• l’année dernière
C'est un conflit dont on parle beaucoup moins que celui qui fait rage en Ukraine, mais tout aussi inquiétant.
Celui qui oppose de nouveau depuis quelques jours l'Arménie à l'Azerbaïdjan.
Il porte en particulier sur un territoire, appartenant à l'Arménie, mais situé au sein du territoire azerbaïdjanais: le Haut-Karabakh.
3000 km2, soit l'équivalent d'un département comme la Haute Garonne....
Un conflit qui dure depuis des années.
Il y a deux semaines, les forces azerbaïdjanaises se sont donc emparées du Haut Karabakh, obligeant des milliers d'arméniens, qui y vivent, à fuire.
Pour celles et ceux qui ont eu le temps de le faire.
Car on commence aussi à parler de véritable épuration ethnique, menée par le pouvoir en place à Bakou, la capitale azeri.
On en a parlé ce matin avec une sétoise, installée en Arménie depuis 5 ans.
Camille Villenave Ghazaryan, professeur d'histoire-géographie à Erevan, la capitale arménienne, s'est installée là-bas avec son mari, arménien.

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Transcription
00:00 - On est invité dans le 6/9, Camille Villeneuve qui est en direct avec nous depuis Erevan, la capitale de l'Arménie.
00:04 Camille Villeneuve qui est installée depuis 5 ans avec son conjoint arménien, Guillaume Rouland.
00:09 - Bonjour Camille Villeneuve-Gazarian. - Bonjour.
00:12 - Vous êtes en ligne avec nous depuis Erevan, la capitale de l'Arménie, où vous êtes installée depuis 5 ans, c'est ça Camille ?
00:20 - C'est tout à fait ça. - Et vous êtes originaire de CET, vous êtes une CEToise en Arménie.
00:25 - Exactement. - Vous êtes partie là-bas, je crois qu'on peut le dire, par amour, pas seulement pour l'Arménie mais d'abord pour un Arménien.
00:33 - C'est exactement ça. - Alors merci Camille d'avoir répondu et accepté notre invitation ce matin.
00:41 Depuis 15 jours on observe d'ici en France un conflit qu'on a peut-être un petit peu de mal à comprendre,
00:47 qui dure pourtant depuis des années entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan.
00:51 D'abord j'ai envie de vous demander ce matin comment allez-vous, vous et votre famille ?
00:55 - Nous allons bien, nous concernant à Erevan les choses sont assez stables si on compare à la situation des réfugiés du Karabakh, mais oui, on va bien.
01:07 - Et alors depuis 15 jours la situation est quand même extrêmement tendue, j'imagine, dans l'ensemble du pays, même si c'est avant tout ce territoire du Haut-Karabakh qui est concerné.
01:18 - Tout à fait, le territoire du Haut-Karabakh qui en fait actuellement a été vidé à peu près pour l'instant 90-95%, on n'a pas encore de chiffre très précis de sa population, en à peine une semaine.
01:32 C'est-à-dire que la population du Haut-Karabakh d'après les derniers recensements est de 220 000 personnes.
01:37 Aujourd'hui on sait qu'il y a à peu près 105 000 réfugiés du Karabakh en Arménie.
01:44 On n'a pas de chiffre précis entre les disparus, les personnes qui sont restées, les personnes qui n'ont peut-être pas été recensées lors de leur passage en Arménie.
01:54 Mais en tout cas ça veut dire que l'Arménie a dû absorber en très peu de jours 100 000 personnes.
01:58 Pour un pays de 2,5 millions d'habitants c'est énorme.
02:01 - Rien que la capitale du Haut-Karabakh c'est assez impressionnant, Stepanakert, c'était une ville d'environ un peu plus de 50 000 habitants je crois.
02:08 Aujourd'hui c'est une ville morte, c'est carrément une ville fantôme, non ?
02:12 - C'est une ville fantôme, tout à fait. La police azérie a déjà pris possession des lieux.
02:17 L'état du Haut-Karabakh n'existera plus au 1er janvier 2024 et donc effectivement c'est une ville qui est aujourd'hui vidée de sa population.
02:26 - Alors il faut expliquer à nos auditeurs un peu la situation géopolitique sur place.
02:30 Le Haut-Karabakh c'est une enclave arménienne au sein du territoire azerbaïdjanais.
02:35 C'est environ 3000 km², c'est l'équivalent grosso modo d'un département comme la Haute-Garonne.
02:41 Mais c'est au beau milieu du territoire azérie en fait ?
02:45 - Alors au beau milieu oui, tout en sachant qu'il y avait une continuité territoriale de fait, une continuité territoriale militaire de facto.
02:55 C'est-à-dire que sur la carte on voit l'enclave au milieu du territoire azerbaïdjanais.
03:00 Or dans les faits, ce sont les cartes des traités qui ont été signés bien avant 91, ce sont les cartes soviétiques qui ont dessiné ce découpage.
03:12 Mais en fait dans les faits il y avait un corridor, ce qu'on appelle le corridor de la Chine, qui reliait l'enclave arménienne au territoire arménien.
03:20 - Oui parce que ce qui se passe aujourd'hui en fait, bon ça prend un peu sa source.
03:23 On dit que c'est un conflit qui dure depuis un siècle, mais ça prend quand même sa source en 91 au moment de l'éclatement de l'empire soviétique.
03:30 - Tout à fait, à l'éclatement de l'URSS, lorsque toutes les républiques soviétiques ont demandé leur indépendance,
03:39 l'Arménie et l'Azerbaïdjan ne faisant pas exception, l'ont demandé sans les suivis suite à cette déclaration de l'indépendance.
03:45 Une guerre entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan pour certains territoires disputés,
03:50 notamment le Naryan qui est une enclave azerbaïdjanaise aujourd'hui en territoire arménien,
03:54 et le Haut-Karabakh appelé par les Arméniens Artsakh en territoire azerbaïdjanais.
03:59 - Alors vous Camille Villeneuve-Gazarian, en tant que c'est toi zéroltèse installée là-bas depuis 5 ans,
04:06 comment vous vivez les choses, comment vous vivez la situation, l'atmosphère qui règne en Arménie aujourd'hui autour de ce conflit ?
04:13 - Alors c'est un sentiment extrême d'impuissance, c'est-à-dire qu'on sait qu'à 600 km, disons les choses comme elles sont,
04:19 une épuration ethnique a eu lieu, un mouvement forcé de population, ce qu'on appelle en histoire une déportation,
04:25 et on se sent excessivement impuissants par rapport à la situation puisque les cartes ne sont pas entre les mains de la population arménienne,
04:32 ni du Haut-Karabakh, et donc on voit défiler tous ces réfugiés en se disant "mais qu'est-ce qui s'est passé en si peu de temps ?"
04:41 Ils ont perdu leur territoire en à peine 4 jours en fait, c'était quelque chose d'assez éclair,
04:47 même si un siège de 9 mois a précédé ce mouvement de population, et donc si vous voulez le fait de vider complètement le Haut-Karabakh de sa population arménienne,
04:59 ça a été tout de même très brutal, et surtout ce que nous on vit en tant qu'habitants ici,
05:05 c'est l'inquiétude par rapport à la déstabilisation à la fois interne de l'Arménie, mais aussi par rapport à la déstabilisation externe des frontières arméniennes,
05:13 qui viennent d'être touchées de manière très directe, et on se doute bien que les choses,
05:19 alors ne font pas que commencer, ça serait exagéré, mais on se doute bien que l'Azerbaïdjan et l'Arménie, le conflit n'est pas terminé.
05:26 - On va y revenir, j'ai une question aussi Camille à vous poser là-dessus, mais est-ce qu'on peut véritablement parler d'épuration ethnique ?
05:32 Je crois que l'Europe, l'Union Européenne a évoqué le problème en ces termes-là, pas plus tard qu'hier.
05:38 - Alors si je prends la définition stricto sensu, c'est-à-dire on a vidé un territoire de sa population,
05:44 c'est ce qu'on appelle une épuration de population, ou ethnique en ce qui concerne la question arménienne, c'est assez clair.
05:52 Mais effectivement on vide un espace de sa population, je ne connais pas d'autres terminologies pour définir cet événement.
06:02 - L'avenir, comment vous le voyez, on a un petit peu discuté au téléphone l'autre jour, vous me disiez, pour préparer notre échange,
06:10 vous me disiez, ça n'est que le début, c'est-à-dire que même si les frontières arméniennes aujourd'hui ne sont pas menacées,
06:17 en dehors de ce territoire du Haut-Karabakh, vous craignez qu'on commence avec le Haut-Karabakh,
06:23 et que l'Azerbaïdjan continue demain par une invasion de l'Arménie, tout simplement, ce sont vos craintes aujourd'hui ?
06:30 - Alors c'est surtout le Sud qui aujourd'hui est menacé, d'autant plus que le président Aliyev ne fait pas du tout mystère
06:38 de ses ambitions et de ses projets dans le Caucase, et il a comme ambition très clairement de relier son enclave à lui,
06:45 Azerbaïdjanaise, au territoire azerbaïdjanais, ce qu'il a commencé à faire par le Haut-Karabakh,
06:49 et ce qu'il va certainement avoir envie de continuer dans l'optique de créer un couloir, si vous voulez,
06:56 ce qu'ils appellent la Grande Turquie, c'est l'idée du pantouranisme, de relier les populations turcophones entre elles.
07:04 - L'Azerbaïdjan est clairement soutenu par la Turquie aujourd'hui, on rêve de refaire le vieil empire ottoman.
07:10 - Tout à fait, il n'y a aucun secret sur la question, il n'y a pas de langue de bois de la part de ces deux dirigeants,
07:17 et l'ambition est clairement de reconquérir des territoires qui, selon le président Aliyev, appartiendraient à l'Azerbaïdjan,
07:25 et donc de relier le Nari Djevan, logiquement, à l'Azerbaïdjan, c'est-à-dire tout le sud de l'Arménie,
07:30 tout ce qui la relie au deuxième seul pays avec lequel elle a une frontière qui fonctionne, c'est l'Iran.
07:35 - Camille, une dernière question, ce que fait l'Azerbaïdjan aujourd'hui avec l'Arménie,
07:39 est-ce qu'on peut comparer ça avec ce que Vladimir Poutine et la Russie font avec l'Ukraine ?
07:45 Ça avait commencé avec... j'ai un trou... c'est cette partie ukrainienne qui a été annexée à la Crimée.
07:54 Merci, j'ai eu un trou, est-ce que ça avait commencé avec la Crimée en 2014,
07:59 ensuite il y a eu l'invasion de l'Ukraine l'année dernière, est-ce qu'il y a une similitude entre les deux événements selon vous ?
08:05 Vous êtes professeur d'histoire-géographie, donc je me permets de vous poser la question aussi,
08:08 parce que vous avez une vision assez géopolitique de cette affaire.
08:12 - Malheureusement, toutes les annexions, tous les expansionnismes ont des points communs entre eux,
08:17 et les visées expansionnistes ont ça de commun entre elles, c'est qu'elles s'arrêtent rarement à un seul territoire
08:23 pour régler un conflit. Donc si on prend d'autres exemples historiques, notamment le Carus,
08:30 qui est assez emblématique des ambitions expansionnistes, ça ne serait absolument pas étonnant
08:35 que l'appétit expansionniste de M. Eliev continue.
08:39 - Merci beaucoup Camille Villeneuve-Gazarian, vous n'avez pas prévu de revenir à CET pour le moment,
08:43 la situation ne vous l'impose pas, mais si les choses se dégradent, j'imagine que vous y pensez.
08:48 - Pour l'instant, on a l'espoir que les choses vont éventuellement s'arranger,
08:54 on a l'espoir que nos réfugiés puissent revenir, sains et saufs, sur le territoire arménien,
09:01 tous, ils ne sont actuellement pas tous encore revenus, et on espère que l'Arménie va pouvoir sécuriser
09:07 ses frontières, sécuriser sa population à l'intérieur, et que l'Arménie aura des heures moins sombres dans le futur.
09:13 - Merci beaucoup en tout cas d'être intervenue en direct depuis Erevan, ce matin je le rappelle,
09:19 pour nous décrire un peu la situation sur place et nous aider à mieux comprendre ce conflit.
09:23 Merci Camille Villeneuve-Gazarian, merci et bon courage à vous.
09:26 - Erevan, la capitale de l'Arménie, Camille Villeneuve, notre invitée, témoignage fort à retrouver sur francebleu.fr
09:32 et l'application ici, il est 8h20, on regarde vos conditions de circulation, compliqué si vous prenez l'autoroute A9 ce matin,
09:38 alors d'abord sur la 709 entre Montpellier Sud et Montpellier Est c'est bien chargé, par contre là où c'est très compliqué de circuler,
09:44 c'est si vous allez en direction de Nîmes à portée de 100.

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