DébatDoc - Brésil : retour gagnant pour Lula ?

  • l’année dernière
En 2022 Lula a été élu à la tête du Brésil pour la troisième fois, un pays qu'il retrouve en difficulté après la présidence Bolsonaro entre crise du covid, crise économique, extrême pauvreté, inégalités sociales. Même si son élection semble être un signe d'apaisement pour la démocratie et les institutions brésiliennes il lui reste beaucoup de chemin avant d'atteindre les objectifs de son programme et reste également confronté aux enjeux internationaux. Comment s'annoncent les futurs mois de son mandat ? Comment va-t-il pouvoir appliquer ses politiques publiques ? Et comment va-t-il s'imposer dans le programme chargé des prochains au sein des relations internationales ?Pour en débattre, Eduardo Rihan Cypel, porte-parole de Territoires de progrès et ancien député, Glauber Sezerino, co-président de l'association Autres Brésils et Christophe Ventura, directeur de recherche à l'IRIS, spécialiste de l'Amérique latine.LCP fait la part belle à l'écriture documentaire en prime time. Ce rendez-vous offre une approche différenciée des réalités politiques, économiques, sociales ou mondiales....autant de thématiques qui invitent à prolonger le documentaire à l'occasion d'un débat animé par Jean-Pierre Gratien, en présence de parlementaires, acteurs de notre société et experts.

Category

🗞
News
Transcript
00:00:00 Générique
00:00:01 ...
00:00:15 -Bienvenue à tous dans "Débat d'oct".
00:00:17 Voilà un an et tel un phénix,
00:00:19 renaissant sans cesse de ses cendres,
00:00:22 Luis Inacio Lula da Silva, dit Lula,
00:00:24 était élu pour la 3e fois à la tête du Brésil.
00:00:27 C'est ce parcours que va vous raconter
00:00:29 dans le documentaire qui suit,
00:00:31 "Le roman de Lula", réalisé par José Bourguerel.
00:00:34 Le portrait d'un homme au destin réellement extraordinaire,
00:00:38 dont la trajectoire personnelle aura aussi, vous allez le voir,
00:00:41 épousé l'histoire politique de son pays
00:00:44 pendant trois quarts de siècle.
00:00:45 Je vous laisse le découvrir et je vous retrouverai
00:00:48 en compagnie du chercheur Christophe Ventura,
00:00:51 de l'ancien député Edouard Dorian-Sipel
00:00:54 et du coprésident de l'association Autre-Brésil,
00:00:57 Globert Césairinho.
00:00:59 Avec eux, nous nous interrogerons sur le bilan de Lula,
00:01:03 un an après son retour à la tête du Brésil.
00:01:06 Bon doc.
00:01:07 Acclamations
00:01:09 ...
00:01:11 -Lula ! Lula !
00:01:14 -Lula est une barrière contre la dictature.
00:01:17 -Il se pose comme quelqu'un qui garantit
00:01:19 la stabilité démocratique et la stabilité républicaine
00:01:23 dans un moment de menace d'extrême droite.
00:01:25 ...
00:01:32 -Lula n'est pas un idéologue.
00:01:35 Lula est un homme du peuple
00:01:36 qui a décidé de sortir le peuple de la famine.
00:01:40 -Son projet politique est basé sur sa vie.
00:01:43 ...
00:01:49 -Le meilleur leader du peuple brésilien.
00:01:53 Destiné à devenir un leader mondial.
00:01:57 ...
00:02:04 -C'est le pelet de la politique.
00:02:07 -Un symbole.
00:02:09 Un symbole de progrès, de dialogue, de paix.
00:02:13 ...
00:02:19 -Un phénix, c'est un phénix.
00:02:21 C'est la seconde chance pour le Brésil
00:02:25 de se réconcilier avec lui-même.
00:02:28 ...
00:02:39 -Peuple de São Paulo,
00:02:41 peuple du Brésil,
00:02:44 je veux remercier
00:02:46 les 215 millions d'habitants
00:02:50 qui nous consacrent
00:02:52 pour cette victoire extraordinaire.
00:02:55 Et ça va être très important
00:02:58 pour aider à gouverner ce pays.
00:03:02 ...
00:03:05 -Le 30 octobre 2022,
00:03:06 Luis Ignacio Lula da Silva
00:03:08 est élu pour la troisième fois président du Brésil.
00:03:12 Une victoire historique
00:03:13 pour un candidat déjà élu président il y a 20 ans.
00:03:17 Une revanche éclatante pour un homme
00:03:19 qui a perdu la plupart de ses proches
00:03:21 et a été victime d'un procès politique
00:03:24 qui lui a valu 580 jours de prison
00:03:26 avant d'être totalement blanchi par la justice.
00:03:29 ...
00:03:33 Un destin incroyable pour quelqu'un
00:03:36 dont la vie épouse étroitement l'histoire de son pays
00:03:39 depuis sa naissance en 1945 dans le plus grand dénuement.
00:03:42 ...
00:03:48 -La maison où vivait Lula
00:03:50 était une maison typique du Nord-Est,
00:03:53 une maison avec juste un toit et un sol en terre battue,
00:03:57 où les gens mangent et dorment au même endroit.
00:04:00 Une maison où il n'y a pas de sanitaire,
00:04:03 où on ne peut rien planter,
00:04:05 parce qu'il n'y a pas d'eau pour cultiver quoi que ce soit.
00:04:08 ...
00:04:12 Il vient d'une sous-classe, la classe de la famine.
00:04:16 Il appartient à la classe qui meurt de faim,
00:04:18 ceux qui ne peuvent pas, même s'ils le veulent,
00:04:21 devenir agriculteur. C'est encore en dessous.
00:04:24 -Une enfance...
00:04:26 tragiquement brésilienne,
00:04:28 dans le sens où...
00:04:31 il n'a pas de figure du père.
00:04:34 C'est une mère qui élève plusieurs frères et sœurs.
00:04:37 Certains de ces frères et sœurs n'ont pas survécu
00:04:40 parce que des maladies prédominaient.
00:04:43 Pour les bébés, c'était très dur de s'alimenter.
00:04:46 Les conditions d'hygiène étaient limitées.
00:04:48 Il est né dans un monde
00:04:50 où on n'était pas certain de vivre jusqu'à ses 12 ans.
00:04:53 ...
00:04:58 -Lula perd en effet deux de ses frères et sœurs.
00:05:01 Mourant de faim, la famille migre en 1952
00:05:04 vers la grande ville de São Paulo.
00:05:06 Cet exode rural touche alors des millions de Brésiliens.
00:05:09 ...
00:05:13 -Il vient avec sa mère.
00:05:16 Ils sont huit enfants. Lula est le septième.
00:05:19 Il arrive très jeune.
00:05:22 Il a 7 ans et doit déjà travailler.
00:05:25 Il a été sireur de chaussures,
00:05:27 puis petite main dans un pressing.
00:05:30 Il raconte toujours qu'il était tellement petit
00:05:34 que quand il livrait les vestes, il devait lever le bras
00:05:38 car il était plus petit qu'une veste d'adulte.
00:05:40 -Il raconte qu'il ne mangeait jamais de fruits,
00:05:47 qu'il a mangé sa première pomme à l'âge de 7 ans,
00:05:50 qu'il mâchait des chewing-gums déjà mâchés par un autre enfant.
00:05:54 Il a ses souvenirs d'une enfance pauvre
00:05:58 dont il parle sans ressentiment.
00:06:00 Il en parle comme d'une expérience de vie très forte
00:06:03 et c'est un moyen pour lui de se connecter
00:06:06 avec les personnes qui vivent encore ça au Brésil.
00:06:09 -Il a 14 ans.
00:06:10 Lula entre à l'usine Volkswagen où il devient tourneur fraiseur.
00:06:14 Il va être touché dans sa chair par la dureté des conditions de travail.
00:06:18 Il perd un doigt, emporté par une machine.
00:06:21 -Chez Volkswagen, a été organisé par l'entreprise
00:06:27 un système de répression contre l'engagement politique
00:06:32 des travailleurs.
00:06:33 Le dirigeant, le responsable de cette répression,
00:06:40 était un commandant d'un camp de concentration en Allemagne.
00:06:48 Il a été recruté pour venir au Brésil
00:06:53 faire ce travail de répression.
00:06:58 ...
00:07:03 -En 1964, la répression se durcit un peu plus.
00:07:07 L'armée fait un coup d'Etat.
00:07:10 Les chars sont dans la rue
00:07:12 et la dictature militaire s'installe pour 21 ans.
00:07:15 ...
00:07:25 Lula est déjà syndiqué,
00:07:27 mais sa priorité n'est pas de combattre la dictature.
00:07:30 Il veut avant tout fonder une famille.
00:07:32 Mais sa jeune épouse, Maria, meurt en couche,
00:07:36 ainsi que son bébé, par manque de soins.
00:07:38 Pour surmonter son chagrin,
00:07:41 Lula s'investit dans le puissant syndicat de la métallurgie,
00:07:45 dont il devient l'un des principaux négociateurs.
00:07:48 ...
00:07:54 -L'histoire de Lula, c'est l'histoire des Brésiliens
00:07:58 qui se réorganisent en fonction de l'industrialisation du pays
00:08:02 dans les années 60-70.
00:08:04 C'est cette industrialisation
00:08:06 qui crée aussi une nouvelle forme de faire de la politique,
00:08:09 au niveau des syndicats, des mouvements sociaux,
00:08:12 qui se sont forgés pendant la dictature militaire,
00:08:15 qui créent les conditions pour que Lula devienne un acteur compétitif.
00:08:19 -La popularité de Lula commence à se dessiner
00:08:23 quand il devient président du syndicat, en 1975.
00:08:27 Il redéfinit la stratégie
00:08:32 qui est d'être présent aux portes des usines.
00:08:36 La force de Lula a beaucoup à voir avec le contact du quotidien.
00:08:41 Ce contact n'est pas seulement une présence physique.
00:08:48 C'est un contact humain très puissant.
00:08:52 C'est une personnalité très attentive aux autres,
00:09:00 très affable.
00:09:01 Il arrive à intéresser les gens, car il ne donne pas des cours.
00:09:06 Il dialogue, il discute.
00:09:11 C'est un homme qui a une vocation pour la vie publique
00:09:15 et qui a cette capacité de communiquer, d'écouter.
00:09:19 D'ailleurs, c'est le propre du leader syndical,
00:09:23 l'entente et la négociation.
00:09:27 -Lula, Lula, Lula !
00:09:30 -Mais malgré ses qualités de médiateur,
00:09:33 Lula ne obtient pas toujours gain de cause.
00:09:36 A cette époque, la confrontation avec le régime est très dure.
00:09:40 Lula conduit plusieurs grèves
00:09:43 pour une amélioration des conditions de travail,
00:09:47 pour une augmentation des salaires
00:09:49 ou pour le droit de faire grève.
00:09:51 La réponse est souvent très violente.
00:09:53 ...
00:09:58 -Lula a été arrêté plusieurs fois.
00:10:02 Lui et ses compagnons ont été inculpés
00:10:07 par la loi de sécurité nationale,
00:10:10 qui est la loi la plus répressive instaurée par la dictature.
00:10:15 La plus répressive, non, la plus pesade loi
00:10:18 qui a été instaurée par la dictature.
00:10:20 -Lula a subi un procès du tribunal militaire.
00:10:24 -Ce procès a duré des années
00:10:29 et à la fin, il a été innocenté,
00:10:31 ce qui montre bien que c'était une tentative de miner,
00:10:35 de torpiller son leadership.
00:10:37 Cela démontre aussi
00:10:42 qu'il était déjà un leader important.
00:10:45 ...
00:10:51 -Un leader important, en effet,
00:10:53 qui est capable de déplacer des dizaines de milliers de personnes
00:10:57 lors de ses meetings.
00:11:00 -Le syndicat a suffert une intervention fédérale.
00:11:04 Il y a aujourd'hui trois choses fondamentales.
00:11:07 La première, c'est la garantie de la retour à la normalisation
00:11:12 de notre syndicat, qui a toujours été libre.
00:11:15 Cette semaine, on a vu le syndicat être pris par des policiers.
00:11:20 ...
00:11:26 ...
00:11:43 ...
00:11:53 -Protégé par sa popularité,
00:11:56 Lula n'a jamais été torturé ni assassiné,
00:11:59 ce qui n'est pas le cas de nombreux autres responsables politiques,
00:12:03 culturels ou syndicaux pendant ces années de plomb.
00:12:06 ...
00:12:20 -La prise de risque de Lula commence dès le début de sa carrière
00:12:24 parce qu'elle est, sociologiquement parlant,
00:12:27 une prise de risque.
00:12:28 Un homme du Nord-Est qui prend un syndicat,
00:12:33 qui commence à faire de la politique avec ce syndicat,
00:12:36 jusqu'à aujourd'hui, c'est vu comme inacceptable
00:12:39 par les élites brésiliennes.
00:12:40 -Non seulement Lula tient tête à l'élite brésilienne
00:12:44 et à la dictature, mais il réalise aussi ces années-là
00:12:47 son vœu le plus cher,
00:12:49 fonder une famille avec sa nouvelle épouse, Marisa.
00:12:51 ...
00:12:54 Ils auront quatre enfants et c'est aussi un couple politique.
00:12:58 Marisa est une militante et sera de tous les combats.
00:13:01 ...
00:13:03 C'est à ce moment-là que Lula acquiert une stature internationale.
00:13:07 ...
00:13:08 -Lula était syndicaliste dans les années 80,
00:13:11 qui voyage le monde,
00:13:13 qui rencontre les grands leaders de la social-démocratie européenne,
00:13:17 qui va rencontrer les leaders syndicaux au Japon,
00:13:20 les leaders syndicaux au Michigan,
00:13:22 dans l'industrie automobile des Etats-Unis.
00:13:25 La trajectoire de Lula se confond aussi
00:13:27 avec l'insertion internationale du Brésil
00:13:29 du point de vue industriel.
00:13:31 ...
00:13:34 -En 1980, Lula fonde le PT, le Parti des travailleurs,
00:13:38 une manière de donner un débouché politique
00:13:41 à des revendications qui dépassent depuis longtemps
00:13:44 le cadre syndical.
00:13:46 Il faut dire que le pays est toujours aussi fermé,
00:13:49 la répression toujours aussi dure,
00:13:51 les droits politiques et syndicaux toujours aussi restreints.
00:13:54 ...
00:13:56 -En 1984, il y a eu les plus grandes manifestations politiques
00:14:00 de l'histoire du Brésil.
00:14:01 A partir de là, la dictature militaire a commencé sa chute.
00:14:05 Il y a eu un avant et un après.
00:14:07 Lula a été un des leaders de ce mouvement
00:14:09 pour des élections directes
00:14:11 et il est devenu un leader national.
00:14:13 C'était une lutte syndicale au début,
00:14:15 puis elle s'est transformée en lutte politique.
00:14:18 -En tant que femme de la favela,
00:14:22 en tant que femme noire et pauvre,
00:14:26 je voyais un travailleur qui était en train
00:14:30 de créer quelque chose qui me donnait,
00:14:33 pas seulement à moi,
00:14:34 mais à toutes les personnes comme moi,
00:14:37 l'opportunité d'avoir une place
00:14:41 et d'avoir une voix.
00:14:42 De faire face et de faire voix.
00:14:45 ...
00:14:49 -Lula est tout d'abord candidat pour être gouverneur
00:14:52 de l'Etat de São Paulo en 1982,
00:14:53 mais il perd largement.
00:14:55 ...
00:14:56 -Il croyait qu'il allait gagner
00:14:59 et il a été déçu car il a eu seulement 12 % des votes.
00:15:05 La légende raconte
00:15:11 qu'il a été avec Fidel Castro
00:15:13 et que Fidel Castro lui a dit que c'est la première fois
00:15:16 qu'un candidat de gauche à autant de voix continue à lutter.
00:15:21 -C'est quand même drôle que Fidel Castro
00:15:24 donne des leçons de démocratie à Lula.
00:15:26 -Ce n'est pas exactement une leçon de démocratie,
00:15:31 c'est une leçon de persévérance.
00:15:35 ...
00:15:39 -Persévérant, Lula l'est, en effet.
00:15:41 Il est élu député fédéral en 1987.
00:15:45 Puis il se présente en 1989
00:15:48 à la première élection présidentielle
00:15:50 organisée après le retour de la démocratie dans le pays.
00:15:53 -L'homme est né en Amérique, Lula !
00:15:55 ...
00:15:57 -Il parcourt alors le Brésil de long en large
00:16:00 avec ce qu'il appelle ses caravanes.
00:16:02 ...
00:16:08 -Tous les politiciens font des meetings, des discours.
00:16:11 Durant les caravanes, Lula, lui, allait écouter les gens.
00:16:15 Il demandait "Comment va votre vie ici ?
00:16:17 "Quels sont vos problèmes ? Qu'y a-t-il de bon et de mauvais ?
00:16:21 "De quoi et comment vivez-vous ?"
00:16:23 D'ailleurs, il a une expression drôle à propos de ça.
00:16:26 Il dit "Que possède l'homme ?
00:16:28 "Une bouche et deux oreilles.
00:16:30 "Pour égouter plus que pour parler."
00:16:33 ...
00:16:36 -Cette première candidature à l'élection présidentielle
00:16:39 sera un échec honorable.
00:16:40 Lula ne se décourage pas
00:16:42 et se représente encore en 1993
00:16:45 et encore en 1997.
00:16:47 -L'homme a régistré ce moment
00:16:49 où Luiz Inácio Lula, candidat du PT,
00:16:52 à la présidence de la République, vote.
00:16:55 ...
00:16:57 -Mais il perd à nouveau,
00:16:58 car son programme est encore perçu comme trop radical.
00:17:01 ...
00:17:03 ...
00:17:19 -Si j'étais lui, j'aurais abandonné,
00:17:21 mais il n'a jamais abandonné.
00:17:23 Je me souviens que quand nous perdions une élection
00:17:26 ou quand la situation était mauvaise,
00:17:28 parfois, nous, son équipe, on se décourageait.
00:17:32 Et il était le premier à nous remotiver,
00:17:34 même quand il perdait l'élection.
00:17:37 C'était lui qui aurait dû être triste,
00:17:39 mais il nous donnait du courage.
00:17:41 Et en voyant sa détermination, on réagissait aussi.
00:17:45 ...
00:17:52 -Le but recherché depuis tant d'années
00:17:54 est enfin atteint en 2002.
00:17:56 ...
00:17:57 Lula est élu dans la liesse populaire
00:18:00 de la présidence du plus grand pays d'Amérique latine.
00:18:03 ...
00:18:13 -J'étais comme une folle.
00:18:16 C'était quelque chose d'inimaginable,
00:18:21 une chose extraordinaire.
00:18:24 Je me suis agenouillé,
00:18:27 j'ai posé mon visage contre le sol
00:18:29 et j'ai remercié Dieu, car c'était une chose incroyable.
00:18:33 C'était incroyable.
00:18:35 ...
00:18:42 -On craint un nouveau coup d'Etat,
00:18:45 mais le prédécesseur de Lula,
00:18:46 le président Fernando Enrique Cardozo,
00:18:49 va peser de tout son poids pour assurer une transition démocratique
00:18:52 et lui passe l'écharpe de président autour du cou.
00:18:55 ...
00:18:57 -Pour une partie de l'élite,
00:18:59 le passage entre un gentleman
00:19:04 très bien inséré mondialement,
00:19:06 comme Fernando Enrique Cardozo,
00:19:08 et un monsieur comme Lula,
00:19:10 qui venait des profondeurs du Nord-Est,
00:19:13 a été vu comme un choc et comme une rupture
00:19:16 dans les traditions hiérarchiques et aristocratiques du Brésil.
00:19:20 Là, Lula, je pense qu'il incarne dans la perfection
00:19:25 les transformations sociales du Brésil.
00:19:27 ...
00:19:30 -Le Brésil est un pays riche et développé,
00:19:32 mais très inégalitaire.
00:19:34 Quand Lula arrive au pouvoir,
00:19:36 30 millions de Brésiliens ne mangent pas à leur faim,
00:19:38 comme dans un pays du Tiers-Monde.
00:19:40 ...
00:19:47 Les premières mesures du nouveau président
00:19:49 seront donc les programmes d'alimentation Fomé Zéro,
00:19:52 et Bolsa Familia, Bourse familiale,
00:19:56 pour que la faim cesse d'être le problème numéro un du pays.
00:19:59 ...
00:20:02 -Son idée centrale,
00:20:04 c'est de garantir 3 assiettes de nourriture par jour
00:20:07 à chaque Brésilien.
00:20:08 Il disait déjà ça à l'époque du syndicat,
00:20:11 et il l'a encore dit hier,
00:20:12 dans une interview qu'il a donnée à la télévision.
00:20:15 L'idée centrale, c'est que le travailleur
00:20:18 a besoin de vivre mieux.
00:20:21 -Juste ça.
00:20:22 Il ne s'agit pas d'une idéologie de gauche, de droite ou du centre.
00:20:26 C'est la trajectoire d'une vie.
00:20:28 -Un homme comme Lula,
00:20:32 tout ce qu'il a fait pour nous,
00:20:34 les pauvres, pour les femmes, pour les Noirs,
00:20:38 pour les gens des favelas,
00:20:41 il a changé nos vies,
00:20:43 la vie de millions de personnes
00:20:45 qui, à l'époque du gouvernement de Lula,
00:20:48 en ont fini avec le problème de la faim.
00:20:50 Et Lula a aussi fait le plus grand programme de logement,
00:20:55 de logement populaire.
00:20:57 ...
00:21:01 -Ce qui manquait au Brésil, surtout,
00:21:04 c'était la justice sociale.
00:21:05 Le gouvernement de Lula a commencé vraiment
00:21:08 à prendre des mesures pour réduire la pauvreté,
00:21:11 réduire l'inégalité.
00:21:13 Dans le passé, l'économie pouvait croître
00:21:16 ou diminuer, n'importe.
00:21:18 L'inégalité augmentait toujours.
00:21:20 Et la première fois que l'inégalité a diminué au Brésil,
00:21:23 c'était dans le gouvernement de PT,
00:21:26 spécialement dans le gouvernement de Lula.
00:21:28 -Il sait, pour l'avoir vécu, ce dont les gens ont besoin.
00:21:31 Je crois qu'il l'a traduit dans son gouvernement.
00:21:34 L'accès au crédit, pouvoir acheter des choses,
00:21:37 pouvoir manger mieux, avoir une voiture,
00:21:39 pouvoir laver sa voiture le week-end dans sa maison.
00:21:42 C'est une chose que les Brésiliens aiment beaucoup.
00:21:46 Le fait d'avoir du barbecue, pouvoir acheter sa petite maison,
00:21:49 avoir une qualité de vie plus humaine, plus décente.
00:21:52 -Sous la présidence de Lula,
00:21:55 ce sont ainsi 40 millions de Brésiliens
00:21:57 qui vont accéder à la petite classe moyenne,
00:22:00 ce que l'on appellera les "émergents".
00:22:03 -Un jour, pendant un voyage,
00:22:10 nous étions en train de déjeuner tous les deux,
00:22:13 et il m'a demandé...
00:22:15 "T'as déjà pensé à devenir président de la République ?"
00:22:20 J'ai été surpris, j'ai répondu "non, pas du tout".
00:22:23 "Et pourquoi ?"
00:22:25 "Parce qu'il faut être fou pour vouloir être président
00:22:28 "de la République du Brésil, mais avec des problèmes à récolter."
00:22:32 Il m'a dit "pas du tout, c'est formidable !
00:22:34 "Qu'est-ce qu'il y a de bien là-dedans ?"
00:22:37 "Eh bien, tu peux résoudre tous les problèmes."
00:22:39 Musique sombre
00:22:41 ...
00:22:45 -Un autre problème déjà brûlant il y a 20 ans,
00:22:48 que Lula va aussi tenter de résoudre,
00:22:50 c'est la déforestation de l'Amazonie.
00:22:52 ...
00:22:55 -Nous avons réussi, dans le gouvernement de Lula,
00:22:58 dans lequel j'ai été ministre,
00:23:00 à faire un plan de prévention et de contrôle
00:23:03 de la déforestation de l'Amazonie.
00:23:05 Ce plan a réduit la déforestation de 83 %
00:23:08 pendant presque une décennie.
00:23:10 Il a évité de rejeter dans l'atmosphère
00:23:13 5 milliards de tonnes de CO2.
00:23:15 Il a aussi été à l'origine, entre 2003 et 2008,
00:23:19 la période où j'ai été dans le gouvernement,
00:23:22 de la création de 80 % des terres protégées dans le monde.
00:23:25 ...
00:23:30 -Marina Silva démissionnera tout de même du gouvernement,
00:23:33 car elle estimait que Lula n'allait pas assez loin
00:23:35 en matière d'environnement,
00:23:37 notamment en autorisant la construction
00:23:39 du barrage géant de Belo Monte, au nord du pays,
00:23:42 pour l'irrigation et l'électrification de la région.
00:23:45 ...
00:23:48 -Il y a toujours une tension, au Brésil,
00:23:50 entre ce qu'on appelle l'agro-business,
00:23:54 l'agriculture commerciale,
00:23:56 et, disons, les soucis environnementaux.
00:23:59 Mais le gouvernement de Lula a montré
00:24:02 que c'est possible de réconcilier
00:24:04 une partie du Brésil, qui était comme l'Inde,
00:24:07 et une partie qui était comme l'Australie,
00:24:09 en termes d'agriculture.
00:24:10 ...
00:24:14 -En termes de culture aussi,
00:24:15 Lula a tenté de concilier les deux faces du Brésil
00:24:18 en nommant ministre un chanteur célèbre dans le monde entier.
00:24:22 ...
00:24:28 -Quand Lula m'a proposé le ministère de la Culture...
00:24:32 -Le ministère de la Culture...
00:24:36 -Il m'a dit : "Gilles, je veux que vous alliez
00:24:39 "au ministère de la Culture,
00:24:41 "et nous serons un gouvernement du peuple brésilien.
00:24:44 "Nous représenterons une nouveauté
00:24:47 "dans la vie politique brésilienne.
00:24:49 "Allez-y, faites dans ce ministère
00:24:52 "ce que vous feriez sur scène."
00:24:54 ...
00:24:57 ...
00:25:01 -Comme une métaphore de la politique de Lula,
00:25:04 le Brésil blanc va donc découvrir la musique métissée,
00:25:07 tandis que les favelas vont découvrir la musique classique.
00:25:10 ...
00:25:39 ...
00:25:42 -Les mesures sociales du nouveau président
00:25:44 ne l'empêchent pas de soutenir fortement l'économie,
00:25:47 à l'image du succès emblématique de l'avionneur national M. Raher,
00:25:51 qui devient alors le 4e constructeur aéronautique mondial.
00:25:54 ...
00:25:57 -Dans la période de Lula,
00:26:01 le Brésil a eu une croissance de 4,1 % en moyenne.
00:26:06 Et la dernière année, une croissance de 7,5 %.
00:26:11 Plus de 20 millions d'emplois formels ont été créés.
00:26:17 La dette sur le PIB a été réduite de 60 à 39 %.
00:26:24 Le Brésil, qui était endetté auprès du FMI,
00:26:28 est devenu créditeur,
00:26:30 et il a aujourd'hui une réserve technique
00:26:33 de 300 milliards de dollars.
00:26:35 ...
00:26:40 -Lula n'est pas d'extrême-gauche.
00:26:43 Il ne l'a jamais été.
00:26:46 C'est un négociateur,
00:26:48 depuis l'époque du syndicat.
00:26:51 Et il a apporté ça en politique.
00:26:53 -La force de Lula vient du charisme qu'il a avec les travailleurs,
00:26:58 mais aussi avec les groupes dominants au Brésil.
00:27:03 Cette capacité à se mouvoir
00:27:06 entre deux univers extrêmement rivaux,
00:27:09 antagonistes, et à construire des ponts
00:27:12 qui puissent les réunir,
00:27:14 du point de vue de l'expérience électorale
00:27:17 et de gouvernement, c'est une habileté très spéciale.
00:27:21 ...
00:27:27 -Cette capacité à lancer des passerelles,
00:27:30 on la constate aussi dans un autre secteur sensible au Brésil,
00:27:33 l'éducation.
00:27:35 Lula multiplie par deux le nombre de places d'université.
00:27:38 Il veille à ce qu'elle profite aussi à une population
00:27:41 qui en était jusque-là totalement exclue.
00:27:44 ...
00:27:46 -Dans l'aréa de l'éducation,
00:27:48 le gouvernement Lula a instauré une politique
00:27:51 de quotas raciaux.
00:27:53 -Il a implémenté des quotas raciaux.
00:27:56 -Socio-raciaux.
00:27:57 -Socio-raciaux.
00:27:59 -Où les fils des travailleurs et des travailleuses noires
00:28:04 ont enfin eu accès à l'université.
00:28:06 -Nous avons eu accès à l'université.
00:28:10 -N'oublions pas que nous sommes un pays d'origine esclavagiste.
00:28:16 N'oublions pas que les anciens esclaves
00:28:21 n'ont pas eu de place dans l'économie,
00:28:23 ni de place sur les bancs des universités,
00:28:27 ni d'accès à des services publics de qualité.
00:28:30 ...
00:28:35 -Le Brésil est un pays de majorité d'afro-descendants.
00:28:40 C'est le deuxième pays
00:28:42 avec la plus grande population noire après le Nigeria.
00:28:45 Ce serait le deuxième pays africain au monde.
00:28:48 Cette politique des universités a ouvert un débat
00:28:51 qui existe au Brésil depuis 20 ans,
00:28:53 et qui est extraordinaire sur la place des afro-brésiliens,
00:28:58 des Brésiliens noirs, dans l'histoire et le futur du Brésil.
00:29:02 -Secretary General, please.
00:29:05 Applaudissements
00:29:08 ...
00:29:10 -La place des personnes d'origine africaine dans le monde,
00:29:13 Lula va aussi la poser à l'Assemblée générale de l'ONU
00:29:17 par son ministre de la Culture, le chanteur Gilberto Gil.
00:29:20 Applaudissements
00:29:22 ...
00:29:26 -L'origine africaine du secrétaire général Kofi Annan
00:29:30 est la raison pour laquelle je l'ai invité à jouer sur scène,
00:29:34 d'une façon très spontanée et informelle,
00:29:37 d'un instrument qui est typique de notre héritage africain.
00:29:40 Un des tambours africains
00:29:43 qui sont présents dans la culture populaire et musicale du Brésil,
00:29:48 des Amériques et de tant d'autres parties du monde.
00:29:52 ...
00:29:53 -Anda ! Luanda !
00:29:57 Secretary General Kofi Annan !
00:30:00 Hong Kongers !
00:30:02 ...
00:30:06 Applaudissements
00:30:08 ...
00:30:13 -C'était la première année du gouvernement Lula.
00:30:17 Et cet acte à l'ONU a été très significatif
00:30:21 pour son gouvernement,
00:30:23 mais aussi très profondément pour lui,
00:30:26 personnellement.
00:30:29 ...
00:30:33 -Lula ne se limite pas à l'ONU,
00:30:35 il renforce le groupe des pays émergents des BRICS,
00:30:38 qui regroupent le Brésil, l'Inde, la Russie, la Chine
00:30:41 et l'Afrique du Sud pour concurrencer les pays
00:30:44 les plus riches du G7.
00:30:47 ...
00:30:57 Applaudissements
00:30:59 ...
00:31:04 -Ce n'est pas que la politique extérieure du Brésil,
00:31:07 d'une façon générale, je parle, était mauvaise,
00:31:10 mais il y avait toujours une certaine timidité.
00:31:13 On ne peut pas oser faire ça.
00:31:16 On ne peut pas oser être trop actif.
00:31:19 La grande différence que je voyais avec Lula,
00:31:23 c'est qu'à cause de ce qu'il représentait,
00:31:27 on pourrait avoir une politique extérieure
00:31:30 très active et très affirmative.
00:31:32 ...
00:31:34 -Lula ! Good morning !
00:31:36 Good morning ! Lula !
00:31:38 ...
00:31:39 -Señor presidente !
00:31:42 -Cela se ressent jusque dans l'attitude personnelle de Lula,
00:31:46 qui ne semble pas plus impressionné que ça
00:31:48 de côtoyer les grands de ce monde, y compris à la Maison-Blanche.
00:31:52 -Je vous donne un exemple.
00:31:54 J'étais assis avec lui quand on allait
00:31:57 dans notre première visite officielle,
00:31:59 comme président, lui, à la Maison-Blanche.
00:32:03 Et j'étais dans la voiture avec lui,
00:32:08 et pour lui, c'était une chose tout à fait normale.
00:32:11 Il n'était ni nerveux ni impressionné,
00:32:14 parce qu'il allait... Non, c'était normal.
00:32:16 C'était normal. C'était comme s'il était avant, ici,
00:32:20 quand il devait avoir une négociation
00:32:24 avec le président de Volkswagen ou de Mercedes-Benz du Brésil.
00:32:28 C'était normal.
00:32:29 -J'espère que logo, logo, nous aurons un rencontre au Brésil.
00:32:33 ...
00:32:38 -George Bush est un républicain,
00:32:41 un homme conservateur.
00:32:42 Lula, en peu de temps, est devenu ami avec George Bush.
00:32:46 Beaucoup de gens ne comprenaient pas ça.
00:32:48 Il y a eu une réunion au Mexique, à l'intérieur du Mexique,
00:32:52 à Guadalajara.
00:32:54 Quand la réunion des chefs d'Etat des Amériques est finie,
00:32:57 je vois qu'il reste juste Lula et George Bush
00:32:59 qui discutent au fond du salon.
00:33:01 ...
00:33:05 Plus tard, j'ai demandé à Lula
00:33:06 en quelle langue vous étiez en train de parler.
00:33:09 "En portugnole", il m'a répondu.
00:33:11 "Portugnole, c'est le mélange informel de portugais et d'espagnol."
00:33:15 Il m'a dit "Mais t'es un ignorant !
00:33:17 "Bush vient du Texas, et au Texas, on parle espagnol.
00:33:21 "Donc, nous parlions en portugnole."
00:33:23 "Et pourquoi vous riez tant ?"
00:33:25 J'ai demandé. "Ah, ça, je ne peux pas te le dire.
00:33:28 "Ce sont des secrets des chefs d'Etat."
00:33:30 ...
00:33:36 Lula est effectivement un chef d'Etat apprécié de ses pairs.
00:33:39 Après avoir conquis George Bush,
00:33:41 il va séduire son successeur
00:33:43 lors d'un sommet du G20 resté dans toutes les mémoires.
00:33:46 ...
00:33:51 -Lula a toujours été très attentif
00:33:54 à avoir un rôle international majeur,
00:33:57 à s'approcher des grandes puissances,
00:33:59 à montrer qu'il représentait le Brésil dans les grands cercles mondiaux.
00:34:03 Là, pour le coup,
00:34:04 ça changeait la perspective de l'élite brésilienne.
00:34:07 Parce que le jour où Obama, il dit...
00:34:10 "This is the man, the most popular politician on Earth",
00:34:14 c'est un choc pour cette élite
00:34:16 qui ne voulait pas reconnaître cet homme au pouvoir.
00:34:19 Et donc, Lula, il a toujours su jouer dans la perfection
00:34:23 avec ses différentes dimensions,
00:34:25 la dimension globale et la dimension très locale,
00:34:28 l'intérieur du Brésil et les grands cercles diplomatiques.
00:34:32 ...
00:34:36 -Et c'est comme ça que Lula finit son deuxième mandat
00:34:39 avec une popularité record de 87 %,
00:34:41 une popularité à faire rêver n'importe quel chef d'Etat.
00:34:45 ...
00:34:52 Mais après deux mandats,
00:34:53 la Constitution brésilienne ne lui permet pas de se représenter.
00:34:57 ...
00:35:01 -D'ici ce moment, le président Lula da Silva
00:35:04 transmit à faïcha présidentielle
00:35:06 la seigneure présidente de la République, Dilma Rousseff.
00:35:10 -Il passe donc le flambeau à sa protégée,
00:35:12 Dilma Rousseff, élue présidente en 2010.
00:35:16 Une revanche pour cette ancienne guérillera
00:35:18 durement torturée sous la dictature
00:35:20 et un succès pour Lula,
00:35:22 qui enracine ainsi un peu plus la démocratie dans son pays.
00:35:25 ...
00:35:29 Mais comme usé par trop d'années de combat,
00:35:32 Lula tombe malade.
00:35:34 Il a un cancer et tout le monde pense qu'il va mourir.
00:35:37 ...
00:35:40 Il s'en sort pourtant et s'adresse bientôt aux Brésiliens
00:35:43 en pensant déjà à un retour dans le jeu électoral.
00:35:46 -Mes amis et mes amies,
00:35:49 aujourd'hui, j'ai reçu la nouvelle la plus importante
00:35:53 que l'être humain pourrait recevoir
00:35:55 après 5 mois de traitement d'un cancer.
00:35:59 J'ai reçu la nouvelle
00:36:01 que nous avons réussi à vaincre le cancer.
00:36:03 Je vais voter pour la politique
00:36:05 car je pense que le Brésil doit continuer à croître,
00:36:09 à se développer,
00:36:11 à créer des emplois,
00:36:13 créer des revenus
00:36:15 et améliorer la vie des millions de Brésiliens
00:36:18 qui ont réussi à atteindre la classe mèdia.
00:36:21 ...
00:36:27 -En 2015, la successeur de Lula est réélu pour un 2e mandat.
00:36:31 Elle favorise alors le lancement d'une vaste opération
00:36:34 anticorruption qui touche tous les partis,
00:36:36 l'avage à taux, l'avage express.
00:36:39 Le congrès, dont de nombreux membres sont mis en cause,
00:36:42 ne lui pardonnera pas.
00:36:44 Elle est victime d'un coup d'État institutionnel
00:36:47 et écartée du pouvoir.
00:36:48 ...
00:36:50 Lula se porte alors à nouveau candidat
00:36:53 à l'élection présidentielle
00:36:55 et se retrouve très vite en tête des sondages.
00:36:58 -Ce peuple ne va que arrêter
00:37:01 quand nous éléguerons un gouvernement démocratiquement électoral
00:37:06 par le vote du peuple fédéral
00:37:08 ou par la victoire de ses compagnons.
00:37:11 ...
00:37:14 -La droite, écartée du pouvoir depuis maintenant 14 ans,
00:37:17 va alors tenter de retourner l'opération lavage à taux,
00:37:20 lavage express, contre Lula en engageant
00:37:22 des poursuites judiciaires contre lui pour corruption.
00:37:26 ...
00:37:29 Le destin s'acharne sur l'ancien président
00:37:31 quand sa femme Marisa, partenaire de tous les combats
00:37:35 depuis plus de 40 ans, meurt subitement d'un AVC en 2017.
00:37:38 ...
00:37:41 Lula est dévasté,
00:37:42 mais les obsèques de Marisa se transforment en meeting politique.
00:37:46 ...
00:37:48 -Queridos, queridas compañeras,
00:37:51 queridas compañeras y queridos compañeros,
00:37:53 ...
00:37:56 compañeros y compañeras que vieron prestar
00:38:00 su última solidaridad
00:38:03 y homenaje a compadre Marisa,
00:38:05 ...
00:38:08 yo te he dicho que no falaría porque...
00:38:11 ...
00:38:13 la preocupación de no falar y llorar es muy grande.
00:38:16 -Lula, guerrero,
00:38:18 tu povo brasileiro !
00:38:20 Lula, guerrero, tu povo brasileiro !
00:38:23 -Foi estabelecida pelo juiz Sergio Moro
00:38:26 responsável pela operação Lava Jato na primeira instancia.
00:38:30 -La descente aux enfers n'est pas finie.
00:38:33 Après de multiples rebondissements,
00:38:36 Lula est condamné en 2018 à 12 ans de prison
00:38:39 pour avoir prétendument accepté un appartement en cadeau
00:38:42 quand il était président.
00:38:44 Les accusations tournent en boucle à la télévision,
00:38:49 les Brésiliens doutent,
00:38:51 et Lula accuse le coup.
00:38:53 ...
00:38:56 -Tout ça a été organisé comme un spectacle.
00:39:01 Il était absolument essentiel
00:39:07 que Lula soit en permanence présenté comme un criminel.
00:39:10 Et donc, les médias n'ont pas cessé
00:39:15 de le faire passer pour un personnage odieux et criminel.
00:39:19 ...
00:39:24 -Il y a eu un coup monté pour éviter qu'il brigue un nouveau mandat,
00:39:30 où il avait beaucoup de chance,
00:39:32 car il avait fini ses deux gouvernements
00:39:34 sur une approbation très forte
00:39:37 et donc avec un très grand potentiel en tant que candidat.
00:39:40 ...
00:39:44 -Leur lieu est la prison !
00:39:47 Lula, ladron, leur lieu est la prison !
00:39:50 -Le sort de Lula devient un enjeu national.
00:39:52 Le juge Moreau, qui l'a condamné,
00:39:54 est nommé ministre de la Justice en remerciement des services rendus.
00:39:58 Le pays est coupé en deux.
00:40:00 Les détracteurs de Lula se réjouissent de sa condamnation,
00:40:04 tandis que chez ses partisans,
00:40:06 beaucoup lui conseillent d'aller se réfugier à l'étranger
00:40:09 pour échapper à la prison.
00:40:10 De nombreux pays lui proposent alors l'asile politique.
00:40:13 -Lula, guerrière du peuple brésilien !
00:40:16 Lula, guerrière du peuple brésilien !
00:40:20 -Jamais il n'a été tenté par cette hypothèse,
00:40:23 à cause de son respect pour le jeu démocratique,
00:40:27 parce que Lula sait que le rêve secret de l'élite brésilienne
00:40:31 est qu'il sorte du jeu démocratique.
00:40:34 Le jour où il sort du jeu démocratique,
00:40:36 même quand ce jeu est totalement biaisé,
00:40:39 même quand ce jeu a perdu toute légitimité,
00:40:42 même quand ce jeu est devenu illégal,
00:40:44 ce que l'élite politique veut, c'est que Lula commette la faute.
00:40:49 C'est l'initiative de la faute morale,
00:40:52 puisque ce jour-là, Lula est out.
00:40:54 Cris de joie
00:40:56 ...
00:41:00 -Lula est donc transféré par hélicoptère, de nuit,
00:41:03 au siège de la police fédérale,
00:41:05 dans une véritable scène de film qui réjouit ses opposants.
00:41:08 Cris de joie
00:41:11 ...
00:41:13 Sous les feux d'artifice et les pétards,
00:41:15 il entre en prison pour 12 années,
00:41:17 et tout le monde est persuadé qu'il y finira sa vie.
00:41:20 Cris de joie
00:41:22 ...
00:41:25 -On savait qu'il y avait un symbole politique
00:41:28 dans cette condamnation,
00:41:29 qu'elle transcendait l'histoire individuelle de Lula,
00:41:33 et atteignait notre propre démocratie.
00:41:36 ...
00:41:38 Qu'il aille en prison a été stratégique
00:41:40 pour l'élection de Bolsonaro en 2018.
00:41:43 ...
00:41:46 Cris de joie
00:41:48 ...
00:41:55 -Lula en prison, la voie est libre
00:41:57 pour le candidat d'extrême-droite Jair Bolsonaro,
00:42:00 un ancien militaire élu président en 2018.
00:42:03 ...
00:42:08 Bolsonaro va mener tambour battant
00:42:10 une politique à l'exact opposé de celle de Lula.
00:42:13 La misère et la faim refont leur apparition au Brésil,
00:42:16 la déforestation de l'Amazonie connaît une accélération
00:42:19 sans précédent, le ministère de la Culture
00:42:22 est purement et simplement supprimé,
00:42:24 et l'on ouvre pour les enfants pauvres
00:42:26 des écoles civico-militaires.
00:42:28 ...
00:42:32 -La généralisation de l'éducation publique et gratuite
00:42:37 jusqu'à l'enseignement supérieur au Brésil
00:42:40 avait été une mesure très importante,
00:42:43 et ce n'est pas un hasard que ce soit cela qui soit détruit.
00:42:47 Et quand je dis "détruit", c'est vraiment détruit.
00:42:52 C'est des immeubles qui prennent feu,
00:42:54 des musées publics qui prennent feu,
00:42:56 des structures universitaires fermées ou abandonnées,
00:43:00 et la perspective d'un approfondissement
00:43:02 de cette destruction avec des coupes très importantes
00:43:05 dans les services publics brésiliens.
00:43:08 ...
00:43:14 -Le président Bolsonaro va aussi autoriser les milices privées
00:43:18 et libéraliser les ventes d'armes.
00:43:20 Les échauffourées sur la voie publique se multiplient.
00:43:23 ...
00:43:27 Pendant ce temps-là, Lula, lui, croupit toujours dans sa cellule.
00:43:32 ...
00:43:39 -Nous pensions qu'il allait perdre le Nord,
00:43:42 qu'il allait tout perdre.
00:43:43 Il a été très triste,
00:43:45 il a passé des moments très angoissants en prison.
00:43:48 Beaucoup de gens pensaient que ce serait la fin de sa vie politique,
00:43:52 qu'il allait sortir pour mettre un pyjama et vieillir quelque part.
00:43:56 ...
00:43:59 -Mais même en prison, Lula reste populaire,
00:44:02 et ses partisans ne le lâchent pas.
00:44:04 Certains campent même devant la prison
00:44:06 depuis le premier jour de son incarcération
00:44:09 pour lui soutenir le moral.
00:44:10 -Tous les jours, il criait "Bonjour, président Lula",
00:44:15 "Bonne après-midi, président Lula",
00:44:17 "Bonsoir, président Lula".
00:44:21 Et cela, symboliquement, a été très important
00:44:24 pour garantir que Lula puisse continuer,
00:44:26 qu'il puisse sortir de cette situation
00:44:30 et qu'il puisse continuer à représenter le Brésil
00:44:33 en ce moment historique que nous vivons.
00:44:36 -C'est étrange, mais voir un homme
00:44:40 d'une dimension mondiale, globale,
00:44:43 être dans cet espace,
00:44:45 mais son esprit était toujours libre,
00:44:49 toujours libre.
00:44:50 Et je pense qu'il a même...
00:44:52 Il a même, disons, grandi
00:44:58 dans cette époque à la prison.
00:44:59 Il a beaucoup lu, il a beaucoup pensé.
00:45:02 ...
00:45:05 -Deux événements vont servir de détonateur pour Lula.
00:45:08 La mort qui frappe à nouveau,
00:45:10 cette fois-ci, son frère adoré Vava,
00:45:12 aux obsèques duquel il lui est interdit de se rendre,
00:45:15 quelque chose d'impensable
00:45:16 dans un pays catholique comme le Brésil.
00:45:19 ...
00:45:20 Musique sombre
00:45:23 Et un mois plus tard,
00:45:25 la mort de son petit-fils de 7 ans.
00:45:27 Cette fois-ci, il est autorisé à sortir de sa cellule
00:45:30 pour aller à ses obsèques.
00:45:32 Et comme toujours avec Lula,
00:45:35 cet événement privé se transforme en événement politique
00:45:38 où il va prendre une décision.
00:45:40 ...
00:45:42 -Au moment de la crémation de son petit-fils,
00:45:46 il lui promet qu'il va prouver son innocence.
00:45:50 Et que la seule façon de prouver son innocence,
00:45:53 c'est de rester en prison.
00:45:56 Le premier message qu'il m'a envoyé de retour en prison,
00:46:01 c'est "je vais sortir d'ici, je vais être candidat
00:46:06 "et le Brésil va être heureux à nouveau."
00:46:08 -Lula repart en prison,
00:46:11 mais dans sa tête, il repart en campagne.
00:46:14 Car il est persuadé qu'il va sortir rapidement de sa cellule.
00:46:18 ...
00:46:21 Et effectivement, en 2019,
00:46:23 après un an et demi passé derrière les barreaux,
00:46:26 la plus haute juridiction du Brésil, le tribunal suprême fédéral,
00:46:29 annule toutes les poursuites contre lui
00:46:31 en pointant la partialité du juge Mourau qu'il a condamné.
00:46:35 Lula est lavé de tous les soupçons de fraude
00:46:37 qui pesaient sur lui et libéré.
00:46:39 ...
00:46:53 -Il a réussi à ce que la justice comprenne
00:46:57 le coup monté dont il avait été victime.
00:47:01 Il a récupéré ses droits,
00:47:04 il a récupéré sa capacité de dialogue
00:47:08 avec la société brésilienne à nouveau,
00:47:12 il a récupéré son prestige
00:47:14 et il a récupéré sa force politique.
00:47:16 -C'est une prise de risque énorme
00:47:19 du point de vue de son intégrité physique.
00:47:22 Et il a réussi son pari.
00:47:23 -Lula s'est transformé en mythe naturellement.
00:47:29 ...
00:47:32 Supporté un an et demi de prison sans avoir commis aucun crime,
00:47:35 simplement parce qu'il croyait possible de prouver son innocence,
00:47:39 Lula, à partir de cette résistance,
00:47:42 qui est une résistance politique,
00:47:44 commence également à représenter
00:47:46 une sorte de résistance spirituelle.
00:47:48 ...
00:47:52 Le combat de Lula devient un combat spirituel
00:47:55 pour soutenir la vérité,
00:47:56 car il sait que la vérité est le fondement de la démocratie.
00:48:00 ...
00:48:09 -Vérité et démocratie,
00:48:11 deux mots bien malmenés cette année-là au Brésil.
00:48:14 Quand le Covid s'abat sur le monde en 2020,
00:48:16 il faut enterrer les gens nuit et jour
00:48:18 sans discontinuer dans tout le pays.
00:48:21 Le président Bolsonaro ne prend aucune mesure
00:48:23 pour protéger sa population.
00:48:25 Il y aura 700 000 morts.
00:48:27 Des images qui vont choquer tous les Brésiliens et le monde entier.
00:48:31 ...
00:48:33 Et quand un vaccin est enfin mis au point,
00:48:36 Bolsonaro appelle les Brésiliens
00:48:38 à continuer à se réfugier dans la prière.
00:48:41 ...
00:48:45 Lula, lui, se fait piquer devant les caméras
00:48:47 et appelle tout le monde à faire de même.
00:48:50 ...
00:48:52 -Lula a été réélu, là, en octobre, par un fonds républicain,
00:48:56 et ce fonds républicain, il naît
00:48:58 dans la mobilisation pour les vaccins.
00:49:01 Parce que, oui, il y avait tout le Brésil démocratique.
00:49:05 Si on pouvait le mobiliser par une question,
00:49:08 c'était "Êtes-vous en faveur ou contre les vaccins ?"
00:49:11 Parce que là, la ligne était très claire.
00:49:13 Il n'y avait pas de personne qui était contre les vaccins,
00:49:16 qui avait une vision d'un Etat démocratique,
00:49:19 qui avait une vision de santé publique,
00:49:21 qui avait une vision de stabilité, de responsabilité sociale.
00:49:25 -Lulala, brille la notre estrella,
00:49:29 Lulala, renasce la esperanza,
00:49:33 Lulala...
00:49:34 -En 2022, Lula est donc candidat à l'élection présidentielle
00:49:38 pour la septième fois de sa vie.
00:49:39 Le Covid reste un sujet important de la campagne,
00:49:43 et une fois de plus, son histoire personnelle
00:49:46 se confond avec celle de son pays.
00:49:48 Ce jour-là, c'est sa troisième épouse,
00:49:50 Jean-Jean, qui prend d'abord la parole sur scène.
00:49:53 -Brille la notre estrella...
00:49:57 -Mais je suis très émue
00:49:59 parce qu'il y a une personne qui n'est pas là avec moi aujourd'hui.
00:50:02 Et malheureusement,
00:50:06 je l'ai perdu pour le Covid.
00:50:08 Ma mère, qui est morte,
00:50:09 est une des près de 700 000 victimes du Covid.
00:50:13 Et irresponsablement,
00:50:18 le président du Brésil ne s'en est pas rendu compte.
00:50:21 -Brille la notre estrella...
00:50:23 -La santé, la faim, l'éducation,
00:50:25 les sujets qui avaient conduit à la première élection de Lula
00:50:28 il y a 20 ans, sont donc de nouveaux d'actualité.
00:50:31 Et si le tribun a perdu de sa voix,
00:50:33 il n'a rien perdu de son talent pour haranguer les foules.
00:50:36 -Vammos reconstruire
00:50:40 esse nosso país.
00:50:42 Ele é nosso.
00:50:44 Ele é nosso.
00:50:45 Ele é de cada um de nós.
00:50:47 Não é possível.
00:50:49 No século XXI,
00:50:51 nous avons des enfants qui vont dormir
00:50:53 sans manger un pain,
00:50:54 sans boire du lait,
00:50:56 sans un chocolat,
00:50:58 sans manger de la nourriture.
00:51:00 Nous pouvons construire ce pays.
00:51:03 Il est de nos mains.
00:51:05 Nous l'avons déjà approuvé une fois.
00:51:07 Mais je veux y revenir.
00:51:09 D'abord, parce que je vous confie.
00:51:12 Deuxièmement, parce que je vous confie au Brésil.
00:51:14 Et troisièmement, parce que je vous confie au tac
00:51:17 qui vont m'aider à gouverner ce pays
00:51:20 et faire ce pays meilleur.
00:51:23 C'est ça, les gens.
00:51:24 Un abraço.
00:51:25 (Acclamations)
00:51:27 (...)
00:51:36 -Lula a donc été élu président du Brésil
00:51:38 pour la troisième fois le 30 octobre 2022.
00:51:40 (...)
00:51:45 Mais de justesse,
00:51:47 à peine 51 % dévoient.
00:51:49 (Musique)
00:51:51 La ligne démocratique a triomphé, mais il a gagné d'un cheveu.
00:51:54 (...)
00:51:56 Alors que va-t-il faire, maintenant ?
00:51:59 Mais surtout, que peut-il faire ?
00:52:01 La situation n'est pas du tout la même qu'il y a 20 ans.
00:52:04 (Musique)
00:52:06 -J'ai de la peine pour lui.
00:52:09 Il a 75 ans, il n'est plus tout jeune,
00:52:11 et il va hériter d'une terre dévastée.
00:52:14 Il va devoir tout recommencer, depuis le début.
00:52:17 Il va devoir reconstruire le Brésil.
00:52:20 -Lula va conquérir plus de droits pour les pauvres.
00:52:24 Et il va réussir à sortir le Brésil de la faim.
00:52:28 Il l'a déjà fait, par le passé.
00:52:30 Et je crois qu'il parviendra aussi à contrôler la progression
00:52:34 de la déforestation de la forêt amazonienne.
00:52:37 -Le Brésil est l'une des plus grandes économies du monde.
00:52:43 Il a déjà été à la 6e place pendant la présidence de Lula.
00:52:47 Aujourd'hui, il va se réinsérer dans l'économie mondiale.
00:52:52 Le Brésil peut être un exemple pour le monde
00:52:55 dans le combat contre le changement climatique,
00:52:58 pour la préservation de l'environnement
00:53:00 et pour les énergies renouvelables et propres.
00:53:03 (Il parle en russe)
00:53:06 (Bruits de foule)
00:53:09 -Au-delà de ces mesures concrètes,
00:53:11 le jeu est aujourd'hui plus large pour Lula.
00:53:13 Le pays est fracturé.
00:53:15 L'ex-président Bolsonaro n'a reconnu sa défaite
00:53:18 que du bout des lèvres.
00:53:20 Ses idées d'extrême droite ont essémé dans tout le pays
00:53:23 et ses partisans réclament un nouveau coup d'Etat.
00:53:26 (Il parle en russe)
00:53:29 -Je dirais que le grand défi qu'il a devant lui,
00:53:32 plus que de battre Bolsonaro,
00:53:34 c'est de battre le bolsonarisme.
00:53:36 -C'est pas seulement la gauche contre la droite.
00:53:39 C'est vraiment une vision de la démocratie,
00:53:43 de la civilisation,
00:53:45 que Lula incarne maintenant,
00:53:48 contre une vision...
00:53:49 anti-civilisation,
00:53:54 anti-progrès de l'humanité,
00:53:56 contraire à toutes les valeurs de l'humilière.
00:54:00 -Il va faire combien de mandats, là, maintenant, Lula ?
00:54:04 -Un seul.
00:54:05 -Ah !
00:54:08 Pourquoi ?
00:54:09 -Parce que le retour de Lula,
00:54:12 et ça, c'est le plus grand risque qu'on vit maintenant,
00:54:15 ne peut pas être seulement une parenthèse républicaine
00:54:19 dans un grand avènement du populisme
00:54:21 et de l'antipolitique qui a commencé en 2016.
00:54:24 Il doit être la fermeture de cette parenthèse extrémiste
00:54:29 qu'on a connue sous Bolsonaro et un peu sous Temer avant,
00:54:33 et l'ouverture vers quelque chose de nouveau.
00:54:36 Et je pense que Lula,
00:54:39 il sait très bien qu'il doit faire cette transition,
00:54:42 et c'est pas seulement une transition,
00:54:44 c'est de donner un destin au Brésil, un destin politique,
00:54:47 un chemin pour les prochaines générations.
00:54:50 -L'écho, Lula !
00:54:51 ...
00:54:53 -Le destin du Brésil se retrouve donc encore une fois
00:54:57 entre les mains de Lula.
00:54:58 Quoi qu'il fasse, une chose est sûre, en tout cas.
00:55:01 Lui, Luis Ignacio Lula da Silva,
00:55:04 l'ancien tourneur Frazer, né dans la plus grande misère
00:55:07 et devenu trois fois président de l'un des plus grands pays du monde,
00:55:10 aura eu un destin extraordinaire.
00:55:12 Un destin dont il fut le premier artisan,
00:55:15 le destin d'un homme qui restera dans l'histoire.
00:55:18 ...
00:55:21 -Le roman de Lula, documentaire réalisé par José Bourguerel,
00:55:24 où le portrait d'un homme, vous venez de le voir,
00:55:27 au destin réellement extraordinaire,
00:55:29 dont le parcours syndical et politique
00:55:31 aura aussi épousé l'histoire de son pays
00:55:34 pendant trois quarts de siècle.
00:55:36 Lula a été donc réélu pour la troisième fois
00:55:38 à la tête du Brésil.
00:55:40 Pour quel bilan ? Retour gagnant ?
00:55:42 Nous allons en débattre,
00:55:43 en compagnie de nos invités,
00:55:45 présents sur ce plateau de débats doc.
00:55:47 En commençant par vous, Christophe Ventura,
00:55:50 directeur de recherche à l'IRIS,
00:55:52 l'Institut de recherche internationale et stratégique,
00:55:55 en charge de son programme "Amérique latine, Caraïbes",
00:55:58 et vous êtes l'auteur de "Géopolitique de l'Amérique latine",
00:56:02 40 fiches pour comprendre le monde,
00:56:05 édité chez Hérologues.
00:56:07 Glauber Ceresino est également avec nous.
00:56:09 Bienvenue. Vous êtes sociologue,
00:56:11 coprésident de l'association Autre Brésil,
00:56:14 qu'on retrouve avec plaisir sur ce plateau,
00:56:16 une association fondée en 15 ans
00:56:18 et qui s'est donnée pour but de décrypter
00:56:21 les enjeux sociétaux brésiliens
00:56:23 pour le public francophone.
00:56:25 Et puis, enfin, avec nous, Edouard Dorian-Sipel.
00:56:28 Bienvenue. Vous êtes ancien député socialiste
00:56:31 de Seine-et-Marne, porte-parole aujourd'hui
00:56:34 de l'État de Progrès.
00:56:35 Vous êtes originaire du Brésil. De quelle région ?
00:56:38 -Porto Alegre. -Pour nous le situer un peu.
00:56:40 -C'est le sud du Brésil. -Oui.
00:56:42 -Quasiment... Enfin, l'état de Rio Grande do Sud,
00:56:46 dont la capitale est Porto Alegre,
00:56:48 se situe, si vous voulez, à la frontière de l'Argentine,
00:56:51 de l'Uruguay et du Paraguay. Je suis un garçon du sud.
00:56:54 -Christophe Ventura, il y a tout juste un an,
00:56:57 Lula a été réélu pour la troisième fois à la tête de son pays.
00:57:01 On a revécu tout ça à travers ce film.
00:57:04 Il avait été réélu avec moins de 51 % des suffrages.
00:57:08 C'était extrêmement juste face à Bolsonaro.
00:57:11 Victoire étriquée, victoire tout de même,
00:57:14 avec un pays, à la sortie de cette élection,
00:57:17 extrêmement polarisé,
00:57:18 entre partisans de l'un et partisans de l'autre.
00:57:21 Est-ce que cette polarisation a un temps soit peu réussi
00:57:25 à se résorber au sein du Brésil, aujourd'hui ?
00:57:29 -Elle s'est résorbée dans une certaine mesure,
00:57:31 puisque Lula a gagné de peu, comme vous dites.
00:57:34 Il a aussi gagné sans majorité au Congrès brésilien,
00:57:37 avec un pays-continent où de nombreux Etats
00:57:40 sont restés aux mains du bolsonarisme
00:57:42 ou des alliés du bolsonarisme.
00:57:44 Mais les événements qui se sont précipités,
00:57:47 on s'en souvient, en janvier 2023, avec les émeutes,
00:57:50 l'insurrection de l'extrême droite brésilienne,
00:57:52 ont créé un sentiment de corps autour de Lula,
00:57:56 de tous ceux qui restent attachés
00:57:58 au système démocratique dans ce pays.
00:58:00 -Il faut le rappeler, et vous le faites,
00:58:03 le 8 janvier 2023,
00:58:06 c'était en janvier dernier,
00:58:08 des manifestants, à Brasilia, la capitale du Brésil,
00:58:12 ont investi à la fois le palais présidentiel,
00:58:15 le Parlement, la Cour suprême,
00:58:18 cette fameuse place des trois pouvoirs.
00:58:20 On a craint, tout simplement,
00:58:22 pour l'avenir de cette démocratie brésilienne.
00:58:25 Ca a joué plutôt en faveur de Lula,
00:58:27 dans le sens où même pas mal de ses adversaires politiques
00:58:30 ont dû se positionner par rapport à ces événements
00:58:33 qui pouvaient être une rupture.
00:58:35 Ca a rendu la démocratie brésilienne
00:58:37 à la fois de retour, mais opérationnelle, fonctionnelle.
00:58:41 Lula, aujourd'hui, incarne une forme de retour
00:58:43 de la légitimité démocratique stabilisée
00:58:46 dans un pays où la polarisation n'a pas disparu,
00:58:49 parce qu'il n'y a pas d'état de grâce pour Lula
00:58:51 depuis qu'il a été élu, mais il y a un fonctionnement
00:58:55 d'une démocratie plus apaisée, plus opérationnelle.
00:58:57 Ce qui s'est polarisé, et ce qui a pris le pas
00:59:00 sur la situation intérieure brésilienne,
00:59:02 c'est le contexte international, depuis qu'il a été élu.
00:59:05 Aujourd'hui, Lula fonctionne dans ce double système de contraintes.
00:59:09 -Alors, cette situation politique,
00:59:11 elle est importante à comprendre.
00:59:14 Il a fallu stabiliser cette majorité très, très hétéroclite.
00:59:18 Le cabinet gouvernemental compte aujourd'hui 38 membres,
00:59:22 issus de 11 partis politiques différents,
00:59:25 avec seulement 23 femmes, d'ailleurs, au passage.
00:59:28 Certes, il a une majorité à la Chambre des députés,
00:59:31 374 élus sur 513 députés,
00:59:35 et puis il a aussi une large majorité au Sénat,
00:59:38 mais avec une majorité qui va de l'extrême gauche
00:59:41 jusqu'au Parti conservateur,
00:59:43 et même des partis qu'avait soutenus Bolsonaro auparavant.
00:59:46 Est-ce qu'il peut diriger ce pays dans ces conditions,
00:59:50 avec une telle coalition, dans les mois qui viennent ?
00:59:53 Est-ce que c'est pas un problème pour cette troisième président Lula ?
00:59:58 -C'est un problème, mais c'est aussi l'effet
01:00:01 que le Brésil a toujours vécu des présidents son peu
01:00:03 sur la base des négociations. Il n'a jamais eu de vraie majorité
01:00:07 pour les présidents depuis la rédémocratisation,
01:00:09 parce que du fait de l'avoir, c'est nombre de partis
01:00:12 assez conséquents au Parlement brésilien,
01:00:15 toute décision menée par l'exécutif est négociée,
01:00:19 au cas par cas, presque, et quand on voit
01:00:22 le nombre de ministres qui ont été émis
01:00:24 des partis proches de Bolsonaro,
01:00:26 on voit aussi que cette majorité de Lula est très instable,
01:00:30 et c'est à chaque nouvelle décision au Parlement
01:00:34 que cette majorité est testée au fur et à mesure.
01:00:37 On va voir un prochain test, parce que Lula vient d'émettre
01:00:40 un veto à la loi qui vient de sortir du Parlement,
01:00:43 qui attaquait les territoires autochtones au Brésil.
01:00:47 Il a mis un veto sur cette loi, en considérant
01:00:50 que c'est inconstitutionnel, et ce veto doit être voté
01:00:53 par l'Assemblée nationale dans les prochains jours.
01:00:56 Là, on va voir la capacité de garder cette majorité de Lula.
01:00:59 Il est déjà en train de négocier, en disant qu'on peut par-ci,
01:01:03 on peut par-là, mais ça montre à quel point
01:01:06 cette majorité est complètement instable.
01:01:08 -On va voir si sa capacité de négociateur,
01:01:11 qui a été mise en avant dans ce documentaire,
01:01:13 "Concilier l'inconciliable",
01:01:15 c'est ce qu'arrivait à faire Lula jusqu'à maintenant.
01:01:18 On va voir si ça va être le cas avec cette majorité
01:01:21 aussi hétéroculte qu'elle soit.
01:01:23 "Il n'y a pas eu d'état de grâce",
01:01:25 dit Christophe Ventura. Vous êtes d'accord ?
01:01:28 Il n'y a pas eu d'état de grâce pour cette 3e présidence ?
01:01:31 -Non, et vous savez, je crois que la grâce manque,
01:01:34 y compris au football brésilien. Ce que nous vivons au Brésil,
01:01:38 c'est une réalité politique très dure,
01:01:41 et je crois qu'il faut saluer le Brésil,
01:01:44 le peuple brésilien, parce que la victoire de Lula,
01:01:47 elle est salutaire pour deux raisons.
01:01:49 D'abord parce qu'elle met un terme à l'expérience Bolsonaro,
01:01:55 une expérience d'extrême droite,
01:01:57 avec un président brésilien, Bolsonaro,
01:02:00 qui était nostalgique, il faut le rappeler,
01:02:03 de la dictature militaire.
01:02:04 Et la victoire de Lula débarrasse le Brésil
01:02:08 de cette très mauvaise expérience dangereuse,
01:02:11 mais elle est aussi le signe
01:02:14 de la vitalité démocratique du Brésil.
01:02:17 La victoire de Lula est le symbole
01:02:20 de la victoire de la démocratie brésilienne,
01:02:22 des institutions brésiliennes,
01:02:24 parce qu'ils pesaient vraiment des menaces de triche,
01:02:28 de coups d'Etat plus ou moins...
01:02:31 préparés par Bolsonaro et ses soutiens,
01:02:35 et ce qui a résisté, en réalité, à travers la victoire de Lula,
01:02:38 c'est la possibilité d'alternance.
01:02:41 On l'a vu, y compris avec les attaques
01:02:43 sur la place du Trois-Pouvoirs,
01:02:44 des images qui rappelaient ce qui s'était passé
01:02:47 aux Capitoles aux Etats-Unis après la défaite de Trump,
01:02:50 et on a vu qu'en réalité,
01:02:52 les institutions démocratiques du Brésil tenaient bon,
01:02:56 et je crois que c'est ça,
01:02:58 à part de la victoire de Lula elle-même,
01:03:00 que j'ai soutenue,
01:03:01 mais c'est la victoire de la démocratie.
01:03:04 Et ça, c'est très positif
01:03:07 pour un pays qui a redécouvert la démocratie
01:03:10 en 1988, après près de 25 ans de dictature militaire.
01:03:16 Je crois que c'est ça.
01:03:17 C'est la victoire d'abord d'un esprit d'apaisement
01:03:20 et la victoire surtout d'institutions démocratiques fortes,
01:03:24 car le peuple brésilien est attaché à ces institutions.
01:03:27 -Vous parlez de Bolsonaro, c'est normal.
01:03:30 Bolsonaro a été condamné à huit ans d'inéligibilité
01:03:33 pour abus de pouvoir politique
01:03:35 et usage indû des moyens de communication.
01:03:38 Bolsonaro, donc, logiquement,
01:03:40 suite à cette décision du tribunal supérieur électoral brésilien,
01:03:44 ne pourra pas se présenter à la présidentielle de 2026.
01:03:47 Je vous propose de revoir un très court extrait du documentaire.
01:03:51 Nous sommes en pleine campagne présidentielle
01:03:54 au moment de la dernière élection de Lula.
01:03:57 -Non est possible.
01:03:59 Au siècle XXI,
01:04:01 on a des enfants qui vont dormir sans manger un pain,
01:04:05 sans un verre de lait, sans un chocolat,
01:04:08 sans quelque chose à manger.
01:04:10 Ce pays, on peut le construire.
01:04:13 -Lula, qui promettait encore et toujours
01:04:16 de donner à manger à chacun au Brésil,
01:04:18 il y a aujourd'hui environ, selon mes chiffres,
01:04:21 33 millions de Brésiliens qui ne mangent pas à leur faim.
01:04:24 Sur une population de 215 millions de Brésiliens,
01:04:28 c'est environ 15 % de personnes qui ne mangent pas à leur faim.
01:04:31 Ca, c'était sa promesse numéro un. Ca a toujours été sa promesse,
01:04:35 en réalité, dès sa première élection,
01:04:37 que chacun mange à sa faim au Brésil.
01:04:39 On en est encore là, au Brésil.
01:04:41 Est-ce qu'il a tenu promesse sur ce plan depuis maintenant,
01:04:45 allez, neuf mois, qu'il a pris les rênes du pays ?
01:04:47 -C'est trop tôt pour le dire sur la question de la faim,
01:04:51 mais il est clair que Lula a récupéré un Brésil en miettes
01:04:54 après le passage de Bolsonaro, le passage du Covid-19
01:04:57 et les effets à de longs termes
01:04:59 de la crise économique internationale de 2008,
01:05:02 puis après, arrivée rapidement la crise de la guerre en Ukraine,
01:05:05 le Brésil est en miettes, il y a les 15 % de problèmes de faim,
01:05:09 mais si on prend d'autres indicateurs,
01:05:11 comme la pauvreté, on arrive quasiment au tiers des Brésiliens
01:05:15 en état de pauvreté, on arrive à des niveaux d'inégalité record,
01:05:18 etc. Lula a récupéré un pays en souffrance,
01:05:21 il n'y a pas de doute là-dessus. Il est clair que son programme
01:05:24 intérieur tient en trois points.
01:05:26 Une politique qui vise à lutter contre la pauvreté,
01:05:29 la plus grande pauvreté et les inégalités sociales,
01:05:32 une politique qui vise à développer le pays,
01:05:35 c'est ça, son idée, et à le réindustrialiser.
01:05:38 C'est ça, les trois axes de son programme.
01:05:40 Aujourd'hui, je pense qu'au niveau intérieur,
01:05:43 c'est trop tôt pour tirer un bilan, même si ce qu'on peut dire,
01:05:46 depuis janvier 2023, c'est que la situation économique
01:05:50 s'est sensiblement améliorée, dans le sens où le FMI,
01:05:53 la Banque mondiale ou d'autres organisations
01:05:55 ont un regain, une reprise économique au Brésil
01:05:58 de la croissance générale,
01:06:00 que les exportations brésiliennes sont en bonne santé,
01:06:04 et c'est une des conséquences, d'ailleurs, secondaires,
01:06:08 si j'ose dire, de la guerre en Ukraine.
01:06:10 -Exportation alimentaire,
01:06:12 soja, notamment. -Exactement.
01:06:14 Ca va plutôt mieux.
01:06:16 La question, c'est que c'est encore un peu tôt pour savoir si ça,
01:06:20 ça se traduit par une redistribution accrue
01:06:22 des fruits de la richesse auprès des populations.
01:06:25 Il y a des décisions qui ont été prises
01:06:27 en matière de relèvement des revenus,
01:06:30 des minima sociaux, les équivalents au Brésil,
01:06:32 qui touchent plus de gens, qui ont été élargies
01:06:35 et qui ont été rehaussées aussi en fonction de l'inflation
01:06:39 que connaît le pays.
01:06:40 On peut penser que la situation s'améliore un peu,
01:06:43 mais structurellement, les problèmes du Brésil sont présents.
01:06:47 -Vous les régirez. On va commencer par vous.
01:06:49 Je vous donne la parole. -Ces chiffres sont des chiffres
01:06:53 d'abord de la période Bolsonaro.
01:06:54 C'est des chiffres de l'année 2022,
01:06:56 quand Bolsonaro était encore au pouvoir.
01:06:59 Je suis d'accord avec Christophe qu'on n'est pas en mesure
01:07:02 de dire à quel État on vit aujourd'hui.
01:07:04 Et Lula a tout à fait mené de nouvelles politiques,
01:07:07 repris des politiques, pour garantir les minima sociaux
01:07:10 et augmenter les salaires minimums au Brésil.
01:07:13 C'est une vraie politique qu'il a menée pendant ses 8 ans
01:07:16 de mandat précédent et qu'il a remise sur la scène.
01:07:19 Et il a relancé les plans, les PAC, qu'on appelle au Brésil,
01:07:22 les plans d'accélération et croissance.
01:07:25 Les problèmes, c'est que ces PAC,
01:07:27 c'est basé sur l'infrastructure
01:07:29 pour venir aider, justement,
01:07:32 l'exportation des matières premières.
01:07:35 Donc c'est des secteurs économiques
01:07:37 qui ne sont pas, d'un point de vue de la population,
01:07:40 des travailleurs, les meilleurs secteurs économiques
01:07:43 pour garantir une stabilité économique dans le long terme.
01:07:47 Et les plans d'accélération économique
01:07:49 visent à renforcer les infrastructures,
01:07:51 créer énormément de travail dans les BTP
01:07:54 pour les infrastructures, mais ce sont des travails précaires
01:07:57 qui n'ont pas tendance à durer dans le temps.
01:08:00 Il va à nouveau essayer la même politique qu'il a faite
01:08:03 dans les 8 premières années, qui va générer quoi ?
01:08:06 De l'emploi, mais de l'emploi précaire,
01:08:08 à bas salaire, et qui va probablement générer
01:08:11 les mêmes situations qu'il nous a amenées en 2013.
01:08:14 -Il va, si je vous ai bien entendu,
01:08:16 repiocher, en quelque sorte, dans les politiques,
01:08:19 la politique sociale qu'il avait déjà mis en oeuvre
01:08:21 à l'occasion de ses deux premières présidences.
01:08:24 -Grosso modo, l'estructure de sa politique, c'est la même.
01:08:27 -Vous savez, Lula a connu la faim.
01:08:29 -Oui, on l'a très bien vu dans ce documentaire.
01:08:32 -Lula a souffert de la faim.
01:08:34 C'est un petit garçon,
01:08:36 je vais le dire comme ça, misérable,
01:08:39 d'une famille nombreuse,
01:08:42 misérable, du Nord-Est brésilien,
01:08:44 qui a fui ce Nord-Est,
01:08:47 ce Nord-Est exode, vers Sao Paulo,
01:08:50 où il a grandi, où il est devenu ouvrier,
01:08:52 syndicaliste, et le parcours que l'on connaît.
01:08:55 Vous savez ce que c'est ?
01:08:56 Moi, j'ai pas connu la faim.
01:08:58 -Mais Lula se rappelle de rien.
01:09:00 -Vous savez, oui. -Vous êtes en train de...
01:09:02 -C'est pourquoi il a les larmes aux yeux.
01:09:05 Moi aussi, il me donne un peu les larmes aux yeux,
01:09:07 car autant j'ai pas connu la faim, j'ai vécu les 10 premières années
01:09:11 au Brésil, à Porto Alegre, mais tout petit Brésilien,
01:09:14 c'est une catégorie favorisée, il fait l'expérience
01:09:17 de ceux qui, à côté de lui, ont faim.
01:09:19 Je peux vous dire que c'est choquant.
01:09:22 On finit par, hélas, un petit peu s'habituer,
01:09:24 parce que voilà.
01:09:26 Mais moi, j'ai toujours eu ce sentiment.
01:09:28 Quand je suis arrivé en France,
01:09:30 j'ai découvert qu'il y avait des cantines scolaires,
01:09:33 pas gratuites, mais à des prix raisonnables.
01:09:35 Aujourd'hui, vous avez des enfants
01:09:37 qui souffrent de la faim ou de la mauvaise alimentation.
01:09:40 Quand vous avez un président de la République,
01:09:43 cette fois, mais dès sa première élection,
01:09:46 qui fait campagne en disant "Mon programme,
01:09:48 "c'est d'apporter trois repas par jour à tous les petits Brésiliens",
01:09:52 qui le dit avec la force de celui qui a,
01:09:54 encore dans ses tripes, la douleur terrible
01:09:57 et insupportable de la faim,
01:09:58 je crois que c'est un grand homme politique
01:10:01 qui sait de quoi il parle,
01:10:03 et ceux à qui il s'adresse,
01:10:04 au nord de Rio,
01:10:06 qui votent très majoritairement pour lui,
01:10:09 il suffit de voir la carte,
01:10:10 on part de la division, de la fracturation,
01:10:13 c'est au-dessus de Rio, où sont essentiellement les pauvres,
01:10:16 ça vote Lula, parce qu'ils savent
01:10:18 qu'il vient aussi de là
01:10:21 où ces populations viennent,
01:10:22 qu'il connaît leurs problèmes
01:10:24 et qu'il a un minimum de crédibilité.
01:10:27 Il a fait ça dans son premier mandat,
01:10:29 les trois petits repas par jour pour tous les petits Brésiliens.
01:10:32 -Ca me pose sa famille. -Pose sa famille.
01:10:35 -Ce revenu de base, on va dire. -C'est ça.
01:10:37 C'est des problèmes qu'on ne connaît plus en France et en Europe,
01:10:41 si on a des problèmes de sous-alimentation,
01:10:43 pour une partie de notre population,
01:10:46 il faut être alerté là-dessus.
01:10:48 Mais moi, il me donne ces accents de ces hommes
01:10:50 qui, en France, comme Jaurès,
01:10:52 se battaient pour les minimums vitaux,
01:10:55 pour les droits élémentaires des gens.
01:10:57 Ca, c'est Lula, c'est ce qu'il représente,
01:11:00 et au-delà de toute la géopolitique qu'il peut faire,
01:11:03 de ce qui symbolise aussi pour plein de combats,
01:11:06 ça, je crois que c'est sa marque de fabrique,
01:11:09 de fabrication, pour un pays où il y a encore des enfants
01:11:12 et des familles qui peuvent mourir de faim,
01:11:14 alors que nous sommes au Brésil l'un des plus grands exportateurs
01:11:18 de matières agricoles, alimentaires,
01:11:20 céréales ou viandes, et c'est pas supportable.
01:11:23 Il faut que le Brésil, qui est un grand pays,
01:11:26 règle enfin ça, et je pense que Lula est la personne
01:11:29 la plus sensible et la plus à même de le comprendre.
01:11:32 -Autre dossier sur lequel on attendait ce retour de Lula,
01:11:35 alors pas seulement au Brésil, mais aussi sur le plan international,
01:11:39 c'est bien sûr l'Amazonie, ce poumon
01:11:41 que représente l'Amazonie
01:11:44 au sein du monde aujourd'hui,
01:11:46 environnemental.
01:11:48 Nous avons réduit la déforestation de 42 %
01:11:51 lors de ces sept premiers mois de l'année,
01:11:54 a affirmé la ministre brésilienne de l'Environnement,
01:11:57 Marina Silva.
01:11:58 Là aussi, il a pris les choses en main.
01:12:00 Il a inversé ce qu'avait été la politique de Bolsonaro
01:12:04 concernant l'Amazonie. On peut dire ça ?
01:12:06 -Disons qu'il a mis un coup d'arrêt assez net,
01:12:09 disons, au laissé-aller intégral,
01:12:11 fondamentaliste, qu'incarnait le bolsonarisme
01:12:14 par rapport à la déforestation,
01:12:16 pour que les téléspectateurs nous comprennent.
01:12:18 60 % de l'Amazonie est sur le territoire brésilien,
01:12:22 et l'Amazonie, ce territoire-là,
01:12:24 représente à peu près un tiers du territoire brésilien.
01:12:27 Et la politique de Lula, c'est finalement, là aussi,
01:12:30 de remettre en place ce qu'avaient soigneusement
01:12:33 tricoté, finalement, Bolsonaro ou avant lui,
01:12:36 c'est-à-dire tous les systèmes de surveillance,
01:12:39 de police, et tous les systèmes et les financements
01:12:42 qui permettent la surveillance et le ralentissement,
01:12:45 même le coup d'arrêt, c'est ce à quoi il s'est engagé
01:12:48 dans un premier temps, depuis qu'il a pris ses fonctions,
01:12:51 de la déforestation dite illégale de la forêt amazonienne.
01:12:54 C'est ça qui a déjà été, disons, cautérisé par Lula,
01:12:58 grâce à la relance des programmes,
01:13:00 des administrations de surveillance, etc.
01:13:03 C'est ça qui a donné les chiffres dont vous parliez.
01:13:05 -La reprise en main de ces administrations.
01:13:08 -La reprise en main, leur refinancement,
01:13:10 parce que Bolsonaro, avant, avait laissé tout ça exister,
01:13:14 mais il les avait tués par inadmission.
01:13:16 Il avait coupé les budgets, c'est aussi simple que ça.
01:13:19 Il avait coupé les budgets, les financements,
01:13:22 et plus personne pouvait travailler, plus de police, plus rien.
01:13:26 Tout le monde faisait ce qu'il voulait.
01:13:28 Il avait un discours pour "Allez-y, allez-y, brûlez la forêt
01:13:32 "et faites-en un". Lula a remis les choses en place.
01:13:34 La déforestation illégale, l'objectif, c'est zéro.
01:13:37 Dans un deuxième temps... -La déforestation, zéro.
01:13:40 -Ce sera aussi déforestation zéro tout court.
01:13:43 C'est un objectif, mais c'est une transition.
01:13:45 C'est comme ça qu'il la présente.
01:13:47 Mais en réalité, Lula n'est pas sur l'idée
01:13:50 qu'il faut ne plus toucher à l'Amazonie
01:13:53 et qu'elle devienne un bien commun de l'humanité,
01:13:55 comme Emmanuel Macron l'avait souhaité.
01:13:58 C'est pas la position de Lula,
01:14:00 c'est la position de pas beaucoup d'acteurs politiques au Brésil.
01:14:03 L'Amazonie est vécue comme l'ADN de l'identité
01:14:06 et du modèle de la société brésilienne
01:14:08 par tous les Brésiliens.
01:14:10 Ils en veulent la souveraineté absolue.
01:14:12 Elle est indissociablement liée, la question de l'Amazonie,
01:14:16 à la question des ressources et du développement du pays.
01:14:19 Lula a une approche développementaliste.
01:14:21 Il veut utiliser les ressources de l'Amazonie
01:14:24 pour participer au développement économique du pays,
01:14:27 mais sur une trajectoire qui est régulée
01:14:29 et qui fait l'objet d'une réflexion politique,
01:14:32 d'une planification, d'une protection des terres indigènes
01:14:36 ou de négociations avec eux pour pas, si vous voulez,
01:14:39 qu'on soit dans la brutalité du laissé-faire
01:14:41 par rapport à ce sujet.
01:14:43 Mais les projets de Lula pour l'Amazonie,
01:14:45 c'est des projets qui visent à utiliser les ressources
01:14:48 qu'elle contient pour le développement du pays.
01:14:51 -Un mot assez court, si vous voulez rajouter quelque chose.
01:14:54 -Il y a des projets assez dangereux, par exemple,
01:14:57 il y a un énorme projet d'exploitation du pétrole
01:15:00 sur l'embouchure du fleuve Amazon,
01:15:03 qui est mené par Lula, par le gouvernement de Lula,
01:15:06 qui met en danger, du coup,
01:15:08 justement, cette faune et cette flore
01:15:11 à la sortie du fleuve Amazon.
01:15:13 Il y a un énorme projet de construction d'une route d'étrang
01:15:16 en liant le centre-ouest du Brésil au nord du pays.
01:15:21 Et il y a des projets pour refaire des autoroutes
01:15:25 au milieu de la forêt amazonienne,
01:15:27 qui passent par des territoires autochtones,
01:15:29 par des réserves environnementales.
01:15:31 Là, on voit la contradiction de ce gouvernement Lula,
01:15:34 qui est ce qui monte la rampe du palais présidentiel
01:15:39 avec Raoni à ses côtés,
01:15:40 mais qui lance des projets
01:15:42 qui vont passer sur des territoires autochtones.
01:15:45 -On va avancer un tout petit peu, il nous reste une dizaine de minutes.
01:15:49 Je voulais parler de Lula et du Brésil, bien entendu.
01:15:52 Sur le plan international,
01:15:54 Lula s'est rendu dans 21 pays
01:15:56 depuis qu'il a repris la direction du Brésil,
01:15:58 a rencontré plus d'une cinquantaine de chefs de gouvernement,
01:16:02 il est très actif au sein du BRICS.
01:16:05 Le BRICS, c'est le Brésil, Russie, Inde, Chine
01:16:08 et Afrique du Sud.
01:16:10 Je ne sais pas si on pourrait dire
01:16:12 que ce sont les nouveaux pays non alignés,
01:16:14 c'est peut-être ce débat qu'il faut avoir.
01:16:17 Est-ce que le Brésil est de retour sur la scène internationale ?
01:16:20 Le Brésil est de retour, c'est le slogan de Lula,
01:16:24 qu'il martèle depuis des mois,
01:16:25 qu'il a repris le pouvoir au Brésil.
01:16:28 -Oui, et la politique étrangère est l'une des marques de fabrique
01:16:31 de l'identité politique de Lula, de tous ses gouvernements.
01:16:35 Et effectivement, Bolsonaro s'était refermé sur lui-même
01:16:39 et n'avait aucune crédibilité à la chaîne internationale.
01:16:42 Aujourd'hui, Lula revient
01:16:45 avec le retour du respect du Brésil
01:16:49 sur la scène internationale
01:16:51 et le retour d'une action, c'est un peu rondonnant,
01:16:55 mais active d'une politique à l'échelle internationale.
01:16:58 L'Amazonie, c'est intéressant. -Tout azimut.
01:17:00 -Sur tous les sujets sur lesquels le Brésil,
01:17:03 comme une puissance en développement,
01:17:07 je ne sais plus si c'est les sixièmes ou septièmes puissances,
01:17:10 puissance en devenir, elle veut prendre sa part
01:17:13 de responsabilité dans les affaires du monde
01:17:15 et dire ce qu'il en pense.
01:17:17 -Il veut la prendre où, sa place, avec le Brésil ?
01:17:20 -En ce moment, le Brésil... -Il est non allié, aujourd'hui,
01:17:23 comme il l'a longtemps été. Il a repris les mêmes recettes,
01:17:26 le même positionnement. -Il peut essayer
01:17:29 de ne pas être aligné aux Etats-Unis d'Amérique,
01:17:32 ce qui explique certaines positions un peu compliquées,
01:17:35 notamment sur la situation entre la Russie et l'Ukraine,
01:17:39 la guerre, et aussi, peut-être,
01:17:42 avec le conflit entre Israël et le Hamas.
01:17:45 Le Brésil, avec Lula,
01:17:48 aujourd'hui, préside le Conseil de sécurité de l'ONU.
01:17:51 C'est une présidence tournante, c'est le tour du Brésil,
01:17:54 c'est président en ce moment même par Lula.
01:17:57 Ca, c'est un premier point.
01:17:59 Deuxième point, bientôt, le Brésil va accueillir,
01:18:02 et c'est pas un hasard, un G20.
01:18:04 Donc, ce sont des symboles
01:18:05 par lesquels Lula montre sa volonté de prendre part,
01:18:09 de recevoir et d'accueillir des forums
01:18:11 et des sommets internationaux.
01:18:13 La question de l'Amazonie, elle est à la fois
01:18:16 une question intérieure, parce qu'en effet,
01:18:19 le Brésil défendra coûte que coûte la souveraineté
01:18:22 sur son territoire amazonien,
01:18:23 mais veut assumer aussi sa responsabilité
01:18:26 dans la lutte pour le climat,
01:18:28 contre le réchauffement climatique,
01:18:30 et l'Amazonie joue un rôle fondamental.
01:18:32 Lula se servira de ce point d'appui de l'Amazonie,
01:18:35 parce que c'est un problème concret,
01:18:37 et en même temps, va essayer, à partir de là,
01:18:40 de poser les jalons d'une politique
01:18:43 et d'une lutte en faveur du climat.
01:18:45 Oui, c'est le retour du Brésil,
01:18:47 mais on ne sera pas tout le temps d'accord avec eux.
01:18:50 C'est important, c'est le premier président brésilien
01:18:53 qui a une ambition et une volonté
01:18:55 de peser sur les affaires internationales
01:18:57 à la hauteur de ce que représente le Brésil
01:19:00 sur la scène internationale.
01:19:01 C'est un retour salué, car le Brésil doit être un partenaire
01:19:05 et un acteur important des enjeux qui viennent.
01:19:07 -Il y a ce fameux BRICS, que j'ai évoqué,
01:19:10 Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud,
01:19:13 qui posent quand même un petit problème du côté occidental,
01:19:16 parce que ça représente tout de même
01:19:19 40 % de la richesse mondiale,
01:19:22 plus de la moitié de la population mondiale.
01:19:25 Sur le papier, c'est considérable.
01:19:27 On s'interroge, tout de même,
01:19:29 est-ce qu'ils s'allient d'une certaine manière
01:19:32 avec, d'une part, la Chine et la Russie,
01:19:34 qui sont, eux, dans un bloc clairement anti-occidental ?
01:19:37 C'est quoi, le positionnement de Lula et du Brésil
01:19:40 au sein de ce BRICS ?
01:19:41 -C'est un des cofondateurs, déjà.
01:19:43 Lula est très fier d'avoir été aux affaires
01:19:46 lorsque les BRICS ont été créés à la fin des années 2000,
01:19:49 en 2009-2010. C'est un des fondateurs des BRICS.
01:19:51 Le Brésil a quelques positions fortes au sein des BRICS,
01:19:55 parce qu'il y a les BRICS en tant que telles,
01:19:57 et la banque des BRICS, présidée par Dilma Rousseff,
01:20:00 l'ancienne présidente qui avait été destituée,
01:20:03 on s'en souvient, en 2016. Elle est la présidente
01:20:05 de la banque des BRICS.
01:20:07 Les BRICS vont s'élargir, d'ailleurs,
01:20:09 pour l'année janvier 2024, avec six nouveaux membres,
01:20:12 dont un nouveau Sud-américain, qui est l'Argentine,
01:20:15 si tout se passe comme ça devrait se passer.
01:20:17 -Il y a même l'Arabie saoudite et l'Iran,
01:20:20 qui fera pas la porte.
01:20:21 Ils sont peut-être des partenaires plus délicats à gérer.
01:20:24 -Quelle est la position du Brésil ?
01:20:26 Le Brésil, sa position...
01:20:28 -Vous avez de la Chine et de la Russie.
01:20:30 -Elle est simple, la position du Brésil, de Lula.
01:20:33 La ligne de Lula, c'est que le Brésil parle à tout le monde,
01:20:36 sans exclusives, et ne s'affilie pas
01:20:39 à des logiques, disons, idéologiques, etc.
01:20:41 C'est en fait une forme de non-alignement,
01:20:43 mais qui est un non-alignement, disons, qui est actif.
01:20:46 Pourquoi actif ? Parce que la stratégie de Lula,
01:20:49 dans un monde qui est de plus en plus chaotique,
01:20:52 de plus en plus polarisé,
01:20:53 qui est de plus en plus tendu à tous les niveaux, etc.,
01:20:56 c'est une logique qui vise à affirmer
01:20:59 l'intérêt national du Brésil et sa souveraineté en toute chose.
01:21:03 Et donc, Brésil, Lula, refuse de parler à certains
01:21:07 et pas à d'autres, et il pense même avoir,
01:21:09 justement, peut-être, cette spécificité
01:21:12 sur le plan international, d'avoir de bonnes relations
01:21:15 avec tout le monde et d'être utile à tout le monde pour ça,
01:21:18 et de pouvoir être dans des dossiers XY,
01:21:20 pouvoir jouer un rôle de médiation ou de facilitation,
01:21:24 d'apaisement des tensions et des conflits.
01:21:26 C'est ça, la stratégie de Lula, mais derrière,
01:21:29 c'est l'intérêt national du Brésil qui compte.
01:21:31 Il veut devenir une puissance globale
01:21:34 sur un certain nombre de dossiers.
01:21:36 C'est la transition énergétique, les questions alimentaires.
01:21:39 Il ne veut pas jouer simplement latino-américain,
01:21:42 il veut jouer global, le Brésil.
01:21:44 Il veut affirmer ses intérêts, et pour cela,
01:21:46 il a des moyens, une diplomatie active
01:21:49 qui est très multilatérale.
01:21:50 C'est vrai que Lula, en 2023,
01:21:52 est à la présidence du Conseil des Nations unies,
01:21:55 ça a été dit, le Brésil va présider le G20 en 2023-2024,
01:21:59 en 2025, il dirigera les BRICS,
01:22:01 et aussi, il ira à la COP 30 à Bel-Hem,
01:22:04 en Amazonie.
01:22:05 La séquence multilatérale et de projection internationale
01:22:09 pour le Brésil est très avantageuse
01:22:11 par rapport à la politique de Lula.
01:22:13 -C'est un adepte de la multipolarité.
01:22:15 C'est pas un adepte d'un monde divisé en deux blocs,
01:22:18 et ça se voit.
01:22:19 Le Brésil a commencé déjà à négocier avec la Chine
01:22:22 en n'utilisant pas le dollar,
01:22:24 en utilisant l'UN et le réel brésilien
01:22:26 pour essayer de créer d'autres lignes économiques,
01:22:29 pour essayer de jouer dans ce monde,
01:22:32 qui, malheureusement, n'est pas en train de les suivre
01:22:35 à tous les minutes comme on le sait.
01:22:37 -Bolsonaro, c'est aussi quelqu'un
01:22:39 qui n'a pas condamné l'invasion de l'Ukraine par la Russie
01:22:44 et qui a condamné les sanctions internationales.
01:22:47 C'est partie de ces positionnements
01:22:49 qui sont, avec l'oeil, le regard occidental aujourd'hui,
01:22:52 un peu difficiles à comprendre,
01:22:54 quand on connaît ce parcours de Lula,
01:22:56 qu'on l'a revu dans ce documentaire.
01:22:58 -Justement, je pense que c'est une belle traduction
01:23:02 du parcours de Lula. Lula, c'était toujours un homme
01:23:04 de négociations, jamais un homme de confrontations directes.
01:23:08 Il parle à tout le monde.
01:23:10 A la sortie de la dictature et de la démocratie,
01:23:13 il négocie dans une certaine mesure,
01:23:16 aussi avec... Si c'était, par exemple,
01:23:18 en Brésola, à la sortie de la dictature militaire,
01:23:21 il n'aurait pas de négociations avec les militaires
01:23:24 et les élites économiques. Lula se permettait
01:23:27 ce type de négociations. -C'est la marque Lula
01:23:29 qui perdure, si je vous ai bien compris.
01:23:32 Une minute, ça sera la fin. -Lula est un politique pur,
01:23:35 un grand politique.
01:23:36 La politique, c'est d'abord la discussion.
01:23:39 La politique, c'est la négociation.
01:23:41 Un rapport de force est une situation donnée,
01:23:44 mais le grand politique, ou la grande politique,
01:23:46 c'est celui qui est capable de trouver des solutions
01:23:49 en fonction des rapports de force pour défendre ses intérêts
01:23:53 et trouver des compromis. Lula est de cette nature.
01:23:56 Et donc, je crois qu'il va pleinement jouer
01:23:58 cela, la politique, c'est d'abord la création politique,
01:24:01 y compris sur les affaires géopolitiques.
01:24:04 Le Brésil va, comme toutes les nations,
01:24:06 défendre ses intérêts, mais je crois que Lula a quand même
01:24:09 une vision globale. Il plaide pour un monde meilleur,
01:24:12 il sait d'où il vient. On parlait de la question climatique
01:24:16 qui est nouvelle, avec toutes les contradictions,
01:24:18 les antagonismes, les tensions sur la question de l'Amazonie.
01:24:22 On l'a vu tout à l'heure, comment concilier
01:24:25 intérêts de développement et intérêts climatiques.
01:24:28 Je crois que Lula aura aussi à coeur de porter un autre sujet,
01:24:31 la lutte à l'échelle mondiale contre les inégalités.
01:24:34 On parlait tout à l'heure de la lutte contre la faim
01:24:37 et les inégalités au Brésil. Il aura au coeur
01:24:40 de porter ça à l'échelle internationale.
01:24:42 Je crois à un axe France-Brésil.
01:24:44 Avec le retour de Lula, c'est un intérêt pour la France.
01:24:47 Le président Macron va bientôt aller au Brésil.
01:24:50 Je crois que c'est positif pour les Français,
01:24:53 pour l'Europe, même si la question de l'accord
01:24:55 pour l'Union européenne est très dure.
01:24:58 -On n'a pas eu le temps de l'évoquer,
01:25:00 mais il y a un bras de fer entre l'Europe et l'Amérique du Sud.
01:25:03 -Lula, 77 ans, aujourd'hui.
01:25:06 On n'a pas non plus l'occasion d'évoquer
01:25:09 ce qui pourrait succéder à Lula.
01:25:11 On le fera peut-être à l'occasion d'une prochaine émission.
01:25:14 Merci à tous les trois d'avoir participé à ce "Débat doc".
01:25:18 Vos réactions, #Débatdoc, bien entendu.
01:25:20 Merci à Salma Salih, qui m'a aidé à préparer cette émission.
01:25:23 Je vous donne rendez-vous pour un prochain "Débat doc",
01:25:26 avec son documentaire et son débat.
01:25:29 A bientôt.
01:25:30 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
01:25:32 Générique
01:25:34 ...
01:25:43 !

Recommandée