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La dernière nouveauté création Originale chez Canal+ commence le 16 octobre, c'est D'argent et de sang, créée et écrite par Xavier Giannoli.

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00:00 Originals, découvrez en avant-première nos interviews sur les séries qui font l'actu.
00:07 Dans cet épisode d'Originals, on accueille Xavier Giannoli, le créateur, réalisateur,
00:14 co-scénariste d'Argent et de Sang, la nouvelle création originale Canal +,
00:17 dont la première partie de six épisodes sera disponible à partir du 16 octobre.
00:21 Et une deuxième partie arrivera plus tard. Bonjour Xavier.
00:25 Bonjour.
00:25 Bon, première question un petit peu classique, est-ce que vous pouvez nous pitcher brièvement D'Argent et de Sang s'il vous plaît ?
00:31 D'Argent et de Sang, c'est une série en douze épisodes qui va raconter l'histoire librement inspirée de l'histoire vraie
00:40 dite de l'arnaque du siècle qui est l'escroquerie des quotas carbone.
00:44 Vincent Lindon, un enquêteur, va essayer de tout comprendre de cette histoire et aller à la rencontre de tous les personnages
00:52 qui ont rendu possible le détournement de plusieurs milliards d'euros à l'origine prévue pour lutter contre le réchauffement climatique.
01:01 Vous êtes donc partie du livre de Fabrice Arfi. Comment se passe votre processus d'écriture à partir d'un livre ?
01:07 Donc comment vous déterminez quels sont les éléments à conserver, les éléments que vous, vous considérez comme
01:13 peut-être trop fictifs, justement, et que vous allez remplacer, et à partir de là, les recherches, des thématiques, etc. ?
01:19 À l'origine de l'écriture, il y a le livre "Enquête" de Fabrice Arfi, qui est un livre "Enquête", on pourrait dire d'une certaine façon, à l'anglo-saxonne,
01:28 qui va à la rencontre à la fois de tous les personnages, de leurs milieux sociaux, et en même temps de l'époque.
01:34 Et moi, j'ai lu le livre comme un roman, en fait. Quand je lisais ça, je me disais "mais c'est une matière romanesque extraordinaire".
01:41 Je n'ai pas du tout voulu faire un documentaire, ce n'est pas mon instinct, et j'ai voulu faire une fiction inspirée de l'histoire.
01:50 À partir de là, on a travaillé avec Jean-Baptiste Delafond, un scénariste, on faisait des épisodes avec une liste de scènes
01:58 qui nous semblaient être les moments clés pour suivre l'enquête. Et puis tout ça a évidemment beaucoup bougé,
02:04 puisqu'on est passé de 8 épisodes à 12, parce que l'enquête, les idées scénaristiques, tout ça a été tellement fascinant et extraordinaire
02:13 que ça se nourrissait sans arrêt, comme un monstre. Et voilà, et donc la ligne dramatique la plus importante, c'est l'enquête.
02:21 C'est l'obsession d'un enquêteur qui veut déconstruire l'arnaque du siècle. Il veut comprendre comment ça a été possible.
02:29 Il veut comprendre qui sont ces gens. Il veut comprendre d'où ils viennent, quelle a été leur histoire.
02:34 Il veut comprendre dans quel monde ça a lieu, à quelle époque. Qu'est-ce que ça nous dit du monde dans lequel on vit ?
02:39 Qu'est-ce que ça nous dit des passions humaines ? Et on va suivre l'obsession de cet enquêteur, Vincent Lindon, à travers l'arnaque des cotes à carbone.
02:48 Vous avez dit plus tôt que la conception de la série a été très similaire à toute conception d'un film.
02:53 Mais au final, est-ce que vous n'avez pas eu plus de liberté, justement, sur la série, en faisant presque 12 petits films ?
03:01 — Moi, j'ai eu la chance de faire les films que je voulais. Je n'ai jamais fait de film de commande.
03:07 Et à partir du moment où j'ai compris que ça allait être une série, puisqu'il y avait ce matériau romanesque énorme, je me suis dit
03:15 « Bon, alors il y a peut-être des techniques, des trucs. Canal+ va me dire qu'il faut faire comme ça, comme ça.
03:19 C'est une série, c'est pas comme le cinéma. » Eh ben ça a été exactement le contraire. Ils m'ont dit « Sentez-vous totalement libre.
03:27 Réinterprétez pour vous ce qu'est une série. Appropriez-vous le récit. Et on va voir comment ça peut s'organiser pour être une série. »
03:36 Donc il y avait un dialogue permanent qui s'articulait autour du respect de la création, en fait. Voilà.
03:45 Et j'ai été très heureux et très surpris et très touché par la confiance qu'ils ont faite à l'histoire. Voilà.
03:52 — En vous écoutant tout à l'heure aussi, vous dégagez une sorte de curiosité perpétuelle, j'ai envie de dire.
03:58 Alors est-ce que quand vous avez analysé, expliqué une obsession, donc celle-ci sur ce sujet-là, est-ce que le sujet est clos,
04:05 vous passez à autre chose et vous avez une nouvelle obsession ? — En fait, à chaque fois que j'écris un film...
04:12 Par exemple, quand j'écrivais « Illusion perdue », j'ai gardé en tête mais vraiment pendant des années le roman.
04:21 Et je passais mon temps à voir à la fois des spécialistes de Balzac, des spécialistes du XIXe siècle, de cette époque,
04:28 ou de comment on éclairait les théâtres à l'époque. Et en fait, c'est pour moi un moment de – je sais pas – de concentration,
04:35 de ressassement où je pars en enquête journalistique sur la fiction. Et je veux des détails. Je veux que tout ça se mette à vivre.
04:43 Et ça devient évidemment quelque chose qui a à voir avec l'obsession et qui peut se faire sur plusieurs années.
04:49 Après, là, on a tourné 1 an. On a tourné dans un nombre de pays incroyables. Il y a un nombre de personnages incroyables.
04:56 Ça a été un énorme moment dans ma vie dont je me suis pas en fait tellement rendu compte, parce qu'on vit avec tout ça,
05:02 parce que ça devient une façon de vivre tous les matins d'aller tourner. D'habitude, ça dure 10 semaines un tournage, même, plutôt moins.
05:09 Là, on a tourné – je ne sais même plus combien de temps – on a tourné 1 an. Et je vivais avec eux.
05:15 Et puis quand le montage s'est fini, quand on a présenté là la série au Festival de Venise, je l'ai vue projetée dans une salle de cinéma,
05:22 ça m'a touché, parce que moi, je fais du cinéma. Donc de le voir dans une salle de cinéma, c'était... Évidemment, ça me provoquait quelque chose.
05:30 Je sens comme à chaque film que ça va continuer à vivre, quoi. Et en même temps, on me fait remarquer que d'un film à l'autre,
05:38 on retrouve des choses, même des répliques, quoi. À un moment, là, sur les planches de Deauville, Ramzi, Bedia, D, Anil,
05:46 le libéralisme économique, c'est la liberté du renard libre dans un poulailler libre. Et il y avait la même phrase dans Illusion perdue.
05:52 Enfin la même phrase et le même thème, évidemment. Et donc je sens bien qu'il y a des choses qui traversent mes films,
05:58 qui se retrouvent. Je ne sais pas exactement quoi. Je n'y pense pas. Mais je sais que ça revient comme ça.
06:03 Là, je suis en train d'écrire un film qui se passe pendant la Deuxième Guerre mondiale. Et voilà, ça recommence.
06:11 Et je suis entouré de centaines de livres. Et je rencontre des gens. Et je regarde des documentaires. Et je me nourris.
06:16 J'essaye que tout ça devienne... Je ne sais pas, que ça monte en pression et en précision aussi. Et puis il y a un moment où, voilà,
06:25 d'un coup, ça va se scénariser, se mettre à écrire. Enfin d'un coup, non. D'ailleurs, j'espère que ça va se mettre à vivre.
06:30 Et que tout ça va s'incarner. Voilà, je suis obsédé par cette idée de l'incarnation. Qu'une idée abstraite, un livre,
06:36 là, le livre de Fabrice Harfi, ou une idée ou un fait divers. Et que tout ça va s'incarner à l'image. Va prendre corps avec des acteurs,
06:44 leurs vêtements, leur façon de bouger, leur déplacement, la caméra qui va suivre leur déplacement, l'utilisation d'une musique,
06:50 la lumière, les étoffes. Tout ça va faire que ça va devenir un travail de cinéma. Que ça va devenir un spectacle. Et que ce spectacle
06:57 doit nous dire quelque chose de vrai, de complexe et de profond sur la vie humaine et sur les sociétés.
07:03 — Mais à quel moment, en fait, la recherche, il faut dire, stoppe ? J'ai assez de matériaux. Parce que vous aurez très bien
07:09 publié sur de nouvelles fraudes aujourd'hui. Enfin les panneaux solaires, par exemple, les formations...
07:14 — Oui, ça peut continuer. L'affaire aurait pu continuer. Elle continue, d'ailleurs. — Tout à fait.
07:23 — En lisant le livre, on a... D'abord, le livre de Fabrice Harfi s'intéresse à un volet de l'affaire du carbone.
07:29 Il y en a eu avant. Il y en a eu après. Là, moi, c'est ce volet-là qui était dans le livre et qui m'intéressait comme base,
07:36 comme premier matériau fictionnel, romanesque. Et très vite, on a décidé qu'on irait de la découverte de l'escroquerie
07:48 jusqu'au moment où on arrête les 3 escrocs. Voilà. Enfin on n'arrête pas les 3, d'ailleurs, puisqu'il faut pas dire de choses.
07:56 Mais voilà. Il faut pas spoiler. Mais voilà. On a cadré tout de suite sur ce moment-là de l'escroc.
08:05 — Tout à l'heure aussi, vous avez mentionné beaucoup de grands noms, que ce soit du cinéma ou des auteurs.
08:12 Et vous dites que vous voulez rester vous-même en réalisant vos productions. Du coup, est-ce que vous avez un désir secret
08:20 de laisser un héritage derrière vous ? Ou pas si secret que ça, d'ailleurs, peut-être. — Non.
08:25 — Et vous savez qu'on se dise peut-être... Ah oui, ça, c'est Giannoli qui disait ça. (Rires)
08:29 — Non, non, non, non, non. Vraiment pas. Non. Non, moi, je suis dans le... D'abord, je suis dans le travail d'une façon obsessionnelle et méthodique
08:43 à la fois. Et que de travailler avec une telle... Voilà, de vouloir sans arrêt lire, m'informer sur les sujets des films, de ce que je suis en train d'écrire,
08:55 c'est sûrement peut-être pour fuir aussi autre chose. Après, ce que tout ça va devenir, je ne sais pas. Vous savez, c'est tellement...
09:10 Ça a à voir avec l'éducation. Ça a à voir avec les cinéastes qui m'ont fasciné, avec les auteurs qui m'ont fasciné, les peintres, les musiciens.
09:19 Quand on a la chance de faire ce travail, voilà, on est traversé par tout un tas de choses conscientes, inconscientes, qui font qu'on va trouver un fait divers.
09:31 Par exemple, ce film que j'ai fait, qui était à l'origine, qui était l'histoire de ce type, cet escroc qui a construit une autoroute au milieu d'un champ.
09:39 Pourquoi est-ce que d'un coup, ce fait divers me capte, me prend, et que je vais passer autant d'années à essayer de comprendre, à réfléchir et à travailler ?
09:48 Je ne sais pas tellement quel est le... Pourquoi ça se passe comme ça ? Il y a une part d'instinct, il y a une part de travail, il y a une part d'inconscient.
09:57 Ce qui m'intéresse, quand je vois un film ou quand je suis en train d'écrire, c'est de sentir qu'il y a quelque chose d'habité, que ça a une âme, que c'est sincère.
10:07 Qu'il y a derrière ça quelqu'un qui a voulu posséder un sujet et qui, en même temps, a été possédé par son sujet.
10:14 Moi, je le sens quand je vois des films de quelque chose qui s'est emparé des acteurs, d'une équipe, d'un metteur en scène,
10:22 et que l'œuvre a une sorte de rayonnement assez saisissant et inquiétant de quelque chose à échapper à tout le monde.
10:32 Tout ça est vivant, ça pose autant de questions que ça en résout, et ça a une âme et une complexité.
10:41 Et je pense que c'est ça le récit, que ce soit dans le cinéma ou une série, il y a cette idée d'une âme, d'une assomption vers un mystère,
10:53 qui a à voir à la fois avec l'art, la psychologie, la politique, et que c'est ça les œuvres qui vibrent.
11:02 Pour conclure, parce qu'on est un site de recommandation de séries, est-ce que vous pouvez partager avec nous une dernière série coup de cœur que vous recommanderiez ?
11:10 De fiction ? Oui.
11:12 Qu'est-ce que j'ai regardé comme série de fiction récemment ?
11:18 Même documentaire, si vous avez quelque chose en tête.
11:24 C'est drôle quand on me demande ce que j'ai aimé comme série.
11:30 En fait, je ne pense même pas à une série, je pense à un regard, qui était le regard de Claire Foy, je crois on dit, dans les premières saisons de The Crown,
11:41 et où il y avait des plans assez frontaux, très élégants et très simples, sur les silences de ce personnage.
11:50 Et je me disais, mais cette fille ne peut pas dire ce qu'elle a envie de dire, à cause de sa fonction, du rôle de reine,
12:00 et je me suis dit, ça va être assez beau de suivre quelqu'un et de sans arrêt se demander qu'est-ce qu'elle a à terre.
12:07 Et que ces gros plans sur son regard, je me souviens, ça m'avait beaucoup impressionné, puisque nous on était dans le secret de ses silences.
12:16 Et c'est vrai que ce regard m'a plu.
12:20 Après, une série qui m'a beaucoup marqué dans ma vie, c'était The Wire.
12:26 Parce que The Wire, qui est une série qui a une vingtaine d'années maintenant, je pense,
12:30 ça a été fait, je ne sais pas si c'est d'une façon raisonnée ou pas, un peu contre toutes les conventions hollywoodiennes.
12:36 C'est une chronique d'un petit endroit, même pas d'un quartier, d'un petit endroit.
12:41 Et je me suis rendu compte au bout de trois ou quatre épisodes que ces personnages me devenaient familier et je m'attachais à eux.
12:48 Il n'y avait pas de ficelle scénaristique classique.
12:51 Et cette formidable qualité d'incarnation des personnages, de complexité des situations avec ce rythme très particulier,
13:00 je me suis dit, oui, ça peut être personnel.
13:02 Ça existe, ça ne veut rien dire, la série d'auteurs, mais il y a...
13:07 Après, c'est vrai que dans "True Detective", il y avait quelque chose aussi qui m'a plu du personnage.
13:16 Voilà, il y a eu...
13:19 Je me souviens d'un plan où ils descendent sur un parking désert et j'ai ressenti la chaleur du sud des États-Unis.
13:26 Il y avait quelque chose qui vivait d'un coup.
13:29 Je ne sais pas, ces types, ils sont le produit d'une certaine Amérique, à une certaine époque, à un certain moment.
13:33 Ils sont psychologiquement complexes et fouillés.
13:36 En même temps, leur enquête est étrange et intéressante.
13:39 Ce magnifique générique avec cette chanson, il y a une âme.
13:45 C'est ça qui m'intéresse. C'est les séries où je sens qu'il y a une âme.
13:48 Merci beaucoup. Et on retrouve "D'argent et de sang" le 16 octobre sur Canal+.
13:54 Originos, découvrez en avant-première nos interviews sur les séries qui font l'actu.
14:00 [Générique]