• il y a 2 ans

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00:03 Sud Radio Bercoff dans tous ses états
00:07 Le face à face
00:09 Le face à face d'André Bercoff avec Jacques Attali qui publie chez Flammarion son livre "Le Monde, mode d'emploi, comprendre, prévoir, agir, protéger"
00:17 Bonjour Jacques Attali
00:18 Bonjour M.
00:19 Alors Jacques Attali, on sait, on va pas se... on sait, on se connait depuis très longtemps, presque un demi-siècle
00:27 On a des idées communes mais on a aussi des idées tout à fait différentes
00:32 Mais on est là parce que vous, "Le Monde, mode d'emploi", vous avez beaucoup parlé et vous avez beaucoup écrit sur les modes d'emploi
00:39 Pas seulement sur le monde, sur les philosophes, sur la manière dont effectivement vous avez écrit sur la musique, vous avez écrit sur la finance
00:46 Vous avez écrit sur les mécaniques du monde
00:49 Et justement, on va pas parler sur le problème du faiseur de roi ou de politique ou de président, etc.
00:56 Le livre que vous venez de publier est quand même très intéressant
01:01 Je dirais que c'est une... j'allais dire une feuille de température, c'est un volume de température
01:06 C'est-à-dire que vous essayez de décrire d'abord en remontant aux dix cents histoires avec un grand H
01:11 On le prend rien à rien, ça on le sait, mais il est toujours bon de le rappeler
01:15 Et voilà, c'est sur ces dizaines de milliers d'histoires d'humanité, vous faites des lignes de force
01:21 Des lignes rouges, des lignes... voilà, d'abord je vais pas raconter le livre, lisez-le
01:28 Parce qu'il est, encore une fois, et on parlera des choses qui prêtent à discussion
01:34 Mais il est fondamental, en rappelant, l'ordre rituel, l'ordre impérial, le marché, les dieux, les prêtres, les guerriers, le capital, etc.
01:46 Surtout, vous donnez un nombre impressionnant de chiffres qui montrent bien justement que à la fois les colopsologues et les déclinistes se trompent
01:55 C'est-à-dire qu'il y a ou les gens qui vous disent "oui oui, on va vers un avenir adieu"
01:59 Ou les gens qui disent "non c'est foutu, vraiment, on va vers l'apocalypse, si c'est pas now c'est demain"
02:05 Et vous, vous retracez effectivement tout ce qui s'est passé pour montrer que justement, et vous dites "l'aléatoire est là, on ne peut pas prédire"
02:13 Et comme disait Alphonse Allais "les poubelles sont remplies de tendances prolongées"
02:17 Mais je voudrais simplement que vous me disiez ce que vous appelez, vous en parlez "le coeur et la forme"
02:22 Vous dites que, au fond, ce qui est constant, il y a dans l'histoire de l'humanité, dans l'histoire des villes, des régimes, des empires, il y a le coeur et il y a la forme
02:31 C'est quoi le coeur, c'est quoi la forme ?
02:33 - Alors quand on prend, merci de cette introduction qui est tout à fait exacte, et merci des compliments
02:37 Ce que j'essaie de faire, c'est de faire la synthèse de dizaines d'années de travail pour présenter à un grand public ce qu'on peut comprendre des 30 années qui viennent
02:48 Et je pense qu'on ne peut rien comprendre des 30 années qui viennent sans comprendre très bien ce qui s'est passé depuis 1000 ans
02:56 Parce que c'est bien le diable que les tendances qu'on voit depuis 1000 ans ne se prolongent pas au moins pendant 30 ans
03:04 Ces tendances depuis 1000 ans, c'est-à-dire depuis le début du capitalisme, vraiment sérieusement
03:10 - L'ordre marchand c'est 1000 ans quoi, on peut dire
03:12 - L'ordre marchand, oui, il n'est pas dominant à ce moment-là, mais c'est à ce moment-là qu'il commence
03:16 La grande puissance à l'époque était encore la Chine et va le rester, mais elle est totalement isolée, elle n'est pas dans l'ordre marchand, mais elle est alors totalement isolée
03:24 Avant l'ordre marchand, il y a en effet l'ordre impérial, les empires, et l'ordre rituel, les prêtres
03:31 Là aussi il y a des grandes constantes de l'espèce humaine
03:34 Depuis 1000 ans, on est passé d'étape en étape, et dans chaque étape il y a une forme, c'est-à-dire l'espace qu'occupe le capitalisme, qui grandit à chaque étape
03:45 Et une ville qui est le cœur, qui domine, qui véritablement est le centre
03:49 - Une ville qui joue le rôle dominant quoi, c'est ça
03:52 - Qui joue le rôle du cœur au sens propre biologique, c'est-à-dire c'est là où tout bat
03:56 La technologie, la culture, la finance, le pouvoir, les innovations
04:02 Et on a pu identifier ces cœurs, Fernand Bredel y a beaucoup travaillé, puis d'autres aussi
04:08 Les voici, dans l'ordre 11-12ème siècle Bruges, puis Venise, puis Anvers, puis Gênes, puis Amsterdam, puis Londres, puis Boston, puis New York
04:19 Et aujourd'hui encore depuis 25 ans, Los Angeles
04:23 - Pas encore Pékin
04:25 - Et sans doute jamais, c'est sans doute une des théories de mon livre
04:30 - Et pas Paris, quand il n'a jamais été
04:33 - Jamais, au moment de Louis XIV par exemple, que dans nos livres d'histoire on nous dit à sa grande puissance française
04:41 Le niveau de vie des parisiens c'est le quart du niveau de vie des habitants d'Amsterdam, qui est le New York de l'époque
04:46 Une des raisons d'ailleurs, parmi beaucoup d'autres, pour lesquelles la France n'a jamais été au cœur, c'est qu'elle a choisi d'être un grand pays rural
04:55 Et les paysans, et c'est leur grandeur, ont besoin du retour du même, ils ont besoin du retour des saisons, ils ont besoin de la stabilité
05:04 Ils n'ont pas besoin d'innovation
05:06 L'innovation qui va être la clé du progrès passe surtout par les ports
05:11 Et vous avez noté que dans toutes les villes-cœur, il n'y en a aucune qui ne soit pas un port, toutes sont des ports
05:16 Et comme nous, au moment où on aurait pu mettre notre capitale au bord d'un mer, c'est-à-dire au moment où François 1er crée le Havre
05:23 Mais lui, il décide d'installer sa capitale au bord de la Loire, c'est là où on a fait l'erreur, en tout cas au sens de la dynamique de croissance
05:33 Ensuite la France a fait une magnifique ville qui s'appelle Paris
05:36 Mais en termes de puissance de croissance, on a eu tort de Versailles
05:40 - C'est pour ça que Paris n'a jamais été vraiment un cœur, il y a eu l'Empire français mais pas...
05:45 - Paris n'a jamais été un cœur, je fais le point sur l'économie mondiale et sur le monde de façon générale
05:52 Mais je montre qu'à chaque époque, pour chaque ville, le niveau de la France est toujours 40 à 50% sinon moins en termes de revenus par habitant, de pouvoir d'achat des habitants, que les villes principales
06:04 - Alors le cœur, c'est là où bat effectivement le riz de la croissance, et alors la forme ?
06:08 - La forme, c'est l'espace qui est autour, qui se divise en trois parties, le cœur proprement dit, le milieu, c'est à dire les autres pays qui sont joints et qui souvent rêvent de devenir cœur ou ont été cœur
06:19 Et la périphérie, c'est tous les pays qui sont exploités, qui sont à l'extérieur
06:24 Et progressivement, la taille du cœur grandit, la taille du milieu grandit, et peu à peu la périphérie est avalée dans l'ordre marchand dans le milieu
06:35 - Oui, c'est une vagocité en quelque sorte
06:38 - Oui, vagocité parce que progressivement, les autres ordres, c'est à dire l'ordre religieux et l'ordre impérial, laissent la place à l'ordre marchand
06:47 Progressivement, l'ordre marchand, parce qu'on le voit aujourd'hui, il y a mise à part...
06:51 - Il domine aujourd'hui
06:52 - Il est partout, sauf peut-être en Corée du Nord, mais il est partout
06:57 Il est partout, pas toujours, évidemment loin de là, associé à la démocratie, mais le marché est déjà partout
07:04 Et il y a des tendances longues, des recettes qui montrent qu'une ville peut devenir le cœur
07:11 si elle attire les innovateurs, si elle attire la finance, si elle donne sa place au créateur, si elle a un projet long
07:18 si elle est démographiquement pleine de vitalité, si elle a une certaine forme de stabilité
07:26 et si elle a une élite dirigeante et une élite financière qui ont une vraie vision
07:32 - Et ça a toujours été le cas, ça a toujours été le même schéma, pratiquement
07:35 - Le même schéma, à chaque fois il y a une grande innovation qu'on peut identifier à chaque cœur
07:40 et je montre quelles innovations
07:42 Il y a des grands artistes qu'on peut identifier à chaque cœur, il y a une monnaie
07:46 chaque cœur a sa monnaie et c'est la monnaie dominante
07:49 c'est pour ça que parfois le cœur change mais la monnaie reste la même
07:53 quand la Grande Bretagne est au cœur, c'est l'East Ending
07:55 quand le cœur passe à Boston, puis à New York, puis en Los Angeles, ça reste le dollar
08:00 et puis la question est, est-ce qu'il y aura un cœur autre après...
08:05 - C'est la grande question du moment
08:07 - Alors c'est une des questions, parce qu'il y a évidemment, on en parlera peut-être tout à l'heure
08:10 mais beaucoup d'autres questions, la présence du Sud, les questions climatiques, les questions militaires
08:18 il y a beaucoup d'autres questions qui se nous projettent d'ici à 30 ans
08:22 et on voit aussi des tendances longues sur qui fait la guerre
08:26 en général la guerre est faite par quelqu'un qui veut devenir le cœur
08:30 contre celui qui est le cœur, mais en général, presque toujours
08:34 le cœur suivant n'est pas celui qui a fait la guerre
08:36 mais c'est celui qui attendait dans un coin et qui a profité de l'épuisement des deux
08:41 pratiquement toujours comme ça, par exemple
08:43 Louis XIV, Louis XV ont fait la guerre contre les Pays-Bas
08:47 et c'est la Grande Bretagne qui en a profité
08:49 l'Allemagne a fait la guerre contre la Grande Bretagne
08:52 et c'est les Etats-Unis qui en ont profité
08:54 on peut penser aujourd'hui que la guerre entre la Russie et le camp occidental
08:59 profitera à la Chine qui se tient à l'écart, si on poursuit le raisonnement
09:03 aujourd'hui il y a...
09:05 il y a aussi beaucoup de choses qui sont passionnantes
09:09 c'est quelles sont les technologies qui dominent
09:11 c'est toujours un progrès dans la technologie de manipulation de l'information
09:15 de maîtrise de l'information, manipulation par le sens...
09:18 - Par le sens déformant du terme
09:20 - Au sens de l'utilisation de l'information
09:24 télécommunications, bateaux, trains, avions, etc.
09:27 et l'énergie, une nouvelle source d'énergie donne un pouvoir
09:30 et souvent quand c'est les deux, par exemple l'imprimerie, le téléphone, l'automobile
09:35 tout ça c'est des ruptures qui vont changer
09:37 et ça donne des nouveaux moyens, des nouvelles consommations
09:41 - Parce que le marché aussi, l'ordre du marché, en capte ça
09:43 - De plus en plus, voilà, alors de plus en plus
09:46 on a développé des objets de consommation pour les besoins de transport
09:51 puis pour les besoins domestiques, la machine à laver, le...
09:54 - Bien sûr, tout ça
09:56 - Puis pour les besoins des jeunes
09:59 c'est tout ce qui s'est développé depuis peu
10:01 et Los Angeles c'est tout autour des besoins des jeunes
10:04 et il y a d'autres besoins qui vont apparaître maintenant
10:06 et qui seront au coeur de la forme suivante
10:09 il y a 9 formes, on est en attente de la dixième
10:12 - Ah oui, actuellement on est en attente de la dixième
10:14 on va en parler parce que c'est là où le bas blesse effectivement
10:17 entre autres, un des bas qui blesse tout de suite après cette petite pause
10:20 à tout de suite
10:22 - Et vous avez la parole sur Sud Radio, vous nous appelez au 0 826 300 300
10:26 on attend vos appels, 0 826 300 300, à tout de suite sur Sud Radio
10:29 - Les français parlent au français
10:34 je n'aime pas la blanquette de veau
10:37 je n'aime pas la blanquette de veau
10:40 - Sud Radio Bercov dans tous ses états
10:43 - Et je ne suis pas le seul, Jacques Attali aussi
10:46 qui décrit un monde d'ailleurs dans tous ses états
10:49 mais quel monde n'a-t-il pas été à un moment donné dans tous ses états
10:52 et c'est ça qui est intéressant
10:55 et vous parlez de cette forme, l'ordre marchand
10:58 et effectivement on va en parler
11:01 d'ailleurs vous dites à un moment donné Jacques Attali
11:04 une forme marchande peut fonctionner durablement sans coeur
11:07 et c'est peut-être ce qu'on a aujourd'hui
11:10 j'essaie dans ce livre de donner le mode d'emploi
11:13 et de donner tous les moyens à tout le monde
11:16 mettre toutes les cartes sur la table pour que chacun se fasse un avis
11:19 peut-être un avis différent du mien
11:22 mon avis est que nous avons devant nous
11:25 la question de savoir qui sera le coeur suivant
11:28 d'un point de vue géopolitique, de point de vue technologique, culturel, politique
11:31 - Après la Californie
11:34 - Il y a deux candidats qui peuvent apparaître
11:37 Boston, New York, Los Angeles
11:40 et beaucoup aux Etats-Unis pensent que le prochain coeur sera entre le Texas et la Floride
11:43 et en effet c'est une région qui se développe formidablement
11:46 beaucoup de très grandes entreprises de Californie se déplacent en Floride
11:49 ou au Texas, on peut penser que ce sera ça
11:52 je n'y crois pas parce que je pense que la part des Etats-Unis
11:55 dans l'économie mondiale va beaucoup baisser dans les 30 ans qui viennent
11:58 ne serait-ce que pour des raisons de croissance des autres
12:01 - Et puis de dette etc.
12:04 - Oui, de grande difficulté financière, plus l'extraordinaire
12:07 rupture entre les côtes et le centre qui ne pense pas du tout
12:10 la même chose, d'un point de vue politique
12:13 beaucoup de causes de rupture qui fait que je pense que les Etats-Unis vont avoir
12:16 beaucoup à s'occuper d'eux-mêmes plus qu'à s'occuper des autres
12:19 le dollar va encore jouer un rôle important, il ne sera pas remplacé par une autre monnaie
12:22 mais il ne sera plus la monnaie dominante. La Chine
12:25 dont beaucoup pensent qu'elle sera le pays dominant
12:28 je n'y crois pas non plus, même si la Chine va devenir une très grande puissance
12:31 si l'armée chinoise va devenir la deuxième du monde
12:34 si la Chine jouera un rôle important dans le monde
12:37 comme elle commençait à le jouer. Mais d'abord la Chine
12:40 comme je l'ai dit, a toujours été une super puissance à part
12:43 elle n'a jamais souhaité se mêler du monde
12:46 - Ce n'est plus le cas maintenant - Alors ce n'est plus le cas maintenant
12:49 c'est pour ça que maintenant elle veut s'en mêler, mais elle veut s'en mêler pour des raisons très intéressées
12:52 par exemple, pourquoi la Chine, à l'heure où nous parlons
12:55 s'intéresse à l'Ukraine ? Parce que 80% du soja dont elle a besoin
12:58 pour nourrir ses porcs vient d'Ukraine
13:01 et donc pour elle, pour la Chine, c'est vital d'avoir une stabilité
13:04 en Ukraine. Donc la Chine
13:07 veut absolument
13:10 stabiliser pour ses intérêts. Mais elle n'a jamais été
13:13 je ne pense pas qu'elle sera porteuse d'un modèle de civilisation
13:16 - L'Europe non plus franchement - L'Europe non plus, l'Europe pourrait
13:19 parce qu'elle est encore une super puissance en termes de qualité de vie
13:22 si vous regardez le monde entier, tout le monde rêve d'être européen
13:25 Alors, qu'est-ce qui va se passer ?
13:28 Pour moi, entre les deux scénarios, Chine-États-Unis, aucun
13:31 je crois que c'est le troisième qui va l'emporter, c'est-à-dire un monde sans cœur
13:34 dans lequel, sans cœur à tous les sens
13:37 parce qu'il n'y aura pas de cœur géographique, mais il sera sans cœur, parce qu'il sera impitoyable
13:40 par ceux qui domineront, ce seront les entreprises
13:43 c'est le marché. C'est-à-dire une société
13:46 totalement inégale, sans état de droit
13:49 dans lequel la règle sera fixée par les
13:52 patrons de la finance et des grands ordonnances
13:55 - C'est déjà le cas, franchement
13:58 - Tout existe déjà bien sûr - Je vous cite, Jacques Attali
14:01 vous dites "sera"
14:04 et moi je dis "et" de fait, je vous cite
14:07 "à la différence de ce qui s'est passé depuis mille ans, l'ordre marchand
14:10 sera devenu si puissant et la technologie si nomade
14:13 qu'aucune puissance politique géographiquement
14:16 déterminée n'aura plus la capacité de le contrôler
14:19 ni de l'orienter, ni de le réguler
14:22 aucune armée ne pourra faire à elle seule la police de tous les océans
14:25 de toutes les terres, de tous les espaces, de tous les réseaux numériques
14:28 de tous les esprits, de toutes les révoltes
14:31 aucun centre financier, aucune monnaie nationale
14:34 ne pourront contrôler les marchés du monde
14:37 nul ne pourra entraver la puissance du capital dont la part
14:40 dans la valeur ajoutée sera encore plus élevée qu'elle ne l'est aujourd'hui"
14:43 - C'est aujourd'hui - Non, c'est pas tout à fait aujourd'hui
14:46 il y a encore une très grande puissance américaine qui a un rôle énorme
14:49 il y a une puissance russe qui a un rôle énorme, une puissance chinoise
14:52 vous avez eu le G7 qui a montré l'importance des nations
14:55 qui se rassemblent, non on peut pas dire que ça sera le cas - Mais est-ce que ce ne sont pas les mêmes à peu près ?
14:58 - Ça se réduit maintenant
15:01 parce que les entreprises prennent un pouvoir. Moi je prends souvent un exemple
15:04 qui me fascine, de voir l'importance de ce qui n'est pas l'État
15:07 devinette
15:10 au G20, qui réunissait les 20 plus grandes puissances du monde
15:13 en Argentine il y a 3 ans. Séance de clôture
15:16 tous les chefs d'État ont 5 minutes pour conclure
15:19 ensuite le président argentin donne la parole à une personne
15:22 et lui donne 20 minutes. Tout le monde l'a écoutée religieusement
15:25 savez-vous qui c'est ?
15:28 - Dites - Non seulement tout le monde l'a écoutée religieusement - Vous voulez dire les autres ont eu 5 minutes ?
15:31 - Pas plus - Oui il lui a eu 20 minutes
15:34 et ensuite les autres ont fait la queue pour faire dédicacer quelque chose à cette personne
15:37 savez-vous qui c'est ? - N'oublie pas que les close-vab
15:40 - Non, ça aurait été conforme à votre théorie
15:43 - Mais c'est ce que je crois - C'était bien plus amusant que ça
15:46 c'était le président de la FIFA
15:49 parce que la FIFA, d'Argentine, Argentin
15:52 tout ça - Un président de la FIFA, oui mais ça c'est un gag
15:55 - C'est pas vraiment un gag. Si on veut voir
15:58 quelle est une puissance mondiale, quelqu'un qui est capable
16:01 de changer les règles à l'échelle du moindre village
16:04 de la planète dans son domaine
16:07 c'est la FIFA. Donc c'est une vraie puissance mondiale
16:10 et donc il existe des puissances mondiales - Mais pardon, c'est intéressant
16:13 est-ce que BlackRock, il aurait pu aussi avancer 20 minutes ?
16:16 - Alors BlackRock - Le grand centre de fonds de pension
16:19 - J'en parle aussi dans ce livre. Les grands fonds d'investissement
16:22 ont un rôle très important
16:25 pour l'instant surtout aux Etats-Unis
16:28 où, j'en parle à l'heure où nous parlons, aujourd'hui
16:31 ils influent beaucoup sur les élections américaines parce que leur financement est essentiel
16:34 pour fixer les programmes des sénateurs
16:37 des congressmen, etc. Donc ils ont un rôle très important
16:40 aux Etats-Unis. Je pense pas qu'ils aient un rôle
16:43 encore planétaire.
16:46 Aujourd'hui, il y a des rôles, des gens qui ont des rôles - Tu ne penses pas que franchement
16:49 ils ont la donne ? - Pas encore, ça va venir.
16:52 C'est pas encore le cas. Si vous prenez Meta
16:55 Facebook, Google, oui
16:58 si vous prenez TikTok, entreprise chinoise
17:01 explicitement chinoise, c'est d'ailleurs très
17:04 révélateur. - C'est amusant d'ailleurs.
17:07 - A la fin du XIXe siècle, pour tuer la puissance
17:10 chinoise, les Anglais ont fait cultiver
17:13 l'opium en Chine, pour détruire la Chine.
17:16 C'est ce qu'on a appelé les deux guerres de l'opium. - Absolument.
17:19 - Aujourd'hui, on peut se demander si la Chine n'est pas en train de se venger en nous envoyant un autre opium
17:22 - TikTok, oui. - Qui est TikTok. - Et quel opium ?
17:25 - Il est très seul, mais il est pas mal. - Extrêmement mortel, très dangereux.
17:28 - Donc, il y a des puissances planétaires. Alors, pour l'instant
17:31 les Chinois ont très bien compris le danger
17:34 pour le parti communiste d'être dominés par des entreprises
17:37 et ils les ont matées. Toutes les entreprises chinoises sont maintenant sous
17:40 rangées derrière la bannière du parti communiste. - Oui, en la vie, Alibaba
17:43 a fait le bâtiment. - Mais pas seulement.
17:46 Alibaba a fait un exemple iconique. Mais aux Etats-Unis, c'est pas le cas.
17:49 Les grandes entreprises américaines, dont on a parlé,
17:52 ne sont pas dominées par l'Etat et d'une certaine façon
17:55 le dominent. C'était d'ailleurs quelque chose
17:58 dont on a oublié, mais le président Eisenhower, il y a très longtemps
18:01 quand il a quitté le pouvoir
18:04 en 1962, je crois,
18:07 son dernier discours, c'était
18:10 "Méfiez-vous du complexe militarement industriel."
18:13 - Absolument. - Et il a dit "Méfiez-vous
18:16 de l'industrie." Il y a aujourd'hui
18:19 et la tendance est naturellement planétaire.
18:22 Pourquoi ? Parce que l'intelligence artificielle, c'est planétaire.
18:25 La génétique, c'est planétaire.
18:28 Tout ce qui vient avec les nanotechnologies, c'est planétaire.
18:31 On ne peut pas empêcher un petit chercheur dans un coin
18:34 parce qu'il est génial de faire une innovation qui va avoir un impact planétaire.
18:37 Donc, soit on sera capable, pour l'IA
18:40 par exemple, qui est vraiment la première chose qui nous concerne,
18:43 de faire une régulation qui permettra d'en utiliser
18:46 le meilleur, et c'est extraordinaire ce que ça peut apporter de positif,
18:49 soit on ne le fera pas et on va être débordé par elle.
18:52 - Oui, parce que ce sera l'artificialisation, vous en parlez d'ailleurs.
18:55 - Alors, je dis il y a trois dangers. Il y a trois scénarios.
18:58 Scénario américain ne marchera pas, scénario chinois ne marchera pas,
19:01 scénario domination par les centraux, va marcher, c'est le chaos.
19:04 Après ça, il y a trois menaces de suicide de l'humanité, celle du climat,
19:07 qui est beaucoup plus grave qu'on le croit, à mon avis, parce que le scénario...
19:10 - Je suis plus sceptique que vous. - Je sais que vous l'êtes, mais
19:13 je pense que, principe de précaution, on a intérêt à prendre des mesures de précaution
19:16 et aujourd'hui on est plutôt à 5°C qu'à 1°C et demi.
19:19 Deuxième scénario, la guerre, et les armements mondiaux sont absolument immenses,
19:24 et les menaces qui viennent, Taïwan, Corée du Nord, et beaucoup d'autres,
19:29 peuvent entraîner une guerre planétaire vraiment suicidaire.
19:33 Et le dernier danger, qui est le plus difficile à percevoir...
19:36 - Et qui pour moi est le plus grave. - C'est l'artificialisation.
19:39 Nous sommes progressivement transformés en artefacts.
19:41 D'abord, la nature est artificialisée, les sols sont artificialisés,
19:45 il y a des conséquences sur le climat.
19:47 Chacun d'entre nous, on a de plus en plus de prothèses,
19:49 on devient des prothèses parce que, pour de bonnes raisons,
19:52 on est équipé de prothèses, mais progressivement,
19:57 les mutations sont gigantesques. Par exemple, il y a une expérience
20:00 qui a été faite récemment par des chercheurs
20:04 qui ont vu qu'une des différences entre...
20:07 Je caricature, je simplifie à l'extrême.
20:10 Une des différences majeures entre le cerveau d'un singe et le cerveau d'un homme,
20:14 c'est une certaine partie d'un cellule
20:18 qui se développe différemment chez l'homme que chez le singe.
20:21 Ils ont greffé cette partie, encore une fois je simplifie à l'extrême,
20:24 sur une cellule débutante de formation d'un symphonsée.
20:28 Ils ont constaté, d'un singe, qu'il se développait très bien,
20:33 et ils ont cru imaginer que s'il essaie de se développer jusqu'au bout,
20:37 - on allait avoir un singe... - Les singes deviendraient humains.
20:40 Ils ont arrêté l'expérience.
20:42 Qui prouve qu'ils ont vraiment arrêté l'expérience ?
20:44 Qui prouve que ce genre de chimère n'est pas en train de se développer ?
20:47 Par exemple, on est en train de voir de plus en plus,
20:51 pour des bonnes raisons, la possibilité de faire naître des enfants
20:55 hors de la matrice maternelle dans les premiers mois,
20:59 et dans les derniers mois.
21:00 Et la durée dans laquelle l'utérus sous la matrice maternelle se réduit.
21:05 - On peut imaginer... - Oui, mais est-ce que c'est pas extrêmement dangereux ?
21:09 - C'est vraiment... - C'est dramatique.
21:12 - C'est la fin de l'espèce humaine telle qu'elle est.
21:15 Mais, pour l'arrêter, pour orienter vers le meilleur,
21:19 c'est pour ça qu'il est très important de dire que l'artificialisation est un suicide,
21:23 il faut prendre des mesures qui ne peuvent être que planétaires.
21:25 - Pratique. Eh bien on va en parler, justement, des mesures à prendre,
21:28 et du grand virage dont vous parlez.
21:31 - Et vous avez la parole sur Sud Radio,
21:33 on se retrouve tout de suite au 0826 300 300, à tout de suite sur Sud Radio.
21:37 - Merci.
21:39 - Ici Sud Radio.
21:41 Les Français parlent au français.
21:46 Les carottes sont cuites.
21:49 Les carottes sont cuites.
21:51 - Et justement, on parlait avec Jacques Attali, Le Monde, Bordempois,
21:58 alors toute la dernière partie est consacrée à 2050.
22:01 Le Monde en 2050.
22:03 2050 à l'échelle du Monde, c'est un clin d'œil,
22:06 puisque c'est dans 26 ans, 27 ans si on veut.
22:11 Et Jacques Attali dit, effectivement, si on suit un certain nombre de pentes,
22:16 eh bien ça peut très très très très mal tourner.
22:20 Et c'est intéressant, parce qu'à un moment donné, vous arrivez effectivement,
22:25 et non pas à la contradiction,
22:27 mais vous dites, et on parlera des détails, sur la mixité sociale,
22:31 sur le CO2, sur...
22:33 Mais vous dites à un moment donné, et à mon avis assez justement,
22:37 et personne ne le souhaite, moi non plus,
22:39 vous dites à première vue, seule une dictature planétaire
22:43 pourrait résoudre ces problèmes de façon efficace
22:45 et mettre en œuvre le grand virage,
22:47 le grand virage donc, pour combattre, comme vous disiez,
22:49 le climat, les dérives climatiques, l'artificialisation,
22:53 la guerre et la violence.
22:55 Simplement là, Jacques Attali, est-ce que vous n'êtes pas,
22:59 non pas en contradiction, mais peut-être, votre optimisme,
23:02 peut-il tourner à une certaine naïveté ?
23:04 - Non, j'essaie de poser le problème et que chacun se fasse un avis.
23:08 Évidemment, je suis contre les dictatures,
23:11 et je ne pense pas qu'une dictature planétaire, même si certains pouvaient la souhaiter, arrivera.
23:16 - Oui, attendez, juste, vous auriez aimé un gouvernement mondial, rappelez-vous.
23:19 - Non, il ne faut pas confondre ce que je prévois avec ce que je veux.
23:23 - D'accord.
23:24 - J'ai toujours pensé que d'ici un siècle,
23:26 on aura des règles planétaires dans un grand nombre de domaines.
23:29 Et je dis d'ailleurs, dans ce livre,
23:31 - Et vous le pensez toujours, ça ?
23:32 - Je dis dans ce livre, qu'il y a déjà beaucoup de domaines
23:34 dans lesquels on a des règles planétaires.
23:36 J'ai cité l'exemple de la FIFA, c'est anecdotique,
23:38 le football, c'est très important dans la vie des gens.
23:41 Mais pourquoi est-ce que ce qu'on fait pour le foot, on ne le ferait pas pour la santé ?
23:44 C'est quand même important, le foot, mais la santé aussi.
23:46 Pourquoi ? On ne le fait pas sur l'éducation, sur les revenus des plus pauvres,
23:50 sur la maîtrise de l'intelligence rationnelle.
23:52 Le foot, c'est plus important que la maîtrise de l'intelligence ?
23:54 Non ! On pourrait l'avoir aussi.
23:56 - Sauf que c'est plus facile pour le foot.
23:58 - Plus facile pour le foot. On le fait quand c'est facile.
24:00 Mais on voit apparaître, et je montre dans le livre,
24:03 on voit apparaître dans certains secteurs,
24:05 une sorte de corporatisme,
24:08 où les entreprises se mettent entre elles
24:10 pour remplacer les États et faire des règles planétaires.
24:12 Par exemple, dans le domaine de l'assurance,
24:14 il y a des règles planétaires, plus ou moins suivies,
24:16 mais plutôt suivies en matière de risque.
24:18 Dans le domaine de la publicité,
24:20 vous avez une organisation planétaire
24:22 qui regroupe les agences de publicité
24:24 et qui décide quelle publication on a le droit de faire et pas,
24:26 et plutôt bien suivie.
24:28 - Mais ça c'est l'ordre marchand.
24:30 - Oui, mais exactement comme les corporations sont apparues
24:32 dans l'ordre marchand, et puis à un moment en France,
24:34 on a supprimé les corporations, on a confié ses pouvoirs à l'État.
24:36 Donc on voit apparaître progressivement,
24:38 puisque c'est l'ordre marchand qui va dominer,
24:40 qu'il n'y aura pas de cœur politique,
24:42 on voit apparaître la volonté de l'ordre marchand de se régler.
24:44 Parce que l'ordre marchand, il a besoin d'un État de droit.
24:46 Sans État de droit,
24:48 la propriété n'est pas
24:50 préservée, elle n'est pas protégée.
24:52 Donc l'ordre marchand a besoin d'un État.
24:54 Et si l'ordre marchand devient planétaire,
24:56 ben l'ordre marchand il aura besoin d'un État.
24:58 Parce que sinon, les propriétés seront
25:00 arbitrairement reprises.
25:02 - Oui, chacun pour son profit, etc.
25:04 - On n'aura pas la globalisation,
25:06 mais on aura ce que j'appelle
25:08 la somalisation.
25:10 La Somalie a été pendant très longtemps un pays sans État,
25:12 ben voilà, c'est ça qui est en train d'arriver.
25:14 Et le marché ne peut pas tolérer ça,
25:16 il a besoin d'un État de droit.
25:18 Et si vous dites État de droit, ben vous poussez le raisonnement.
25:20 État de droit, protection de la propriété.
25:22 Ça, ça veut dire,
25:24 ben il faut des juges, il faut des policiers,
25:26 il faut des prisons, il faut des tribunaux
25:28 pour décider. Idéalement,
25:30 il faut quand même un pouvoir politique plutôt démocratique
25:32 pour décider selon quelle loi...
25:34 - Il vaut mieux, oui.
25:36 - Et donc, c'est là où je crois
25:38 que les dictatures sont condamnées à l'échec.
25:40 C'est que le marché a besoin
25:42 d'une protection contre l'arbitraire
25:44 de la propriété.
25:46 Et la dictature ne peut pas le donner.
25:48 Donc je crois qu'à terme, les dictatures sont condamnées.
25:50 Je ne dis pas que le système démocratique
25:52 sera plus efficace, mais je le dis,
25:54 c'est pour ça que je crois que la dictature chinoise
25:56 comme la dictature russe, à terme, sont condamnées
25:58 parce que toutes les forces de marché
26:00 dans ces pays, comme on l'a vu
26:02 avec le Chili ou avec l'Espagne ou avec d'autres pays,
26:04 ben ils ont voulu un État de droit
26:06 pour éviter l'arbitraire.
26:08 Seule la démocratie garantit
26:10 contre l'arbitraire.
26:12 - Parce qu'il y a le contre-pouvoir.
26:14 - Voilà. Parce qu'il y a vous, les journalistes,
26:16 parce qu'il y a les juges,
26:18 parce qu'il y a des façons de vérifier
26:20 que les choses ne se font pas, parce qu'il y a des ONG,
26:22 la possibilité de crier sans être envoyé en prison
26:24 à la première protestation.
26:26 Voilà, c'est ça qui établit
26:28 la possibilité
26:30 de respecter l'État de droit.
26:32 - Oui, mais alors Jacques Attali, juste un mot là-dessus.
26:34 C'est intéressant parce que, est-ce que là,
26:36 vous ne passez pas un peu vite
26:38 le monde réel par pertes et profits ? Je m'explique.
26:40 Aujourd'hui, vous savez très bien,
26:42 on en parlait,
26:44 il y a tout ce qui s'est passé.
26:46 L'invasion, enfin,
26:48 Russie-Ukraine n'est que la cristallisateur
26:50 de ça. On parle d'un monde multipolaire
26:52 à nouveau, on parle
26:54 de la délégalisation du monde à temps et à raison,
26:56 et on parle aussi, surtout, vous voyez,
26:58 ce qui se passe, les problèmes de violence,
27:00 d'incivilité, des choses que beaucoup de gens
27:02 ne supportent plus. - C'est clair que nous sommes
27:04 dans un État, dans un monde... - C'est quand même très dur.
27:06 - Oui, dans un monde où la violence
27:08 monte, monte de toute nature. Vous l'avez dit tout à l'heure,
27:10 la violence inter-étatique,
27:12 la violence inter-personnelle...
27:14 - La violence du capital,
27:16 enfin, du marché. - La violence du capital,
27:18 la violence est partout. Et sans État de droit,
27:20 la violence est encore pire, parce qu'elle est libre.
27:22 Il y a beaucoup de choses
27:24 dans ce que vous avez dit, comme bataille.
27:26 Il y a d'abord une bataille entre le Nord
27:28 et le Sud, parce que le Nord est riche,
27:30 cyniquement profite de ses richesses.
27:32 Et dans le Nord, les plus riches,
27:34 je rappelle qu'un pour cent des plus riches
27:36 possèdent plus de 50% de...
27:38 Et ça est en train de s'aggraver. Si le marché
27:40 domine, comme il n'y a pas d'impôt mondial,
27:42 la concentration
27:44 des richesses va être de plus en plus grande. - Vous dites,
27:46 je rappelle simplement, c'est important,
27:48 10% des hommes possèdent 3/4
27:50 du capital financier mondial,
27:52 et 80% des pauvres, 5%.
27:54 - Oui, et ça va être pire dans les 30 ans qui viennent.
27:56 Sauf s'il y a un impôt planétaire
27:58 qui commence à être
28:00 un embryon. L'OCDE vient d'obtenir
28:02 un accord qui n'est pas encore appliqué
28:04 sur un impôt minimal de 15% pour les entreprises.
28:06 C'est énorme comme progrès si ça se fait.
28:08 Mais c'est pas
28:10 toute la planète, c'est loin d'être fait.
28:12 Mais il faut
28:14 voir que la violence, elle est partout
28:16 et que... Alors ça c'est un premier conflit.
28:18 Conflit entre les riches et les pauvres. Deuxième conflit,
28:20 c'est conflit entre les peuples
28:22 qui veulent le respect des droits de l'homme,
28:24 le respect de la propriété,
28:26 le respect des libertés fondamentales
28:28 et les dictatures.
28:30 Et pour moi, ce qui se passe en Ukraine,
28:32 comme ce qui se passe entre Taïwan et la Chine,
28:34 qui pour l'instant n'est encore
28:36 qu'un fleuret maucheté...
28:38 - Pour le moment, enfin c'est là.
28:40 - C'est le conflit
28:42 entre un peuple qui veut
28:44 qu'il y ait une démocratie en construction,
28:46 je n'idalise pas la démocratie ukrainienne,
28:48 une démocratie en construction
28:50 et un peuple
28:52 russe qui lui-même,
28:54 sans doute, en son fort
28:56 profond rêverait d'être démocratie
28:58 mais qui n'en est empêché.
29:00 Et le pouvoir russe,
29:02 comme le pouvoir chinois,
29:04 doit absolument empêcher
29:06 l'émergence d'une volonté de liberté
29:08 chez lui, non pour ça,
29:10 tuer la liberté chez ses voisins.
29:12 Donc c'est un combat entre
29:14 le désir de liberté individuelle
29:16 et un pouvoir
29:18 qui ne veut pas, non pas de la liberté chez son voisin,
29:20 pour les pouvoirs russes,
29:22 c'est pas l'Ukraine qui la concerne,
29:24 c'est les russes.
29:26 - Oui, mais simplement, est-ce que vous n'éliminez pas
29:28 tout de suite toutes les nuances,
29:30 dans la mesure où vous savez très bien ce qui s'est passé au Donbass,
29:32 les russophones, Maïdan, Minsk,
29:34 vous le savez tout ça.
29:36 Est-ce que ça ne fait pas un peu le caricatural ?
29:38 - Non, non, nous sommes
29:40 très courts là-dessus, et j'ai dit
29:42 moi-même publiquement que
29:44 l'Ukraine avait fait beaucoup d'erreurs,
29:46 et la seule chose que je pense utile,
29:48 c'est que l'Ukraine récupère
29:50 ses territoires, et qu'ensuite
29:52 des votes démocratiques, libres et contrôlés
29:54 internationalement, décident ce que veulent être
29:56 les habitants du Donbass et les habitants de la Crimée.
29:58 Je ne sais pas
30:00 s'ils vouleront être ukrainiens ou russes.
30:02 Mais ça ne peut pas être chou.
30:04 Ils ne peuvent pas le décider
30:06 en étant écrasés par les bourgeois.
30:08 - Alors, justement, juste sur la violence,
30:10 il y a la violence des deux côtés.
30:12 Par exemple, les États-Unis, c'est
30:14 une vraie démocratie, on le sait, on l'admet.
30:16 Enfin, vous vous admettez vous-même,
30:18 vous le savez, vous l'avez dit, que dans certains pays,
30:20 que ce soit quand il y a eu la guerre d'Irak,
30:22 que ce soit la Libye, etc., on ne peut pas dire
30:24 qu'ils se sont comportés comme des démocrates. - Absolument.
30:26 - Et le bombardement de la Yougoslavie en 99.
30:28 - Mais évidemment, il y a eu énormément...
30:30 On sait très bien que la
30:32 toute puissance impériale, c'était le cas de la Grande-Bretagne
30:34 en son temps, de la France dans de nombreuses périodes,
30:36 et des États-Unis dans de nombreuses périodes,
30:38 se sont conduits...
30:40 Tout pouvoir va au bout de son pouvoir.
30:42 Donc, quand vous êtes une superpuissance, vous faites beaucoup d'erreurs,
30:44 vous croyez défendre la démocratie, puis vous faites
30:46 une erreur, ce qui était fait en Irak était du tout...
30:48 - Est-ce que c'est erreur ou attention ?
30:50 Jacques Attali, franchement.
30:52 J'ai été assez mêlé au pouvoir
30:54 pendant longtemps, pour pouvoir dire
30:56 qu'il y a parfois des gens de bonnes
30:58 intentions qui font d'énormes erreurs.
31:00 Et puis, naturellement,
31:02 je sais que le pouvoir américain
31:04 est très dépendant du pouvoir pétrolier.
31:06 Je le dis dans le livre, mais
31:08 on peut raconter beaucoup de l'histoire du monde
31:10 depuis un siècle à partir des besoins pétroliers.
31:12 Si les nazis attaquent
31:14 la Russie, c'est parce qu'ils ont besoin
31:16 du pétrole.
31:18 Si les japonais attaquent les américains,
31:20 c'est parce qu'ils ont peur d'être privés
31:22 du pétrole. On peut raconter beaucoup de guerres.
31:24 - A partir de... - Beaucoup de guerres.
31:26 Et aujourd'hui encore, le contrôle de l'énergie
31:28 est absolument déterminant
31:30 sur ce qui se joue
31:32 dans beaucoup de choses,
31:34 et qui se jouera dans l'avenir. Même si
31:36 il est clair qu'il y a un grand mouvement qui est en marche
31:38 pour se débarrasser du pétrole.
31:40 C'est une course de vitesse. Est-ce qu'on ira assez vite
31:42 pour s'en débarrasser ?
31:44 - Ce que vous appelez les énergies fossiles.
31:46 - Oui, ce que tout le monde appelle ainsi.
31:48 Je fais la distinction. Vous avez dit
31:50 que c'est trop difficile à titre
31:52 collectif d'y arriver. C'est possible.
31:54 C'est pour ça que je dis que chacun d'entre nous, nous sommes responsables.
31:56 C'est pour ça que j'incite chacun d'entre nous
31:58 à faire la distinction entre
32:00 ce que j'appelle l'économie de la vie et l'économie de la mort.
32:02 L'économie de la mort, c'est tout ce qui
32:04 détruit la planète. C'est-à-dire
32:06 tout ce qui est lié aux énergies fossiles.
32:08 Le pétrole, mais aussi l'utilisation
32:10 du pétrole dans des tas de choses.
32:12 L'automobile
32:14 en utilisant l'énergie fossile. Le plastique.
32:16 L'alimentation
32:18 malsaine.
32:20 Les vêtements de
32:22 fast fashion, etc.
32:24 On peut... L'économie de la vie,
32:26 c'est santé, éducation,
32:28 culture, énergie renouvelable,
32:30 recyclage, etc.
32:32 L'économie de la vie,
32:34 ça ne représente pas 30% ou
32:36 35% du PIB de chaque pays.
32:38 Et j'aimerais que chacun d'entre nous,
32:40 on se pose vraiment la question.
32:42 Regardons mon budget.
32:44 Qu'est-ce que je consacre à l'économie de la vie ?
32:46 Qu'est-ce que je consacre à l'économie de la mort ?
32:48 Ça voudrait dire, si on le change,
32:50 de consacrer beaucoup plus d'argent à se nourrir
32:52 sainement. Beaucoup moins d'argent
32:54 à des tas de choses qui utilisent
32:56 de l'énergie fossile. La fast fashion,
32:58 par exemple. Est-ce qu'on a besoin d'acheter tellement
33:00 de vêtements qui sont fabriqués dans des conditions
33:02 appouvantables ? - Non mais vous posez un problème métaphysique
33:04 fondamental. C'est que vous, vous avez
33:06 évidemment, par votre réponse, une expérience
33:08 de, je dirais, de quelqu'un qui vous dit
33:10 "Voilà, il faut faire ça. Mais moi, j'ai envie
33:12 de fast fashion. Moi, j'ai envie de fumer."
33:14 Où est la liberté individuelle
33:16 que vous me laissez ? - Je ne vous la laisse pas
33:18 parce que, c'est une... Je ne
33:20 souhaite pas vous la laisser parce que, en agissant
33:22 ainsi, vous
33:24 tuez vos petits-enfants.
33:26 Vous tuez vos petits-enfants.
33:28 Vous créez les conditions... - C'est intéressant. Qu'est-ce que vous en savez ?
33:30 Franchement. - C'est évident. - Attendez.
33:32 L'humanité s'est toujours
33:34 développée jusqu'ici
33:36 en ayant justement, et ça a été la part
33:38 de liberté qui a été la plus importante
33:40 qui nous a été donnée. - L'humanité
33:42 a en effet, s'est développée
33:44 ainsi. - Mais oui.
33:46 - Mais nous sommes... - On commence à avoir des règles.
33:48 - Nous sommes dans un moment
33:50 où tout le démontre,
33:52 et je donne des chiffres irréfutables,
33:54 que nous créons les conditions d'un suicide
33:56 de l'humanité. Parce que nous sommes
33:58 dans une obsession narcissique
34:00 de l'instant, moi maintenant
34:02 tout de suite, et je me fous des autres. Je me fous
34:04 de mes voisins, je me fous de mes parents,
34:06 je me fous des autres, mais surtout
34:08 je m'affiche de ceux qui sont
34:10 là. Je cite souvent
34:12 Marx, je veux dire Groscho Marx,
34:14 qui disait... - Le seul qui vous intéresse.
34:16 - Voilà. Je vois pas pourquoi je m'occuperais
34:18 des générations suivantes, qu'est-ce qu'elles ont fait pour moi.
34:20 Ça peut paraître vrai, mais c'est
34:22 totalement faux. Parce que supposer
34:24 qu'à partir du moment où nous parlons aujourd'hui,
34:26 et ben y'a plus de générations
34:28 suivantes. Qu'est-ce qui se passerait ?
34:30 On n'aurait plus besoin de maternité, puis d'école primaire,
34:32 puis d'école secondaire, et puis y'aurait bientôt
34:34 plus de plombiers, d'électriciens, de médecins,
34:36 tous ceux qui sont vivants, vivraient un enfer.
34:38 Nous avons intérêt au bonheur
34:40 de ceux qui sont pas encore nés.
34:42 - Ils nous sortent d'accord. - Et pour ça, dans notre
34:44 vie quotidienne, nous devrions être contraints par
34:46 cette question "Qu'est-ce que je fais qui nuit
34:48 aux générations futures ?" - Oui, mais alors le vrai problème
34:50 métaphysique, mais c'est passionnant,
34:52 qui fixe les règles ?
34:54 Regardez ce qui s'est passé, par exemple,
34:56 dans la gestion du Covid, où y'a eu des choses
34:58 très bien et des choses moins bien. Qui
35:00 fixe les règles ? Par exemple, quand on disait
35:02 "N'embrassez pas, vous avez
35:04 trois ans, l'enfant de trois ans ne doit pas
35:06 embrasser sa grand-mère, elle va être intubée",
35:08 etc., etc. Qui va fixer
35:10 les règles, Jacques ? C'est ça le
35:12 problème. - Qui doit fixer les règles ? On peut
35:14 se tromper en fixant les règles.
35:16 - Et on se trompe. - Mais on se trompe toujours
35:18 quand on essaye pas d'y réfléchir.
35:20 Moi, je pense qu'il faut réfléchir à ce qui
35:22 va se passer dans 30 ans, fixer les règles
35:24 en fonction de ça, mais là où
35:26 on est sûr de se tromper, c'est si on n'y pense pas.
35:28 Si on n'y réfléchit pas.
35:30 Après, si on y réfléchit, c'est comme quelqu'un qui est
35:32 dans un bateau et qui
35:34 se fout de savoir s'il y a une tempête et fonce
35:36 et va aller dans la tempête. Et le
35:38 bateau va couler. Mais si quelqu'un est dans ce bateau
35:40 et réfléchit où va aller la tempête, regarde la
35:42 météo, fait les bons choix, peut-être qu'il va se tromper.
35:44 Mais au moins, il a moins de chances de se tromper que
35:46 celui qui se fout de la météo et qui l'aura pas regardée.
35:48 - C'est tout à fait vrai, c'est pour ça que...
35:50 Mais Carles Heisberg est dans le Titanic.
35:52 Je m'explique. Quand vous avez des gens qui vous
35:54 le savez, et ça revient à votre livre,
35:56 qui décident, eux, et qui
35:58 ont le pouvoir de décider, en disant
36:00 "Moi, pour un certain nombre d'intérêts,
36:02 je pense que les gens devraient se comporter
36:04 comme ça et ça et ça." Au nom
36:06 de la dépollution, au nom
36:08 de la vie, au nom de
36:10 etc. Vous savez très bien que leur
36:12 versitème intérêt, ce n'est pas la vie, ce n'est pas
36:14 la pollution, c'est la transmission. C'est
36:16 un conflit d'intérêts total. Vous le savez.
36:18 - Je ne sais pas si ce que
36:20 vous dites, qui renvoie à la théorie du
36:22 complot permanent... - C'est pas un complot.
36:24 - ... me paraît pas exact. J'essaye
36:26 de donner dans ce livre tous les chiffres qui permettent d'établir
36:28 un avis honnête. - Oui, mais vous parlez de complot,
36:30 ça n'a rien de complot.
36:32 Regardez par exemple quand vous nous avez dit "Non mais attendez,
36:34 on va en parler, c'est bien. Le confinement,
36:36 on a dit, si vous n'êtes pas
36:38 tous vaccinés, tous protégés, je suis vacciné,
36:40 moi je ne suis pas anti-vax, donc vraiment, il n'y a pas de problème."
36:42 Mais je veux dire, à partir du moment où
36:44 vous disiez "Le vaccin est interdit",
36:46 ni la transmission, ni la
36:48 contamination. Je prends un exemple, c'est très bien.
36:50 On vous donnait du matin au soir, les médecins
36:52 de plateau, comme les géants de plateau, qui vous parlaient de ça.
36:54 Donc, qui décide Jacques Attali ?
36:56 C'est ça le problème. - Il y a un moment
36:58 sur tous les sujets,
37:00 où se crée un consensus honnête
37:02 des scientifiques.
37:04 On le suit ou on le suit pas, vous avez été libre de vous faire vacciner
37:06 ou pas vacciner, tout le monde a été fait, j'ai des gens
37:08 très proches de moi qui ont décidé de ne pas l'être et je les respecte.
37:10 Moi je compensais à ces vulnérables,
37:12 mais eux, je le respecte.
37:14 Dans les sociétés démocratiques, on fait ce qu'on veut.
37:16 Sauf si vous êtes misibles
37:18 aux autres. Et c'est là où c'est important.
37:20 Donc, je pense que nous
37:22 sommes victimes d'une
37:24 influence extrême
37:26 d'intérêts particuliers. C'est le cas
37:28 des compagnies pétrolières, c'est le cas d'un certain
37:30 nombre de gens qui essaient de bouger en Chine. - Des compagnies financières aussi.
37:32 - C'est le cas de tous ceux qui tentent
37:34 d'influer en fonction de leur intérêt.
37:36 C'est pourquoi il est si important
37:38 d'être en démocratie, parce que c'est là où on crée des contrepoids.
37:40 C'est pour ça qu'il est très important de développer
37:42 l'esprit critique, l'éducation
37:44 et de se faire un avis.
37:46 Et pour se faire un avis,
37:48 il faut connaître les faits. C'est pour ça que j'ai essayé de rassembler
37:50 dans ce livre, les faits, seulement
37:52 les faits, à chacun de se faire un avis.
37:54 Pour moi, les dangers sont extrêmes.
37:56 Et nous avons, dans chacun de nous,
37:58 à l'échelle, comme citoyens, comme consommateurs,
38:00 comme épargnants, comme
38:02 pères ou mères de famille,
38:04 les moyens de prendre au moins
38:06 à notre modeste niveau des décisions
38:08 utiles.
38:10 Si je décide en permanence de savoir
38:12 si je consomme des choses qui sont
38:14 dans l'économie d'avis ou l'économie à mort, ça c'est très
38:16 précieux. Si j'interroge ma banque
38:18 en disant "Dites-moi, j'ai un petit peu d'épargne chez vous,
38:20 qu'est-ce que vous en faites ? Qu'est-ce que vous financez avec ?
38:22 Et si, progressivement, si tout le monde
38:24 le fait, ça va changer les banques.
38:26 - Vous voulez dire que les gens
38:28 prennent leur main quand ils peuvent ?
38:30 - Dans toute leur dimension de leur vie,
38:32 possez-vous, poussez-vous. Et si vous
38:34 dites "Oh mais ça coûte trop cher
38:36 de s'alimenter". Très bien,
38:38 j'ai le plus grand respect, je suis scandalisé
38:40 de l'écart de richesse et de la pauvreté d'un grand nombre de gens.
38:42 Je le sais. En France, il y a quand même
38:44 une pauvreté intolérable dans un
38:46 pays aussi riche. Mais
38:48 pour les gens qui ont des moyens relatifs,
38:50 on consacre beaucoup trop peu
38:52 de nos moyens à se nourrir
38:54 décemment.
38:56 On devrait dépenser beaucoup
38:58 plus pour se nourrir. Ça donnerait
39:00 beaucoup plus de moyens aux paysans,
39:02 ça donnerait une agriculture beaucoup plus saine, et on serait
39:04 en meilleure santé. Et on dépenserait moins en matière de santé
39:06 et dans d'autres dangers.
39:08 Il y a aussi un équilibre du budget, plus
39:10 dans l'économie de la vie, dont la santé, moins
39:12 en économie de la mort. - Alors justement, il faudra
39:14 tout redéfinir, mais vous l'avez fait, à votre avis,
39:16 et que chacun voit si ça lui convient
39:18 à cette économie de la vie ou de l'économie de la mort,
39:20 telle que vous l'avez défini. On va pas
39:22 prendre un ou deux auditeurs, parce qu'on a
39:24 eu une confusion. - Tout de suite,
39:26 restez bien avec nous, on se retrouve tout de suite,
39:28 et on se retrouve au 0826 300 300.
39:30 Ici Sud Radio.
39:32 Les Français parlent
39:36 au français.
39:38 Je n'aime pas la blanquette de veau.
39:40 Je n'aime pas
39:42 la blanquette de veau.
39:44 Sud Radio Bercoff, dans tous ses états.
39:46 - Vous êtes bien dans le face-à-face d'André
39:48 Bercoff avec Jacques Attali pour son livre
39:50 "Le monde, mode d'emploi, comprendre, prévoir,
39:52 agir, protéger", et vous avez la parole au 0826
39:54 300 300. On accueille
39:56 Jean-Claude de Lessonne. Bonjour Jean-Claude.
39:58 - Bonjour Jean-Claude. - Bonjour
40:00 M. Bercoff, félicitations pour la qualité
40:02 de vos invités. - Merci. - M. Attali,
40:04 bonjour, je vais essayer d'être assez court.
40:06 Je vous connais, j'ai 68 ans.
40:08 Enfin, je vous connais.
40:10 Je vous connais, non, mais j'ai 68 ans.
40:12 Je me rappelle de vous, M. Attali,
40:14 comme conseiller vers
40:16 président de la République, et non pas des moindres.
40:18 J'ai essayé de vous suivre à travers
40:20 vos livres et je vous avoue que
40:22 vous êtes un esprit, à mon avis,
40:24 supérieur à beaucoup. Mais,
40:26 excusez-moi, j'ai lu le dernier,
40:28 c'était "L'homme nomade", c'est pas facile à lire,
40:30 mais c'est très intéressant. Mais la question
40:32 rapide, vous avez été
40:34 dans les arcades du pouvoir,
40:36 quand même, des pouvoirs,
40:38 et je voulais vous poser la question, M. Attali,
40:40 en fait, il y en a une en deux. La première,
40:42 c'est, est-ce que vous ne pensez pas qu'en tant que conseiller
40:44 d'un président, quel qu'il soit,
40:46 je ne rentre pas dans le côté
40:48 politique, est-ce que le rôle d'un conseiller,
40:50 en fait, auprès
40:52 d'un président, n'est pas plus important
40:54 qu'un Premier ministre et que son gouvernement ?
40:56 Et deuxième question qui en découle,
40:58 pourquoi, M. Attali,
41:00 ça c'est presque un regret, n'avez-vous
41:02 pas voulu, ne voulez-vous pas vous engager
41:04 quand je vous entends,
41:06 quand je vous lis, et
41:08 peut-être que beaucoup de Français auraient du mal
41:10 à vous suivre, intellectuellement,
41:12 mais pourquoi ne vous engagez pas
41:14 politiquement, M. Attali ? C'est extraordinaire.
41:16 - Je vous remercie, monsieur.
41:18 J'ai choisi de mener une vie,
41:20 André me connaît depuis si longtemps qu'il sait pourquoi,
41:22 j'ai choisi de mener une vie
41:24 d'indépendance, d'intellectuel,
41:26 j'ai choisi de pouvoir être ami
41:28 de gens qui ne pensent pas comme moi, j'ai choisi de
41:30 pouvoir changer d'avis
41:32 si je suis convaincu par un autre,
41:34 j'ai choisi de m'intéresser au monde, et pas seulement
41:36 à mon pays que j'adore, c'est-à-dire
41:38 la France, donc j'ai choisi de ne pas mener une carrière
41:40 d'homme politique, qui est un métier à plein temps,
41:42 que je respecte beaucoup,
41:44 mais qui suppose une obligation que je n'ai pas.
41:46 J'ai d'ailleurs toujours pensé
41:48 que l'avenir d'un ministre
41:50 c'est d'être ancien ministre,
41:52 tandis que l'avenir d'un écrivain c'est d'être écrivain.
41:54 Et pardonnez-moi, je préfère ne pas
41:56 résumer à être ancien à quelque chose.
41:58 Le conseiller,
42:00 est-ce qu'il a un pouvoir
42:02 supérieur à l'homme politique ?
42:04 Ça dépend.
42:06 En principe il n'en a aucun, puisqu'il ne fait que conseiller,
42:08 et la responsabilité
42:10 et la grandeur comme
42:12 l'opprobre appartient aux politiques
42:14 qui prend la décision, c'est lui qui décide.
42:16 Le conseiller, s'il est très proche
42:18 du président, ce qui m'est arrivé à moi, puisque j'ai eu le privilège
42:20 d'être pendant dix ans très proche
42:22 d'un président de la République, et ensuite les autres
42:24 présidents, je les ai connus, mais
42:26 je n'ai eu aucune proximité particulière
42:28 de travail avec eux, même si
42:30 certains étaient des amis.
42:32 Le conseiller,
42:34 s'il est loin, dans les bureaux lointains,
42:36 il n'a aucune influence, il fait des notes,
42:38 et ces notes sont
42:40 un élément de jugement parmi d'autres.
42:42 S'il est très proche, il peut
42:44 avoir une influence considérable, c'est d'arriver à
42:46 quelques personnes. Permettez-moi de
42:48 penser que la personnalité de François Mitterrand
42:50 était si forte, qu'il
42:52 n'était pas influençable.
42:54 Il prenait ses conseillers, et même les plus
42:56 proches dont j'ai eu l'honneur de faire partie,
42:58 comme des sources d'informations,
43:00 comme un pouching-ball pour tenter des idées,
43:02 des moments de contradictions,
43:04 et il aimait beaucoup qu'on le
43:06 contredit, mais il faisait son avis,
43:08 librement. Et ensuite,
43:10 la valeur de la décision était
43:14 la sienne, et l'erreur, si elle
43:16 y avait, c'était la sienne.
43:18 - Merci, je crois.
43:20 Merci à Jean-Claude, et puis
43:22 merci Jacques Attali, mais je vous revois vraiment,
43:24 je vous renvoie au livre, faites-vous
43:26 votre opinion, et lisez "Le Monde", "Mode d'emploi".
43:28 - Merci beaucoup,
43:30 chers auditeurs, d'être toujours aussi nombreux
43:32 à nous écouter, et merci à Jacques Attali pour
43:34 son livre, "Le Monde", "Mode d'emploi",
43:36 "Comprendre, prévoir, agir, protéger",
43:38 édité chez Flammarion. Tout de suite,
43:40 l'émission de Brigitte Lahaie, à tout de suite sur Sud Radio.

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