Alexandra Bensaid a reçu samedi 21 octobre Pierre-Olivier Gourinchas, le chef économiste du FMI, organisme international dont les prévisions sont scrutées. Inflation, risques géopolitiques : le chef économiste livre un état des lieux et son analyse.
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00:00 Le chef économiste du FMI est l'invité du MagEco ce samedi.
00:04 Bonjour Pierre-Olivier Gourincha.
00:05 Bonjour.
00:06 En France, l'économie continue de ralentir.
00:09 D'ici la fin de l'année, il y aura moins de croissance, moins d'emplois.
00:11 Ce qui attend les français, vous le décrivez comment ? Est-ce qu'on est en train de caler
00:15 et ça va être brutal ? Ou bien est-ce que c'est un atterrissage en douceur dans un
00:19 paysage terne mais qui pourrait éventuellement s'illuminer ?
00:23 On est plutôt sur le scénario d'atterrissage en douceur.
00:27 Il y a un ralentissement de la croissance, c'est normal.
00:29 Il y a eu un choc énergétique qui est quand même très important.
00:32 Puis il y a eu le durcissement des politiques monétaires de la BCE.
00:35 Donc on a un ralentissement, c'est anticipé.
00:38 De fait, l'économie française résiste mieux que ce qu'on avait prévu.
00:43 On a un ralentissement mais il est moins fort.
00:45 On a remonté nos prévisions de croissance pour l'année 2023 à 1%.
00:49 Elles étaient à 0,8% en juillet lorsqu'on avait fait notre cycle précédent.
00:53 Et on a une petite remontée, une petite reprise en 2024 à 1,3%.
00:57 On est un peu plus optimiste que la Banque de France par exemple.
00:59 Pendant ce temps-là, l'inflation continue de décroître.
01:03 Donc ça c'est la bonne nouvelle.
01:04 L'inflation décroît mais elle décroît lentement.
01:05 Là, en ce moment, vous passez par Paris et nous nous sommes en plein dans la discussion
01:09 sur le budget 2024.
01:10 Le gouvernement vise le désendettement et au moins 16 milliards d'économies.
01:14 Alors c'est trop pour certains, ça n'est pas assez pour d'autres.
01:17 A Bercy, on défend une idée.
01:18 Il ne faut pas aller plus vite.
01:20 En 2027, on serait bien sous les 3% de déficit avec une dette à 108%.
01:26 Vu du FMI, qu'en pensez-vous ?
01:28 Est-ce que la France, du point de vue de sa santé financière, va dans le bon sens, au bon rythme ?
01:34 Alors on pense qu'il faut reconstruire des marges budgétaires.
01:39 Ça a été très important.
01:40 On a bien vu pendant la pandémie et puis pendant la crise énergétique, les pays qui
01:44 avaient plus de marges budgétaires pouvaient faire plus pour protéger les ménages, pour
01:48 protéger les entreprises.
01:49 Donc on a besoin de reconstruire ces marges, elles ont été érodées.
01:52 Alors le sentier budgétaire que le gouvernement a prévu, il va dans la bonne direction.
01:57 Il nous semble y aller peut-être un petit peu trop lentement.
02:01 Les prévisions de déficit budgétaire sont à 2,7% à l'horizon de 2027.
02:06 Là on est à 4,4% en 2024.
02:11 Et on est après pas loin de 5% en 2023.
02:14 On pourrait faire un petit peu plus et surtout sous les politiques actuelles, je pense que
02:19 le 2,7% en 2027, il sera peut-être un petit peu difficile à atteindre.
02:22 Donc il y a un effort supplémentaire qui serait nécessaire.
02:24 Quand vous dites que ça sera peut-être un petit peu difficile à atteindre de la part
02:27 du chef économiste du FMI, ça veut dire que sauf à faire des grandes coupes dans les
02:32 dépenses, vous pensez que c'est beaucoup trop optimiste de la part du gouvernement ?
02:36 Non, il ne s'agit pas de faire de l'austérité.
02:38 On a bien vu que l'austérité lorsque les économies sont fragiles, ça peut être une
02:41 recette pour avoir une récession qui est beaucoup plus forte.
02:43 Donc il ne s'agit pas vraiment de faire des grandes coupes comme vous le dites.
02:47 Mais je crois qu'il faut se poser la question de la mobilisation des ressources, il faut
02:50 se poser la question des dépenses, il faut se poser la question des réformes qui permettent
02:54 d'augmenter la croissance.
02:55 Alors un certain nombre de choses ont été faites.
02:56 Oui c'est ça, j'allais vous dire mais attendez, on a fait quand même une réforme de l'assurance
03:00 chômage, on a fait une réforme des retraites.
03:02 Le FMI, quels sont ses conseils ? Si vous dites qu'il faut aller plus vite.
03:06 Toutes ces réformes-là vont porter leurs fruits, elles vont contribuer en particulier
03:10 à soutenir l'emploi, donc l'activité.
03:12 Et donc elles vont aider quelque part sur la situation budgétaire de la France.
03:17 Mais il faudra en faire un petit peu plus malheureusement.
03:20 Quelle est la capacité du pays à rembourser ses créances ? Nous sommes en ce moment dans
03:24 la période où les agences de notation révisent ou pas la note de la France.
03:28 Moody's la première, Fitch ça doit être la semaine prochaine, un peu plus tard ce
03:31 sera Standard & Poor's.
03:33 Qu'en pensez-vous Pierre-Olivier Gourincha, est-ce que la situation financière de la
03:38 France est inquiétante ?
03:39 La situation financière de la France n'est pas inquiétante au sens où le pays a des
03:44 marges budgétaires et peut corriger la trajectoire budgétaire.
03:47 Mais il faut voir qu'on est dans une situation de ralentissement de la croissance, d'augmentation
03:51 des taux d'intérêt et avec des chantiers budgétaires qui sont importants, qui sont
03:54 devant nous.
03:55 Donc il va falloir gérer cette équation budgétaire, il va falloir la résoudre.
03:58 Donc ça c'est quelque chose dont le gouvernement doit saisir.
04:01 Ce n'est pas le sujet simplement en France, c'est le sujet dans tous les pays de la zone
04:05 euro, c'est le sujet dans toutes les économies avancées et pour les pays émergents et en
04:09 vôtre développement aussi.
04:10 Vous parliez il y a quelques minutes de l'inflation, elle devrait encore être à plus de 4% en
04:14 décembre.
04:15 Elle décélère en France mais peut-être plus lentement qu'ailleurs et les attentes
04:19 sont fortes sur le pouvoir d'achat qui a reculé depuis 2021.
04:22 Est-ce qu'il faut augmenter les salaires ?
04:24 Alors sur l'inflation, ce qu'on voit c'est que l'inflation décélère.
04:28 Elle décélère un petit peu plus lentement que dans d'autres pays européens, en particulier
04:34 parce qu'il y a eu un bouclier énergétique qui était un petit peu plus large l'année
04:39 dernière et donc le retrait de ce bouclier énergétique contribue à faire un petit peu
04:43 remonter l'indice des prix.
04:45 On l'a vu avec les augmentations de prix de l'électricité en août et puis en février.
04:48 Donc on a une décélération un petit peu plus lente mais il y a quand même décélération.
04:53 Ensuite, nous on trouve tout à fait légitime et on le voit dans beaucoup de pays qu'il
04:58 y a un mécanisme un petit peu de rattrapage des salaires par rapport à cette perte de
05:03 pouvoir d'achat que vous décrivez.
05:04 On le voit, on voit bien qu'il y a une croissance assez robuste des salaires nominaux.
05:08 Il ne faut pas qu'elle soit trop élevée, il ne faut pas qu'elle enclenche une boucle
05:11 prix-salaires et en particulier dans les pays européens où le choc inflationniste venait
05:15 de la flambée des prix de l'énergie.
05:18 Or, les pays européens sont des pays dépendants énergétiquement du reste du monde et donc
05:23 la flambée des prix de l'énergie, ça veut dire qu'on envoie un chèque au reste du
05:25 monde.
05:26 On est plus pauvre en Europe à cause de la hausse des prix de l'énergie.
05:30 Donc, on est un peu plus pauvre, ça va se traduire forcément par une certaine baisse
05:35 des revenus réels, une certaine baisse du pouvoir d'achat.
05:37 Mais les prix ont augmenté plus rapidement que les salaires et qu'il y a un mécanisme
05:41 de rattrapage que l'on voit d'ailleurs qui reste modéré dans beaucoup de pays,
05:45 y compris la France d'ailleurs, ça ne nous inquiète pas particulièrement.
05:47 Il n'y a absolument pas pour l'heure de boucle inflation-salaires ?
05:52 Nous ne la voyons pas.
05:53 L'horizon s'assombrit aussi, là on parlait d'inflation, parce que les banques centrales
05:58 ont augmenté leurs taux d'intérêt avec une rapidité, on peut même dire avec une
06:01 brutalité inédite.
06:03 Les pays occidentaux supportent ces hausses de taux d'intérêt.
06:07 Dans les pays pauvres, le poids de la dette est encore plus dangereux.
06:10 Est-ce qu'il n'est pas temps d'arrêter, voire de faire un peu diminuer ces taux pour
06:16 donner de l'air aux pays dont l'économie ralentit ?
06:19 Ce qu'il faut voir, c'est qu'on a eu en 2022 un problème d'inflation qui était
06:23 global.
06:24 La grande majorité des pays, il y a deux exceptions notables, c'est la Chine et le
06:29 Japon.
06:30 Même le Japon a une inflation qui est au-delà de sa cible, ils ont une inflation qui est
06:33 proche de 4%.
06:34 La Chine est dans une situation différente, on pourra en parler si vous voulez.
06:36 Mais l'ensemble des pays ont fait face à cette flambée des prix.
06:39 Prix alimentaires, prix énergie, et puis ensuite le reste, les autres prix, les prix
06:43 des biens, les prix des services.
06:44 Et donc les banques centrales, les politiques monétaires se sont durcis.
06:49 Il fallait absolument le faire.
06:52 Comme on en a parlé, l'inflation a commencé à baisser, mais elle n'est pas encore
06:56 retournée au niveau des cibles de banques centrales.
06:59 Mais tout le refroidissement, il va arriver.
07:01 C'est pour ça que je vous demande, est-ce qu'il est temps d'arrêter ? Parce que
07:06 là, avec la hausse des taux, ça va continuer à se diffuser.
07:08 Les banques centrales, en grande partie, ont arrêté.
07:10 Elles ont arrêté d'augmenter leurs taux directeurs.
07:12 Les taux directeurs de la Réserve fédérale, les taux directeurs de la Banque Centrale
07:16 Européenne, ne vont pas, sauf choc d'inflation supplémentaire, ne vont pas monter par rapport
07:21 aux taux qu'ils ont actuellement, ou très peu.
07:23 Donc on est à peu près au sommet du cycle de resserrement monétaire sur toutes les
07:28 grandes banques centrales.
07:29 Et ce qu'on va voir, c'est qu'une fois que l'inflation sera rapprochée des cibles,
07:34 à ce moment-là, on entrera dans une phase baissière que certains pays ont déjà entamé,
07:38 en particulier parmi les pays émergents, des pays d'Amérique latine, le Brésil,
07:41 le Chili, ont déjà commencé leurs baisses des taux parce que leur inflation a maintenant
07:44 baissé de manière assez forte.
07:46 Mais je vous entends vous dire que non, en revanche, ce n'est pas le moment, j'entends
07:49 en creux ce que vous dites, ce n'est pas le moment de faire baisser les taux d'intérêt.
07:52 Ce n'est absolument pas le moment de baisser les taux, on est encore trop loin des cibles.
07:55 Baisser les taux actuellement, cela pourrait contribuer à désancrer les anticipations
08:00 d'inflation, à conduire à des boucles d'inflation salaire dont vous parliez auparavant.
08:05 Donc il faut absolument éviter, il faut restaurer cette stabilité monétaire.
08:08 Les gens détestent absolument l'inflation, donc il faut gagner la bataille de l'inflation,
08:11 c'est en bonne voie.
08:12 Et une fois que l'inflation sera revenue à sa cible, les taux d'intérêt, les taux
08:17 directeurs vont baisser.
08:18 Alors cette question de la cible, elle est plus profonde.
08:21 C'est-à-dire une cible d'inflation à 2%, tout faire pour revenir à 2%.
08:25 Et en même temps, on sait bien qu'il y a le vieillissement de la population, on sait
08:28 bien qu'il y a la transition énergétique, tout ça, ça va faire augmenter les prix
08:31 de toute façon.
08:32 Est-ce que cette cible à 2%, il n'y a pas le temps d'y réfléchir ? Certains disent
08:36 qu'on devrait les revoir, les augmenter.
08:38 C'est peut-être 3 finalement la cible raisonnable ?
08:40 Je crois que c'est une discussion, c'est un débat théorique qu'on peut avoir un
08:43 petit peu dans un vacuum.
08:45 Dans la situation actuelle où les banques centrales ont une mission qui est de maintenir
08:50 la stabilité des prix et on leur a donné une cible, c'est souvent pas elles qui choisissent
08:54 leur cible, c'est leur charte qui définit leur cible.
08:56 Elles ont une mission, elles ont des instruments.
08:58 Venir dire "bon, on va changer les règles du jeu à peu près à mi-parcours pour que
09:02 vous ayez une cible un peu plus souple, etc.", ça va contribuer à décrédibiliser l'action
09:07 des banques centrales.
09:08 Et donc ça va avoir un effet contre-productif.
09:10 Une fois qu'on sera revenu à 2%, posons-nous la question, mais pas avant.
09:14 On a eu le Covid, on a eu la guerre en Ukraine, on a eu la crise énergétique, trois sujets
09:19 qui d'ailleurs ne sont pas encore derrière nous.
09:22 Où sont les risques à présent vu de Washington, vu du FMI ? Et évidemment, est-ce que la
09:27 guerre au Proche-Orient peut faire vaciller l'économie de la région, voire vaciller
09:32 l'économie de la planète ?
09:33 On voit bien qu'on vit dans un monde où on a des chocs qui sont des chocs d'offres,
09:36 des chocs très violents.
09:37 La pandémie, l'invasion de l'Ukraine par la Russie, la crise énergétique qui a été
09:41 reliée à cette invasion, et puis le durcissement des politiques monétaires.
09:45 Donc on a des chocs vraiment massifs qui frappent l'économie mondiale et qui arrivent les
09:49 uns sur les autres.
09:50 À cela, on peut rajouter aussi la fragmentation géoéconomique, donc les tensions commerciales.
09:55 Donc il faut absolument avoir des marges de manœuvre.
09:58 C'est un petit peu pour ça que notre message, c'est assurons-nous que les pays reconstruisent
10:02 leurs marges de manœuvre.
10:03 Du point de vue des chocs externes qui sont devant nous, il y en a deux qui nous préoccupent.
10:10 Le premier qui serait de la volatilité sur les marchés de l'énergie, donc une remontée
10:14 des prix du pétrole par exemple, du gaz.
10:16 D'ailleurs on les a vus qui ont commencé à monter.
10:19 Ça c'est le Proche-Orient.
10:20 Quand vous dites cela, vous pensez au Proche-Orient.
10:21 Mais si vous regardez, le prix du pétrole a commencé à monter à partir du mois de
10:24 juin, donc bien avant les événements horribles de la semaine dernière, et ont augmenté
10:31 à nouveau après ce qui s'est passé en Israël et à Gaza.
10:35 Donc on voit bien qu'il y a un lien entre les événements géopolitiques et les prix
10:41 de l'énergie, surtout dans cette région-là.
10:42 On est très prudent, il est encore trop tôt pour arriver à savoir s'il y aura des conséquences
10:47 importantes pour l'économie mondiale, mais on sait qu'une remontée du prix du pétrole
10:53 c'est quelque chose qui va avoir un effet plutôt récessif sur l'économie mondiale,
10:56 et qui va aussi faire remonter l'inflation.
10:58 Donc c'est deux mauvaises nouvelles.
10:59 - Quand le pétrole augmente de 10 dollars, ça fait baisser la croissance ?
11:04 - Alors nos estimations, ce n'est pas en dollars, mais nos estimations c'est que si le prix
11:08 du pétrole monte de 10%, donc il est à peu près à 90 dollars actuellement, donc 10%
11:12 ça nous amène à peu près pas loin de 100, l'impact sur la croissance mondiale est d'à
11:16 peu près 0,15%.
11:18 Donc on a une croissance dans nos prévisions qui est à 3% pour l'année 2023, vous en
11:23 enleveriez 0,15.
11:24 Et un impact sur les prix, sur l'inflation, qui est d'à peu près 0,4% d'inflation supplémentaire,
11:32 point de pourcentage d'inflation supplémentaire.
11:33 Donc on est à peu près pas loin de 7% en 2023, vous rajouteriez 0,4.
11:37 Donc c'est des impacts importants, mais évidemment il faut que ce choc pétrolier, entre guillemets,
11:42 cette augmentation du prix du pétrole soit soutenue, soit maintenue.
11:44 Il y a une grande volatilité sur les prix du pétrole qui fluctuent quotidiennement,
11:48 qui montent et qui descendent beaucoup.
11:49 - Donc première préoccupation du FMI, les risques majeurs c'est les prix des matières
11:54 premières, l'énergie, deuxième préoccupation ?
11:57 - Deuxième préoccupation, on a vu par exemple la remontée des taux longs américains, mais
12:03 donc par extension aussi les taux longs en Europe, un petit peu partout, qui traduisent
12:08 aussi peut-être une certaine nervosité des marchés financiers par rapport justement
12:12 à ces problèmes de financement que les pays peuvent avoir sur leurs dettes souveraines.
12:16 Alors évidemment dans le cas des Etats-Unis, il y a un niveau de dette qui est très élevé.
12:20 Alors les Etats-Unis sont dans une situation un petit peu particulière.
12:22 - Et eux ça va mieux ? Ils sont plus résilients que les autres ?
12:24 - Alors ils ont un peu plus de croissance, mais ils ont aussi quand même une politique
12:27 budgétaire avec un déficit qui est très important, à peu près 8%.
12:29 Donc il y a des questions qui peuvent se poser sur la capacité du marché à absorber cette
12:34 dette américaine.
12:35 Et si le marché a des difficultés à l'absorber, ça fait remonter les taux.
12:39 Et ça fait remonter les taux pas simplement aux Etats-Unis, ça fait remonter les taux
12:42 dans le monde entier.
12:43 Donc ça, ça crée des points de pression sur l'économie mondiale, ça contribue à
12:46 apprécier le dollar, ça contribue à faire remonter les taux, ça ralentit la croissance
12:49 un peu partout.
12:50 Donc on est un petit peu inquiet sur la nervosité ou la volatilité des marchés qui pourraient
12:56 brusquement s'accentuer, ce qu'on appelle un "risk of event" sur les marchés, et qui
13:02 conduirait justement à une remontée encore plus forte des taux, un mécanisme de fuite
13:07 des capitaux peut-être vers les Etats-Unis parce que les bons du trésor américain sont
13:11 une valeur refuge, donc une appréciation du dollar.
13:14 Et donc ça mettrait en difficulté encore plus importante un certain nombre de pays.
13:19 Dans ce contexte, qui n'est quand même pas très joyeux, vous revenez Pierre-Olivier
13:23 Gourincha de la réunion annuelle du FMI et de la Banque Mondiale à Marrakech, qu'est-ce
13:28 qui s'est décidé ? Il y a eu quelques décisions importantes quand même pour fluidifier la
13:35 situation, mettre de l'huile un peu dans les rouages ?
13:37 Alors oui, il y a un certain nombre de décisions et puis un certain nombre de choses qui ont
13:40 avancé même si on n'a pas complètement bouclé les dossiers.
13:42 Donc un des premiers points sur lesquels on a quand même assez bien avancé, c'est sur
13:47 la question des ressources du FMI.
13:49 Le FMI c'est un petit peu le pompier mondial, un certain nombre de pays ont accès à d'autres
13:54 marges de manœuvre, ils ont des réserves de change ou bien ils ont des marges budgétaires.
13:59 Beaucoup de pays dans le monde qui n'ont pas ces réserves de change, qui n'ont pas ces
14:04 marges budgétaires et lorsqu'ils sont en difficulté, ils doivent se tourner vers le
14:07 FMI et nous sommes là pour ça, nous sommes là pour les aider.
14:09 Donc nous avons besoin d'avoir des ressources qui sont à la hauteur du problème, à la
14:13 taille des problèmes auxquels nous pouvons être confrontés.
14:15 Et même si l'accord n'a pas encore été finalisé, nous avons jusqu'au 15 décembre
14:20 pour en discuter, pour les pays membres pour en discuter et le finaliser, on a quand même
14:24 avancé dans la direction d'une augmentation des ressources du FMI.
14:27 Ça c'est le premier point.
14:28 Deuxième point, pour les pays les plus pauvres, ces pays-là, on a ce qu'on appelle un fond
14:34 de réduction de la pauvreté et pour la croissance.
14:36 Ce sont en quelque sorte des prêts bonifiés, des prêts à taux zéro.
14:39 On prête à ces pays-là, on leur apporte des ressources, on ne leur demande pas de
14:42 payer des taux d'intérêt.
14:43 On a besoin d'avoir des ressources qui nous permettent de financer ces prêts bonifiés,
14:49 ces prêts concessionnels pour les pays les plus pauvres.
14:52 Et nous avons obtenu ces ressources supplémentaires.
14:55 Les 44 pays ont contribué, ont apporté des ressources pour ce fonds spécifique pour
14:59 les pays les plus pauvres.
15:01 Et puis troisième point, sur la question de gouvernance, c'est quand même symbolique
15:04 et c'est très important.
15:05 Nous avons 24 administrateurs.
15:06 Alors là oui, vous avez quand même les pays les plus pauvres qui vous disent et la Chine
15:10 qui vous dit qu'il faut nous laisser une place plus grande au conseil d'administration.
15:13 Ça, c'est pas bouclé.
15:14 Là-dessus, c'est pas complètement bouclé.
15:17 Mais on a quand même un accord sur le fait d'avoir un 25e administrateur qui sera un
15:22 administrateur pour le continent africain.
15:24 Jusqu'à présent, nous avions deux administrateurs pour le continent africain.
15:27 Ce qui n'est pas assez vu le nombre de pays et la diversité des situations.
15:30 Et nous avons un troisième administrateur qui va représenter un ensemble de pays africains.
15:34 Pierre-Olivier Gourin, chef économiste du FMI, une dernière question parce que vous
15:38 y revenez souvent, cette idée de la fragmentation géopolitique, du commerce qui change, des
15:45 chaînes de production qui changent.
15:46 Maintenant, on travaille plus volontiers entre pays dont on s'approche politiquement, idéologiquement.
15:52 Et puis, on voit aussi ce mouvement où chacun tente de relocaliser plus près de chez soi,
15:57 voire sur son sol.
15:58 J'ai lu que cette relocalisation, ça vous laisse sceptique.
16:01 Nous, on est tout à fait sceptique parce que la relocalisation, en fait, ça ne vient
16:05 pas nécessairement rendre les économies plus résistantes aux chocs.
16:09 Lorsqu'on voit les chaînes de valeur, évidemment, le problème, c'est si vous avez un seul fournisseur,
16:16 par exemple, il est à l'étranger, il y a un problème, vous n'avez plus accès
16:19 aux biens intermédiaires.
16:20 Si vous avez une seule usine qui est sur votre sol national, s'il y a le moins de problèmes
16:23 qui se posent, vous n'aurez pas accès non plus aux biens intermédiaires.
16:26 Donc la relocalisation, c'est une mauvaise solution à un vrai problème.
16:29 Le vrai problème, c'est la résilience des chaînes de valeur.
16:32 Et donc, la réponse, c'est la diversification.
16:34 Il faut avoir des sources d'approvisionnement qui sont diversifiées.
16:36 Vous vous rendez compte de ce que vous nous dites ? Les pays européens, et en particulier
16:40 français, dépensent beaucoup d'argent pour relocaliser leur industrie.
16:42 Et vous dites, ce n'est peut-être pas la bonne route ?
16:45 Absolument.
16:46 D'une certaine manière, il faut que les économies soient plus diversifiées pour être
16:50 plus résistantes dans un monde où on ne sait pas d'où vont venir les chocs.
16:55 Et donc, dans ce contexte-là, ce qu'on voit, c'est ce que vous avez décrit.
16:58 On voit la remontée des sanctions commerciales qui ont explosé, surtout sur les marchés
17:03 de matières premières, par exemple, ou les produits alimentaires.
17:05 Donc, ils viennent contribuer à aggraver l'insécurité alimentaire pour un certain
17:09 nombre de pays lorsqu'il y a des restrictions sur les exportations de riz, etc., sur les
17:12 matières premières, que ce soit le nickel ou autre chose.
17:14 Et puis, sur les sanctions commerciales qui peuvent être établies entre la Chine et les
17:19 Etats-Unis.
17:20 Deuxièmement, les investissements directs.
17:21 On voit très bien que maintenant, ils sont beaucoup plus importants lorsque les pays
17:24 sont proches de manière géopolitique plutôt que géographique.
17:27 Ce n'est pas la distance géographique qui compte, c'est vraiment la proximité géopolitique.
17:30 Bon, alors ça, ça peut être un problème aussi.
17:32 Et puis, sur le troisième point, sur les marchés de matières premières, la volatilité
17:36 des prix de matières premières.
17:38 Une matière première, c'est assez homogène.
17:39 Ça devrait avoir à peu près le même prix un peu partout, hors coûts de transport.
17:43 Or, ce qu'on voit, c'est une divergence, une explosion des prix de la même matière
17:47 première un peu partout.
17:48 Et ça, c'est inquiétant.
17:49 Et ça, c'est absolument inquiétant.
17:50 Pierre-Olivier Gourincha, le chef économiste du FMI, invité exceptionnel d'On n'arrête
17:55 pas l'écho.
17:56 Merci d'avoir accepté notre invitation.