Les laboratoires du Réel

  • l’année dernière
Transcript
00:00 Comme vous avez peut-être pu le constater, le milieu du travail c'est ma source d'inspiration,
00:11 c'est quelque chose qui me nourrit énormément sur mes spectacles, sur mon acte de création.
00:17 Et avec Hélène, avec toute l'équipe des CGTistes, on pense sincèrement qu'il y a
00:24 une relation intéressante à tisser entre vous qui travaillez au quotidien sur vitrille
00:31 et nous qui travaillons aussi, mais si nous ne faisons pas attention, nous restons souvent
00:35 enfermés dans ces lieux qu'on appelle les théâtres.
00:38 Ce qui nous intéresse, notamment à partir de mai, juin prochain, c'est de venir vraiment
00:43 vous rencontrer, sentir un petit peu ce qui se passe d'un point de vue purement humain,
00:49 sensibles, ce qui se passe sur vos milieux là où vous travaillez, pour qu'on puisse
00:56 un petit peu échanger, partager vos impressions, vos vécus, vos histoires de vie.
01:05 Merci.
01:06 Merci.
01:07 *Bruits de pas*
01:14 *Rires*
01:26 *Applaudissements*
01:36 Là l'idée c'était de s'immerger, là où les gens vivent le plus grand moment de leur vie quand même,
01:44 parce que le travail c'est un truc important.
01:46 Donc on est allé au tout départ à PSA Peugeot Citroën, Dolnay-sous-bois, le moment où ça fermait.
01:53 Et je dois reconnaître que je me suis pris une grande claque.
01:56 Donc ça a commencé un petit peu à me faire réfléchir cette histoire là.
02:00 J'ai pensé qu'il fallait faire front à cette chose là pour peut-être repasser dans une autre dimension de travail artistique,
02:08 démarrer du réel.
02:10 Il s'agissait finalement de faire non pas un amalgame, mais de recueillir tout un tas de substances,
02:18 de témoignages, de sensations, d'impressions sur tous les milieux.
02:26 Alors on va aller évidemment chez nos amis territoriaux de Vitry,
02:30 mais on va aussi aller à Vitry, là où il y a du privé, chez Sadofy, chez Cégélec.
02:35 Au départ tout le monde se demande un petit peu que font ces artistes,
02:39 et nous les artistes qu'est-ce qu'on va faire au milieu de ces gens qui réparent les trains,
02:44 de ces gens qui fabriquent des médicaments, etc.
02:47 Et que cette espèce de grand vide et de questionnement finit forcément par faire en sorte que l'un comme l'autre,
02:54 on trouve des réponses.
02:56 Et c'est ces réponses là qui finalement me font moi vraiment pénétrer dans le réel,
03:01 pénétrer dans ce qu'on appelle l'immersion,
03:05 où là ce que je gagne c'est tout simplement que ma substance elle respire le vrai,
03:11 elle est plus que d'actualité, et je deviens donc un contemporain.
03:15 [Musique]
03:44 Je me nourris de ce qu'ils font en fait,
03:46 et donc on se rend compte que c'est un match de tennis,
03:49 ce sont des allers-retours entre ce qu'ils vivent eux, leurs témoignages,
03:53 le fait de les côtoyer, je leur rends comme ça une espèce de matière qui certainement doit fabriquer le lien.
04:01 [Musique]
04:30 [Musique]
04:42 [Musique]
05:09 Il est évident que ce personnage en bleu de travail,
05:12 qui a certainement des teints de ce que j'ai entendu dans ma famille,
05:17 parce que je suis d'une famille où ma maman était ouvrière, mon papa cadre moyen,
05:22 c'est forcément un petit personnage qui a été inspiré par mon milieu familial.
05:30 Donc il devait être urgent, urgentissime de le réutiliser et de lui faire vivre,
05:35 comme Chaplin l'a fait, d'autres aventures chorégraphiques.
05:38 Et donc le fil vient à ce moment-là, c'est-à-dire dix ans après, en connaissance de cause,
05:43 je dis "Ok, on va rencontrer les territoriaux de vitrier, on va commencer à recueillir des témoignages,
05:49 au fur et à mesure des réunions, je vais commencer à l'issue de ces réunions à travailler avec un maître à mesurer,
05:57 à travailler avec des fils électriques, avec un boîtier électrique, etc.
06:01 Et c'est à partir de ce moment-là que ce personnage revit une deuxième aventure.
06:07 Et ce qu'on prépare là, c'est une grande forme, donc je ne serai plus tout seul sur scène, mais on sera six.
06:16 C'est peut-être pour ça que j'ai écrit en amont ces deux petites formes.
06:20 C'est-à-dire que du coup c'est un axe de recherche, c'est un petit peu comme un peintre,
06:24 avant d'aller sur sa toile, il va faire ce qu'on appelle des esquisses,
06:28 il fait des petits croquis, des petits cro-barres comme ça,
06:31 qui vont lui permettre de faire d'étude en étude le grand format.
06:36 [Musique]
06:59 Ils sont venus dans les vestiaires avec leurs cahiers.
07:04 Ils ont noté des choses avec leurs crayons.
07:07 Il faut trouver de la fluidité dans les mouvements, même dans les vestiaires.
07:11 [Bruit de vent]
07:18 Enfiler sa blouse en 35 secondes pour être plus rapidement sur son poste de travail.
07:23 Éviter les gestes parasites.
07:26 [Rires]
07:29 Vous portez quand même un regard assez acerbe sur le travail.
07:32 Il n'est pas souvent source d'émancipation à travers votre chorégraphie.
07:37 Exactement.
07:38 Et pourtant il est toujours collectif, du moins très souvent.
07:41 Oui. Alors, tout cela m'a complètement échappé évidemment.
07:46 On a travaillé avec une grosse équipe.
07:49 Il y a tout un collectif du COSS, Comité des Oeuvres Sociales des Territoriaux de Vitry,
07:55 cégétistes, qui nous ont permis de rentrer dans des entreprises.
08:00 Et au début, pour répondre à votre question, j'étais en joie.
08:04 C'est-à-dire que ça m'intéressait vraiment de poser un regard extrêmement ludique,
08:08 extrêmement burlesque, clownesque sur ce travail.
08:13 Et plus notre travail a avancé,
08:18 plus je me suis rendu compte que j'avais un truc important à jouer dans cette histoire-là.
08:24 Et plus, d'une certaine manière, j'ai été dans l'obligation de mettre mes triples sur le plateau.
08:32 Et j'ai donc fait des allers-retours entre la partie, on va dire, plus drôle, plus légère,
08:41 le spectacle qui montre que le travail émancipe,
08:48 et puis une autre vision qui était celle qui nous a touchés sur le réel,
08:54 où il n'y avait pas tant de belles choses que ça.
08:59 (Musique)
09:24 Il y a à la fois le collectif dans le travail, mais on les sent aussi chacun seul dans la douleur du travail.
09:31 C'est intéressant, je trouve que c'est une belle image de la dureté du travail actuellement, du monde du travail.
09:39 Je me fais souvent la réflexion que l'univers du travail est devenu très dur.
09:44 Et voilà, je trouve que c'est bien représenté.
09:49 J'ai l'impression d'avoir assisté à un spectacle qui était parfaitement dans l'air du temps,
09:56 et qui reprenait à la fois une certaine forme de nostalgie qu'on peut retrouver dans le milieu industriel,
10:04 donc la difficulté du travail industriel, et puis en même temps cette souffrance qu'on a aujourd'hui,
10:10 à perdre un travail qui est difficile, donc à la fois cette envie de continuer à travailler,
10:18 et puis en même temps se dire que c'est peut-être aussi la fin d'une difficulté, d'une souffrance,
10:27 mais il n'y a peut-être pas aussi pas d'espoir derrière, c'est pour ça que cette perte-là est délicate.
10:33 Puis en même temps c'est un spectacle qui est burlesque, qui est très drôle, qui va nous enchanter,
10:38 qui va nous transformer, puis qui va nous faire voir les moments de poésie qu'on peut avoir
10:45 quand on est en train de travailler, cette difficulté et ces moments de poésie d'un autre côté.
10:51 Il apporte aussi une dimension ce que je dirais syndicale, puisqu'effectivement quand il parle des licenciements,
11:02 quand il parle de ce travailleur à qui on retire le travail, à qui on retire les plateaux,
11:11 à qui on retire le droit de travailler, même si ce sont des travaux durs et difficiles et pénibles,
11:19 alors effectivement on touche, on touche véritablement le monde du travail et le sacrifice humain qu'il demande.
11:30 [Musique]
11:54 [Musique]
12:23 [Musique]
12:52 [Musique]
12:53 [SILENCE]

Recommandée