Kenya, tuée par un jet de galet : “Je ne veux pas que cette histoire tombe dans l’oubli”
“Je ne veux pas que cette histoire tombe dans l’oubli”. Kenya, 25 ans, est morte après avoir reçu en plein visage un jet de galet qui a traversé le pare-brise de son véhicule. Son mari, Damiano et sa soeur, Chenilla, nous livrent leur témoignage.
Transcript
00:00 Je ne souhaite ça à personne parce qu'il y a un enfant de 2 ans et demi qui est là aujourd'hui,
00:04 qui cherche sa mère partout en fait.
00:06 Et c'est vraiment compliqué pour nous.
00:09 Pour moi, pour être assassin, il n'y a pas d'âge.
00:11 On ne peut pas dire qu'à 16 ans, 15, 16 ans, les gens sont irresponsables et ne connaissent
00:16 pas vraiment ce que ça veut dire mourir ou tuer quelqu'un.
00:19 Je ne veux pas que cette histoire s'oublie.
00:21 Des assassins, des voyous qui ont jeté une grosse pierre d'environ 3 kg sur le visage
00:41 de ma femme, complètement défigurée, gratuitement en plus, sans motif.
00:47 On partait au restaurant.
00:48 Je vous rappelle, on partait au restaurant, ça pouvait être moi ou ça pouvait être
00:52 notre famille.
00:53 Je n'avais pas compris tout de suite parce que j'ai entendu un très gros bruit, comme
00:57 un coup de canon.
00:59 Et après, j'ai vu ma femme qui finalement a incliné la tête vers l'avant.
01:04 Et après, j'ai vu la voiture complètement espargée de sang partout.
01:10 Toute la longueur des vitres, partout, il y avait du sang.
01:13 La pierre a traversé une partie du visage pour atterrir dans la chaise de mon bébé.
01:20 Si elle était là, je crois que même lui, il allait passer.
01:22 Quand je suis rentrée, franchement, je n'avais pas le mot.
01:30 C'est incroyable, mais c'est un truc de… je ne sais même pas comment le dire.
01:38 Je n'ai pas le mot.
01:39 En fait, ça m'a touchée parce que ce n'était plus ma soeur.
01:42 Elle avait une bande sur la tête.
01:44 Elle avait toute cette partie de visage-là qui était vraiment fracassée.
01:47 Elle n'avait plus… je ne sais pas comment l'expliquer, mais en tout cas, c'est atroce.
01:52 Il ne restait que cette partie-là de visage.
01:54 Après, je suis partie.
01:56 Ils m'ont expliqué qu'il n'y avait plus de solution.
01:59 Après, on est revenus le mardi.
02:02 Et puis, le mardi, ils l'ont débranchée.
02:05 Et puis, après, je suis restée avec elle jusqu'à ce qu'elle ait partie.
02:08 Ce n'était pas facile.
02:10 C'était très compliqué pour moi.
02:12 Et puis, c'était très compliqué pour la famille aussi.
02:15 Il faut arrêter de dire sans intention, sans intention.
02:31 Il y a intention.
02:32 C'est prémédité également, puisque on ne vient pas avec un caddie rempli de caillasses
02:36 sur un pont à 20h50.
02:39 Ce n'est pas par hasard qu'on se trimballe.
02:42 On sait ce qu'on va faire.
02:43 On sait pourquoi on prend le caddie.
02:45 On sait pourquoi on prend ces pierres.
02:46 Bien évidemment, on est déjà sur des excuses atteignantes de minorité
02:51 au bout d'un éventuel jugement.
02:53 Là, on réduit de moitié les peines encourues,
02:58 tout en nous expliquant que c'est finalement un jeu qui a mal tourné.
03:03 Il n'y a personne, personne, personne au niveau judiciaire,
03:06 administratif, qui les a reçus et qui leur a expliqué quoi que ce soit
03:10 sur ce qui allait se passer, sur ce qui se passait.
03:13 C'est quand même un petit peu compliqué,
03:17 cette absence, effectivement, de tout contact, de tout dialogue,
03:21 tout en respectant, bien sûr, le secret de l'enquête et les mesures qui étaient en cours.
03:24 Cette qualification, je ferai en sorte de la combattre.
03:28 J'espère être appuyé par la madame le procureur.
03:34 Déjà, avant tout, il faut que je ramène ma femme,
03:38 où je l'ai connue,
03:40 et sa famille, surtout,
03:43 préparer un enterrement,
03:44 parce qu'à Madagascar, il y a quand même des traditions très, très ancrées.
03:50 Et finalement, après ça, en mon retour ici,
03:55 je voudrais organiser une marche blanche à son honneur.
03:58 Moi, tout ce que j'attends, en fait, c'est que la justice soit faite
04:02 et que l'autorité prenne des trucs pour le pont,
04:08 parce que ce n'est pas la première fois.
04:10 Comme ça, c'est arrivé à nous aujourd'hui,
04:12 que ça peut arriver à une autre famille.
04:14 C'est tout ce qu'on demande, en fait.
04:15 Ma force de battre, finalement, c'est pourquoi j'ai un enfant,
04:18 j'ai un bébé de deux ans et demi,
04:20 qui, justement, comme je l'ai dit, je vais l'éduquer
04:22 et je vais lui donner la raison de vivre,
04:24 même sans être à côté de sa maman.
04:27 Je pense que beaucoup d'Irignones ont du cœur.
04:30 C'est pourquoi je vis ici depuis 30 ans.
04:32 Il faut vraiment, vraiment qu'on s'immobilise
04:36 contre toutes ces erreurs qui arrivent en ce moment.
04:39 Je ne parle pas que de Kenya,
04:40 mais même de la jeune fille qui a été tuée pour voir c'était quoi la mort.
04:44 Finalement, aujourd'hui, sans éducation, on ne pourra pas continuer.
04:48 [Musique entraînante diminuant jusqu'au silence]