Six jours après la mort de Dominique Bernard, professeur tué à Arras lors d'une attaque au couteau, ses obsèques ont lieu à la cathédrale de la ville ce jeudi 19 octobre, en présence du président de la République Emmanuel Macron.
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00:00 Il aimait Julien Gracq, Flaubert, Stendhal, Balzac.
00:04 Il aimait Proust, Claude Simon, Céline et Pierre Michon.
00:12 Il aimait la poésie, René Char, Baudelaire, Rimbaud, Malarmé, Valéry.
00:21 Il aimait la philosophie.
00:28 Il aimait le cinéma, Truffaut, Ford, Kubrick, Lubitsch, Orson Welles.
00:36 Il aimait le baroque.
00:38 Il aimait Ozu, Miyazaki, Kurosawa, Almodovar, Fellini, Visconti.
00:45 Il aimait l'Italie, l'italien, la Toscane, les fresques de Giotto, Masaccio, Gozzoli.
00:54 Il aimait le Titien et Véronèse, le Caravage. Il aimait Shakespeare, Racine, Becket.
01:02 Il aimait Van Gogh, Picasso, Vermeer, Matisse, Bonnard, Gauguin, Manet, Courbet, Cézanne, Soulages, Marquet, Hockney.
01:19 Il aimait Bach, il aimait Beethoven, Fauré, Haydn, Ravel, Mahler.
01:28 Il aimait le gothique, les cathédrales qu'on découvrait de ville en ville.
01:34 Il aimait les glaciers préférés du Routard.
01:42 Il aimait la Provence, ses couleurs, ses senteurs. Il aimait les étangs, les rivières et les fleurs, les forêts. Il aimait la lumière rasante du soir.
01:56 Il n'aimait pas l'informatique et les réseaux sociaux.
02:04 Le téléphone, il n'en avait même pas. Il n'aimait pas la foule, ni les honneurs, les cérémonies qu'il avait en horreur.
02:16 Sensible et discret, il n'aimait pas le bruit et la fureur du monde.
02:29 Il aimait profondément ses filles, sa mère et sa sœur. Nous nous aimions.
02:41 Nous nous aimions.
02:44 Merci.
02:46 Merci.
02:47 Merci.
02:48 ...
03:15 -Ouf, c'est dur.
03:16 C'est dur.
03:17 Je crois aux êtres sensibles et aimables.
03:25 Je crois aux êtres qui se guérissent et qui aident les autres à guérir.
03:32 Je crois aux êtres qui ont surmonté leurs épreuves et qui se connaissent eux-mêmes.
03:41 Je crois aux êtres dont l'ambition la plus haute est de rendre l'autre heureux.
03:46 Je crois aux êtres qui cherchent avec tempérance la paix à l'intérieur.
03:54 Je crois aux poètes, aux mages, écrivains, sages, musiciens et artistes du quotidien.
04:09 Je crois aux êtres qui aiment chanter et qui voient la vie comme une fête.
04:14 Je crois aux êtres qui refusent d'être esclaves de leurs propres blessures
04:19 et qui, malgré la douleur, la nettoient et la guérissent patiemment,
04:23 avec amour et courage, sans jamais trahir leur cœur.
04:28 Je crois aux êtres qui connaissent leur intuition et l'utilisent comme une boussole.
04:37 Je crois aux êtres libres qui partagent leur liberté parce qu'ils ne connaissent pas d'autre façon de vivre.
04:47 Je crois aux êtres protecteurs qui savent lire le regard de leur bien-aimé
04:55 et qui ne veulent pas le changer, mais simplement l'accompagner amoureusement sur son chemin.
05:04 Je crois aux êtres qui, à travers d'autres yeux, se voient eux-mêmes
05:10 et c'est pour ça qu'ils aiment et respectent toute créature qui existe sur Terre.
05:16 Je crois aux êtres parfaitement imparfaits parce que c'est dans cette imperfection que réside leur beauté.
05:27 Je crois aux êtres sensibles qui savent recevoir et donner de l'amour en équilibre,
05:33 qui écoutent et qui parlent aussi, ce qui vive et qui laisse vivre.
05:40 Je crois aux êtres qui vivent la sexualité comme un acte sacré
05:46 parce qu'ils savent que c'est un acte de la liberté et de l'amour.
05:52 Je crois aux êtres qui vivent la sexualité comme un acte sacré
05:56 parce qu'ils savent que c'est un don merveilleux, d'où ils peuvent créer l'alchimie la plus pure et inimaginable.
06:05 Je crois aux êtres qui ont des sentiments clairs, qui sont accessibles et qui sont présents,
06:13 un eux-mêmes et pour les autres.
06:18 Je crois aux êtres tendres et sauvages en même temps, qui n'ont pas encore été domestiqués.
06:23 Je crois aux êtres qui embellissent tout sur leur passage,
06:28 dont la vie est un art et qui charme avec leur don.
06:33 (...)
07:02 (...)
07:10 Dominique, ta silhouette, je la vois sur le perron du lycée Gambetta
07:19 quand nous arrivions ensemble pour aller enseigner et que nous gravissions ces quelques marches
07:26 allourdies par nos sacs, nos copies, nos livres et nos idées.
07:32 Allourdies mais tellement légers, parce que toi et moi allions faire ce que nous aimions,
07:40 ce pour quoi nous étions taillés et levés.
07:45 Ta silhouette, je la vois dans la salle des profs, je vois ta chemise toujours,
07:53 le gobelet que tu tiens, ton sourire malicieux parce que tu as un truc marrant à dire.
07:59 Il était difficile de ne pas s'approcher, de ne pas t'écouter,
08:05 de ne pas se laisser ravir par un conseil de lecture, une anecdote, un rien, un tout.
08:18 Ta silhouette, je la vois dans les couloirs devant une classe un peu dispersée,
08:23 que ta présence ramenait au calme parce que c'est M. Bernard, alors bonjour M. !
08:28 C'était aussi ça ton pouvoir avec les élèves, tu étais là pour eux,
08:33 ils l'avaient compris et se nourrissaient en désordre de ta passion dévorante pour la littérature,
08:40 de ta foi en l'homme, des espoirs que tu mettais en eux.
08:46 Ta silhouette, je la vois sur le perron du lycée Gambetta,
08:51 quand nous arrivions ensemble et que tu disais aux fumeurs amassés devant l'entrée,
08:56 "Alors, on se fume un petit clou de cercueil ?"
09:00 L'air satisfait et content de ta vanne.
09:05 Quelle ironie, tragique, que ce soit sur ce même perron
09:11 où tu as usé tant de semelles que la vie t'ait été ravie.
09:15 Tu n'as pas cherché, toi, ce clou.
09:19 Il s'est planté en toi au hasard d'une haine aveugle et primitive.
09:26 Quelle ironie aussi qu'un geste aussi sombre, aussi obscur,
09:32 ait frappé celui que Victor Hugo aurait pu appeler un porteur de flambeaux.
09:38 Te voilà élevé au rang des martyrs, toi, l'homme discret.
09:46 Une passion en remplace une autre.
09:51 Et quelle perte pour le monde.
09:56 Je n'oublierai jamais ta silhouette sur le perron du lycée Gambetta.
10:03 Merci.
10:04 Merci.
10:05 Merci.