• l’année dernière
Alors qu’il vient de fêter ses 80 ans, Mick Jagger signe un 24e album studio avec son groupe, les Rolling Stones. L’increvable rocker anoblie par la Reine est, pour cette occasion, l’invité exceptionnel de Totémic.

Retrouvez Totémic sur le site de France Inter : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/totemic/totemic-du-vendredi-20-octobre-2023-6214554

Category

🗞
News
Transcription
00:00 - Bonjour Mick Jagger. - Bonjour, ça va Rebecca?
00:03 - Et vous? - Oui, pas mal.
00:05 La dernière chanson de cet album, c'est Rolling Stone Blues de Muddy Waters,
00:11 qui fait partie de l'histoire du groupe.
00:14 Pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour l'enregistrer?
00:18 Je n'ai jamais pensé à enregistrer ce morceau, je ne sais pas pourquoi.
00:23 On n'a pas vraiment enregistré beaucoup de chansons de lui.
00:26 Mais beaucoup de chansons de blues.
00:28 Mais de Muddy Waters, on n'a pas vraiment enregistré un ou deux.
00:34 Le producteur Andy a dit, "Est-ce que vous avez jamais chanté cette chanson?"
00:40 Je lui ai dit, "Non." "Tu peux le faire?"
00:42 Je lui ai dit, "Oui, simplement."
00:44 Et voilà. C'est seulement Keith et moi, sans batterie, sans rien.
00:51 Alors on a fait deux ou trois essais et voilà, c'est fait.
00:55 Ça, c'est fait.
00:58 Il faut avoir quel âge pour bien chanter le blues?
01:02 N'importe quel âge.
01:04 Je connais des chanteurs de blues de 16 ans et j'ai connu des chanteurs de blues de 80 ans.
01:12 Comme cette chanson, Rolling Stone Blues, elle est aux origines du groupe,
01:19 et c'est un groupe qui a été créé par Keith et moi.
01:25 Aujourd'hui, quel regard vous avez pour le gamin que vous étiez quand les Stones ont commencé?
01:33 Comment vous le regardez, ce gosse?
01:35 Oui, il a plein d'enthousiasme pour la musique.
01:41 J'ai commencé à chanter en 1950, quand j'avais 12 ans, je crois.
01:49 J'ai commencé à chanter à 13 ou 14 ans.
01:53 Je chante la musique de tous les grands chanteurs de ce moment,
02:00 de Jerry Lewis, Elvis, voilà.
02:04 Et j'ai découvert, avec Chuck Berry et les chanteurs comme ça, j'ai découvert le blues.
02:11 J'ai découvert Mudwater, Bo Diddley, Jimmy Reed, voilà.
02:16 Après ça, j'ai découvert les plus vieux chanteurs de blues qui chantent plus acoustique aussi.
02:26 Souvent, ils ont fait tourner en Angleterre, ces gens de chanteurs.
02:32 Souvent, ils sont sur la télévision anglaise et on peut les voir comme ça.
02:37 Je suis très intéressé, alors je suis allé au concert de ces gens de blues.
02:43 Mais toujours, j'ai aimé le rock, j'ai aimé le country, mais j'aime le blues aussi, alors j'aime tout.
02:50 Sur l'album, votre voix est très puissante.
02:53 Merci.
02:54 Elle est incisive, vénéneuse.
02:58 Est-ce que vous avez, avec cet enregistrement, découvert encore des choses sur votre voix?
03:05 Oui, j'ai eu la chance parce que je suis allé à Nassau, dans les Bahamas,
03:13 pour finir tous les morceaux de vocals et voix, tout seul avec le producteur et moi.
03:21 On peut jouer avec la voix un peu, essayer différents morceaux sur les chansons, si je peux faire ça.
03:32 Et aussi faire la harmonie.
03:35 Moi, je suis très puissant dans la harmonie, ce n'est pas ma chose,
03:40 mais j'essaie beaucoup de choses sur la harmonie.
03:44 Le double, le falsetto, on fait le bloc de voix.
03:56 Par exemple, comme en "Angry", vers la fin de la chanson, il y a plein de voix.
04:03 On en fait un stack, on dit un stack, on fait le stack.
04:08 On fait trois voix comme ça, trois harmonies comme ça, trois falsettos, trois voix.
04:14 Voilà, vous avez 9-10 voix.
04:17 Et je fais le stack sur presque toutes les chansons.
04:22 Pas toutes utilisées dans le mixage, mais elles sont toutes là.
04:27 Et est-ce qu'être un bon chanteur, c'est aussi être un bon acteur?
04:33 Oui, c'est un peu le "acting". Parce que si vous avez une chanson comme "Angry",
04:40 vous êtes dans un certain mood, un certain point de vue.
04:46 Et si vous chantez "Depending on you", vous êtes plus "vulnérable".
04:54 Vulnérable.
04:55 Vulnérable, voilà, c'est le même.
04:57 Et il faut jouer ça, il faut être dans le moment que vous chantez ça, il faut être ça.
05:05 Donc c'est un peu comme, c'est l'acting, absolument.
05:10 Il y a une voix invitée sur le disque, c'est Lady Gaga.
05:14 Oui.
05:15 Qu'est-ce que vous aimez dans la voix de Lady Gaga? Qu'est-ce qui vous séduit?
05:20 Sur cette chanson, elle montre qu'elle est vraiment une chanteuse puissante.
05:29 Elle a une voix, elle n'a jamais, je pense, je pense qu'elle n'a jamais fait les notes si hautes.
05:38 Elle est vraiment, les notes sont très très hautes.
05:42 Et moi, je connais elle, mais j'ai jamais, j'ai fait une fois "Give me shelter" avec elle sur scène.
05:54 Mais elle est très facile à travailler.
05:58 Et on a refait un peu quelques morceaux, on a fait live dans le studio.
06:03 Et après, le jour après, on a fait un peu face à face comme ça, dans le même, dans le studio, face à face.
06:14 Parce qu'on veut être exact dans la duet.
06:18 Puisque vous parlez de "Give me shelter", il y a une autre chanson un peu ancienne sur laquelle j'aimerais m'attarder,
06:26 et après on reviendra à l'album, c'est "Sympathy for the Devil".
06:29 Oui.
06:30 Je me suis toujours demandé comment est née cette première phrase incroyable.
06:36 "Please allow me to introduce myself".
06:40 Mais c'est pas, mais c'est une chose que, c'est une phrase normale dans le monde, un peu formelle, c'est un peu 18e peut-être.
06:51 Mais c'est comme ça, c'est…
06:54 Mais c'est très littéraire.
06:56 Oui, c'est littéraire.
06:57 Et à ce moment, je suis en train de lire la poésie peut-être, un peu de Baudelaire.
07:07 J'ai mon Baudelaire avec le français à un page, l'anglais à un page, comme ça.
07:15 Vous lisez Baudelaire au moment de l'écriture de "Sympathy for the Devil"?
07:18 Oui, absolument.
07:19 D'accord, ok.
07:20 Alors le langage un peu ancien.
07:24 Pour les textes de ce disque, pour moi, il y a une chanson qui détonne, qui est différente dans le texte.
07:31 C'est "Whole Wild World".
07:33 Oui.
07:34 Est-ce que vous pouvez expliquer aux auditeurs français ce que raconte cette chanson?
07:39 C'est un peu, j'ai décrit un peu des années de mon adolescence, au début.
07:49 Alors, de l'appartement qui est dégueulasse, qui sent du gaz, qui sent du sexe, qui sent de l'odeur horrible.
08:01 Et je dis, je sais pas où je vais dormir le jour prochain.
08:10 Et aussi, je parle un peu d'être en prison.
08:15 Mais dans le chorus, c'est plus optimistique.
08:25 Alors c'est quand, oui, mais même si vous avez tous les problèmes, la vie va être mieux, peut-être.
08:38 C'est une chanson d'espoir et de désespoir.
08:41 Oui, voilà, les deux.
08:43 Espoir, bien décrit.
08:45 Espoir et désespoir dans la même chanson, voilà.
08:48 Là, ça faisait 18 ans que vous n'aviez pas publié d'album avec des chansons nouvelles.
08:54 Oui, original, oui, absolument.
08:56 Comment se passe la transformation entre le Mick Jagger privé et le Mick Jagger rockstar mondial?
09:05 C'est une personnalité complètement différente.
09:08 Les deux sont différents, j'espère.
09:11 Parce qu'on peut pas jouer dans la vie du type qui est sur scène.
09:19 C'est ridicule, on peut pas, non.
09:22 Mais je suis toujours gardé un peu mon âme un peu poudrée.
09:31 Je protège un peu ma vie intérieure.
09:37 Je discute pas beaucoup ça.
09:40 Je sais pas, personne n'intéresse pas beaucoup non plus.
09:44 Mais pour le travail, je suis ouvert à discuter pour le travail, pour la scène, pour les chansons, pour la musique, pour tout.
09:59 Je suis ouvert à ça.
10:01 Quand avez-vous compris l'effet que vous provoquiez quand vous étiez sur scène?
10:06 Quand est-ce que vous avez senti ça?
10:08 Très jeune, à 16 ans.
10:10 Quand j'ai 16 ans, j'ai fait un show près où j'habite, dans les banlieues de Londres.
10:17 Je suis très surpris que...
10:21 Le public?
10:22 Oui, le public. Ils ont impressionné par moi à 16 ans.
10:27 Je suis un peu choqué.
10:30 Et je continue à faire ça.
10:32 Mais au début, avec les Rolling Stones, on a un public très, très petit.
10:38 Mais même quand...
10:40 C'est difficile d'avoir des gigs, tu sais.
10:44 Mais chaque fois qu'on a un show, tout le public est très impressionné.
10:52 Alors c'est simple, mais c'est toujours comme ça.
10:55 Pour moi, c'est très facile.
10:57 Alors j'ai beaucoup de chance sur scène, pour moi.
11:05 Et il me donne beaucoup d'énergie, le public, sans ça.
11:10 Mais qui vous a appris à bouger sur scène?
11:14 Comment vous...
11:15 Alors j'ai étudié un peu les grands chanteurs.
11:20 J'ai fait beaucoup de visites aux shows, tu sais.
11:24 J'ai vu tout de...
11:28 Sur la télé, quoi.
11:31 J'ai vu James Brown, Chuck Berry.
11:36 Et j'ai fait un tournée, un grand tournée d'Angleterre avec Little Richard,
11:41 qui a beaucoup impressionné, parce que moi, je fais...
11:46 Je deviens ami avec lui.
11:49 Et il me montre beaucoup de choses.
11:52 Vous avez le public, peut-être le public ce soir, c'est un peu...
11:57 C'est peut-être pas très intéressé.
12:00 Ils ont un peu...
12:01 Quoi?
12:02 Ils ont un peu...
12:03 Un peu sombre, peut-être.
12:05 Mais il m'explique, il faut...
12:08 Ils ont payé.
12:10 Alors il veut être heureux.
12:13 Et il veut être...
12:17 Entertain.
12:18 Alors il m'explique, il faut...
12:21 De temps en temps, il faut essayer plus.
12:24 Il faut faire plus.
12:26 Alors Little Richard, il dit à tout le monde,
12:28 "Lèvez-vous, lèvez-vous!"
12:30 "Ne sois pas!"
12:33 Et il fait tout ça.
12:35 Il ôte tous les costumes, les chemises.
12:40 Mais il m'explique comment ça marche.
12:43 Mais il m'explique, c'est pas nécessaire tout le temps de faire ça,
12:47 parce qu'on sortait sur scène et tout le monde est complètement...
12:50 Voilà, c'est pas nécessaire de faire tout ça.
12:53 Mais de temps en temps, il faut.
12:55 Il faut donner l'énergie au public.
13:00 Alors Little Richard m'a beaucoup aidé sur ça
13:05 quand j'ai 20 ans, 21 ans.
13:08 Parmi les musiciens invités sur le disque,
13:11 il y a Stevie Wonder, Elton John,
13:15 Ben Montaigne pour au clavier,
13:18 et il y a Paul McCartney à la basse sur Bite My Head Off.
13:24 Est-ce qu'il vous a étonné, Paul McCartney,
13:28 que vous connaissez depuis très très longtemps maintenant?
13:31 Oui, parce que c'est un morceau vraiment punk,
13:34 c'est le Bite My Head Off.
13:36 C'est fait vite, c'est 150 BPM.
13:40 Et j'ai demandé à la producteur,
13:44 est-ce qu'il peut jouer ça vraiment?
13:47 Parce que je sais pas, j'ai jamais joué la basse avec Paul McCartney,
13:51 j'ai chanté avec lui, mais j'ai pas joué la basse.
13:54 Ah oui, oui, mais vraiment, il va le faire.
13:56 C'est sûr, il est sûr.
13:58 OK, voilà.
13:59 Et il arrive, moi je joue guitare, Keith joue guitare,
14:03 Ronnie joue guitare, alors je dis OK, 1, 2, 3, 4, 5.
14:08 Et alors il joue absolument parfait, d'abord.
14:13 Absolument.
14:15 Il joue très bien sur ce morceau.
14:17 Dans ce disque, il y a du rock, évidemment,
14:20 du blues, de la country, du punk,
14:24 par moments un peu de disco.
14:26 Oui, un peu.
14:27 Et moi, je voulais vous parler notamment aussi du rap,
14:31 qui est la musique dominante aujourd'hui.
14:34 Oui.
14:35 Pour vous, quel est…
14:36 Pendant 40 ans presque.
14:39 C'est pas nouveau.
14:40 Absolument.
14:41 Pour vous, en 2023, quelle est la puissance du rock'n'roll?
14:46 Alors le rock, c'est une musique très traditionnelle maintenant.
14:51 Et c'est très difficile de…
14:54 Il n'y a pas beaucoup de…
14:57 Il y a beaucoup de jeunes gens qui jouent le rock,
15:01 même maintenant, parce que c'est fun de faire.
15:04 Alors c'est différent de faire la musique seulement avec la musique électronique.
15:13 C'est différent parce qu'il faut faire…
15:16 C'est physiquement plus difficile.
15:18 Il faut jouer.
15:20 Il faut jouer.
15:22 Sinon, on fait taper le computer, c'est tout.
15:27 Et faire le rap, voilà.
15:29 Mais c'est difficile pour tous les genres de musique d'exister,
15:36 parce que le pop et le rap,
15:39 ça c'est les deux genres de musique les plus populaires.
15:44 Le pop a toujours été populaire depuis 100 ans,
15:49 peut-être qu'on peut dire.
15:51 Le rap, il dit que le rap a 50 ans.
15:55 Il est célèbre 50 ans du rap.
15:58 Je me souviens du début du rap.
16:01 J'étais à New York, le début du rap.
16:05 J'ai toujours aimé le début du rap, c'était très intéressant.
16:09 Mais pour le rock, il faut avoir plus d'énergie
16:14 avec des chansons comme "Angry", "Bite Your Head Off".
16:17 Ça c'est pour moi, il peut exister le rock s'il a toujours ça.
16:22 S'il y a un peu moins d'énergie, moins d'originalité,
16:28 il faut être amusant dans les paroles.
16:34 Il faut être quelque chose dans les paroles.
16:37 Parce que les choses avec le rap,
16:39 les paroles sont pas toutes amusantes,
16:43 mais ils ont pas mal de choses amusantes.
16:49 Et pour le rock, pour moi,
16:52 il faut écrire des paroles amusantes et intéressantes aussi,
16:56 avec plein d'énergie.
16:59 Merci beaucoup Mick Jagger.
17:01 De rien !
17:03 *Rire*

Recommandations