 Plus de prise de sang, pas de perfusion.
00:08:56 L'oxygène, si on a l'impression que ça lui fait du bien
00:08:59 et qu'il le tolère, il faut lui laisser.
00:09:01 S'il y avait un inconfort, nous, on passera
00:09:05 pour mettre en place des traitements qui peuvent le soulager.
00:09:08 -Je vous remercie pour cette précision.
00:09:11 -Au revoir, monsieur. -Merci, cher collègue.
00:09:13 -Au revoir. -Au revoir.
00:09:14 ...
00:09:17 -En un an et demi d'existence,
00:09:19 Pallidome a été sollicité près de 500 fois.
00:09:22 Un service très efficace, mais qui fait figure d'exception.
00:09:26 Car en France, ce dispositif n'est qu'expérimental.
00:09:30 Pour répondre à la grande souffrance
00:09:32 des personnes en fin de vie,
00:09:34 il y a dans notre pays un déficit de moyens
00:09:37 et de personnel qualifié.
00:09:39 -Moi, qui vois ce paysage politique depuis 30 ans,
00:09:43 très peu de gouvernements, très peu de parlements
00:09:46 ont eu le courage politique de prendre les vraies décisions
00:09:49 pour sortir du tout curatif,
00:09:52 parce que nous n'avons jamais pu développer,
00:09:54 comme il se doit, ce que les textes eux-mêmes prévoyaient.
00:09:58 Un centre de soins palliatifs par département,
00:10:01 une unité de soins palliatifs dans tous les centres universitaires.
00:10:05 Les centres universitaires ont refusé
00:10:07 de faire des équipes mobiles de soins palliatifs.
00:10:10 -Il faudrait mettre en place la capacité,
00:10:13 la possibilité pour tous les Français
00:10:15 de bénéficier de cet accompagnement
00:10:18 qui passe généralement par les soins palliatifs.
00:10:21 C'est quelque chose qui est proclamé depuis 1999 dans la loi,
00:10:24 mais 24 ans après, on voit bien qu'on n'est pas encore en mesure
00:10:28 de le respecter. Aujourd'hui,
00:10:30 dans un parcours de formation d'un médecin,
00:10:33 sur 10 années d'études,
00:10:35 vous avez 10 heures de formation sur les soins palliatifs.
00:10:39 -Dans l'avis du CCNE, on découvre que 26 départements en France
00:10:43 n'ont pas d'unité de soins palliatifs
00:10:46 et qu'aucune formation n'a été délivrée
00:10:48 aux étudiants à l'université, faute de professeurs.
00:10:52 Selon l'ADMD, l'association pour le droit de mourir dans la dignité,
00:10:56 en France, des milliers de personnes en souffrance
00:10:59 réclameraient que l'on abrège leur vie.
00:11:01 Nous avons recueilli quelques témoignages
00:11:04 sur des plateformes d'écoute, des voix qui ont choisi
00:11:07 de rester anonymes.
00:11:08 -J'ai 30 ans.
00:11:09 De vivre avec la souffrance physique comme ça,
00:11:12 c'est insupportable.
00:11:14 -Quand elle a connu l'issue de cette maladie,
00:11:16 elle a décidé qu'elle ne voulait pas vivre comme ça,
00:11:19 qu'elle voulait que ça s'arrête le plus rapidement possible.
00:11:23 -C'est notre propre corps, on est libre de faire ce qu'on veut.
00:11:26 C'est pas le voisin qu'on va tuer, c'est nous.
00:11:29 -La question fondamentale,
00:11:31 c'est pas la question de la fin de vie,
00:11:33 c'est la question de la souffrance.
00:11:35 Le rôle du médecin face à une personne qui va mourir,
00:11:38 c'est déjà de tout faire pour que la personne ne souffre pas,
00:11:41 de façon à ce qu'elle retrouve son intériorité,
00:11:44 une capacité d'être au monde, d'une certaine façon,
00:11:47 sans avoir à être assujettie à une souffrance insupportable.
00:11:51 -Vous avez des médecins, j'en ai croisé,
00:11:54 qui ne savent pas ce que sont les soins palliatifs,
00:11:57 qui croient qu'en soins palliatifs, on euthanasie les gens.
00:12:00 Vous avez finalement encore une ignorance crasse
00:12:03 de ce que sont les soins palliatifs,
00:12:06 et donc on ne peut pas...
00:12:08 On ne peut pas débattre sur de l'ignorance.
00:12:12 -N'oublions pas que la quasi-totalité des malades
00:12:15 qui sont malades et qui arrivent proche de leur fin de vie
00:12:18 ne demande pas de mort programmée
00:12:20 et ne demande pas à raccourcir leur vie.
00:12:23 C'est infinitésimal.
00:12:24 Moi, qui ai accompagné des milliers de malades,
00:12:27 la quasi-totalité des patients dont je me suis occupé
00:12:30 ne m'ont jamais demandé à raccourcir leur vie,
00:12:33 et je n'ai jamais demandé à raccourcir leur vie.
00:12:35 -Certains médecins se livreraient encore parfois
00:12:38 à un acharnement thérapeutique, pourtant interdit par la loi.
00:12:41 -Quand vous dites que ça peut durer des mois,
00:12:44 vous allez pas vous acharner, mais vous allez le regarder
00:12:47 vivre comme un légume pendant des mois.
00:12:49 -Ca a été largement publié par moi et par d'autres
00:12:52 que l'acharnement thérapeutique fait le lit des demandes d'euthanasie.
00:12:56 Le non-sens, l'excès de technique, le non-respect de la douleur
00:13:00 et de la souffrance fait le lit des demandes d'euthanasie.
00:13:03 -Réalisé pour l'ADMD, 89 % des Français seraient en faveur
00:13:06 de l'euthanasie ou du suicide assisté.
00:13:09 Mais la question leur est-elle bien posée ?
00:13:12 -Si vous faites un micro-trottoir,
00:13:14 vous allez avoir 60, 70 personnes,
00:13:18 70 % qui vont dire "Ah, moi, je veux pas souffrir",
00:13:22 et donc qui ont un fantasme d'euthanasie,
00:13:25 parce qu'ils ne se rendent pas compte
00:13:28 que quand ils seront malades, leur référentiel changera,
00:13:32 les valeurs de la vie qu'ils vivent vont se modifier,
00:13:35 il va y avoir un bouleversement de ces références,
00:13:38 et quand on est malade, on creuse le sens de sa vie
00:13:41 de manière différente que quand on est bien portant.
00:13:44 -Autour de la fin de vie, des fractures,
00:13:46 la France se divise.
00:13:48 Corps médical, communauté religieuse,
00:13:51 politique ou citoyen, tout le monde s'en mêle.
00:13:54 La question est idéologique.
00:13:56 -Disposer de sa fin de vie, c'est disposer de soi absolument,
00:14:00 être maître de soi.
00:14:02 Il n'y a pas d'autre aspiration,
00:14:03 vous le verrez à mesure que vous prendrez de l'âge,
00:14:06 dans la vie d'un homme ou d'une femme,
00:14:08 que de se commander à soi-même totalement.
00:14:10 Et c'est pourquoi nous traitons là de liberté fondamentale.
00:14:13 -Avant d'aborder la question de l'euthanasie à titre personnel,
00:14:16 chacun peut avoir sa conviction, c'est pas la peine d'en faire une loi.
00:14:19 Quand on est en situation de souffrance, il faut de l'ouverture.
00:14:22 Et là, on nous referme sur un débat
00:14:25 qui, depuis des années, ne mène nulle part,
00:14:27 si ce n'est qu'on a le sentiment, en tant que citoyen,
00:14:30 qu'il est piégé et que, de toutes les manières,
00:14:33 il aboutira à la mort médicalisée,
00:14:36 à l'assistance médicalisée à la mort.
00:14:37 -On veut tous mourir sans souffrance.
00:14:39 C'est complètement énorme d'opposer mourir dans la dignité,
00:14:44 mourir sans souffrance, aux soins palliatifs,
00:14:46 qui est exactement l'objectif des soins palliatifs.
00:14:49 -Il n'y a pas à se jucher sur un promontoire
00:14:52 pour évaluer la dignité ou pas d'une existence.
00:14:55 Toute existence est et doit être reconnue dans ce qu'elle est.
00:14:58 Et quand on parlerait de vie indigne d'être vécue,
00:15:01 c'est peut-être, pour nous, l'indignité d'être en capacité
00:15:05 d'accompagner ces vies pour qu'elles soient vécues et vivables.
00:15:08 -Sous couvert de respecter le droit et la liberté de chacun,
00:15:13 on établit une forme de tri entre les individus.
00:15:17 Et finalement, on en revient à un ensemble de législations
00:15:23 dont la cohérence se rapproche assez largement de l'eugénisme.
00:15:27 -Si demain, une euthanasie est légalisée,
00:15:31 on regardera forcément, en face d'une euthanasie,
00:15:34 l'intérêt, l'équilibre d'une vie qu'on va juger plus ou moins digne.
00:15:38 C'est une grande méconnaissance de la personne âgée,
00:15:42 qui ne se réduit absolument pas à sa dépendance, à sa fragilité.
00:15:46 Que fera-t-on de mon père dans quelques années ?
00:15:49 Que fera-t-on de moi si je tombe malade ?
00:15:52 Est-ce qu'on va me regarder comme une personne à part entière ?
00:15:56 Musique douce
00:15:58 ...
00:16:03 -En soutien de l'ADMD, des personnalités médiatiques,
00:16:07 acteurs, chanteurs, humoristes,
00:16:10 font entendre leur voix pour réclamer l'euthanasie.
00:16:13 ...
00:16:15 -L'intervention, j'allais dire, des comédiens, des chanteurs
00:16:19 ou des personnalités médiatiques, c'est l'accord émotionnel.
00:16:23 Ce n'est pas l'accord du raisonnement, de l'analyse,
00:16:26 de la philosophie, du droit, c'est l'accord de l'émotion.
00:16:31 Et à partir du moment où quelqu'un a été adulé
00:16:36 parce qu'il était jeune, beau et talentueux,
00:16:40 le jour où il devient vieux, moins beau et bégayant,
00:16:46 il ne se voit plus dans le miroir de la même manière.
00:16:50 Cette image, à mon avis, peut aussi jouer
00:16:53 pour des gens plus ordinaires,
00:16:55 car la société les regarde comme ça.
00:16:57 -Tout le monde ne meurt pas comme Molière,
00:16:59 en pleine représentation,
00:17:01 mais c'est un fantasme qu'on fait circuler dans la population.
00:17:06 La contrainte n'est pas supportable.
00:17:08 Le vieillissement, c'est forcément l'indignité.
00:17:11 Pas du tout.
00:17:13 La finitude, ce n'est pas toujours simple
00:17:16 et ce n'est pas parce qu'on est malade
00:17:18 qu'on perd sa dignité, le respect de soi
00:17:20 ou qu'on vous regarde comme un légume.
00:17:22 Personne n'est un légume. Jamais.
00:17:25 Quand vous êtes regardé avec un regard respectueux.
00:17:28 -Selon l'ADMD, il y aurait chaque année en France
00:17:32 de nombreuses euthanasies clandestines ou déguisées.
00:17:35 -Pentobarbital, c'est ça ? -Pentobarbital.
00:17:38 -Oui.
00:17:39 -Dans les hôpitaux français et dans le secret des habitations.
00:17:44 Il y a 30 ans, il y avait des milliers d'euthanasies clandestines par an
00:17:47 que les soignants nous racontaient avoir pratiquées.
00:17:50 Mais le traitement de la douleur était inexistant.
00:17:53 Tous les malades avaient mal et étaient en acharnement thérapeutique.
00:17:57 J'ai connu cette époque-là.
00:17:58 On s'est battus pour créer une autre manière de soigner.
00:18:02 Un, pour qu'on s'occupe de la douleur, qu'on respecte les gens
00:18:05 et deux, pour qu'on arrête les traitements inutiles.
00:18:09 Et puis, on s'est battus pour que ça soit intégré
00:18:12 dans le paysage universitaire et dans le paysage légal.
00:18:15 Donc, loi de 99, de 2002 avec M. Kouchner,
00:18:19 2005 avec Jean Leonetti,
00:18:21 on a inscrit dans le paysage
00:18:23 l'obligation de donner des soins palliatifs à tous malades
00:18:27 dont l'Etat le requiert.
00:18:29 -Il y en a marre de dire que la loi Leonetti n'est pas connue.
00:18:33 On ne donne pas la mort aux gens quand ils souffrent.
00:18:37 On supprime leur souffrance,
00:18:40 quitte à ce que ça raccourcisse leur vie.
00:18:42 -Le président de la République, Emmanuel Macron,
00:18:46 a ordonné la mise en place d'une convention citoyenne
00:18:49 et promis un débat au Parlement dans les prochains mois.
00:18:52 Mais pour certains, les jeux sont déjà faits.
00:18:55 -On n'est pas dans un débat éthique au sens propre du terme.
00:19:00 On est dans un débat politicien,
00:19:02 c'est-à-dire des politiques où on crée la situation
00:19:05 où les gens ont l'impression qu'il y a une promesse
00:19:08 et qu'on y arrivera.
00:19:10 -Étant donné que la majorité des ministres
00:19:12 qui s'occupent de la convention citoyenne
00:19:15 ont déclaré être pro-etanasique,
00:19:17 que le Parlement est majoritairement pro-etanasique
00:19:20 et que le Conseil économique et social
00:19:22 est délibérément pro-etanasique dans son dernier rapport,
00:19:25 nous avons des soucis à nous faire
00:19:27 sur un débat qui serait démocratique et apaisé.
00:19:30 -Les dés sont pipés,
00:19:32 puisque même sur le site du gouvernement,
00:19:34 autour du débat sur la fin de vie,
00:19:36 le discours est déjà très orienté
00:19:38 et on pointe l'insuissance des soins palliatifs.
00:19:41 -Nous sommes allés sur le site "Vie publique" du gouvernement.
00:19:45 En tapant "Fin de vie", voilà sur quoi nous tombons.
00:19:49 Le dossier, censé éclairer le débat,
00:19:52 ne cite à aucun moment la société française
00:19:55 d'accompagnement des soins palliatifs,
00:19:58 ni les acteurs des soins palliatifs,
00:20:00 alors que l'ADMD apparaît à deux reprises.
00:20:04 Musique intrigante
00:20:06 ...
00:20:09 -Le discours, clairement orienté,
00:20:11 est encouragé par la prise de position
00:20:13 du Comité national d'éthique
00:20:16 pour inciter la population à valider le bien fondé
00:20:19 et la nécessité d'une aide médicale active à mourir.
00:20:23 -Non, parce que l'euthanasie, c'est pas l'aide active à mourir.
00:20:26 Aider à mourir, c'est pas un soin.
00:20:28 Administrer la mort n'est pas un soin.
00:20:30 L'aide, c'est toujours actif.
00:20:32 Le soin d'un malade, c'est le soigner,
00:20:34 pas le faire mourir et pas le tuer.
00:20:36 Un ministre de la Convention citoyenne
00:20:39 nous a interdit d'utiliser le mot "euthanasie".
00:20:41 "Non, il faut dire 'adaptive à mourir'."
00:20:44 J'ai répondu non. "Non, c'est 'euthanasie' qu'il faut dire."
00:20:47 "Non, on ne dira pas 'euthanasie', c'est trop violent."
00:20:50 "L'euthanasie, c'est de tuer l'autre."
00:20:52 ...
00:20:54 -J'entendais même que le chef de l'Etat
00:20:56 avait des difficultés à employer le mot "euthanasie".
00:21:00 -Quand on crée les conditions volontairement,
00:21:03 avec l'intention que la personne meure
00:21:05 et que vous êtes celui qui injecte le produit,
00:21:09 qui êtes-vous ?
00:21:10 On pourra toujours trouver...
00:21:12 Est-ce que vous êtes le médecin ? Est-ce un acte médical ?
00:21:15 Ce sont des questions qu'on devrait poser.
00:21:17 On ne les pose pas. On nous parle de l'urgence
00:21:20 parce qu'il y a des euthanasies clandestines,
00:21:23 parce que d'autres pays l'ont fait, etc.
00:21:25 Mais je ne suis pas certain que ce soit la réponse
00:21:28 d'un président dans une société qui doute de tout.
00:21:31 -Le geste qui soulage ne peut pas être,
00:21:33 comme on le répète à l'envie, le geste qui tue.
00:21:37 C'est une rupture éthique,
00:21:38 une rupture éthique avec nos valeurs fondamentales.
00:21:42 Alors, où va l'Occident quand il considère
00:21:46 que c'est un progrès ?
00:21:47 Là où je vois une régression,
00:21:49 eh bien, il va dans le mur.
00:21:52 -Le président de la République, Emmanuel Macron,
00:21:55 souhaiterait que la France s'inspire du modèle belge.
00:21:58 Qu'en est-il exactement ?
00:22:00 -En Belgique, il a été dit, à l'époque, en 2002,
00:22:03 que l'euthanasie serait pratiquée de manière exceptionnelle,
00:22:06 à condition que le patient se trouve
00:22:08 dans une situation médicale sans issue
00:22:10 et fasse état d'une souffrance insupportable
00:22:13 résultant d'une maladie ou d'une infection grave et incurable.
00:22:17 Si plus rien ne peut être fait pour eux,
00:22:19 ils peuvent alors être euthanasiés.
00:22:21 Musique douce
00:22:23 ...
00:22:26 En Belgique, l'euthanasie est autorisée depuis 2002.
00:22:29 Ici, 4 euthanasies sont pratiquées chaque jour
00:22:33 et la demande est croissante.
00:22:34 A Bruxelles, nous sommes allés dans un hôpital
00:22:37 spécialisé dans le traitement des maladies cancéreuses.
00:22:40 Le docteur Le Signol pratique les euthanasies
00:22:44 depuis presque 35 ans.
00:22:45 Tous les vendredis, il reçoit les candidats
00:22:48 pour leur prochain départ vers ce que l'on appelle ici
00:22:51 la mort douce.
00:22:52 -Vous vous en soyez conscienté un peu ?
00:22:54 -Oui.
00:22:55 -A 61 ans, Joseph, tout juste à la retraite,
00:22:58 a appris qu'il était atteint d'un cancer à l'estomac,
00:23:01 inopérable.
00:23:03 Il ne veut pas suivre de chimiothérapie
00:23:05 ni aucun traitement qui pourrait prolonger sa vie.
00:23:08 -J'ai pas envie de souffrir inutilement.
00:23:11 Voilà.
00:23:13 Je sais très bien que cette décision me concerne,
00:23:16 elle concerne aussi mes proches,
00:23:17 mais le problème, c'est que, bon,
00:23:20 elle me concerne en premier.
00:23:21 -Il est clair que c'est vous-même qui nous direz
00:23:24 le moment venu quand ça devient pour vous la limite.
00:23:27 Votre demande est évidemment, comme on dit,
00:23:30 dans le jargon recevable.
00:23:31 Je pense que vous êtes dans les conditions légales,
00:23:34 ce qui renforce la certitude qu'on pourra vous aider
00:23:39 dans les meilleures conditions.
00:23:41 C'est vous qui déciderez la façon dont ça va se passer
00:23:45 et le lieu et le moment, évidemment.
00:23:48 -Pour moi, c'est clair.
00:23:49 J'ai pris une décision qui est irrévocable
00:23:53 et qui aura pas de bon retour.
00:23:55 Mon épouse, mes enfants, mes petits-enfants,
00:23:58 vont en souffrir, évidemment. Je suppose.
00:24:00 Mais moi, physiquement, j'ai pas envie de souffrir le martyre
00:24:04 et de finir, comme je dis toujours, comme une épave.
00:24:07 Ca sert à rien, c'est inutile.
00:24:08 -Joseph ne s'est finalement pas fait euthanasier.
00:24:12 Son cancer l'a rattrapé de manière foudroyante.
00:24:15 Il est mort quelques semaines plus tard dans sa famille
00:24:18 après avoir vu naître son sixième petit-enfant.
00:24:21 La loi belge sur l'euthanasie va aujourd'hui de plus en plus loin.
00:24:25 -Or, que constatons-nous aujourd'hui,
00:24:27 20 ans après la légalisation de la pratique de l'euthanasie,
00:24:30 c'est que des personnes sont euthanasiées
00:24:33 alors qu'elles ne répondent pas à ces conditions strictes.
00:24:36 Nous sommes passés d'une part d'une exception à l'interdit de mourir
00:24:40 à un droit de mourir, un droit de revendiquer l'euthanasie.
00:24:43 C'est là un glissement particulièrement préoccupant.
00:24:46 Dans la salle d'attente,
00:24:48 nous avons rencontré cette dame âgée de 92 ans.
00:24:51 Emilie est venue avec son neveu.
00:24:54 -Pourquoi est-ce que vous êtes venu
00:24:56 pour voir le professeur le signal aujourd'hui ?
00:24:58 -Je sais pas pourquoi.
00:24:59 -Pourquoi t'es venu ?
00:25:01 -Parce que j'ai envie de mourir.
00:25:06 -C'est vrai ?
00:25:08 Vous arrive-t-il ? Qu'est-ce que vous avez comme pathologie ?
00:25:13 Je parle pas assez fort. -Non, pas assez.
00:25:15 -Qu'est-ce que vous avez comme... Vous avez une maladie ?
00:25:18 -Non.
00:25:19 Pas mal de maladie.
00:25:21 Fatiguée.
00:25:23 -Et vous pensez que le professeur Le Signol peut vous aider ?
00:25:29 -Je l'espère.
00:25:31 -Nous avons été surpris d'apprendre un mois plus tard
00:25:36 que le docteur Le Signol et un de ses confrères
00:25:39 avaient donné leur accord pour qu'Emilie soit euthanasiée.
00:25:43 Selon les médecins, elle n'était pas dépressive,
00:25:46 mais atteinte d'une grande souffrance morale incurable.
00:25:49 -Je peux passer ?
00:25:50 -Son médecin traitant lui a fait une injection létale chez elle.
00:25:54 La Belgique est entrée depuis 20 ans
00:25:58 dans une banalisation de l'euthanasie.
00:26:01 -En ce qui concerne les chiffres précis,
00:26:03 on peut observer une véritable inflation,
00:26:06 explosion du nombre d'euthanasies.
00:26:08 C'est-à-dire qu'en 2003, 235 cas d'euthanasie
00:26:11 ont été déclarés, alors qu'en 2021,
00:26:14 2 699 cas ont été déclarés à la commission de contrôle.
00:26:18 C'est donc une augmentation x 10 du nombre d'euthanasies en 20 ans.
00:26:22 -L'euthanasie s'est banalisée en Belgique
00:26:25 car ce n'est plus une exception.
00:26:27 Quand vous regardez les chiffres, on a près de 3000 euthanasies par année
00:26:31 sur une population de 11 millions, sur 100 000 décès.
00:26:34 Ca veut dire que 3 % des décès sont par euthanasie.
00:26:37 Ce n'est plus un des cas exceptionnels
00:26:39 comme on nous l'avait promis au départ.
00:26:41 -Ce n'est pas seulement le nombre total qui augmente,
00:26:44 c'est aussi le nombre de personnes
00:26:48 qui ne sont pas en situation terminale.
00:26:50 Donc, à nouveau, on s'éloigne du tout début de la loi
00:26:53 où on nous montrait des cas de maladies terminaux
00:26:57 avec des douleurs insupportables.
00:26:59 -Les docteurs Beuselink et De Vos
00:27:04 sont praticiens en Belgique depuis des dizaines d'années.
00:27:08 Ils n'ont jamais pratiqué d'euthanasie,
00:27:10 un geste qu'ils refusent catégoriquement,
00:27:12 même si la pression est de plus en plus forte
00:27:14 sur l'ensemble du corps médical.
00:27:16 -Donc, il y a une loi euthanasie basée sur l'autonomie
00:27:21 qui est en train de gagner en influence
00:27:24 et ceci est en train de s'opposer
00:27:27 à une solidarité qu'on devrait avoir tous
00:27:30 pour les personnes âgées, les personnes faibles.
00:27:34 -Selon les chiffres publiés en Belgique
00:27:36 par la commission de contrôle,
00:27:38 67,8 % des patients qui ont été euthanasiés en 2019
00:27:43 avaient plus de 70 ans.
00:27:44 -Ca m'a beaucoup frappé d'observer,
00:27:47 dans les pays qui ont dépénalisé l'euthanasie,
00:27:49 ces personnes âgées qui sont usées d'existence,
00:27:52 qui, à un moment donné, disent qu'ils sont au bout de l'existence
00:27:55 et qui ne demandent à la société comme dernier droit
00:27:58 que de reconnaître dans l'octroi de la mort médicalisée.
00:28:02 -Si la société veut permettre aux plus vulnérables,
00:28:05 aux plus fragiles, isolés, pauvres, malheureux, dépressifs,
00:28:09 de se suicider quand ils veulent, on change de société.
00:28:12 Ce n'est plus une société qui fait société,
00:28:14 qui est dans la solidarité.
00:28:16 -On est dans un moment où on est proche
00:28:18 d'une certaine forme de barbarie,
00:28:21 mais dans l'incapacité de reconnaître à l'autre,
00:28:23 de dire ce qu'il est.
00:28:25 Si on est dans une société qui n'est plus attentive
00:28:28 à ce qui est notre société, à la divertité de chacun d'entre nous,
00:28:32 à ce qui est constitutif d'un bien commun,
00:28:35 d'une volonté commune, d'une histoire qu'on veut partager,
00:28:38 on est proche de la défaite.
00:28:40 -En Belgique, l'euthanasie est présentée comme un ultime soin.
00:28:46 -En principe, l'euthanasie est contraire
00:28:49 aux serments d'Hippocrate que j'ai ici,
00:28:51 même en grec, dans la langue d'origine,
00:28:54 qui est là, à côté de moi. Donc j'y tiens.
00:28:57 Ce n'est pas un soin selon la loi, ce n'est pas un acte médical.
00:29:02 -En oncologie, c'est devenu une pratique assez courante,
00:29:05 parce que les malades le demandent souvent.
00:29:07 Il y a beaucoup de médecins qui doivent le pratiquer.
00:29:10 Pour moi, clairement, euthanasie, c'est tuer, induire la mort.
00:29:14 -L'euthanasie ne pourra jamais être considérée
00:29:16 comme un acte médical comme les autres.
00:29:19 Le médecin va transgresser quelque part.
00:29:22 Il va faire quelque chose qu'il, comme humain,
00:29:25 n'est pas supposé faire, c'est de tuer quelqu'un d'autre.
00:29:28 -Nine out of ten documentaries
00:29:30 ou commentaires sur dix présentent l'euthanasie de façon romantique.
00:29:34 Ils montrent juste que c'est la solution parfaite
00:29:37 pour empêcher une mort terrible.
00:29:39 C'est une erreur que font les médias,
00:29:41 car dans la réalité, les expériences sont bien plus variées.
00:29:45 -Dans la réalité, l'euthanasie,
00:29:48 c'est une injection létale, c'est un geste...
00:29:52 rapide, déshumanisé, technique.
00:29:56 Je pense qu'une machine pourrait le faire.
00:29:59 -Nous avions rencontré en 2015 le docteur Yves Delocq,
00:30:03 dans les environs de Bruxelles.
00:30:05 Il nous expliquait précisément
00:30:07 comment il euthanasia ses patients à domicile.
00:30:09 -On installe une perfusion.
00:30:13 Je vais vous endormir.
00:30:15 "Est-ce que vous êtes toujours bien décidé à être euthanasié ?"
00:30:19 Je lui demande encore une dernière fois.
00:30:22 Il me dit "oui, oui".
00:30:24 Je dis "bon, on va y aller".
00:30:27 J'ai préparé donc le premier produit.
00:30:31 Je l'injecte, je lui dis au revoir
00:30:35 et il s'endort dans les 30 secondes.
00:30:38 Voilà.
00:30:39 A ce moment-là, je n'ai plus de contact avec lui, c'est fini.
00:30:42 -Avec une deuxième seringue,
00:30:44 il va injecter un produit pour que le coeur s'arrête.
00:30:47 -Au cas où...
00:30:50 le coeur continuerait à battre,
00:30:54 j'ai préparé dans ma troisième seringue
00:30:57 un autre produit qu'on appelle un curarisan
00:31:00 qui arrête le coeur.
00:31:01 Et voilà.
00:31:02 A ce moment-là, c'est fini.
00:31:06 J'attends souvent le lendemain pour recommencer à travailler.
00:31:09 Je rentre chez moi.
00:31:11 Mon épouse est très gentille, elle m'écoute parler.
00:31:14 Et ça fait passer le choc. Voilà.
00:31:16 -Cela fait maintenant une dizaine d'années
00:31:19 que le docteur Delocq pratique l'euthanasie de ses patients.
00:31:22 Musique douce
00:31:25 -Vous avez le sentiment de "twinge" ? -Jamais.
00:31:27 Jamais.
00:31:28 J'accompagne mes patients jusqu'au bout.
00:31:31 C'est peut-être la plus belle chose que j'ai faite dans ma vie.
00:31:34 C'est un soin extraordinaire.
00:31:36 -Les collègues qui le font,
00:31:39 le font en effet pour aider leurs patients.
00:31:42 Donc...
00:31:43 Je les critique pas, je les juge pas,
00:31:46 mais procurer la mort n'est jamais la bonne solution.
00:31:49 Pour moi, c'est pas la compassion.
00:31:51 -Pourquoi Delocq a toujours besoin, évidemment,
00:31:54 de se justifier, pas seulement en Belgique,
00:31:57 mais jusqu'en France, parce qu'il est pas bien avec sa conscience.
00:32:00 Ce geste d'impuissance, ce geste qu'il appelle d'accompagnement,
00:32:04 il essaie de l'habiller avec la compassion,
00:32:07 avec du respect de la liberté d'autrui.
00:32:11 Mais il faut pas tricher avec le vocabulaire.
00:32:13 Assumez votre acte jusqu'au bout, vous avez tué quelqu'un.
00:32:17 -Et demain, en France ?
00:32:19 Est-ce à nos médecins que l'on demandera de pratiquer l'euthanasie ?
00:32:23 -Si demain, une loi autorise les médecins à tuer les malades,
00:32:27 nous ne serons plus médecins.
00:32:29 Le serment d'Hippocrate sera complètement bafoué.
00:32:31 Nous serons des agents de l'Etat,
00:32:34 des fonctionnaires ou des agents prestataires de mort.
00:32:39 Il n'y aura plus de sens dans notre travail.
00:32:42 -Si demain, on nous demande, dans notre métier,
00:32:45 de mettre fin à la vie d'une personne âgée,
00:32:49 on ne retrouvera plus du tout le sens
00:32:52 pour lequel on a choisi cette profession.
00:32:54 -Selon un sondage réalisé auprès des soignants,
00:32:57 pour la SfAP, la légalisation de l'euthanasie
00:33:00 entraînerait pour 75 % d'entre eux des tensions dans les équipes
00:33:04 et pour 70 % une démission.
00:33:07 -Je pense qu'il y aura pas mal de casses psychologiques,
00:33:10 voire de suicides dans le monde des soignants.
00:33:13 On ne peut pas nous demander l'impossible.
00:33:16 Si on nous demande de tuer l'autre, on préférerait sauter la vie.
00:33:20 Pour nous, c'est faire du sale boulot.
00:33:22 C'est gâchis, c'est du gâchis,
00:33:25 parce que les unités de soins palliatifs qui ferment,
00:33:28 les équimobiles qui se retrouvent sans médecin et qui ferment,
00:33:31 dans l'indifférence la plus totale, ça, personne n'en parle.
00:33:35 Les suicides de médecins, d'internes, d'infirmiers,
00:33:38 personne n'en parle.
00:33:40 Donc si demain, on dit à la population,
00:33:42 "Ne vous inquiétez pas, il y a un bastion,
00:33:45 "un pool de médecins qui va vous euthanasier à la carte",
00:33:49 je pense qu'il va falloir se lever tôt pour les chercher,
00:33:52 parce que tous les autres qui sont sur le terrain
00:33:55 et qui ne vont pas euthanasier,
00:33:57 vont peut-être raccrocher leur blouse
00:33:59 d'une façon plus ou moins radicale.
00:34:01 -85 % des acteurs de soins déclarent être défavorables
00:34:05 à l'idée de provoquer intentionnellement la mort.
00:34:08 Et ils sont 83 % à déclarer que ce type de geste
00:34:12 ne peut être considéré comme un soin.
00:34:14 -Une bonne partie des soignants dit qu'ils démissionneraient
00:34:18 immédiatement si la loi bougeait,
00:34:20 parce que ça leur semble insupportable
00:34:22 de travailler en étant obligés de participer
00:34:25 peu ou prou à un geste euthanasique.
00:34:27 -Il y a une pression qui augmente en 20 ans
00:34:30 sur le personnel soignant, sur les médecins, les infirmiers,
00:34:34 parce qu'il y a de plus en plus de demandes.
00:34:37 Une famille qui insiste un peu
00:34:39 ou qui trouve qu'en refusant l'euthanasie,
00:34:41 on n'est pas clément ou on n'est pas charitable,
00:34:46 là, ça peut être vraiment dur,
00:34:48 parce qu'à ce moment-là, on est seul,
00:34:51 et voilà, il faut résister à cette critique.
00:34:55 Parce que l'euthanasie est vue comme une bonne chose,
00:34:58 celui qui va refuser peut être un mauvais médecin.
00:35:01 -Quand un soignant consulté pour un dossier d'euthanasie
00:35:05 dit non plusieurs fois de suite,
00:35:07 il est blacklisté, on ne le consulte plus.
00:35:10 -Pression sur les médecins, sur les familles,
00:35:13 sur les patients eux-mêmes.
00:35:15 -Alors comment en Belgique les gens sont-ils arrivés
00:35:17 à réclamer une euthanasie aussi facilement ?
00:35:20 L'euthanasie est présentée comme la dernière alternative
00:35:23 à la souffrance, avec une confusion des genres
00:35:26 entre soins palliatifs et euthanasie.
00:35:28 -J'ai eu, par exemple, un cas d'un monsieur
00:35:31 qui avait six soeurs et frères
00:35:33 et qui se retrouvait en situation palliatif,
00:35:36 et donc, j'ai proposé... Sa soeur est à côté de lui,
00:35:39 j'ai proposé les soins palliatifs,
00:35:41 et ils m'ont dit "mais à quoi ça sert ?"
00:35:44 "Vous allez rester là une ou deux semaines,
00:35:46 "vous pouvez encore voir votre famille,
00:35:48 "vous pouvez repasser des moments avec des souvenirs,
00:35:51 "regarder des photos, vous pouvez dire au revoir."
00:35:54 Et tout à coup, la soeur m'a dit une seule phrase,
00:35:57 elle m'a dit "on a déjà dit au revoir."
00:35:59 C'est déjà fait.
00:36:01 Là, ça m'a glacé, parce que je peux pas m'imaginer
00:36:04 que ma femme me dise "je l'ai déjà dit au revoir".
00:36:07 Et c'est une mentalité de dire "la fin de vie,
00:36:10 "ces 2, 3, 4 semaines, ça n'a pas de sens,
00:36:13 "or que ça peut être rempli de sens, de sens nouveaux,
00:36:16 "mais quand même rempli de sens."
00:36:18 -Au fil des ans, le nombre d'euthanasies
00:36:20 ne fait qu'augmenter en Belgique, et nombreuses sont les dérives.
00:36:24 La loi est devenue incontrôlable.
00:36:26 -Alors qu'en 2002, la loi avait été adoptée
00:36:28 de manière exceptionnelle pour permettre l'euthanasie
00:36:31 sous un strict contrôle pour des adultes,
00:36:34 en 2014, la loi a été étendue
00:36:36 afin de permettre que des mineurs d'âge,
00:36:39 des mineurs sans condition d'âge,
00:36:41 puissent solliciter l'euthanasie en Belgique.
00:36:44 Des jeunes filles de 23 ans se font euthanasier
00:36:47 pour des souffrances purement psychiques.
00:36:50 Une dame de 64 ans se fait euthanasier
00:36:52 pour dépression à l'insu de son mari.
00:36:55 Un prisonnier en vient à demander l'euthanasie
00:36:58 parce qu'il ne reçoit pas les soins adéquats.
00:37:00 -Dépénaliser l'euthanasie est incontrôlable.
00:37:04 Dans tous les pays qui ont dépénalisé,
00:37:06 Hollande, Canada, Belgique,
00:37:08 et pour lesquels il y a des publications,
00:37:11 les chiffres sont éloquents.
00:37:12 Il est impossible de contrôler.
00:37:14 -Belgique, Espagne, Pays-Bas,
00:37:19 Luxembourg, Suisse,
00:37:21 mais aussi Canada, Etats-Unis,
00:37:23 dans tous les pays qui ont légalisé l'euthanasie
00:37:26 ou le suicide assisté,
00:37:27 des dérives ont été constatées.
00:37:29 -L'un des dangers, c'est que, dans notre société,
00:37:34 on finit par créer une atmosphère de désespoir.
00:37:38 -Théo Boer est professeur d'éthique de la santé.
00:37:41 Il a été partisan de l'euthanasie
00:37:43 au début de sa légalisation aux Pays-Bas, il y a 20 ans.
00:37:46 Il a aussi travaillé pendant 9 ans
00:37:48 pour les autorités chargées de contrôler les cas d'euthanasie.
00:37:52 -Je me disais que cette loi serait une bonne manière
00:37:55 de réguler les pratiques et de la rendre transparente.
00:37:58 Mais aujourd'hui, je suis contre la légalisation,
00:38:03 parce qu'elle ne fait que s'élargir.
00:38:05 Ce qu'on a découvert aux Pays-Bas,
00:38:07 c'est que légaliser l'assistance à mourir
00:38:11 ou l'euthanasie ou le suicide assisté,
00:38:14 cela a favorisé la demande.
00:38:16 En fait, à partir d'une exception,
00:38:22 c'est devenu une des manières de mourir par défaut.
00:38:26 ...
00:38:28 Il n'y a pas de raison de croire que la France,
00:38:33 l'Allemagne ou l'Autriche ne feront pas les mêmes erreurs.
00:38:36 Ne légalisez pas,
00:38:39 parce que vous ouvrirez la porte à des milliers de cas.
00:38:42 A une époque, les gens mouraient dans des circonstances terribles.
00:38:48 Mais aujourd'hui, en 2023,
00:38:51 alors qu'on a les meilleurs soins palliatifs
00:38:53 de l'histoire de l'humanité,
00:38:55 c'est maintenant qu'on légalise l'euthanasie ?
00:38:58 Il y a quelque chose que je ne comprends pas.
00:39:01 ...
00:39:06 -En France aussi, il y a une méconnaissance
00:39:09 des soins palliatifs.
00:39:10 Pour comprendre les missions et la vocation
00:39:13 de ces équipes de santé très spécialisées,
00:39:15 nous avons tourné en immersion pendant trois jours
00:39:18 dans une unité de soins palliatifs à Oudan, dans les Yvelines,
00:39:22 à 40 minutes de la capitale.
00:39:24 -OK, on va demander à l'infirmière de venir vous faire le morphine.
00:39:28 -Comme ça, je peux peut-être dormir, me reposer.
00:39:32 -Ca ne va pas forcément vous faire dormir, le morphine.
00:39:35 -Le docteur Estelle Destret est médecin en soins palliatifs
00:39:39 depuis une dizaine d'années.
00:39:41 Un métier qu'elle a choisi par réaction
00:39:43 à ce qu'elle avait vu pendant son internat.
00:39:46 Des fins de vie insupportables, des personnes en souffrance,
00:39:49 traitées de manière expéditive.
00:39:51 Aujourd'hui, elle a le sentiment d'être parfaitement à sa place
00:39:55 dans sa relation à l'autre, comme avec Christiane,
00:39:58 arrivée il y a deux jours.
00:39:59 -C'est tout ce qu'on peut mettre en place.
00:40:02 Si c'est pas suffisant, il faut nous le dire.
00:40:04 Quand on a pas mal, on peut penser, faire des projets.
00:40:07 -Voilà. Merci beaucoup.
00:40:09 -Ce médecin d'expérience joue les pompiers
00:40:14 en travaillant à la fois dans l'unité de soins palliatifs
00:40:17 de l'hôpital de Oudan et l'autre moitié du temps
00:40:20 comme seule responsable au sein de l'équipe mobile
00:40:23 de soins palliatifs de Mante-la-Jolie.
00:40:25 -Désolée, on a beaucoup de choses,
00:40:27 des informations...
00:40:28 -Chef d'un service de 10 lits et un lit d'urgence,
00:40:33 elle accueille en moyenne 250 patients par an.
00:40:36 Les deux tiers d'entre eux y meurent,
00:40:38 soit deux décès tous les trois jours.
00:40:40 Chaque matin, la journée commence par une réunion entre les soignants.
00:40:47 -Dans la nuit, nécessité de faire interdose de midas...
00:40:50 -L'équipe de nuit transmet à l'équipe de jour
00:40:52 tout ce qu'il faut savoir sur les patients et leurs proches.
00:40:56 -Si uniquement pour l'angoisse, j'étouffe,
00:40:58 ce qu'elle veut, c'est qu'on soit là.
00:41:00 -Elle a vraiment ses idées persécutoires.
00:41:02 Elle a beaucoup de colère, mais ça traduit beaucoup une anxiété.
00:41:06 -Elle me dit "est-ce que vous savez qu'hier,
00:41:08 "j'ai voulu me jeter par la fenêtre ?"
00:41:10 Et au-delà de ça, elle s'ouvrait aussi beaucoup
00:41:13 par rapport, chose étonnante, au décès de sa fille.
00:41:16 -Sous la coordination du docteur Destret
00:41:18 et dans une démarche collégiale,
00:41:20 tous les patients vont faire l'un après l'autre
00:41:23 l'objet de la plus grande attention.
00:41:25 C'est aussi intéressant, l'évolution qu'il a eue chez nous.
00:41:28 Il n'a plus d'idées suicidaires, il est dans des projets de vie.
00:41:32 -Avec son équipe de soignants, infirmiers,
00:41:35 psychologues, mais aussi aides-soignants,
00:41:38 agents de services hospitaliers et les bénévoles,
00:41:42 chacun tient son rôle avec humanité
00:41:44 et autour de mettre mot l'écoute
00:41:47 et la prise en compte de la souffrance.
00:41:49 ...
00:41:56 -Une dame en grande souffrance vient d'arriver dans le service.
00:42:00 Elle n'est pas en fin de vie.
00:42:02 Mais faute de moyens et d'expertise dans le service hospitalier
00:42:05 où elle se trouvait jusque-là pour la prise en charge de sa douleur,
00:42:09 elle a été envoyée dans l'unité de soins palliatifs
00:42:12 en dernier recours.
00:42:13 -Hein ? Ouais, je vais essayer.
00:42:15 Pour rafraîchir un petit peu.
00:42:18 On essaye un petit peu ?
00:42:19 -Aaah !
00:42:23 -Est-ce que ça fait du bien ?
00:42:24 Est-ce que vous voulez qu'on essaye un peu d'huile de pomme ?
00:42:28 -Aaah !
00:42:30 -Existent-ils des douleurs impossibles à soigner ?
00:42:33 Celles que l'on appelle les douleurs réfractaires.
00:42:36 -C'est rare, mais ça arrive quand même
00:42:39 d'avoir des patients qu'on n'arrive pas à soulager,
00:42:42 on n'arrive pas à contrôler leur douleur.
00:42:45 On est vraiment coincés que la douleur est réfractaire
00:42:48 à tout ce qu'on a pu mettre en place.
00:42:50 Si le patient le demande ou si nous, on lui propose,
00:42:53 parce qu'on admet aussi notre impuissance,
00:42:56 et qu'en parallèle, son pronostic vital est engagé
00:42:59 parce que la maladie est en train d'avancer, de prendre le dessus,
00:43:03 c'est là où on peut proposer,
00:43:05 où le patient a le droit de nous demander
00:43:07 une sédation profonde et continue ou une sédation proportionnée
00:43:11 pour éviter que tous ces soins, ces douleurs,
00:43:14 altèrent sa qualité de vie et lui donnent l'envie de mourir.
00:43:17 -Certaines personnes arrivent malheureusement très tard
00:43:21 en unité de soins palliatifs.
00:43:23 C'est le cas de Gisèle, 92 ans.
00:43:25 -Vous venez de l'hôpital de... C'est ça ?
00:43:28 -Estelle et Pierre vont commencer par l'accueillir.
00:43:31 Une étape essentielle dans la relation qu'ils vont nouer
00:43:34 avec cette dame.
00:43:35 -Est-ce que vous avez des douleurs depuis la radiothérapie ?
00:43:39 Une sécheresse dans la bouche ? -Oui.
00:43:41 -Merci. -Merci.
00:43:43 -Gisèle a vécu comme un cauchemar ses séjours à l'hôpital.
00:43:46 Brinck-Ballet, de service d'urgence en service spécialisé.
00:43:50 Elle témoigne de mauvais traitements.
00:43:52 -Est-ce que je sens, vous, que...
00:43:54 -Vous m'avez dit tout à l'heure qu'il y avait un peu de colère.
00:43:57 -La colère, c'est que j'ai eu un tas de traitements
00:44:00 et je sais qu'il n'y a pas de solution.
00:44:03 -Quand vous dites qu'il n'y a pas de solution,
00:44:05 c'est-à-dire ? -C'est-à-dire que c'est maintenant la mort.
00:44:09 Le docteur à l'hôpital m'a tout raconté.
00:44:13 -Gisèle a été réanimée après avoir subi deux infarctus.
00:44:17 -Ca vous fait peur ? -Je suis en aiguille,
00:44:19 je ne peux plus rien faire. Je ne peux plus marcher,
00:44:22 je ne peux plus me lever.
00:44:24 -C'est arrivé brutalement, ça,
00:44:26 depuis votre passage aux urgences ?
00:44:28 -Depuis que je suis à l'hôpital.
00:44:30 -Vous pensez que vous avez été traité de façon un peu
00:44:33 disproportionnée, où ils ont fait des choses
00:44:35 qu'il ne fallait pas faire, il fallait vous laisser partir ?
00:44:39 -Oui. -Vous avez peur d'être prolongé,
00:44:42 en fait, par des traitements pour votre coeur ou d'autres ?
00:44:47 -Pas d'acharnement thérapeutique,
00:44:50 pas de réanimation, voilà, c'est ça.
00:44:53 Vous ne voulez pas de traitement qui serait déraisonnable.
00:44:57 Qu'on respecte votre désir, qu'à un moment,
00:45:00 si la maladie, elle prend le dessus,
00:45:02 qu'on ne soit pas dans des... C'est ça.
00:45:05 -Dans des gestes trop invasifs.
00:45:07 Musique douce
00:45:09 -Estelle va faire avec Gisèle un examen clinique.
00:45:12 Ici, pas de scanner ou de prise de sang.
00:45:14 C'est l'observation, l'échange qui prime.
00:45:17 -Allez-y, tournez la tête.
00:45:19 -On a bien entendu tout ce que vous nous avez dit.
00:45:22 La peur de mourir, peut-être étouffée.
00:45:24 Et tout ça, on l'entend, et nous, c'est notre savoir-faire aussi.
00:45:29 D'accord ?
00:45:30 Et on sait accompagner les personnes dans ces moments-là.
00:45:33 Et nous, ça va être le but d'essayer, déjà,
00:45:36 de prendre soin de vous et d'évaluer tout ça.
00:45:38 En tout cas, ce qui est important, c'est que la parole
00:45:41 soit donnée à la personne à qui on doit la donner.
00:45:44 C'est vous, la personne la plus importante dans la situation.
00:45:48 La deuxième, c'est votre famille,
00:45:50 qu'on doit accompagner et informer.
00:45:53 -Estelle et Pierre vont à présent recevoir la famille de Gisèle,
00:45:58 en commençant par écouter la colère de chacun.
00:46:01 -Quand elle est arrivée, juste avant la réunion,
00:46:04 elle disait "J'en peux plus, je suis au bout du rouleau.
00:46:07 "Je veux mourir, je souffre trop du dos."
00:46:10 -Oui.
00:46:11 "Il faut abréger ma vie."
00:46:13 Ca a accumulé toutes les malchances.
00:46:15 Mais des gens l'ont fait souffrir.
00:46:17 -Faites pas votre chochote, elle l'a entendu par les aides-soignantes.
00:46:21 -Et puis alors, il rêve sur R.M., à Chartres, un peu partout,
00:46:25 on l'entend aller partout.
00:46:27 C'est qu'elle l'a usée.
00:46:28 -Je partage avec vous, et vous avez le droit d'être en colère.
00:46:32 Il faut le vider, de temps en temps, ce sac, quand il est trop plein.
00:46:36 Mais si j'avais un conseil à vous donner,
00:46:38 c'est là, on va rentrer dans autre chose.
00:46:41 -On arrive à profiter de ce moment-là avec elle.
00:46:43 C'est ça. -Quand elle vous a vu arriver,
00:46:46 elle dit "Au moins, quelqu'un s'occupe de moi,
00:46:48 "qui me rassure."
00:46:49 -On va aller à son rythme, respecter ce qu'elle souhaite,
00:46:53 que ce soit physiologique ou physique, mais on va plutôt respecter.
00:46:56 Et quand on fait ça, souvent, on se trompe moins.
00:46:59 -Dans la chambre voisine,
00:47:02 il y a Denis, 67 ans,
00:47:04 soigné pour un cancer en phase terminale.
00:47:07 Il est arrivé dans l'unité de soins palliatifs il y a 15 jours.
00:47:11 Vous avez réussi à faire le visage et devant ?
00:47:13 -Oui. -Oui ?
00:47:15 Un peu les jambes ? Vous avez réussi ?
00:47:20 -Oui. -D'accord.
00:47:21 Voyez-vous, votre dos, il n'y a pas de rougeur,
00:47:24 un dos d'adolescent.
00:47:25 -C'est Virginie, infirmière, qui, ce matin, est chargée de sa toilette.
00:47:29 -Ma première fois, je me suis rendue compte
00:47:34 de l'importance des soins palliatifs.
00:47:36 Je rentrais dans une chambre et je me disais
00:47:39 "il faut que je fasse la toilette de la dame".
00:47:41 La toilette n'a jamais eu lieu, on a discuté pendant une heure.
00:47:44 C'est de là que j'ai eu mon déclenchement.
00:47:47 Ca s'apprend, de prendre le temps dans son travail.
00:47:50 On se dit "j'ai rien fait".
00:47:52 En final, j'ai fait beaucoup plus que si j'avais fait une toilette.
00:47:55 J'ai écouté la dame, on a échangé, on a rigolé,
00:47:59 sûrement peut-être pleuré, mais voilà.
00:48:01 J'en suis ressortie forte et me dire que c'est ça, mon métier,
00:48:05 ma fonction, c'est ça qu'on attend moins, le relationnel.
00:48:09 -Denis, vous êtes comment ?
00:48:10 Si vous résumiez votre hospitalisation,
00:48:13 qu'est-ce qu'on vous apporte ?
00:48:15 Bien ?
00:48:16 Et manger ?
00:48:18 Rires
00:48:19 -Denis a retrouvé goût à la vie.
00:48:24 Pourtant, il revient de loin.
00:48:25 Le docteur Destret et son équipe l'ont récupéré,
00:48:28 alors que son cas était désespéré.
00:48:30 -Ca vous fait mal ?
00:48:33 -Oui, un petit peu.
00:48:34 -Un petit peu ?
00:48:35 Ouais.
00:48:36 Vous avez pas trop récupéré ?
00:48:38 Un petit peu.
00:48:39 C'est un peu plus raide ?
00:48:41 -Sur un moment d'angoisse, de douleur
00:48:43 et de gêne respiratoire intense,
00:48:45 suite à son cancer et une trachéotomie,
00:48:47 la seule chose qu'il avait pu faire chez lui
00:48:50 avait été de se tailler les veines et se couper les tendons.
00:48:53 -Et là, avec son passage en unité de soins palliatifs,
00:48:56 on a l'impression qu'on a réussi à le soulager,
00:48:59 à lui redonner un petit peu goût à la vie.
00:49:02 -Et ici, ils vous ont soigné comme il faut ?
00:49:05 -Oui.
00:49:06 -D'accord.
00:49:07 Et aujourd'hui, alors, vous avez changé d'avis ?
00:49:10 Vous voulez vivre ?
00:49:11 Continuez à vivre.
00:49:13 Musique douce
00:49:15 ...
00:49:18 Gisèle n'a pas pu profiter longtemps
00:49:20 de l'accueil bienveillant des soignants.
00:49:22 Elle est décédée dans la nuit,
00:49:24 qui a suivi son arrivée dans l'unité de soins palliatifs.
00:49:27 -On va prendre soin de vous
00:49:29 avant que la famille arrive,
00:49:31 avant que vous ne soyez plus en danger.
00:49:33 On va prendre soin de vous avant que la famille arrive,
00:49:36 avant que votre fille arrive, votre mari.
00:49:39 On va prendre soin de vous, faire un shampoing,
00:49:41 et on va faire tout ça bien.
00:49:43 D'accord, Gisèle ?
00:49:44 ...
00:49:46 -Jusqu'au bout, Virginie va accompagner Gisèle
00:49:49 dans le respect de sa personne.
00:49:51 -On ne sait pas, madame, s'il se passe quelque chose.
00:49:54 Donc, voilà, moi, je continue à parler un petit peu
00:49:57 parce que peut-être qu'elle m'entend,
00:49:59 peut-être que ça me fait du bien aussi.
00:50:02 Ça fait partie de mes habitudes,
00:50:04 et je suis une personne.
00:50:06 -On est dans une vague.
00:50:10 On doit continuer à travailler
00:50:12 parce que la souffrance, elle n'attend pas.
00:50:14 C'est notre devoir d'accompagner le patient et ses proches
00:50:18 à apprivoiser la mort qui arrive.
00:50:21 -Hôpitaux en sous-effectifs.
00:50:24 Médecins généralistes non remplacés,
00:50:26 infirmiers au bord de la dépression.
00:50:29 Pour les partisans de l'euthanasie,
00:50:31 l'injection létale viendrait, à juste titre,
00:50:33 réparer l'échec de la médecine.
00:50:35 -Légaliser l'euthanasie, bien sûr, c'est la solution économique.
00:50:39 Parce qu'il faut bien le dire, ça coûte beaucoup moins cher
00:50:42 d'injecter un produit qui va mettre fin à la vie de quelqu'un
00:50:46 que de mettre en place toute une équipe.
00:50:49 Ça sera la perte d'une liberté, la légalisation de l'euthanasie.
00:50:53 On va nous formater en nous disant
00:50:55 "là, vous êtes arrivé au stade où il faut en finir."
00:50:58 -La façon de gérer les séjours au niveau financier
00:51:01 fait que dans énormément d'endroits de soins palliatifs,
00:51:04 le malade est sommé de partir,
00:51:07 pratiquement, s'il ne meurt pas assez vite.
00:51:10 C'est un vrai problème des soins palliatifs.
00:51:13 Avec une pression financière, pour ne pas que le séjour soit trop long,
00:51:16 il va falloir que le malade parte.
00:51:18 -Il faut voir qu'en France, on avait, en 1970,
00:51:21 1 000 centenaires.
00:51:23 On aura 200 000 centenaires en 2070.
00:51:27 Ces centenaires ont des enfants de 75 ans.
00:51:30 Le grand âge va concerner une part considérable de la population.
00:51:35 Aujourd'hui, nous constatons que des mutuelles
00:51:39 se sont engagées dans le débat en faveur de l'euthanasie.
00:51:44 Le président de la mutualité française a signé une tribune en ce sens.
00:51:49 Le président de la MGEN a signé une tribune en ce sens.
00:51:52 Ils vous disent, ils vous jurent leur grand Dieu,
00:51:54 que ça n'est pas une question de coûts.
00:51:57 Qu'est-ce qu'on met dans leurs mains
00:51:59 pour ce qui va se passer dans 30, 40 ans,
00:52:01 quand on aura autant de centenaires ?
00:52:04 -Le Parlement canadien a osé publier un rapport
00:52:08 dans lequel on découvre la réduction des dépenses de santé
00:52:12 générées grâce à l'assistance médicale à mourir,
00:52:15 estimée à 149 millions de dollars.
00:52:18 Le document précise que les coûts des soins accordés aux personnes
00:52:23 pendant leurs dernières années de vie sont hors de proportion.
00:52:27 Représentant entre 10 et 20 % du total des coûts de santé,
00:52:31 alors que ces personnes ne forment qu'un pour cent de la population.
00:52:35 Le rapport conclut que l'élargissement
00:52:38 de l'assistance médicale à mourir entraînerait
00:52:40 une large réduction des dépenses de santé pour le pays.
00:52:44 -Cette loi est susceptible de renforcer la pression
00:52:48 sur les personnes âgées.
00:52:49 Ca peut être pour de très bonnes raisons.
00:52:52 On n'aime pas voir souffrir les gens qu'on aime.
00:52:55 Et le fait de ne pas supporter la souffrance de quelqu'un qu'on aime
00:52:59 pourra aussi inciter à ce qu'il soit mis face à sa souffrance.
00:53:03 Et je parle là des intentions très louables.
00:53:07 Il peut y en avoir qui le sauront moins.
00:53:10 -Si l'euthanasie arrive à être légalisée,
00:53:14 il y aura une pression énorme sur les gens.
00:53:16 On va leur dire que c'est la solution.
00:53:19 "Tu veux montrer à tes enfants que tu les aimes ?
00:53:23 "Alors accepte l'euthanasie.
00:53:24 "Transmet-leur ton héritage.
00:53:26 "Tu vois qu'ils en ont besoin.
00:53:28 "Tu ne vas pas gaspiller ton héritage dans l'EHPAD.
00:53:32 "Ca n'a pas de sens.
00:53:33 "Ca sera très facile de manipuler des gens
00:53:37 "qui ne savent plus bien à quoi ils servent,
00:53:39 "sans se rendre compte que leur amour
00:53:42 "est tellement important aux jeunes générations."
00:53:45 -On dresse l'euthanasie comme une solution
00:53:47 au vieillissement de la population
00:53:49 et notamment au coût que ça génère pour la société.
00:53:52 -Je suis un chanteur connu et très écouté
00:53:55 de cette solution
00:53:57 au coût de la fin de la vie, au vieillissement de la population.
00:54:01 Jusqu'où ça va s'arrêter ?
00:54:03 Si on permet cette euthanasie,
00:54:06 où est-ce qu'on place la barrière ?
00:54:10 -La logique financière de l'hôpital
00:54:12 est dévastatrice sur la qualité des soins.
00:54:14 On a l'impression aussi que les gens le découvrent.
00:54:17 Mais il y a même des politiques qui le découvrent.
00:54:20 Il y a eu un rapport du Sénat sur la situation médicale des EHPAD,
00:54:23 des maisons de retraite qu'on appelle les EHPAD.
00:54:26 Ils sont sous-médicalisés depuis 20 ans,
00:54:28 depuis la signature de la convention tripartite.
00:54:31 Mais qu'est-ce qu'ils font ?
00:54:32 C'est eux qui décident les budgets,
00:54:34 c'est eux qui dansent la responsabilité.
00:54:37 Ils s'étonnent de la sous-médicalisation des EHPAD.
00:54:39 Mais il faut qu'ils sortent de leur bureau,
00:54:42 qu'ils aillent sur le terrain, un vrai terrain.
00:54:44 -Ce qu'on réclame, c'est, face au vieillissement de la population,
00:54:48 plus de moyens, plus de moyens avant tout humains.
00:54:51 Et puis, c'est une attente aussi culturelle, dont on a besoin,
00:54:54 pour valoriser ces services auprès des personnes
00:54:57 comme un service d'intérêt public et de grande, grande urgence.
00:55:01 -Qu'en est-il de notre approche singulière auprès de personnes
00:55:05 qui ont besoin d'être renforcées dans le sentiment d'exister
00:55:08 au moment où elles vivent l'évolution dans le grand âge,
00:55:11 dans la dépendance, la perte d'autonomie,
00:55:13 qui est souvent ressentie comme un exil,
00:55:16 comme une disqualification, à la fois pour la personne
00:55:19 et quelques fois pour ses proches ?
00:55:21 Donc, il y a besoin de repenser, effectivement,
00:55:23 notre rapport de responsabilité avec une personne vulnérable.
00:55:27 -Est-ce notre manque d'empathie,
00:55:29 de considération qui pousse certaines personnes
00:55:32 à opter pour une solution radicale ?
00:55:34 Chaque année, des dizaines de Français
00:55:37 décident d'aller en Suisse pour leur dernier voyage.
00:55:40 C'est à Bâle, derrière l'une de ces façades,
00:55:43 que le docteur Erika Preissig aide, depuis 15 ans, les gens à mourir.
00:55:48 La présidente de l'association Life Circle
00:55:52 est spécialisée dans la fin de vie.
00:55:54 C'est dans ce studio sans fenêtre,
00:55:56 à l'abri des regards, qu'elle officie.
00:55:58 Musique douce
00:56:01 -Nous avons voulu mettre beaucoup de couleurs.
00:56:05 Une cuisine,
00:56:07 une possibilité pour s'asseoir.
00:56:10 Il est très important
00:56:12 qu'on puisse vraiment être en bonne situation,
00:56:17 qu'on peut mettre la perfusion.
00:56:21 Et puis, il y a l'huile.
00:56:23 On prépare la perfusion.
00:56:26 On met les aiguilles dans les veines.
00:56:28 On met le médicament dans la perfusion.
00:56:33 -Le pentobarbital. -Le pentobarbital.
00:56:35 Puis, la personne qui veut mourir
00:56:38 fait ouvrir la perfusion.
00:56:41 C'est seulement le patient qui a le droit de l'ouvrir.
00:56:44 -En Suisse, l'euthanasie est interdite.
00:56:47 C'est au patient d'exécuter le dernier geste.
00:56:50 On appelle cela le suicide assisté.
00:56:52 Pour ne pas être accusé de meurtre,
00:56:54 Erika filme toute la scène.
00:56:57 -Vous devez mettre la roue
00:56:59 tout en haut si vous voulez mourir.
00:57:01 Encore un tout petit peu. C'est bien.
00:57:04 Maintenant, c'est juste.
00:57:06 Si quelqu'un dit
00:57:08 "je suis l'ange de la mort",
00:57:11 c'est bien.
00:57:13 Je les aide
00:57:15 à terminer la souffrance.
00:57:18 Je les aide à partir.
00:57:22 C'est quelque chose de doux.
00:57:24 -1300 personnes meurent chaque année en Suisse
00:57:27 par suicide assisté.
00:57:28 Le chiffre a triplé depuis 10 ans.
00:57:30 Dans ce pays de 8 millions d'habitants,
00:57:33 on porte un autre regard sur la mort qu'en France.
00:57:36 Mais là-bas, d'autres scandales secouent le pays
00:57:39 autour du marché de la mort.
00:57:41 Pour le vérifier, nous nous sommes rendus
00:57:44 dans un lieu discret où une association privée
00:57:47 pratique les suicides assistés à la chaîne.
00:57:49 Dans une zone industrielle, au milieu des champs,
00:57:52 un bâtiment est surnommé la Maison Bleue.
00:57:55 Dignitas y pratique le suicide assisté
00:57:58 depuis plus de 10 ans.
00:58:00 Nous tournons en caméra cachée.
00:58:02 Nous nous faisons passer pour des clients,
00:58:04 les neveux d'un vieil oncle qui souhaite bientôt mourir.
00:58:08 -Il y a quelques incidents.
00:58:09 Il vient de mourir. Les pompiers d'air sont déjà là.
00:58:12 -C'est quelqu'un qui est suicidé ?
00:58:14 -Oui, il y a une dame.
00:58:16 Oui, mais il y a une dame.
00:58:17 -C'est les mêmes personnes qui vont au suicidaire ?
00:58:21 -Non, c'est moi qui m'occupe de votre oncle.
00:58:23 Si vous voulez que je m'occupe,
00:58:25 autrement, c'est entre les deux.
00:58:27 On a plusieurs assistants.
00:58:30 -12 personnes, comme cette infirmière,
00:58:33 accompagnent la mort chez Dignitas.
00:58:35 Il faut compter 9 000 euros pour un suicide assisté.
00:58:38 -Et en fait, il n'a pas une maladie incurable ?
00:58:41 -Mais qu'est-ce qu'il a, comme maladie ?
00:58:44 -Il a marre de vivre.
00:58:45 -Oui, mais c'est... Quel âge ?
00:58:47 -80 ans. -80 ans.
00:58:49 Il faut que son médecin lui fasse une attestation
00:58:55 qu'il a marre de vivre, qu'il a de mal ici et mal là,
00:58:58 puis ça se fera.
00:58:59 -Et est-ce que ça peut se faire rapidement ?
00:59:02 -Dans deux mois.
00:59:04 -En deux mois, y a pas de place, avant ?
00:59:06 -Si, c'est très urgent.
00:59:08 -3460 personnes sont déjà mortes chez Dignitas,
00:59:13 dont 453 Français.
00:59:15 En Suisse, on revendique une ultime liberté.
00:59:19 Mais l'enjeu n'est-il pas de savoir si ces personnes
00:59:22 ont pu bénéficier d'un véritable accompagnement
00:59:25 pour répondre à leur douleur, à leur solitude ?
00:59:28 N'ont-elles pas cédé à la pression sociale ?
00:59:32 Et le phénomène pose une question plus large encore
00:59:35 pour la société dans laquelle nous voulons vivre,
00:59:38 à propos de l'interdit de tuer.
00:59:40 -Une société qui ne met pas cet interdit
00:59:44 est une société d'insécurité permanente.
00:59:47 C'est une société où l'homme est un loup pour l'homme
00:59:50 et la loi de la jungle, c'est le plus fort qui l'emporte
00:59:53 sur le plus faible, donc c'est invivable,
00:59:55 car j'ai peur que mon voisin me tue,
00:59:58 donc je vais le tuer avant qu'il me tue.
01:00:00 -Les sociétés pour survivre ont mis au fronton
01:00:03 de leur principe de base "tu ne tueras pas".
01:00:06 -Dans l'euthanasie ou dans le suicide assisté,
01:00:09 dans ces deux...
01:00:10 J'allais dire dans ces deux techniques,
01:00:13 le désir de mort se traduit par la possibilité
01:00:17 d'obtenir de la société qu'elle vous donne la mort.
01:00:20 Et c'est pas le désir de mort qui pose problème,
01:00:24 c'est le fait que la société
01:00:28 puisse lever l'interdit fondamental de donner la mort
01:00:32 en répondant à ce désir.
01:00:34 Tout le problème est là. La rupture ontologique est là.
01:00:37 Le droit de se faire donner la mort.
01:00:39 -Alors que notre rapport à la mort est impacté
01:00:43 par les représentations collectives ambiantes,
01:00:45 d'autonomie, de performance, d'efficacité,
01:00:48 n'y aurait-il pas la nécessité urgente
01:00:51 de retrouver une société incarnée dans l'être ?
01:00:55 -Nous nous sommes devenus des grandes amies, madame.
01:00:58 -C'est vrai.
01:00:59 Beaucoup de choses passent par les mains,
01:01:01 en particulier l'amitié. Je sais pas pourquoi.
01:01:04 -C'est gentil. -Et c'est précieux.
01:01:06 -C'est gentil.
01:01:08 Moi aussi, je vous aime beaucoup.
01:01:10 J'ai confiance en vous.
01:01:11 -La préoccupation de notre société est de faire reculer la mort.
01:01:17 Nous sommes dans une société
01:01:19 où les valeurs sont tournées vers l'avoir.
01:01:22 Posséder, consommer, jouir de tous les biens.
01:01:24 Il y a une survalorisation de la maîtrise et du dynamisme.
01:01:29 Ces valeurs de l'avoir
01:01:30 sont au détriment des valeurs de l'être.
01:01:34 Lorsque le mourir arrive,
01:01:37 le mourir et cette dégradation qui va conduire à la mort,
01:01:40 ce mourir va vraiment à l'encontre des valeurs de notre société.
01:01:45 Donc, notre société ne prépare pas
01:01:47 à ce chemin de dépouillement, qui est celui de la fin de vie.
01:01:52 -Les associations des maladies de Charcot
01:01:55 demandent en ce moment, dans le débat public,
01:01:58 qu'on ne les instrumentalise pas.
01:02:02 Ils savent trop bien la difficulté, la complexité
01:02:05 de l'accompagnement qu'ils doivent aux autres.
01:02:08 L'immense majorité des personnes atteintes de maladies de Charcot,
01:02:12 quand elles sont bien accompagnées,
01:02:15 ne demande pas qu'on abrège leur jour.
01:02:18 Nadine, 45 ans, est atteinte de la maladie de Charcot.
01:02:22 Une dégénérescence musculaire lui paralyse le corps.
01:02:26 Nadine n'a plus l'usage de la parole.
01:02:28 -Bon appétit à tout le monde. -Merci.
01:02:31 -C'est ce que dit Nadine.
01:02:32 -Pour s'exprimer, Nadine a recours à un ordinateur
01:02:36 qui, grâce à une caméra, détecte le clignement de ses yeux.
01:02:40 Lettre après lettre, elle rédige ses phrases.
01:02:43 -Acceptez-vous, Nadine, de me dire votre amour de la vie ?
01:02:47 -Je crois à un attachement viscéral.
01:02:49 Je vis le moment présent,
01:02:50 recherchant les petits bonheurs et la complicité.
01:02:53 La SLA m'a limitée dans mon corps, mais je ne souffre pas.
01:02:57 Je me nourris du sel des relations.
01:02:59 Je souhaite vivre le plus longtemps possible.
01:03:01 Ma vision de la vie est de parvenir à me réaliser,
01:03:04 d'évoluer spirituellement et de trouver la plénitude.
01:03:08 -J'accompagne des personnes entièrement paralysées.
01:03:11 Vous voyez, l'autonomie, c'est zéro.
01:03:14 Et pourtant, parfois, je les trouve plus en vie,
01:03:17 plus dans la vie, pleinement en vie, que nous autres.
01:03:20 Si on supprime ces êtres les plus faibles,
01:03:23 on va nous demander d'être des robots,
01:03:26 qui auront une date de péremption.
01:03:30 Vous imaginez cette scène où votre médecin vous dira
01:03:35 "Il est temps, maintenant, de penser à vos proches
01:03:38 "et il serait peut-être temps de penser
01:03:42 "à ce que les choses s'arrêtent. Pour eux, ce serait mieux."
01:03:46 Le jour où votre médecin vous dira ça,
01:03:48 au lieu de vous dire "Je peux encore vous proposer
01:03:51 "de vous soulager de telle manière",
01:03:53 quand on sera plus dans l'attention du lien,
01:03:57 mais juste qu'on traitera que le corps,
01:04:00 les besoins du corps, on aura perdu beaucoup de liberté.
01:04:04 -Si une loi sur l'euthanasie existait,
01:04:08 Angèle Liéby ne serait plus là.
01:04:11 Il y a 10 ans, à la suite d'une atroce migraine,
01:04:16 elle est plongée dans un coma artificiel,
01:04:18 pour un jour ou deux, mais elle ne se réveille pas.
01:04:21 Pour le personnel médical, elle est très vite considérée comme morte.
01:04:28 -J'étais plus capable même de respirer.
01:04:31 J'étais inerte dans le noir complet.
01:04:34 -Angèle est atteinte du syndrome de Bickerstaff,
01:04:38 une maladie neurologique rare du système nerveux central,
01:04:41 mais les médecins l'ignorent.
01:04:43 -J'étais incapable de donner un signe.
01:04:45 J'écoutais le moindre son, le moindre bruit.
01:04:48 Tout. J'entendais même les roulettes
01:04:52 des soulèves malades,
01:04:54 de l'appareil qui s'approchait du lit.
01:04:57 Euh... Je ressentais le froid dans le dos,
01:05:01 des lanières, quand on me soulève.
01:05:03 Tout. Je ressentais tout.
01:05:06 -Autour d'elle, son mari et sa fille continuent de veiller,
01:05:11 alors que les médecins ne leur donnent aucun espoir.
01:05:14 -Qu'est-ce qu'on leur a dit ? Voilà.
01:05:16 Elle est plus là. Cérébralement, elle est plus là.
01:05:19 Donc, ça sera un légume.
01:05:21 Il faut songer à débrancher.
01:05:23 Ils disaient ça à mon mari pratiquement tous les jours.
01:05:26 -Un médecin va lui faire un test particulièrement douloureux.
01:05:31 -Il m'a pincé le sein et ça me faisait très, très mal.
01:05:34 Il l'a tiré dessus.
01:05:36 Deux fois, d'ailleurs.
01:05:37 Il a dit, vraiment, textuellement, il a dit...
01:05:41 "Maintenant, je vais vous montrer comment on voit
01:05:44 "qu'une personne est vivante ou morte."
01:05:46 Ca, ça m'a fait mal.
01:05:48 Là, j'ai senti que, vraiment, pour lui, j'étais vraiment morte.
01:05:52 -Angèle aurait souhaité que l'on mette fin à ses jours,
01:05:55 mais impossible de faire entendre sa voix.
01:05:57 -Il y a eu des moments trop douloureux
01:06:00 où je me suis dit, pourquoi ma famille,
01:06:02 elle voit pas ce qui se passe ?
01:06:05 Pourquoi ils n'arrêtent pas ?
01:06:06 Pourquoi ils me laissent souffrir autant ?
01:06:09 Je leur en voulais, à part maman.
01:06:11 Musique douce
01:06:13 -Angèle s'en est sortie grâce à l'amour de ses proches.
01:06:17 -Un jour, j'ai entendu ma fille.
01:06:19 Elle me disait, "Je vais très bien m'occuper de papa,
01:06:22 "mais quand même, faudrait que tu reviennes,
01:06:24 "parce que j'aurais un troisième enfant,
01:06:26 "ce troisième enfant connaîtrait même pas sa mamie."
01:06:29 Je pense, à ce moment-là, j'ai vraiment pleuré.
01:06:32 Elle a dit que c'était des larmes.
01:06:34 J'entendais "Maman, elle pleure."
01:06:37 Musique douce
01:06:39 Je suis tellement heureuse qu'on ait pas entendu mes cris.
01:06:42 Je suis tellement heureuse d'être là
01:06:45 et qu'ils ont refusé de débrancher.
01:06:48 -Angèle a réappris à respirer,
01:06:51 à parler, à marcher.
01:06:53 Dix ans après, elle est toujours là pour raconter son histoire.
01:06:57 Musique douce
01:06:59 ...
01:07:07 -Je dis aux Français, n'adoptez pas la loi comme en Belgique,
01:07:10 c'est pas un modèle,
01:07:11 parce que ça change aussi le corps médical,
01:07:14 la mentalité. Il y a beaucoup de divisions entre médecins.
01:07:17 Il y a un concept d'une fausse compassion qui est entré.
01:07:21 Pour moi, ça fait pas partie de la médecine
01:07:24 de mettre fin à une vie d'une façon abrupte,
01:07:26 de tuer quelqu'un.
01:07:28 ...
01:07:30 -Les partisans de l'euthanasie
01:07:32 essaieront de rapporter les cas les plus déchirants,
01:07:35 mais je pense que les cas difficiles font de mauvaises lois.
01:07:38 -La vie de l'individu ne pèsera plus grand-chose,
01:07:41 puisqu'on peut en disposer comme on l'entend.
01:07:44 Mais c'est une rupture ontologique et sociale
01:07:47 absolument abyssale.
01:07:48 -Si demain, la loi autorisait l'euthanasie,
01:07:53 je pense que ce serait la mort des soins palliatifs.
01:07:56 -Je ne suis pas certain que ce soit la réponse
01:07:59 qu'on attend dans une société qui doute de tout.
01:08:02 Je pense que la démocratie, déjà en situation de fragilité,
01:08:06 ressentira une souffrance supplémentaire
01:08:08 dont on aurait pu faire l'économie.
01:08:11 -Prendre soin de quelqu'un, ça n'est pas, encore une fois,
01:08:15 le tuer.
01:08:16 Enfin, je dirais, il y a quelque chose de tout bête et de tout simple
01:08:20 qu'on ne voit même plus, tellement c'est gros,
01:08:22 tellement c'est évident.
01:08:24 -C'est la solitude qui donne envie de mourir.
01:08:28 Et dès qu'on est entouré,
01:08:31 tout d'un coup, on n'a plus envie de mourir.
01:08:35 -La vie ne vaut-elle pas d'être vécue jusqu'au bout ?
01:08:39 Musique douce
01:08:41 ...
01:09:11 ...