Deux jours après l'attaque au couteau dans une cité scolaire d'Arras et la mort d'un enseignant, le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti est l'invitée de Questions politiques. Pour le ministre, LFI veut "le vote des barbus" et Jean-Luc Mélenchon "a décidé de détruire la République".
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00:08 Bonjour, ravi de vous retrouver dans "Questions politiques", l'émission politique de France Inter,
00:13 diffusée également sur France Info, la télé, Canal 27, et en partenariat, bien sûr, avec le journal "Le Monde".
00:19 Notre invitée ce dimanche est au cœur de la réponse pénale attendue par notre pays,
00:25 après le drame qui s'est joué, une nouvelle fois, à l'école, dans le collège lycée Gambetta, à Arras,
00:31 cela s'est passé vendredi. C'est un fichier "S", connu, suivi, alors pourquoi a-t-il réussi à passer entre les mailles du filet ?
00:38 Et comment sa famille, au profil si particulier, n'a pas encore été expulsée ?
00:43 Ces questions, nous les poserons. Nous parlerons aussi, évidemment, du Proche-Orient, de la pression antisémite,
00:49 qui semble monter aujourd'hui en France, depuis maintenant une semaine. Quelle réponse y apporter, vraiment ?
00:54 Et puis, la réforme de la justice, ça y est, elle est adoptée. Jamais ce ministère n'a été financièrement, matériellement, humainement,
01:01 aussi bien doté, mais il a à sa tête un homme, attendu devant la CJR, la Cour de Justice de la République, dans précisément trois semaines.
01:09 Vous l'aurez compris, c'est le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, qui est notre invité ce dimanche, dans "Questions politiques", en direct, et jusqu'à 13h.
01:16 "Questions politiques"
01:18 Karine Bécard sur France Inter.
01:22 Bonjour Eric Dupond-Moretti.
01:25 Bonjour Madame Bécard.
01:27 Merci d'avoir accepté notre invitation, d'abord, à mes côtés, pour vous interviewer, vous les connaissez,
01:31 Nathalie Saint-Cricq de France Télévisions, bonjour Nathalie.
01:34 Bonjour à tous.
01:35 Et Françoise Fressoz, bonjour Françoise, du journal Le Monde.
01:38 Bonjour à toutes, bonjour à tous.
01:40 Allez, on commence, comme chaque dimanche, dans "Questions politiques", avec vos images de la semaine.
01:44 Eric Dupond-Moretti, vous avez choisi deux hommes.
01:47 Qui sont-ils, ces deux hommes ?
01:52 Samuel Paty et Dominique Bernard.
01:57 J'ai choisi ces deux photographies, d'abord parce que je souhaitais leur rendre hommage, bien sûr,
02:07 parce que ces photographies suscitent, chez nous tous, de l'effroi, de la compassion et une immense colère,
02:21 parce que l'un était professeur de français, l'autre professeur d'histoire,
02:26 et que l'islamiste radical a non seulement tué deux hommes,
02:34 mais il a tué notre histoire et notre langue.
02:37 Voilà pourquoi j'ai choisi ces photographies, en espérant évidemment que personne n'oublie ses visages.
02:46 Comment est-ce que vous avez réagi au moment où on a appris cette attaque, vendredi, aux alentours de 11h30 ?
02:53 Quelles ont été vos premières pensées, Eric Dupond-Moretti, dans une école, dans un collège-lycée ?
03:01 La sidération. L'école a pour vocation de préparer nos enfants à la citoyenneté,
03:13 à leur apprendre comment on vit ensemble, évidemment les valeurs de la République.
03:25 Oui, je l'ai dit, la sidération, l'effroi, la colère, la révolte, bien sûr.
03:30 Je pense que tous les français ont eu ces mêmes sentiments mélangés, au moment où on a appris l'horreur,
03:39 et je veux bien sûr avoir une pensée pour la famille, les familles de ces deux hommes,
03:45 également pour ceux qui ont été touchés dans leur chair,
03:49 même si aujourd'hui, heureusement, nous savons que leur vie ne sont plus en danger.
03:55 Merci, alors on continue. Autre image, celle de Nathalie Saint-Cricq.
03:59 Qu'est-ce que vous avez retenu aujourd'hui, Nathalie ?
04:01 Alors, on a pris une image au hasard de la guerre qui se passe,
04:05 qui peut très bien être à Gaza, qui peut très bien être en Israël, en fait qui peut être très bien partout.
04:09 Sur deux choses, en mettant en garde, peut-être, sur la guerre des images et de la communication,
04:13 à laquelle on va avoir droit rapidement.
04:15 On sait qu'il va y avoir une attaque terrestre des Israéliens, ils doivent se défendre,
04:18 ils ont le droit de se défendre.
04:20 On va avoir aussi des images fournies par le Hamas, qui de toute façon, je le rappelle,
04:25 ne veut pas reconnaître l'état d'Israël, l'appelle l'antithé sioniste.
04:28 Donc, j'entends des gens dire "il faut qu'ils négocient ensemble", on se demande bien comment.
04:32 Et troisième mot, si vous voulez, l'idée de l'importation du conflit.
04:36 Alors, ça peut être logique de prononcer ces termes-là, mais qu'est-ce que ça voudra dire ?
04:41 Il faudra bien faire attention.
04:43 Si c'est renvoyer dos à dos le Hamas et Israël en disant "en gros, c'est à cause de vous qu'on a des ennuis en France,
04:49 c'est à cause de vous qu'il y a des meurtres en France, c'est à cause de vous qu'il y a des islamistes,
04:53 c'est-à-dire que ce qui s'est passé il y a deux jours, c'est à cause d'eux",
04:56 ça serait un peu rapide, un peu stupide, et totalement à côté de la plaque,
04:59 parce que de toute façon, on n'a pas besoin d'importer le conflit.
05:02 On a l'impression, et depuis un certain temps, que le problème, il est déjà en France,
05:06 il est déjà importé dans toute la société, et ce, depuis longtemps.
05:10 Alors ça, on va avoir évidemment l'occasion d'y revenir aussi.
05:13 Une photo plus politique avec vous, Françoise.
05:16 Oui, alors j'ai retenu moi la photo de Mathilde Panot, mardi à l'Assemblée nationale,
05:22 qui au fond, réaffirme la position de Mélenchon et de ses proches à propos du conflit israélo-arabe.
05:29 C'est un refus de condamner le Hamas comme une organisation terroriste,
05:33 et de renvoyer dos à dos Israël et la Palestine dans le conflit avec demande de la paix.
05:39 Alors, c'est quand même une situation très compliquée,
05:43 parce que ce n'est pas la première fois que la nuque, dans son ensemble, est traversée par des tiraillements.
05:49 Mais là, je trouve que c'est quelque chose qui, vraiment, profondément touche aux valeurs.
05:54 Est-ce que la gauche doit défendre le terrorisme ? Est-ce que la fin justifie les moyens ?
06:00 Est-ce qu'on peut prendre ses distances par rapport au régime démocratique et au camp républicain qu'a incarné la gauche ?
06:07 Ça, c'est toute la question qui est en débat actuellement.
06:10 Alors, on a vu que François Ruffin s'était déporté de la décision de Mélenchon,
06:16 Alexis Corbière aussi, le PS, les Verts, le PC ont fait part de leur embarras.
06:21 Mais enfin, la nuque, elle est toujours debout.
06:23 Et le sujet qui se pose aujourd'hui, c'est pour défendre quelles valeurs.
06:27 D'accord pour l'unité de la gauche, mais quelles valeurs ?
06:29 Il faut absolument qu'il y ait une clarification.
06:31 Et pour le moment, force est de constater que les opposants de Mélenchon ont beaucoup de peine à faire valoir leur point de vue.
06:38 [Générique]
06:41 Le DGSI, avec les agents très courageux de la DGSI, déjoue un attentat tous les deux mois.
06:46 Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas regarder lorsqu'un attentat a lieu, bien sûr.
06:49 On le doit aux familles, on le doit aux Français, on doit évidemment faire la vérité sur chaque chose.
06:53 Mais je veux dire l'incroyable efficacité de la DGSI.
06:57 Alors, il est peut-être encore un peu tôt pour tirer des conclusions définitives.
07:01 Mais à ma connaissance, il n'y a pas eu de faille des services de renseignement, bien au contraire.
07:06 [Générique]
07:08 Voilà, Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur.
07:10 Hier, après une réunion sécurité organisée à Beauvau, Gérald Darmanin qui dit qu'il n'y a, a priori, en tout cas pour l'instant, pas eu de défaillance.
07:17 Même tonalité d'Elisabeth Borne, la Première Ministre, ce matin dans la tribune dimanche,
07:22 qui rappelle que les moyens de surveillance avaient été renforcés,
07:25 qui rappelle que cet assaillant avait fait l'objet d'un suivi très précis,
07:28 que les services de renseignement avaient vu que cet assaillant était en contact avec plusieurs personnes radicalisées.
07:34 Donc comment est-ce qu'il a réussi à passer entre les mailles du filet ?
07:38 Est-ce qu'il y a une faille pour vous ? Est-ce qu'il y a des erreurs ?
07:40 D'abord, il faut regarder les choses dans le détail.
07:46 Le père de l'assaillant a été expulsé.
07:51 Le frère est en prison.
07:56 Il est en prison pour apologie du terrorisme et il a été précédemment condamné pour une association de malfaiteurs.
08:05 J'entends toute cette polémique monter sur les fichiers S.
08:10 Mais on va rappeler ce que c'est que ce fichier.
08:13 C'est un outil de travail pour les services de renseignement.
08:18 Le fichier S, il n'est pas condamné.
08:23 Dans ce pays, on peut prendre un certain nombre de décisions lorsqu'il y a condamnation.
08:30 Et de surcroît, s'agissant de l'assaillant, il y a cette difficulté inhérente au fait qu'il ait entré sur le territoire national alors qu'il avait moins de 13 ans.
08:43 Je veux également rappeler qu'en 2014, toute la famille aurait pu être expulsée.
08:48 Elle ne l'a pas été. Pourquoi ?
08:50 Parce qu'en période d'élection municipale à Rennes, pour dire les choses de façon précise,
08:57 des associations de défense, la CIMAD, le MRAP et d'autres, ont fait pression absolument sur les élus pour que cette famille ne soit pas expulsée.
09:11 Et les élus leur ont à l'époque donné raison.
09:17 Ensuite, c'est un texte qui a été pris sous la droite, qui interdit l'expulsion de ceux qui sont arrivés avant 13 ans sur notre sol.
09:27 Et d'ailleurs, le texte que va porter Gérald Darmanin va remédier à cette situation.
09:33 - On partit. - C'est sous Nicolas Sarkozy.
09:35 - Exactement. - Précisément, parce qu'on croit toujours que c'est la gauche dite laxiste qui a pris un certain nombre d'actes.
09:40 - Non, c'est l'époque où l'une des thématiques développées était la double peine, vous vous souvenez.
09:45 Et nous étions donc dans l'impossibilité de deux et cela va être rectifié dans le texte que Gérald Darmanin va porter très prochainement.
09:56 - A condition quand même qu'il soit condamné à 10 ans d'emprisonnement.
09:59 - Alors ici, mais le texte n'est pas pris, il fera l'objet d'un certain nombre de discussions bien sûr.
10:05 Mais ici en l'occurrence, quelle est la situation ?
10:07 On se rend compte que l'assaillant est en contact avec son frère, qui est un radicalisé incarcéré.
10:12 - En prison, voilà. - Ça suffit...
10:14 - Il y a des contacts ou pas ? Il se parle ou pas ? Est-ce que vous avez réussi ?
10:17 - Il se parle. - Quand effectivement il se téléphone manifestement, c'est ce qu'on a découvert.
10:21 Est-ce qu'il y a des écoutes qui sont faites ? Il y a des renseignements pénitentiaires qui sont extrêmement importants aussi.
10:26 - Je vais y venir. - Et donc, est-ce que les conversations ont été écoutées ? Est-ce que vous avez appris des choses par cette voie-là ?
10:31 - Mais il suffit que quelqu'un soit en contact avec un islamiste radical pour qu'il soit fiché S.
10:37 Et les services ont suivi cet individu. Et d'ailleurs, il a été contrôlé le jeudi.
10:44 Alors moi, j'entends que... - Donc il n'y a pas de faille ? Il n'y a pas eu de défaillance ? Il n'y a pas eu d'erreur ?
10:50 - Mais que pouvait-on faire de plus en l'occurrence ? Est-ce que ce qui est imprévisible doit être prévu ?
10:58 Moi, je voudrais quand même sur cette question rappeler ce que nous avons fait en termes de sécurité.
11:04 D'abord, le président de la République a souhaité que l'on mette en place le parquet national antiterroriste.
11:11 Je veux rappeler qu'il n'existait pas. Nous avons renforcé les services de renseignements pénitentiaires
11:18 qui travaillent évidemment de façon extrêmement serrée avec les services de renseignements, l'ADGSI en particulier.
11:27 Nous avons pris un certain nombre de textes après l'assassinat de Samuel Paty. Parce que nous ne l'avons pas fait dans l'émotion.
11:36 Mais nous avons analysé ce qui manquait. Nous avons pris des textes dans la loi séparatisme et nous avons été très loin sur ces questions.
11:46 J'ai moi-même une politique pénale qui est ferme, vous l'avez indiqué. C'est une réalité et je l'assume totalement.
11:55 Il y a aussi ce que nous avons fait sur la haine en ligne, en créant un pôle haine en ligne au parquet de Paris,
12:03 qui fonctionne pour le moment, hélas, hélas, à plein régime. Voilà un certain nombre de choses qui ont été faites.
12:10 Mais tous ces outils, Eric Dupond-Moriti, est-ce qu'ils vous ont permis de capter, dans ce cas particulier, des signaux intéressants ?
12:16 Est-ce que vous avez eu des remontées, j'y reviens, des renseignements par des pénitentiaires ?
12:18 C'est la raison pour laquelle je vous dis que quelques yacafaucons s'expriment, de façon assez minoritaire. Monsieur Jordan Bardella, pour le citer.
12:28 Donc il n'y a pas eu de remontées ? Des renseignements pénitentiaires ?
12:31 Madame, vous avez quelqu'un qui a 20 ans, qui n'a jamais été condamné, qui est fiché, est-ce parce qu'il est en contact avec son frère, qui a été suivi ?
12:38 Quand il est contrôlé, rien d'extraordinaire, il n'a pas d'arme sur lui. On ne peut pas suivre tous ceux qui sont suspectés.
12:46 J'ajoute, pour être tout à fait complet, qu'il y a chez les fichés, est-ce que vous le savez, des gradations. Il y a les plus ou moins dangereux.
12:53 J'ajoute aussi que ceux qui veulent polémiquer, parce que moi je pense que le moment est au deuil, au recueillement et à la concorde,
13:00 ne se félicite jamais des attentats qui sont déjoués dans notre pays. Il y a 43 attentats qui ont été déjoués.
13:08 Je n'ai pas entendu M. Bardella dire, M. le ministre de l'Intérieur, vous nous avez protégés.
13:16 Alors c'est un peu facile de faire de la petite poloche, pardon de m'exprimer ainsi, dans cette période qui est une période de gravité,
13:23 qui est une période de réflexion, qui est une période d'émotion.
13:27 Alors on ne fait pas de la petite poloche, mais là ce qu'on sent, c'est quand même une très forte inquiétude des Français.
13:31 On savait que le ministère de l'Intérieur était sur les dents, qu'il s'attendait à des actions de ce type-là.
13:38 Est-ce que par rapport à ce qui s'est passé vendredi, est-ce qu'on peut être un peu plus sécurisé ?
13:44 Au fond, est-ce qu'il y a des choses qui ont été faites en plus, qui dit qu'on est en alerte ?
13:50 Par exemple, sur les fichiers qui sont très suivis, est-ce qu'on fait de la vigilance ou est-ce qu'on peut aller un peu au-delà ?
13:57 Parce que c'est l'attente des Français aujourd'hui.
13:59 D'abord, il y a une réponse immédiate, qui est Vigipirate.
14:03 Et la montée Vigipirate d'un niveau, 7000 militaires qui seront déployés pour assurer notre sécurité,
14:10 des milliers de policiers qui pourraient être dans les lieux problématiques, ceux qui nous préoccupent beaucoup.
14:20 L'école, bien sûr, les lieux de culte également.
14:24 Ensuite, je l'ai dit, un texte en préparation qui va permettre de balayer une législation qui interdisait de renvoyer un certain nombre de fichiers.
14:36 Ensuite, est-ce que l'on peut imaginer qu'il y ait un policier derrière tous les fichiers S, sachant qu'il y a des gradations,
14:43 et que fichiers S, ce n'est pas une condamnation ?
14:47 Vous savez, la réponse contre le terrorisme, elle passe aussi par le droit, je le dis.
14:53 Et le droit, en l'occurrence, n'est pas une faiblesse, mais c'est une force.
14:56 Qu'est-ce que c'est que ces terroristes, au fond ?
14:58 C'est des gens qui ne veulent plus que nous vivions comme nous l'avons décidé.
15:02 Que les rapports homme-femme ne soient pas ceux que nous avons décidé.
15:07 Que les rapports à l'histoire ne soient pas ceux que nous avons décidé.
15:11 Qui ne veulent pas de justice.
15:13 Elle est sommaire, la leur.
15:15 Il n'y a pas de droit de la défense, il n'y a pas de procès.
15:18 Quand je vois que le président de Life for Paris dit que la justice a fonctionné,
15:23 pardon c'est mon périmètre, et je veux défendre la justice,
15:27 et que la justice a été la seule à apaiser les victimes...
15:30 Là vous faites référence aux attentats du 13 novembre, vous n'êtes pas sûr que tout le monde y vive ?
15:33 Oui bien sûr, bien sûr, qu'est-un procès, on en reparlera peut-être, absolument exceptionnel.
15:36 Nous avons fait beaucoup de choses, mais il y a un islamisme radical d'ambiance.
15:42 C'est ce que dit le ministre de l'Intérieur.
15:44 Et c'est d'accord avec lui donc ?
15:45 Et il n'est pas le seul à le dire, Gilles Kepel le dit également, Caroline Forest le dit également.
15:50 Ça veut dire qu'il n'y a pas que l'école qui est en danger ?
15:53 Ça veut dire qu'en France partout il peut se passer des choses en ce moment ?
15:56 Ça veut dire qu'un islamiste radical dans son coin peut se lever un beau jour et décider d'eux.
16:03 Ça rend la chose extraordinairement difficile à appréhender.
16:07 Et pourtant, en dépit de cela, les services de renseignement sont là.
16:13 Ils travaillent, ils travaillent maintenant avec les services de renseignement pénitentiaires et ils ont des résultats.
16:19 Mais voyez-vous, au décours d'un drame comme celui-là, je l'ai déjà dit à d'autres reprises,
16:25 on ne se sert pas d'un cercueil comme d'un marche-pied pour faire de la politique.
16:29 On a besoin de concorde, d'apaisement.
16:32 Et l'émotion, si elle est légitime, ne peut pas balayer la réflexion profonde qui doit être la nôtre.
16:38 Vous avez parlé tout à l'heure de pologe politique-politicienne.
16:41 Vous avez dénoncé les yakafocons, notamment en citant Jordan Bardella.
16:45 Est-ce que vous considérez que la position de l'LFI à laquelle Françoise Fresseau faisait référence tout à l'heure avec Mathilde Panot
16:51 et le refus global, en dehors d'Alexis Corbière, de faire référence d'employer le mot terrorisme,
16:56 est-ce que vous considérez que ça les exclut d'une forme d'arc républicain dans la situation actuelle ?
17:01 Madame, l'LFI, tel que je le vois depuis que je suis garde des Sceaux, depuis que je fréquente le Parlement, c'est une longue dérive.
17:09 D'abord, nous avons un homme qui n'est pas dénué de talent, qui n'est pas dénué de culture, qui s'appelle Jean-Luc Mélenchon,
17:16 qui a été pourtant quatre décennies sénateur, ministre.
17:20 Il a nourri la République et la République l'a nourrie.
17:23 Puis, un beau jour, il a décidé de la détruire.
17:25 Et là, il y a eu un certain nombre de manifestations plus inacceptables les unes que les autres.
17:31 Et là, son expression, ces jours derniers, on va en reparler, le fait basculer dans un paroxysme absolument insupportable.
17:41 Qu'est-ce qu'il y a eu ? Si on veut avoir un peu de mémoire.
17:44 Rapidement, parce qu'on a plein d'autres choses à vous de poser.
17:47 On pose une question qui est importante.
17:49 D'abord, il a agressé juges et policiers. Il a été condamné pour ça.
17:54 Ensuite, la police tue.
17:56 Ensuite, on ne condamne pas les émeutiers comme on devrait naturellement les condamner.
18:02 Ensuite, Cécéide insulte un ministre d'assassin.
18:06 Un autre met le pied sur la tête d'un ministre, etc.
18:10 Est-ce que vous voulez que je fasse toute la liste ?
18:13 Non, vous m'avez dit que nous n'avions pas le temps.
18:15 Et voilà qu'il est incapable, lui et Cécéide, Mathilde Panot, monsieur Bonpart, de dire quoi ?
18:22 Que le Hamas est un mouvement terroriste.
18:25 Que dans la charte du Hamas, il y a la destruction d'Israël et la mort des Juifs.
18:31 Je voudrais qu'on revienne sur l'enquête, parce qu'on ne s'est pas tout dit sur ce sujet-là, Eric Dupond-Moretti.
18:38 Je voudrais qu'on parle du père de Lassaillant, parce que vous l'avez très légèrement abordé tout à l'heure.
18:42 Le père de Lassaillant, de ce vendredi, a été expulsé. Il ne vit plus en France.
18:47 Est-ce que la justice va chercher à l'entendre ou pas ?
18:51 Madame, là, vous posez une question à laquelle je ne peux pas répondre.
18:55 Le parquet national antiterroriste s'est saisi très, très rapidement.
19:00 Je ne peux pas commenter ce qu'ils vont faire ou ce qu'ils ne vont pas faire.
19:03 C'est une limite qui m'est imposée par la Constitution.
19:06 Donc, ce que je peux dire, c'est que le parquet national antiterroriste, qui a été créé il y a peu de temps, je le redis quand même,
19:13 a montré son efficacité.
19:15 Et moi, je suis absolument certain que tout sera fait pour connaître les tenants, les aboutissants de cette affaire,
19:22 même si, de ce que j'ai entendu dans la presse, Lassaillant, pour le moment, refuse de s'exprimer.
19:28 Donc, pour l'instant, on n'a encore aucune idée des motivations de ce qui l'a poussé à agir.
19:33 Je ne peux pas faire de commentaire.
19:35 Oui, ces choses-là, nous les connaîtrons. Je les connaîtrai en même temps que vous.
19:40 Et, une fois encore, je ne peux pas commenter une enquête qui est en cours.
19:44 Et cette famille si particulière, on parle du père qui a été expulsé, on a parlé du frère aîné qui est emprisonné,
19:50 cette famille si particulière, au profil si particulier, pourquoi elle n'a pas déjà été expulsée ?
19:54 Il y a beaucoup de Français qui se posent cette question-là, aujourd'hui.
19:56 Mais, je pense déjà avoir répondu à votre question, il y avait la possibilité de les expulser en 2014, ça n'a pas été fait.
20:02 On est en 2023.
20:04 Pardon ?
20:05 On est en 2023.
20:06 Mais j'entends bien, mais ça n'a pas été fait.
20:08 Il s'est intervenu une législation interdisant l'expulsion d'un mineur, de quelqu'un qui était arrivé en France moins de 13 ans.
20:14 Le frère, il est en prison.
20:16 Et il est en prison, non seulement pour ce qu'il a fait, mais pour ce qu'il était susceptible de faire.
20:21 Parce que, moi, je veux rappeler à ceux qui nous écoutent, que, entre le fichage S, avec des gradations,
20:27 et la réalisation d'une infraction, d'un assassinat, un meurtre,
20:37 il y a aussi un texte qui est l'association de malfaiteurs à viser terroristes.
20:41 Et qu'on peut très bien envisager d'eux, en association avec d'autres terroristes,
20:46 ne pas commettre et se retrouver naturellement punis et condamnés.
20:51 C'est ce qui est arrivé au frère aîné.
20:53 Donc, il n'y a pas rien entre le fichage S et la réalisation d'une infraction.
20:58 On peut appréhender.
21:00 Et d'ailleurs, dans cette famille, quand on la regarde, on a la démonstration de ce que je viens de vous dire est exact.
21:06 Une partie de la droite considère que la constitution française et la Cour européenne des droits de l'homme
21:14 sont des freins pour pouvoir se battre efficacement,
21:18 c'est-à-dire en n'ayant pas très bien compris que la société avait changé,
21:22 et que certains ont appris le droit de l'homisme, l'ont porté sur la vigilance pour défendre le pays.
21:28 Est-ce que vous considérez qu'en l'état actuel des choses, on a ce qu'il faut ?
21:32 Alors, d'abord, c'est un fantasme, me semble-t-il, que de dire que les démocraties sont incapables de lutter contre le terrorisme.
21:46 Au fond, on finit toujours par tomber du côté où l'on penche, et tout le monde penchera vers la liberté.
21:54 La liberté, c'est la démocratie.
21:56 Et quand vous regardez sur un certain nombre d'autres sujets, ceux qu'ont fait des pays qui ne sont pas des pays démocratiques,
22:02 ça ne marche pas. Nous avons toutes les armes pour.
22:07 Il y a toute une discussion sur le terrain constitutionnel.
22:10 On vient de fêter le 65e anniversaire de notre constitution,
22:15 que les oppositions nous fassent sur ces questions un certain nombre de propositions.
22:20 Mais ce qui me gêne, moi qui suis de cœur de desceau, qui veux de la hauteur par rapport au droit, à l'état de droit,
22:30 c'est que certains diffusent l'idée qu'il faudrait qu'il n'y ait plus de règles, au fond, pour être le plus efficace.
22:36 Ou en tout cas de les changer tellement profondément qu'on change la constitution.
22:40 Que l'on ait de véritables propositions sur ces questions, moi je pense que nous ne sommes pas naïfs.
22:45 Je vous ai donné la litanie des choses qui ont été faites.
22:48 Je ne dis que jamais on n'a fait autant pour assurer la sécurité de nos concitoyens.
22:52 Et j'ai mis de côté délibérément les moyens en termes de personnel supplémentaire.
22:58 Par exemple, parce que je pense qu'à un moment de cette émission, nous aurons l'occasion de l'évoquer.
23:03 Il ne faut pas être naïf, il ne faut pas être angélique,
23:07 mais nous avons un certain nombre de choses qui ont été mises en place
23:12 et qui nous permettent bien sûr de répondre au terrorisme.
23:15 Mais pour autant, ça ne signifie pas que...
23:20 C'est cette histoire du risque zéro.
23:23 Certains s'engouffrent, et de façon délétère me semble-t-il,
23:30 sur une tragédie comme celle qui vient de se passer,
23:34 pour engranger politiquement le bénéfice de je ne sais quoi d'ailleurs.
23:43 - Et ça marche ou pas à votre avis ? - Vous visez qui ?
23:45 - Je viens de vous dire, par exemple, quand on dit "ça n'a pas été fait, ça aurait dû être fait".
23:50 - Donc là c'est l'extrême droite ? - Il n'y a qu'à Faucon.
23:53 Pas que, il n'y a qu'à Faucon, vous avez bien compris que c'est un peu facile,
23:56 surtout pour un jeune homme qui n'a jamais rien fait jusqu'à maintenant.
24:00 C'est tellement simple ça.
24:02 Moi je vois au quotidien comment nous sommes attentifs,
24:07 comment nous réfléchissons à améliorer les choses,
24:10 comment en termes de moyens nous sommes au rendez-vous des obligations qui sont les nôtres.
24:14 Mais voilà, je le dis, s'arrêter sur un drame comme celui-là pour en tirer un bénéfice politique,
24:20 le Président de la République, franchement, a raison de rappeler qu'en cette période,
24:25 il faut de la concorde, il faut de l'unité.
24:30 Je trouve que le discours qu'il a prononcé est à la fois complet, extrêmement mesuré sur les enjeux.
24:38 Je parle tout à l'heure de l'importation du conflit, je pense que le Président a été très clair.
24:42 Il y a un risque ou pas ?
24:44 Madame, je pense qu'il ne faut pas tout mélanger.
24:46 Le drame c'est que nous vivons dans une époque de radicalité où la nuance n'a plus cours.
24:50 Et merci d'avoir choisi une photo qui n'est pas une photo, comment dirais-je,
24:57 il y a des photos, on les a toutes vues, qui nous révoltent.
25:02 Mais attention à la guerre des images.
25:04 Il faut que l'on ait le temps de se poser.
25:06 Aujourd'hui, on ne peut pas tout mélanger.
25:08 La cause palestinienne, c'est une chose.
25:11 Le corridor humanitaire, c'est une chose.
25:14 Le rappel par le Président de la République du respect du droit international, c'est une chose.
25:19 Israël, démocratie, les choix qui ont été faits par les Israéliens, regarde Israël.
25:26 On peut critiquer Israël, on peut approuver Israël,
25:29 mais il n'en reste pas moins que, si l'on veut utiliser les mots justes,
25:33 c'est une attaque terroriste, d'un mouvement terroriste, contre des gens.
25:39 Et puis alors, quelle résonance.
25:41 Nous avons vécu le Bataclan, c'est des jeunes qui vont s'amuser.
25:45 On venait de sortir d'une fête religieuse, c'est des femmes, des hommes qui avaient envie de vivre,
25:50 ces enfants massacrés.
25:52 Oui, c'est un acte terroriste, et on ne peut pas tout mélanger.
25:56 Vous voyez dans les manifestations, il y a des gens qui viennent parler de la cause palestinienne.
26:00 J'entends qu'on puisse parler de la cause palestinienne,
26:03 de la protection de l'Etat d'Israël, de sa sécurisation et de la création d'un Etat palestinien.
26:10 Mais en même temps là, on est sur quelque chose qui est de l'ordre du terrorisme,
26:15 et on est dans la confusion de tout.
26:18 Et parfois, elle est fiée en particulier à des fins électoralistes.
26:22 Ils veulent le vote des barbus, on va se dire les choses très clairement.
26:26 Et les manifs pro-palestinien, est-ce qu'il faut les interdire ?
26:30 Je pense qu'en l'Etat, on se souvient de 2014, Sarcelles, on a vu ce que ça a donné.
26:34 Parce que là-dedans, il y a de tout. Il y a des gens qui viennent pour la cause palestinienne,
26:38 qui revendiquent la création d'un Etat palestinien, ça peut être entendu.
26:41 Mais attendez, je ne comprends pas, ça veut dire qu'il faut les interdire ou pas ?
26:43 Oui, oui, moi je pense qu'il faut les interdire.
26:45 Mais il faut interdire toutes les manifestations ?
26:47 Non, en ce moment, il y a eu une réunion, il y a quelques heures de ça, quelques jours,
26:55 et en fait, on a eu une réunion avec le président de la République.
26:59 Qu'est-ce qu'on a entendu ? Juifs assassins, morts juifs ?
27:03 Moi, je ne veux pas qu'on entende ça dans ce pays.
27:05 Et d'ailleurs, j'ai pris une circulaire pour demander au procureur une très grande sévérité.
27:10 Je ne veux pas que l'antisémitisme se développe.
27:14 Vous avez promis de la fermeté, elle se concrétise comment alors, cette fermeté ?
27:17 Contre les actes antisémites, qui ont pas mal progressé, 189 actes en une semaine.
27:22 189, 153 sont des infractions dont on pense qu'elles ont été commises.
27:26 Je dis "dont on pense" parce qu'il faut naturellement que la justice fasse son travail,
27:31 mais les procureurs sont saisis, ils sont sur le pont, comme ils l'ont été d'ailleurs pendant les émeutes.
27:36 On ne peut pas laisser les uns et les autres s'exprimer de n'importe quelle façon.
27:41 Et on ne peut pas non plus amalgamer, pardonnez-moi, l'islamisme radical et les musulmans de notre pays,
27:48 auquel, bien sûr, je pense aussi.
27:50 Si un ministre de la justice réclame plus de fermeté, concrètement, ça veut dire quoi ?
27:54 Ça veut dire que c'est la peine maximale qui va être réclamée à chaque fois ?
27:58 Non, Madame, ça serait totalement impossible et anticonstitutionnel,
28:03 parce que le juge a la possibilité, bien sûr, de prononcer, juge du siège son temps,
28:10 la décision qu'il estime la plus juste, en fonction d'un certain nombre de critères.
28:15 Mais en revanche, je suis totalement dans mon rôle, quand je demande au procureur,
28:18 d'être ferme, d'être systématique, d'être rapide, de ne rien laisser passer.
28:24 Et donc, systématique, ça veut dire que quand il y a 189 actes antisémites recensés,
28:28 ça veut dire qu'il y aura des poursuites systématiquement ?
28:30 Bien sûr. D'abord, il faut une analyse de ces faits, savoir, c'est bien le moins, s'ils constituent une infraction.
28:37 Et si on a repéré que cela constitue une infraction, il faut la poursuivre. Il faut être ferme.
28:42 Français, comparution immédiate.
28:43 Mais bien sûr, notamment.
28:45 Combien ? Beaucoup ?
28:46 Je veux d'ailleurs vous rappeler que c'est un texte que j'ai porté, qui a permis de juger en comparution immédiate les haineux en ligne,
28:54 qui se retranchaient derrière une loi qui a été faite pour vous, qui est la loi totémique de 1881,
28:59 qui protège les journalistes et pas les salopards qui répandent la haine.
29:03 Françoise Fresos, qui nevait la main tout à l'heure, pardonnez-moi.
29:06 Sur la haine en ligne, est-ce que vous êtes suffisamment outillée aujourd'hui,
29:10 suffisamment de moyens d'agir pour au fond faire face à tout ce déversement de contre-vérité ou d'appel à la haine ?
29:19 On a Pharoz. Pharoz, c'est la police, je schématise.
29:23 Et puis ensuite, on a le pôle haine en ligne qui a été créé au parquet de Paris.
29:28 Et ensuite, il y a évidemment le travail qui se fait dans toutes les juridictions de notre pays.
29:35 Vous savez que sur le renforcement des effectifs en matière de justice,
29:40 moi j'ai décidé que ce ne serait plus le ministère, pour la première fois de son histoire,
29:44 qui enverrait les personnels dans les tribunaux judiciaires.
29:48 Mais on va confier cette tâche au président des cours d'appel, président procureur général.
29:57 Et c'est eux qui vont avec toute la finesse qui est la leur, parce qu'ils connaissent le terrain,
30:02 envoyer les personnels supplémentaires.
30:04 Donc il y aura ce qu'on appelle des dialogues de gestion.
30:07 Et je ne doute pas une seule seconde que si le pôle haine en ligne a besoin de magistrats supplémentaires,
30:13 il demandera aux chefs de cours que des magistrats supplémentaires soient envoyés au pôle haine en ligne.
30:21 C'est comme ça que nous faisons maintenant.
30:22 Alors vous avez fait une loi de programmation de la justice qui a été votée.
30:26 Mais est-ce que les moyens de fonctionnement de la justice dans ce climat extrêmement compliqué, tendu,
30:33 sont suffisants aujourd'hui ? Est-ce que vous avez moyen de répondre ?
30:37 Je ne veux pas me payer de mots, Madame. Je ne viens pas ici pour faire du culturisme.
30:43 Mais en termes de moyens, c'est absolument historique ce qui a été voté.
30:47 Je veux le rappeler. On avait déjà embauché 700 magistrats, 850 greffiers, 2000 contractuels.
30:53 Ça s'était fait. Le budget de la justice avait augmenté de près de 50%.
30:58 On va beaucoup plus loin. On va embaucher 1500 magistrats, on va embaucher 1800 greffiers,
31:04 on va embaucher des contractuels qui vont devenir des attachés de justice.
31:09 Et bien sûr que tous ces personnels supplémentaires ont deux objectifs.
31:15 Le premier, soulager la tâche des magistrats, des greffiers, parce qu'elle est importante.
31:21 Le deuxième, bien sûr, c'est de rendre une justice plus efficace, plus rapide.
31:28 Il n'y a pas que l'argent, il y a aussi la simplification des procédures, procédures pénales, procédures civiles.
31:34 Donc bien sûr que nous serons au rendez-vous de nos obligations.
31:37 Pour la prison, Karine parlait tout à l'heure de la possibilité d'échanger avec un certain nombre de personnes à l'extérieur.
31:43 Est-ce que vous avez un dispositif spécifique pour la détection de la radicalisation en prison ?
31:49 C'est-à-dire que des gens, en gros, on découvre qu'ils peuvent éventuellement sortir et qu'ils sont passés sous les radars.
31:57 Est-ce qu'il y a une formation particulière, quelque chose pour alerter ?
32:00 Bien sûr. On a des quartiers d'évaluation de la radicalisation.
32:04 Donc quelqu'un vient d'être incarcéré, on évalue sa dangerosité.
32:11 Dans toutes les prisons, ça se passe comme ça ?
32:13 Oui, quartier d'évaluation de la radicalisation.
32:15 Et puis ensuite, on a ceux qui sont déjà radicalisés et ceux, il ne faut pas les oublier ceux-là,
32:22 qui ne sont pas arrivés radicalisés mais qui se sont radicalisés en prison.
32:27 Donc il y a ce double regard.
32:30 Donc on ne les met pas ensemble ?
32:31 Non, mais il y a ensuite. Bien sûr qu'on ne les met pas ensemble.
32:34 Ou si on les met ensemble, c'est qu'on a jugé qu'ils étaient sur le spectre de ceux qui ne sont pas dangereux
32:40 et sur lesquels on peut espérer travailler.
32:43 Ce qui n'est pas le cas de tout le monde, parce qu'il y en a qui sont mûrés totalement dans le mutisme
32:49 et dont on sait qu'on ne tirera pas grand-chose.
32:52 Il y a ça. Il y a ensuite des quartiers de prévention de la radicalisation.
32:57 Ce sont des quartiers pluridisciplinaires où tout le monde vient travailler.
33:03 Des religieux, des psychologues, des psychiatres.
33:07 Il y a ensuite, ça nous l'avons créé récemment, dans les suivis de ceux qui ont purgé leur peine,
33:14 à la fois des suivis administratifs dont nous avons allongé la durée,
33:19 mais également en matière judiciaire, le juge d'application des peines antiterroriste.
33:27 Ça c'est quelque chose de nouveau.
33:29 Et on a donc un suivi au long cours, à la fois par les services, mais également par la justice.
33:34 Donc là, ça veut dire que vous avez éventuellement repéré des profils,
33:38 j'allais dire intéressants, ce n'est pas le bon terme,
33:40 mais des profils qui peuvent effectivement présenter des signaux que vous cherchez à offrir.
33:45 D'abord, vous avez tous ceux qui sont condamnés pour les actes terroristes.
33:47 Ceux-là, évidemment, ils sont suivis.
33:49 Mais là, il y a eu une inflation de gens...
33:52 Non, mais tout ça sont des créations que nous avons soit créées, soit renforcées.
33:57 On a créé un centre spécifique pour femmes à Rennes,
34:01 puisque il y a les retours de zone, vous le savez,
34:04 et les femmes qui sont parties là-bas pour Daech,
34:08 qui se sont perdues là-bas.
34:11 Quand elles reviennent, les enfants sont pris en charge,
34:14 et les femmes sont détenues.
34:16 Prises en charge judiciairement, et presque toutes, toutes détenues.
34:21 Il faut les prendre en charge.
34:23 Je suis allé au Maroc, moi, pour m'inspirer de ce que font les Marocains,
34:27 en matière de déradicalisation.
34:29 Mais ça n'est pas simple.
34:31 Vous l'imaginez bien.
34:33 Yadka, Faucon, c'est bien gentil, mais la réalité, elle est différente.
34:37 En tous les cas, nous mettons en place des structures
34:40 que nous essayons d'améliorer au quotidien.
34:42 Moi, je suis en contact avec la pénitentiaire, bien sûr,
34:46 pour améliorer ces structures en termes d'efficacité,
34:49 pour que le radicalisé ne soit plus radicalisé à la sortie.
34:53 Il en va de la sécurité de nos compatriotes.
34:55 Donc, on a mis beaucoup de moyens sur ces questions.
34:58 Quand quelqu'un a purgé sa peine, on peut considérer que la peine est purgée.
35:01 On n'a pas le droit, du moins à mon époque, de le surveiller régulièrement.
35:06 Est-ce que ça, on peut quand même, malgré le fait qu'il ait terminé sa peine,
35:10 le garder une fois par semaine qu'il passe au commissariat ou je ne sais quoi ?
35:13 Mais bien sûr, il y a un suivi, d'abord administratif, ce qu'on appelle l'imicace,
35:17 et puis il y a aussi, chaque fois que c'est possible, un suivi judiciaire.
35:22 Évidemment, on ne lâche pas des gens dans la nature sans les suivre.
35:27 Bien sûr.
35:29 Et on a considérablement renforcé les moyens du suivi pénitentiaire.
35:35 Les moyens administratifs ont été également renforcés.
35:39 On a allongé la durée de ces contrôles.
35:42 Mais contre la dissimulation, vous avez mis en place quels nouveaux outils, par exemple ?
35:46 Parce que la dissimulation, c'est ça, le pire.
35:48 Je viens de vous le dire.
35:50 Quand on dit que ceux qui sortent sont suivis par les services,
35:54 ils sont effectivement suivis par les services administratifs.
35:58 Un dernier exemple, dans le texte dont on parlera peut-être tout à l'heure,
36:02 qui a été voté définitivement par le Sénat, il y a de cela quelques jours.
36:08 Il y a des techniques nouvelles d'enquête.
36:11 Lesquelles ?
36:13 Celles qui vous ont fait frémir parfois.
36:16 Vous, les journalistes, nous avons réglé la question,
36:19 parce que nous sommes très attachés évidemment à la liberté de la presse.
36:22 C'est la géolocalisation et la possibilité sur un portable de suivre un certain nombre de choses.
36:27 Et ça, c'est dans votre nouvelle loi ?
36:29 Oui, c'était possible sur le plan administratif.
36:31 Ça n'était pas possible sur le plan judiciaire.
36:33 C'est soumis naturellement dans notre état de droit à l'autorisation d'un juge.
36:37 Mais ce sont des outils qui sont efficaces.
36:39 Donc là, ça veut dire qu'à partir du moment où j'ai un portable avec moi,
36:42 je peux être filmé ou écouté à n'importe quel moment, déclenché à disque.
36:46 Alors d'abord, vous, madame, vous êtes journaliste.
36:48 Oui, je serai journaliste. Donc a priori, je ne le serai pas.
36:50 Les avocats non plus ?
36:51 Eh bien bien sûr, voilà, aux journalistes et aux avocats, c'est bien le moins dans une grande démocratie,
36:57 parce que nous sommes dans une grande démocratie.
36:59 Nous, on parle à plein d'auditeurs.
37:00 Pour autant, il ne suffit pas que vous ayez un portable pour que vous soyez potentiellement écouté.
37:07 C'est le préalable indispensable que vous soyez suspecté d'avoir commis des actes graves, grands banditismes ou terrors.
37:14 Nathalie Sacric.
37:16 Est-ce que vous considérez qu'au moment du vote sur la loi d'Armanin ou la loi immigration qui va bientôt arriver,
37:24 c'est quelque chose qui est totalement disjoint ?
37:27 Ou est-ce qu'il faut tenir compte éventuellement dans la discussion qu'il va y avoir au Sénat avec la droite
37:32 d'un certain nombre de leurs réflexions qui corsent ou qui musclent la possibilité notamment d'expulser les gens ?
37:38 Je ne parle pas de l'histoire des moins de 13 ans. Je parle de façon plus générale.
37:42 Jad Damanin a l'air de dire qu'on va expulser beaucoup plus.
37:46 Nous, on a l'impression que c'est difficile parce que les OQTF, il y a un certain nombre de règles qui les régissent.
37:53 Obligation de quitter le territoire français.
37:55 Pardon, excusez-moi. Obligation de quitter le territoire français.
37:57 Est-ce que vous pensez que la droite, vous allez pouvoir vous entendre avec eux
38:00 et que tout ça pour faire votre fameuse concorde nationale ? Enfin, pas la vôtre, pas que la vôtre.
38:05 Non, mais la mienne aussi parce que j'adore, pardon, c'est un absurde, j'adhère totalement à cette idée.
38:11 Il y a des moments où il faut que l'on se pose et que nous montrions notre unité face aux terroristes.
38:20 Vous l'appelez de vos voeux mais vous voyez bien qu'il n'existe pas l'unité. On est extrêmement déchirés, non ?
38:25 Non, mais attendez. D'abord, moi ce qui m'intéresse c'est que, à part M. Mélenchon, quelques-uns de ses séides, quelques-uns de ses affidés,
38:35 on a entendu à peu près les mêmes choses. D'ailleurs la NUPES est en train de se fracturer et pour cause.
38:40 Quand M. Bompard raconte, par exemple, vous l'avez rappelé tout à l'heure, qu'il faudrait se mettre à la table des négociations Israël et le Hamas,
38:48 c'est lunaire. Est-ce qu'on nous aurait demandé à nous, gouvernement de la France, de nous mettre à la table avec Daesh après le Bataclan ?
38:59 Mais ça n'a aucun sens. Donc eux, ils sont en train de se marginaliser. Mais il n'y a pas que eux. Pardonnez-moi, on peut quand même travailler.
39:07 Vous pensez que vous pouvez travailler avec une partie de la gauche ?
39:09 Mais évidemment, mais bien sûr. Mais vous savez...
39:13 Parce que là, votre texte, votre loi...
39:15 On a travaillé avec tout le monde.
39:17 Oui, mais c'est essentiellement quand même la majorité, la droite et le RN qui...
39:21 Il y a quelques amendements qui ont été proposés par la gauche et auxquels j'ai souscrit.
39:25 Et pardon de vous dire que la gauche de gouvernement s'entend.
39:30 M. Roussel dit des choses qui ne sont pas, a priori, à rejeter d'un revers de manche.
39:37 M. Roussel qui a été... Voilà, comparé à Doriot, ça aussi c'est une des jolies choses dont l'LFI est capable.
39:45 Mais vous savez, sur les fichiers, je veux d'abord vous rappeler aussi qu'on a réussi à en expulser 800.
39:50 Bon, donc c'est possible. Après...
39:53 Il y en a 5300, je précise.
39:55 J'entends, mais...
39:57 Non, mais c'est juste pour que les choses soient claires.
39:59 Alors, si vous voulez être complète, vous comparez avec d'autres chiffres à d'autres époques.
40:03 Mais oui, bon.
40:05 Sur les OQTF, on est toujours... Enfin, c'est toujours les mêmes d'ailleurs.
40:09 Il y a le CAF, le CONF, au DREF...
40:11 Non, mais ça, c'est juste une...
40:13 Le programme politique de l'extrême droite, là, en ce moment, c'est de dire "Il suffit d'aller voir les chefs d'État algériens, marocains, tunisiens..."
40:21 Qui a été fait par Gérald Darmanin.
40:22 Voilà. Ce qu'on a déjà fait. On n'est pas plus bêtes que les autres.
40:25 Puis d'abord, on discute, évidemment.
40:27 Mais c'est infiniment compliqué.
40:29 Un Tchétchène, parce qu'on parle de Tchétchène et de Russes.
40:32 Comment on fait, là, en ce moment, alors qu'on n'a pas les meilleures relations du monde avec la Russie ?
40:38 On n'est pas en guerre avec la Russie, c'est très clair.
40:41 Mais il y a un dialogue qui est rompu.
40:43 Donc Gérald Darmanin va essayer de renouer ce dialogue.
40:46 Je pense qu'il a raison.
40:48 Mais vous voyez qu'on est loin du YACA, FAUCON, FAUDRET.
40:51 Les choses, elles sont plus difficiles que ça.
40:54 La critique, c'est facile.
40:56 La mise en place de mesures efficaces, c'est beaucoup moins facile.
41:02 Voilà. Et c'est pour ça qu'on ne peut pas en tirer une espèce de bénéfice politicien.
41:07 Je vais répondre à votre question sur la loi qui va venir.
41:09 Bien sûr que les événements récents vont dire un certain nombre de choses dans nos esprits,
41:14 et disent déjà un certain nombre de choses.
41:16 D'ailleurs, vous me posez la question.
41:18 Et vous ne serez pas la seule à vous la poser.
41:20 Mais en même temps, on peut évidemment travailler, on peut aller de l'avant, on peut modifier les choses.
41:24 C'est ça aussi le travail parlementaire.
41:26 Vous voyez, on n'arrive pas avec un projet de loi.
41:30 Et puis je ne veux pas écouter les oppositions, je ne veux rien dire.
41:33 Moi, dans le texte que j'ai porté, je dois vous dire que j'ai parfaitement bien travaillé
41:37 avec tous ceux qui avaient envie d'améliorer la justice de notre pays.
41:42 Eric Dupond-Moretti, dans trois semaines, s'ouvrira votre procès devant la CJR, la Cour de justice de la République.
41:49 Quelle liberté d'action est-ce que vous avez en ce moment encore pour travailler à trois semaines de ce procès ?
41:54 Totale, madame.
41:56 Totale. D'ailleurs, j'ai toujours dit, et c'est vrai,
41:59 ce n'est pas de la forfanterie, que cette procédure ne m'avait jamais interdit de travailler.
42:04 Jamais.
42:05 Et je voudrais vous dire là-dessus plusieurs choses.
42:10 D'abord, moi, ceux qui me connaissent bien, qui m'ont entendu, qui m'ont interviewé par le passé, etc.,
42:16 savent que j'ai toujours dit que la justice ne se rendait pas sur les plateaux de télé ou à la radio,
42:21 ou dans la rue, ou dans l'hémicycle d'ailleurs.
42:25 Moi, j'ai toujours été très soucieux de la présomption d'innocence des uns et des autres.
42:30 Et Dieu sait, et Dieu sait qu'on m'a posé des questions.
42:33 Donc je vous dis une chose simple.
42:35 Moi, je souhaite qu'on respecte ma présomption d'innocence.
42:38 Je suis présumé innocent. Non seulement je suis présumé innocent,
42:41 mais je suis innocent et je compte bien le démontrer.
42:44 Comment est-ce que les affaires du ministère vont être gérées pendant ces trois semaines de procès ?
42:47 On va voir, madame. Pardon, non, ce n'est pas trois semaines du tout, c'est six jours et demi.
42:50 Six jours et demi, pardonnez-moi. Pendant ces six jours, pendant cette semaine ?
42:53 Comment exactement ? Vous avez parfaitement raison dans mon élan.
42:57 Comment est-ce que les affaires du ministère vont être gérées malgré tout pendant ces six jours et demi ?
43:00 Vous ne serez pas à la tâche, quoi, là. Comment ça va se passer ?
43:02 Comment je ne serai pas à la tâche ? D'abord, moi, je me lève très très tôt.
43:04 Vous voyez, par exemple, je me lève à 4h du matin, 5h tous les jours,
43:07 5h quand je fais une grasse matinée.
43:09 Donc pour signer les paraffers, ça ira très bien.
43:11 Mais ça veut dire qu'il va y avoir un décret de déport quand même ?
43:13 Madame, nous verrons.
43:15 N'allez pas plus vite que la musique.
43:18 Je suis en train de discuter avec la Première ministre pour voir comment...
43:22 Éventuellement, elle pourrait prendre votre part pendant que vous vous défendez.
43:26 C'est une des hypothèses.
43:28 Nous y réfléchissons. Et la seule chose qui compte pour moi,
43:31 c'est que pendant trois ans et demi, vous voyez,
43:33 je n'ai pas été entravé dans mon travail ministériel.
43:36 Vous ne croyez quand même pas que le ministère va être abandonné pendant six jours et demi.
43:41 Le ministère continuera à tourner. C'est ma seule préoccupation.
43:44 Vous vous sentez soutenu ?
43:49 J'ai eu un blanc. Dites-nous.
43:52 Par qui ?
43:54 Par le gouvernement, par l'exécutif, par...
43:57 Madame, nous sommes respectués de la séparation des pouvoirs.
44:00 Voilà ce que je peux vous répondre.
44:03 Merci beaucoup Eric Dupond-Moretti.
44:05 Alors vous restez avec nous.
44:06 Il est temps d'accueillir notre second invité pour le livre de la semaine.
44:11 France Inter.
44:13 Questions politiques.
44:17 Karine Bécard.
44:20 Installez-vous confortablement sur ces chaises hautes.
44:22 Bonjour Jean-Pierre Aubin.
44:24 Bonjour monsieur.
44:25 Merci d'avoir accepté notre invitation.
44:27 Vous venez d'écrire un livre qui peut difficilement être plus au cœur de l'actualité aujourd'hui.
44:32 Le titre de ce nouvel ouvrage s'intitule "Les profs ont peur".
44:37 C'est publié chez l'Observatoire et ça vient tout juste de sortir.
44:40 Je précise que vous avez été inspecteur général de l'Éducation nationale
44:43 et que vous avez eu l'occasion de publier un autre livre, c'était il y a trois ans,
44:47 intitulé cette fois-ci "Comment on a laissé l'islamisme pénétrer l'école".
44:52 Jean-Pierre Aubin, depuis combien de temps les enseignants auraient-ils peur ?
44:57 C'est quelque chose qui est assez nouveau.
45:00 En tout cas, sur le plan objectif, la documentation de cette peur,
45:05 on n'étudie que depuis quelques années à travers les études de l'IFOP,
45:10 notamment auprès des enseignants.
45:12 Ces études montrent quand même une forte progression de l'autocensure des enseignants par peur
45:20 entre 2018 et 2022, date de la dernière enquête.
45:25 Un bond de 20 points entre 36% et 56%, concernant en tout cas l'enseignement public secondaire.
45:33 Comme le disait le ministre Gabriel Attal hier à la Sorbonne,
45:36 à l'occasion de la remise du prix Samuel Paty,
45:39 50% des enseignants déclarent aujourd'hui s'autocensurer.
45:44 Il y a eu d'ailleurs des mots très forts, disant que c'est un poison pour la France.
45:49 Moi, j'étudie ce problème, j'alerte dans ce livre sur le caractère inédit dans l'histoire de France,
46:00 de cette situation. Sans doute, les enseignants se sont autocensurés, sous l'occupation en particulier.
46:05 Quand on dit "autocensurés", ça veut dire qu'ils ont peur de quoi ? Ils ont peur de qui ?
46:09 Ils ont peur de certains de leurs élèves.
46:11 C'est-à-dire que lorsqu'on leur demande, lorsqu'on leur pose cette question précisément,
46:15 à travers toute une série de situations, ils mettent en avant, par exemple,
46:19 le fait de devoir appréhender des caricatures de personnages religieux.
46:24 60% des professeurs, premier et second degré réunis, disent avoir peur de cette situation.
46:29 Avoir des élèves rentrant en classe avec des tenues religieuses, 60% aussi.
46:35 Vous n'êtes pas d'accord ? Vous êtes d'accord avec du pandématique ?
46:38 Mis bout à bout, il y a quand même 8 professeurs sur 10 qui ont peur d'au moins une de ces situations de classe.
46:45 80% ? Là aussi, pardonne-moi Nathalie, c'est un chiffre que vous tirez d'où ?
46:50 La dernière étude de l'IFOP de novembre 2022.
46:54 Vous tirez la sonnette depuis combien de temps ? Vous, à titre personnel, parce qu'il y a eu le rapport Robin,
46:58 on sait que... Vous considérez qu'on a dormi, là, récemment ?
47:02 On a surtout dormi entre la date à laquelle j'ai remis mon rapport en 2004 et les attentats de Charlie Hebdo en 2015.
47:10 Le premier qui s'est réveillé, c'est Manuel Valls dans cette affaire,
47:14 en exhumant mon rapport, enfin le rapport de l'inspection générale, qui n'était pas uniquement le mien, de 2004.
47:24 Et après, on a eu ces alternances, ces politiques un peu en coup d'accordéon,
47:31 concernant la laïcité et les principes de la République, avec des ministres successifs qui n'ont pas toujours eu la même sensibilité à cette question.
47:39 On a le sentiment quand même, effectivement, que les gouvernements successifs ont un peu du mal à prendre ce sujet-là à bras-le-corps.
47:44 Comment est-ce que vous l'expliquez, Éric Dupond-Moretti ? Pourquoi est-ce que c'est si compliqué ?
47:51 Je ne suis pas certain, moi, que nous n'ayons pas pris un certain nombre de sujets à bras-le-corps. Je pense à la baïa, en particulier.
47:57 Oui, mais la baïa, ça fait un petit moment que ça dure, et la décision a été prise ce mois de septembre.
48:02 Oui, d'accord. C'est Gabriel Attal qui l'a fait. Après la mort de Samuel Paty, je l'ai dit, un certain nombre de textes ont été mis en place.
48:11 J'entends ce que vous dites, monsieur, c'est extraordinairement inquiétant.
48:16 Vous savez, la justice, il y a un vieux prof de droit qui disait que le droit pénal, c'est au fond le droit de l'échec.
48:26 Parce que quand la justice intervient, il est trop tard.
48:29 Et c'est pour ça que l'école est un lieu que l'on doit absolument protéger. C'est là que les gamins vont devenir des citoyens.
48:40 Et c'est justement pour ça que les terroristes islamistes ne veulent pas de l'école et visent l'école.
48:47 Leur crainte, c'est quoi ? C'est que notamment les enfants musulmans, ne mélangeons pas tout, et que mon propos soit bien entendu,
48:55 ne reçoivent pas l'enseignement islamiste radical. C'est ça qui les dérange. Ils ne veulent plus que nous vivions selon notre mode de vie.
49:07 En attendant la question, je vous l'ai dit, un certain nombre de choses ont été faites, elles ne l'avaient pas été,
49:14 en termes répressifs, par exemple, en termes de protection, et la Baïa, par exemple, est un signe fort de ce que nous,
49:24 nous ne laissons rien passer à ces islamistes radicaux.
49:30 Qu'est-ce qu'il faut faire pour que les profs n'aient plus peur ? En clair, est-ce qu'ils ont d'ores et déjà abandonné en se disant
49:36 "C'est pas à nous si on est tout seuls de se battre pour ça" ou est-ce qu'ils demandent une hiérarchie ?
49:42 Qu'est-ce qu'on peut faire ? Qu'est-ce qui peut être fait pour qu'ils n'aient plus peur ? C'est un peu large comme question.
49:49 Oui, oui, c'est pas une question facile. En tout cas, on ne peut pas faire en sorte que les professeurs n'aient plus peur demain matin,
49:56 surtout après ce qui vient de se passer à Arras. Mais en tout cas, on peut engager ou tenter d'engager des politiques à long terme sur cette question
50:04 de l'islamisme à l'école et du coup de l'autocensure. La première serait sans doute de changer profondément la formation initiale.
50:13 Aujourd'hui, ce sont les enseignants de moins de 30 ans qui ont le plus peur, qui s'autocensurent le plus et d'ailleurs qui veulent abandonner les lois de la laïcité, les règles de la laïcité.
50:21 Ils sont convaincus ou ils ont peur ? Est-ce que c'est par idéologie qu'ils veulent être différents ou c'est simplement parce qu'ils ont peur ? Pour avoir la paix en clair.
50:29 C'est très juste ça.
50:30 Ça peut être par idéologie en même temps parce qu'ils ont peur. Les deux ne sont pas incompatibles. Mais sans doute que le passage par l'université récemment
50:39 et le wokisme universitaire a fait en sorte que leur idéologie est un peu vacillante par rapport à l'islamisme. Mais je pense que profondément,
50:49 c'est quand même une affaire de compétence. Ils se sentent démunis parce qu'ils n'ont pas été formés à ça. Ils se sentent démunis face à ces élèves.
50:58 Ce n'est pas du tout la formation qu'ils ont reçue. Et je crois que la réflexion qu'entame Gabriel Attal sur ce qu'il appelle "retour aux écoles normales",
51:09 en tout cas quelque chose qui permettrait d'avoir des écoles professionnelles sorties du contexte universitaire et profondément, enfin bien pilotées par l'éducation nationale,
51:20 en fonction des besoins réels des élèves et des écoles sur le terrain, je crois que c'est une réflexion qu'il faut vraiment mener à terme. Et courageuse d'ailleurs.
51:30 Toute la question qu'on se pose là, c'est est-ce que c'est récupérable aujourd'hui ?
51:34 Mais il le faut, madame.
51:36 Oui, entre "il le faut" et "est-ce que c'est faisable" ?
51:39 Je pense que ça ne peut être récupérable que par des politiques à long terme. Il faut sortir de l'idée qu'on peut éradiquer l'islamisme à l'école, comme ça, à court terme,
51:52 par des mesures adéquates. Et puis à l'école seulement, parce que le problème de la pénétration de l'islamisme, c'est un problème d'abord de la société française.
52:03 Il n'y a pas que l'école. Simplement, dans une stratégie de long terme, l'école pourrait être un axe privilégié. Parce que c'est par l'école qu'on forme les adultes de demain.
52:15 Mais est-ce qu'on a encore le temps de prendre son temps, Éric Dupond-Maretti ?
52:19 On est dans l'urgence, évidemment. Mais voyez, il y a des réformes structurelles, comme celles que vous évoquez. Vous évoquez aussi la formation des enseignants.
52:30 Peut-être un certain nombre de changements qui ont vocation à être mis en place. Mais il y a aussi, pardon d'être plus pragmatique, un renforcement du lien entre les enseignants et les parquets, par exemple.
52:45 Ce que nous faisons avec Gabriel Attah. Moi, je l'a peur. Même si on ne peut pas décréter que demain, on ne peut plus avoir peur. En revanche, moi, ce que je souhaite, c'est qu'il y ait une ligne où le proviseur puisse, ligne dédiée,
53:01 où le proviseur puisse directement appeler le procurant de la République pour qu'on ait une intervention rapide, immédiate, en coordination, évidemment, avec les forces de sécurité intérieure.
53:14 Ça, c'est une façon...
53:16 Ça, ça a pas existé ou ça existe déjà ?
53:17 Non, mais ça... Bien sûr que les partenariats ont été d'ores et déjà renforcés. Qu'il s'agisse de menaces de cette nature, qu'il s'agisse aussi, plus récemment, du harcèlement à l'école,
53:28 il y a maintenant des partenariats. On est aussi, dans nos administrations, parfois, dans une espèce de culture, on appelle ça en silo, dans la langue technocratique.
53:40 Mais moi, je ne veux pas de silo, je veux de l'efficacité. Je veux qu'un enseignant qui se sent menacé puisse en parler à son proviseur, que le proviseur appelle immédiatement les forces de sécurité intérieure ou le parquet.
53:51 Bien sûr que ça ne règle pas tout, mais ça permet quand même de régler un certain nombre de difficultés.
53:57 Merci beaucoup à Jean-Pierre Aubin. Je rappelle le titre de votre livre "Les profs ont peur". Merci à vous aussi, Éric Dupond-Moretti, d'être venu ce dimanche sur le plateau de "Questions politiques".
54:06 Merci à toute l'équipe. Bon dimanche et à dimanche prochain.