• l’année dernière

Category

🗞
News
Transcription
00:00 A 7h45, on vous donne la parole et ce matin, la science est à l'honneur !
00:03 Oui, à l'occasion de la fête de la science, ça débute ce matin jusqu'au 16 octobre avec,
00:07 à Grenoble, un invité assez exceptionnel, le physicien Étienne Klein, vulgarisateur,
00:12 scientifique aussi, alors n'ayez pas peur des sciences ! Appelez-nous pour poser vos
00:16 questions !
00:17 Et oui, quel est votre rapport avec les sciences ? Allergiques ou passionnés ? 0476 46 45
00:21 45, racontez-nous !
00:22 Et ce matin, donc avec nous, Étienne Klein, bonjour !
00:25 Bonjour !
00:26 Merci d'être avec nous ce matin, vous êtes physicien au CEA et philosophe des sciences,
00:30 vous aimez aussi mélanger les sujets, cette fête des sciences, elle mélange physique
00:35 et sport, à première vue on se dit quel est le rapport, mais donc les sportifs devraient
00:39 étudier la physique ?
00:40 En tout cas, il y a certaines lois physiques qu'il est bon de connaître, de comprendre,
00:46 d'analyser quand on fait du sport.
00:47 Lesquelles par exemple ?
00:48 Par exemple, vous vous souvenez de ce qui s'est passé en 1968 aux Jeux de Mexico, aux Jeux
00:54 olympiques ?
00:55 Ah, des problèmes ?
00:56 Oui, il a battu le record du monde du saut en longueur et quelques minutes après, un
01:00 certain Fosbery a inventé une nouvelle technique de saut qui lui a permis de battre le record
01:06 olympique dès le premier essai.
01:07 En se retournant ?
01:08 En se retournant et en fait, il a compris, en tout cas, je ne sais pas s'il l'a compris
01:12 mais il l'a fait, il a fait passer son corps au-dessus de la barre et son centre de gravité
01:18 en dessous.
01:19 Et donc on peut franchir un obstacle alors que son centre de gravité ne le franchit
01:23 pas.
01:24 Et c'est la physique qui permet de comprendre cela.
01:27 Et puis quand vous courez 400 mètres par exemple, quel est le couloir que vous devez
01:31 choisir sur une piste ?
01:33 Est-ce que c'est celui qui est à l'intérieur ?
01:35 Est-ce que c'est celui qui est à l'extérieur ?
01:37 Là, c'est des considérations physiques qui permettent de faire le choix le plus intelligent
01:40 possible et il dépend du fait qu'il y a devant vous ou pas un autre coureur.
01:45 Oui, la résistance effectivement, tout à fait.
01:49 Cette fête de la science, elle cherche à démocratiser la science, à la rendre moins
01:52 effrayante peut-être avec des portes ouvertes notamment.
01:55 Écoutez ce qu'en pense Éric Lévin.
01:57 Il est exogéologue à l'Observatoire des sciences de l'univers de Grenoble et il nous
02:02 parle de la vulgarisation scientifique.
02:04 Les gens aiment bien voir les spécialistes faire.
02:07 Pas forcément pour comprendre.
02:08 Quand on regarde un musicien, on écoute ce qu'il produit et on ne cherche pas à savoir
02:13 comment il pose ses doigts, comment il pose sa voix, toute la partie technique.
02:17 Mais ils veulent voir le résultat.
02:19 Et un scientifique, il y a des moments, expliquer le pourquoi du comment, ça demande énormément
02:26 de connaissances.
02:27 Est-ce que vous êtes d'accord avec ça ? Pour s'intéresser à la science, pas forcément
02:31 besoin d'en comprendre tous les tenants et les aboutissants ?
02:34 Non mais je pense que la difficulté, mais c'est ce qui fait à mes yeux l'intérêt
02:37 de la démarche de vulgarisation, c'est qu'il ne faut pas simplement expliquer ce qu'on
02:41 sait, il faut expliquer comment on a su ce qu'on sait.
02:43 C'est-à-dire quelles ont été les étapes de la vie des idées qui ont permis d'obtenir
02:48 un résultat qu'on qualifie de scientifique.
02:50 Et en même temps c'est passionnant parce que ça oblige à s'intéresser à l'histoire
02:53 des sciences.
02:54 Et je trouve que la mise en récit de la science, ça lui donne du goût.
03:00 Et aujourd'hui on dit aux gens "ayez le goût des sciences", mais il faut d'abord donner
03:06 du goût à la science.
03:07 Et la vulgarisation c'est une façon de faire qui consiste non pas à simplifier les choses,
03:14 parce que quand elles sont trop simples elles deviennent insipides.
03:17 Il faut plutôt les clarifier, les rendre claires.
03:19 Ça demande du temps.
03:20 Et si c'est difficile c'est parce que souvent on est victime de ce que j'appelle une crise
03:25 de la patience.
03:26 On n'a pas le temps d'expliquer et du coup ce qu'on dit semble relever de l'argument
03:30 d'autorité.
03:31 - Je vais vous donner un exercice pratique.
03:33 Alors, est-ce que vous pourriez...
03:35 On a les contraintes de la radio, vous les connaissez d'ailleurs.
03:39 Est-ce que vous pourriez nous expliquer simplement ce qu'est la science à tous secondes ? Ces
03:43 recherches menées par Anne Lhuillier notamment et ses collègues couronnées par le prix
03:47 Nobel de physique cette semaine.
03:48 - Anne Lhuillier que j'ai bien connue parce qu'elle a travaillé au CEA pendant quelques
03:51 années avant de partir en Suède après avoir rencontré l'amour.
03:55 Elle a fabriqué des impulsions de lumière ultraviolette qui durent quelques atos secondes.
04:03 Alors l'atos seconde c'est un milliardième de milliardième de seconde.
04:06 Ça veut dire qu'il y a plus d'atos secondes dans une seconde qu'il n'y a eu dans l'univers,
04:12 dans son histoire, de secondes qui se sont écoulées.
04:14 Donc ça veut dire que l'atos seconde c'est vraiment très court.
04:17 Et on ne peut pas faire de laser dans l'ultraviolet parce qu'il n'y a pas de milieu amplificateur
04:21 qui permette d'amplifier la lumière ultraviolette.
04:23 Et ce qu'elle a fait c'est qu'elle a bombardé des gaz de Xénon, d'Argon avec des lasers
04:30 femtosecondes, 10 moins 15 secondes.
04:32 Elle a eu l'idée de regarder des flashs très courts mais plus longs que l'atos seconde
04:37 et elle a regardé la lumière qui sortait.
04:39 Elle s'est rendue compte qu'il y avait de la lumière avec des fréquences lumineuses
04:43 beaucoup plus élevées que celles qui étaient à l'entrée.
04:45 Et elle a pu montrer, c'est plutôt Pierre Agostini qui l'a montré par la suite, elle
04:50 a pu mesurer la durée de ses impulsions et vérifier qu'elles avaient des durées extrêmement
04:54 courtes qui permettent ensuite de sonder ce qui se passe dans les atomes par exemple ou
04:58 dans les molécules où il y a des électrons qui tournent autour des noyaux.
05:01 Ces électrons tournent très vite et on fait de la stroboscopie, c'est-à-dire qu'on les
05:05 éclaire par flash et on peut comme ça repérer leur trajectoire.
05:08 - France Blu, il est 7h50, on parle de science ce matin à l'occasion de la fête de la science
05:13 avec vous également.
05:14 Racontez-nous comment vous vivez la science, quelles sont peut-être les questions que
05:17 vous vous posez, 0476464545, pour vous répondre et discuter.
05:21 Le physicien est-il un vulgarisateur scientifique ?
05:24 - On en parlait, Anne Lhuillier est seulement la deuxième physicienne française à obtenir
05:29 ce Nobel de physique après Marie Curie et ce sujet des femmes dans les métiers scientifiques
05:34 il est crucial.
05:35 D'ailleurs on est en ligne avec Ferruz Malek, bonjour Madame Malek.
05:39 - Bonjour à tout le monde.
05:41 - Vous êtes chercheuse au CNRS et vous avez co-fondé l'association Parité Science pour
05:46 promouvoir la science auprès des femmes, car vous le constatez les femmes sont encore sous-représentées
05:51 dans le secteur.
05:52 - Oui en effet, non seulement elles sont sous-représentées au niveau académique mais plus encore et
06:00 plus méchamment elles ne viennent pas dans les sciences.
06:03 Elles ne prennent pas la science comme filière d'études ni comme un métier d'avenir.
06:11 Elles n'y pensent même plus.
06:13 Donc notre association qui est Parité Science, qui a été fondée il y a 20 ans localement,
06:20 qui est aussi, comme on dit, "the right hand", la main droite de femmes et sciences au national,
06:29 travaille localement pour pouvoir promouvoir les sciences auprès des jeunes femmes.
06:34 - Et ça se passe comment concrètement ? Comment on les attire concrètement vers ces métiers ?
06:37 - Alors il faut aller vraiment très tôt.
06:41 C'est-à-dire en fait on ne peut pas s'adresser aux jeunes femmes qui sont déjà à l'université,
06:47 elles sont déjà dans le parcours.
06:49 Donc il faut aller vraiment dans les niveaux très bas, presque à la maternelle je dirais.
06:58 On va essayer d'aller voir les jeunes femmes dans les collèges et dans les lycées.
07:03 Et pour pouvoir les attirer dans les sciences, on va leur parler.
07:07 - Le plus tôt possible alors ? Les intéresser le plus tôt possible ?
07:12 - Oui, on va faire des portraits de jeunes femmes.
07:13 Par exemple, vous vous rappelez, vous étiez là aussi à l'inauguration de la science
07:18 à XXL à Grenoble.
07:20 - L'exposition qui avait eu lieu au Jardin de Ville.
07:22 - Les expositions pour pouvoir promouvoir les sciences et pour pouvoir montrer que tout
07:27 le monde peut faire ce métier, hommes et femmes, et surtout elles sont à leur portée.
07:31 C'est ça qu'on fait dans ces associations de manière bénévole et ça prend en profession
07:37 notre temps de travail de chercheuse.
07:39 - Merci beaucoup Ferouz Malek pour ce témoignage.
07:43 Effectivement je rappelle votre association Parité Science.
07:45 Votre réaction Etienne Klein ?
07:47 - Oui il y a du chemin à faire, mais les choses changent rapidement.
07:50 Je trouve que dans nos métiers la féminisation se voit.
07:53 Évidemment on pourrait rêver beaucoup mieux, mais ce qui est important c'est de montrer
07:57 qu'il y a des femmes qui réussissent en science.
07:59 Vous l'avez rappelé, il n'y a que deux femmes qui ont le prix Nobel de physique, il n'y a
08:03 que cinq femmes qui ont le prix Nobel de physique.
08:06 Deux femmes françaises, mais si on prend l'ensemble de toutes les femmes sur la planète,
08:09 il y en a cinq qui ont le prix Nobel de physique, ce n'est pas beaucoup.
08:12 Mais pourtant ça avait bien commencé.
08:13 Avec Marie Curie on a eu deux prix Nobel.
08:16 Mais ça n'a pas rembrayé et il faut rattraper ce retard.
08:20 - Dans vos conférences vous voyez de plus en plus de femmes ?
08:23 - Je ne fais pas attention à ça.
08:25 Hier j'ai donné une conférence à l'université de Grenoble, il y avait 800 personnes dans
08:29 l'amphithéâtre Veil et je crois qu'il y avait une relative parité.
08:33 - Autre sujet de prédilection pour vous, la montagne.
08:36 Vous nourrissez une passion profonde pour la montagne.
08:39 Qu'est-ce que ça vous apporte en tant que physicien, que scientifique ?
08:42 - Je ne me pose même pas la question.
08:45 J'y vais par...
08:47 J'y suis poussé par je ne sais quelle force intérieure, j'ai un psychisme ascensionnel.
08:52 - C'est le titre du livre que vous aviez écrit ?
08:54 - Quand je vois un sommet je me demande pourquoi j'y suis pas.
08:56 Et comme vous le savez bien qu'après une course en montagne, que ce soit de la randonnée
09:01 d'ailleurs ou une course d'alpiniste plus engagée, quand vous revenez vous n'êtes
09:05 jamais dans le même état que celui que vous aviez au moment de partir, même si vous revenez
09:09 au même endroit.
09:10 Et ça c'est quelque chose qui fait que votre psychisme est modifié, en général dans
09:15 le bon sens.
09:16 - Et dans ce livre, "Psychisme ascensionnel", vous expliquez aussi que les pionniers de
09:20 la physique faisaient tous quasiment de la montagne.
09:23 - Les pionniers de la physique antique, dans les années 30, en effet, les Heisenberg,
09:27 Bohr, Dirac, pratiquaient la montagne Fermi aussi, Enrico Fermi.
09:31 Mais alors est-ce que c'était un effet de leur culture, de leur milieu social, de leur
09:36 pratique de physicien ?
09:37 Ça je ne sais pas, mais en tout cas, tous à quelques exceptions près, pratiquaient
09:41 la montagne.
09:42 - Et vous avez aussi participé à un film, "En montagne, l'esprit de Cordée", un film
09:47 sur votre traversée des grandes Jaurasses, racontez-nous rapidement cette aventure.
09:50 - Oui, c'est un film, enfin c'est pas un film, c'est d'abord une course de montagne
09:53 que j'ai faite en juillet 2022 avec mon ami François Damilano.
09:58 On devait faire un film sur le rapport qu'on a avec le temps quand on est en montagne.
10:02 Et puis les conditions furent telles avec la culpule, orages, chutes de pierres, que
10:09 moi je le vois plutôt comme un film sur la peur.
10:11 - Et sur le champ climatique peut-être ?
10:12 - On était mort de trouille, ça a duré trois jours.
10:14 Et donc c'est un film qui montre comment on peut vraiment avoir peur en montagne, chose
10:19 qui chez moi n'était arrivée que très très rarement et de façon très brève, alors
10:24 que là ça a été pleinement vécu dans la terreur pendant trois jours.
10:27 - Et le film sera projeté ce week-end à Chamonix, puis ensuite il fera la tournée
10:31 des festivals d'aventure.
10:33 Merci beaucoup Etienne Klein d'avoir été notre invité ce matin, physicien au CEA et
10:39 psychologue des sciences, on l'entend, philosophe des sciences.
10:42 - Un psychologue aussi !

Recommandations