La dernière colonie,
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00:00 Nous voulons rentrer dans notre pays.
00:08 Rendez-nous notre terre et nos richesses naturelles.
00:10 Comme ça on ne souffrera plus de la famine et on aura tout ce qu'il nous faut.
00:13 Il faut que le Maroc quitte notre pays.
00:15 Nous voulons un Sahara occidental libre et rien d'autre.
00:25 Je suis en colère parce que je vois bien ce que mon peuple subit depuis plusieurs générations.
00:33 Et ça me concerne directement, je suis né dans un camp de réfugiés.
00:37 Je sais ce qui est arrivé à mes parents et à mes grands-parents.
00:41 Ils ont vécu la guerre et la misère.
00:44 A cause de la guerre au Sahara occidental, ils ont dû fuir et s'installer dans des
00:51 camps de réfugiés où ils ont vécu dans des conditions très difficiles.
00:56 Et ils ne veulent pas que la même chose m'arrive.
00:59 Mohamed Souleiman est né dans le sud-ouest de l'Algérie, dans un camp de réfugiés,
01:06 en plein désert.
01:07 Il n'a jamais vu le pays de ses parents.
01:10 Ce film raconte l'histoire de son peuple, les Sahraouis, les habitants du Sahara occidental.
01:16 (musique) (cris de la foule)
01:44 Nous avions engagé Mohamed en tant qu'interprète.
01:54 Puis, il nous a proposé de vivre avec sa famille pour que nous nous fassions une idée
01:59 de ce qu'est la vie dans un camp de réfugiés.
02:01 Mohamed vit avec ses parents, Fatimatou et Souleiman, et ses cousines, ainsi que son
02:24 frère Moustapha dans le camp de Smara, le plus grand des cinq camps autour de la ville
02:29 algérienne de Tindouf.
02:30 Les camps accueillent plus de 100 000 réfugiés.
02:34 Ils sont loin de leur pays, dépendants de l'aide humanitaire, et sans espoir de décider
02:39 eux-mêmes un jour de leur propre avenir.
02:41 Mohamed a fait des études d'art et de littérature anglaise en Algérie.
03:01 Il avait de grands projets, mais il est retourné vivre dans le camp pour aider ses parents.
03:06 Souleiman, son père, est presque aveugle.
03:09 Mohamed taille à sa place les vêtements pour la boutique familiale.
03:14 Souleiman était un bédouin libre et fier jusqu'au jour où l'armée marocaine a envahi
03:19 son pays.
03:20 Au fond de lui, mon père est un homme très triste.
03:31 Autrefois, il vivait au Sahara occidental, et quand il me parle de cette époque, il
03:35 me dit que pour lui, c'était le paradis.
03:37 Il n'y a que le désert là-bas, mais il vivait selon le mode de vie de son peuple,
03:44 à la manière dont il avait choisi de vivre.
03:46 Pour lui, c'était ce qu'il y avait de mieux.
03:49 Mais ce paradis a été détruit à la suite d'une invasion brutale.
03:53 Il s'est retrouvé dans un camp.
03:56 C'est une histoire tragique.
03:58 Il a été déplacé de force.
03:59 Il a dû quitter son pays pour vivre dans un camp.
04:04 Tout son environnement, la nourriture, l'air qu'il respirait, et même les gens, tout
04:10 a changé à ce moment-là.
04:11 Tu perds tout ton style de vie et tu ne sais pas si tu le retrouveras un jour.
04:15 Il a dit que toute la famille partage cette même colère.
04:45 Les ancêtres de Mohamed s'appellent les Sarawis.
05:15 Les habitants du Sahara.
05:17 Un peuple de nomades qui vivait dans l'ouest du Sahara et parfaitement adapté à la vie
05:23 dans le désert.
05:24 À la fin du 19e siècle, les Espagnols occupent le territoire des Sarawis et le baptisent
05:33 Sahara espagnol.
05:34 Ils y découvrent d'importantes richesses minières, mais se désintéressent de la population.
05:41 Régulièrement, les Sarawis se révoltent.
05:45 En 1973, ils fondent l'armée de libération du front polisario.
05:49 Ados de chameaux et armés de vieilles carabines, ils résistent à l'occupant avec succès.
05:56 En 1975, l'Espagne se déclare prête à se retirer du Sahara occidental.
06:04 Mais avant même d'être libérée, la colonie suscite la convoitise du roi du Maroc Hassan
06:10 II.
06:11 La même année, il organise la marche verte.
06:14 350 000 colons marocains entrent dans le Sahara occidental qui se retrouve annexé
06:19 par le Maroc.
06:21 Quatre semaines plus tôt, la Cour internationale de justice avait pourtant rejeté les revendications
06:26 territoriales du Maroc.
06:28 Pendant que l'armée marocaine envahit le Sahara occidental par le nord, des troupes
06:49 mauritaniennes entrent par le sud.
06:50 L'Europe et les Etats-Unis soutiennent l'invasion avec des livraisons d'armes.
06:57 25 000 civils sahraouis meurent sous les bombes au phosphore et au napalm.
07:01 Plus de 100 000 personnes fuient à travers le désert jusque dans l'ouest algérien.
07:05 Elles trouveront refuge dans des camps non loin de la ville de Tindouf.
07:10 Hassan II croit pouvoir gagner la guerre en quelques jours.
07:16 Mais les Sahraouis résistent farouchement et proclament leur propre Etat, la République
07:21 arabe Sahraoui démocratique.
07:23 En 1979, la Mauritanie se retire.
07:29 Le Maroc occupe alors également la partie sud du territoire et entame la construction
07:34 d'un mur.
07:35 2 700 km de sable, de fortifications et de champs de mines.
07:39 A l'ouest, la partie occupée par le Maroc.
07:43 A l'est, les territoires conquis par le Polisario.
07:45 La guerre du Sahara occidental durera 16 ans.
07:50 Ce n'est qu'en 1991 que l'ONU obtient un cessez-le-feu et envoie des casques bleus
07:55 dans le cadre de la mission Minurso.
07:57 Son objectif ? Garantir la paix, recenser la population et dans un deuxième temps, organiser
08:05 un référendum.
08:06 Les Sahraouis allaient pouvoir décider s'ils veulent fonder leur propre pays ou vivre sous
08:11 la couronne marocaine dans un régime d'autonomie partielle.
08:14 Ce processus devait durer quelques mois à peine.
08:18 Mais aujourd'hui, 21 ans plus tard, il semble toujours enlisé dans le sable du Sahara occidental.
08:25 Accompagnés de Mohamed, nous nous rendons à Tifariti.
08:32 Nous quittons l'Algérie et pénétrons loin dans le territoire dominé par le Polisario.
08:38 Le trajet à travers le désert prend presque toute la journée.
08:42 Pour les Sahraouis, Tifariti est un lieu hautement symbolique.
08:46 Pendant la guerre, ce village a été envahi plusieurs fois par l'armée marocaine avant
08:58 d'être aussitôt repris par les unités du Polisario.
09:01 Un poste militaire avec quelques soldats a été installé.
09:05 Mais à part la carcasse d'un avion abattu, un char d'assaut incendié et des tonnes de
09:10 mines, il n'y a rien à surveiller.
09:12 Et ce, alors que le cessez-le-feu avec le Maroc dure depuis près d'un quart de siècle.
09:17 Nous
09:46 avons rendez-vous avec un commandant de l'armée du Polisario.
09:50 Il y a plusieurs années, il a combattu ici en tant que jeune soldat, convaincu qu'il
09:55 pourrait tôt ou tard retourner dans son pays.
09:57 "Il ne faut jamais perdre espoir.
10:05 Parce que cela signifierait que l'on renonce.
10:18 Et nous ne renoncerons pas, jusqu'au jour où nous réussirons à faire valoir nos droits.
10:27 C'est vrai, la durée de notre exil s'éternise.
10:34 Il est vrai également que l'ONU a fait peu de choses pour les Sarraouis.
10:42 Nous avons été chassés de notre pays alors que nous n'avons fait aucun mal à qui que
10:50 ce soit.
10:51 Mais nous sommes prêts à repartir en guerre, pour reconquérir nos droits et notre territoire.
10:57 Même si nous devons payer ce combat de notre vie.
11:01 Au moins, on dira de nous, voici un peuple qui est mort pour une cause juste."
11:08 Retour vers l'été 1991.
11:18 Après de longues négociations, les Nations Unies obtiennent un cessez-le-feu entre l'armée
11:24 marocaine et le front Polisario.
11:26 Mais peu avant le jour convenu pour la fin des hostilités, les Marocains procèdent
11:31 à un ultime bombardement sur Tifarity.
11:34 Ils détruisent la plupart des bâtiments et les sources d'eau.
11:37 16 familles sont décimées.
11:39 Les ruines causées par cette attaque sont toujours visibles, comme un mémorial de cette
11:44 guerre.
11:45 "Ce n'est pas une histoire de paix, et pourtant c'est une histoire de paix.
12:03 D'un côté, les Marocains ont apporté énormément de souffrance à notre peuple.
12:08 Et malgré cela, 40 ans après, les Sarraouis continuent de croire à la paix.
12:13 C'est incroyable.
12:14 Comment pouvez-vous endurer tant de souffrance, avec tant de patience, sans répondre à
12:19 la violence par la violence ? Les nomades ont développé l'aptitude à la patience,
12:27 mais je ne sais pas combien de temps cette patience va tenir.
12:31 Et je crois que la communauté internationale ne devrait pas continuer de mettre notre
12:37 patience à l'épreuve.
12:38 Il faut une solution rapide, sinon la situation pourrait exploser.
12:42 Partout dans le monde, il y a des situations qui explosent, du jour au lendemain.
12:47 Et la durée de ce conflit a déjà dépassé ce qui est humainement supportable.
12:52 Personne n'a envie de vivre toute sa vie en tant que réfugié, loin de là où il
12:58 est né et où il a grandi.
12:59 Mon peuple lutte pour son identité, pour son histoire, pour ses souvenirs, ses ancêtres,
13:06 son mode de vie."
13:08 A Berlin, nous avons rendez-vous avec Najat Hamdi.
13:24 A l'âge d'enfant, elle a fui la guerre aux côtés de ses parents.
13:28 Aujourd'hui, elle est la représentante des Sarouis en Europe et se bat pour que, malgré
13:34 les années qui passent, son peuple ne tombe pas dans l'oubli.
13:37 "Je suis un peu comme toi.
13:44 Je suis comme toi."
14:02 "C'est l'une des grandes forces de la société saraouie.
14:14 La patience, la patience et encore la patience.
14:18 Certes, tôt ou tard, cette patience finit par arriver à son terme.
14:24 Et actuellement, beaucoup de jeunes saraouis veulent repartir en guerre.
14:28 Fort heureusement, et c'est aussi mon point de vue, la majorité de mon peuple ne le souhaite
14:35 pas.
14:36 Car nous avons déjà connu la guerre.
14:39 Et nous sommes toujours en lutte.
14:42 Pour moi, le simple fait d'être sur place et de résister est une forme de combat.
14:49 C'est un combat pacifique.
14:51 Car nous pensons que la voie de la raison est celle du référendum et l'autodétermination.
14:56 L'intifada pacifique est le meilleur moyen de faire valoir nos droits."
15:05 Le soulèvement pacifique, c'est aussi l'état d'esprit du camp de Gdemizik, près de la
15:12 ville d'El Ayoune.
15:13 Plus de 200 000 saraouis vivent dans la zone occupée par le Maroc.
15:17 En octobre 2010, 5 000 d'entre eux se rassemblent à Gdemizik pour protester contre l'occupation
15:24 du Sahara occidental.
15:26 La veille du 8 novembre 2010, d'importantes forces de police marocaines se regroupent
15:42 devant le camp.
15:43 La panique s'installe.
15:44 Le lendemain, à l'aube, les unités marocaines prennent le camp d'assaut, faisant usage
16:09 de gaz irritants, de gaz lacrymogènes et de matraques.
16:12 Notamment contre les femmes et les enfants.
16:15 A midi, les tentes sont en feu.
16:22 Les habitants du camp s'enfuient en direction d'El Ayoune.
16:29 L'atmosphère est survoltée.
16:33 Dans la foule, la colère est à son comble.
16:40 Peu après, des incendies éclatent dans la périphérie d'El Ayoune.
16:48 Pour de nombreux observateurs internationaux, cette journée marque le véritable début
16:53 du printemps arabe, plusieurs mois avant les manifestations en Tunisie et en Égypte.
16:58 En 2010, les militants marocains ont fait face à la guerre.
17:28 Le militant marocain Hassana Aaliyah est âgé de 22 ans.
17:32 Il fait partie des organisateurs du camp de Gdemizik.
17:35 Quelques jours après le démantèlement, il est arrêté par la sécurité marocaine.
17:40 Ils m'ont arrêté et m'ont emmené au commissariat.
17:50 Là, ils ont commencé à me torturer.
17:58 Ils ont employé plusieurs méthodes de torture, mais je préfère ne plus en parler.
18:05 Nous étions dans une pièce dont les murs étaient maculés de sang.
18:09 Ils m'ont dit que c'était le sang de mes compagnons, qu'ils étaient en prison,
18:14 que je n'allais pas tarder à les rejoindre.
18:16 Ils ont continué à me torturer.
18:20 Dès le départ, ils m'ont bandé les yeux, et puis ils ont attaché une corde à mes
18:25 pieds et m'ont suspendu au plafond, la tête en bas, des heures durant.
18:29 Mais au tribunal, ils n'avaient pas de preuve contre moi, parce qu'ils n'ont pas réussi
18:38 à me faire signer quoi que ce soit.
18:39 Ils ont juste réussi à poser mes empreintes digitales de force sur une déposition.
18:45 Devant le juge et le procureur, mon avocat a fait valoir qu'en tant que saraoui cultivé,
18:57 j'aurais pu signer de ma main, et que la présence de mes empreintes digitales était
19:01 forcément due à l'usage de la force.
19:03 Grâce à cela, je n'ai été condamné qu'à quatre mois avec sursis.
19:11 Immédiatement après le procès, Hassana quittera le pays.
19:22 Aujourd'hui, il vit en exil en Espagne, à Saragosse, où il est étudiant.
19:26 Il y a quelque temps, il a appris que la justice marocaine l'avait rejugé et condamné à
19:32 nouveau.
19:33 Cette fois, à la prison à perpétuité.
19:35 Depuis, il vit dans la peur d'une extradition vers le Maroc.
19:43 Ces dernières années, le Maroc a signé plusieurs accords concernant les droits de
19:50 l'homme et des conventions juridiques.
19:52 Mais les bonnes intentions restent purement théoriques la plupart du temps.
19:57 Nous avons constaté que le Maroc ne respectait pas les conventions internationales qu'il
20:10 a signées.
20:11 Par exemple, le pacte international relatif aux droits civils et politiques, mais aussi
20:18 la convention contre la torture.
20:20 Nous avons même vu des accusés être battus dans la salle d'audience et le juge n'a
20:25 rien fait pour empêcher cela.
20:26 Il est très préoccupant de voir que des condamnations ont été prononcées uniquement
20:45 sur la base de témoignages de policiers ou d'agents de la sécurité marocaine.
20:49 Autrement dit, des juges rendent des verdicts sans que les accusés n'aient eu la possibilité
20:58 de se défendre ou de citer leurs propres témoins.
21:01 Le droit de la défense est bafoué, aussi bien lors de procès civils que militaires.
21:08 Par ailleurs, il est inadmissible que des civils soient jugés par un tribunal militaire.
21:16 Nous avons aussi des preuves attestant que des dépositions obtenues sous la torture
21:29 ont été acceptées par les juges.
21:31 Scène de la vie quotidienne à El Ayoun.
21:43 Régulièrement, les manifestations des Sahraouis sont violemment réprimées par des policiers
21:47 en uniforme ou en civil.
21:49 Jets de pierre, coups de matraque, les brutalités policières visent tout particulièrement les
21:54 femmes.
21:55 Ils m'ont attrapée en pleine rue.
22:25 Ils m'ont traînée jusque dans une ruelle.
22:27 Là, ils m'ont frappée.
22:30 J'ai un cancer du sein, je leur ai dit.
22:36 Mais ils ont continué à me frapper.
22:38 Et ils m'ont urinée dans la bouche.
22:41 Et régulièrement, ils me frappaient sur les seins.
22:44 Quand je leur ai dit que j'étais malade, ils m'ont répondu « Vous, les Sahraouis,
22:48 vous dites toujours ce genre de choses pour qu'on vous laisse partir ».
22:50 Le passage à Taba a continué.
22:55 Ils me frappaient très violemment.
22:57 Je n'aurais jamais imaginé qu'une telle chose m'arriverait un jour.
23:01 Nous recevons régulièrement des rapports faisant état de graves violations des droits
23:31 de l'homme dans ces territoires.
23:32 D'une part, les manifestations pour l'indépendance du Sahara occidental sont extrêmement encadrées,
23:40 quand elles ne sont pas interdites.
23:41 D'autre part, des opposants au gouvernement marocain ou des militants pro-indépendance
23:48 sont régulièrement molestés ou brutalisés, notamment lors de garde à vue policière.
23:52 Et ils n'ont pas l'opportunité d'alerter l'opinion à ce sujet.
23:57 Ces rapports sont récents et nous les considérons comme très préoccupants.
24:05 Nous sommes de retour dans la partie libre du Sahara occidental.
24:12 Mohamed nous a parlé d'une manifestation qui a lieu plusieurs fois par an.
24:18 En véhicule tout terrain, nous traversons la zone du Polisario jusqu'au mur qui sépare
24:22 le territoire des Sahraouis.
24:25 Plus de 7 millions de mines restent enfouies dans le sol.
24:29 Nulle part au monde, la densité de mines n'est aussi élevée qu'ici.
24:33 Et nulle part, les efforts de déminage ne sont aussi sporadiques.
24:37 De nombreux Espagnols sont venus par solidarité pour manifester aux côtés des Sahraouis,
24:57 contre le mur, contre l'occupation du Sahara occidental par le Maroc, mais aussi contre
25:02 l'attitude des gouvernements européens.
25:04 Le tout sous les yeux des casques bleus et des soldats de l'armée marocaine.
25:11 C'est une honte que personne en Europe, à part peut-être en Espagne, ne s'intéresse
25:35 à cette situation.
25:36 Je suis ici pour la deuxième fois, afin d'apporter mon soutien au peuple Sahraoui.
25:42 Je suis venu planter une graine modeste dans ce désert de sable, avec l'espoir de contribuer
25:48 à changer les choses.
25:49 Nous sommes de retour dans le camp de Smara, en Algérie.
26:01 Les journées s'écoulent dans une certaine torpeur, sous des températures proches de
26:05 50 degrés.
26:06 Mohamed nous a organisé un rendez-vous avec le président du croissant rouge Sahraoui.
26:13 Il est responsable de la distribution de l'aide humanitaire dans les camps.
26:18 Cela concerne plus de 100 000 personnes.
26:20 Plus de 90% de l'alimentation provient du programme alimentaire mondial.
26:25 La nourriture n'est ni saine ni variée.
26:40 Fruits, légumes et protéines sont les grands absents du menu des réfugiés.
26:44 Leur régime alimentaire se compose surtout de lentilles, de haricots, de riz, de pommes
26:52 de terre, de sucre et d'huile.
26:54 Mais là aussi, les livraisons se raréfient.
26:56 Le président nous explique que sur 16 pays donateurs, il n'en reste aujourd'hui plus
27:07 que 5.
27:08 Et il n'a jamais vu le moindre sac provenant d'Allemagne.
27:12 Nous sommes face à un défi un peu particulier, parce que l'attention du monde se focalise
27:23 surtout sur les crises les plus récentes.
27:25 Et on oublie les conflits plus anciens, comme le nôtre.
27:28 Quand un pays donateur reçoit deux dossiers de demande d'aide alimentaire, l'un provenant
27:35 du Sahara occidental et l'autre d'une région qui fait l'actualité, comme la Syrie, il
27:40 choisit d'envoyer son aide en Syrie.
27:42 Et il nous dit, il va falloir attendre, nous devons d'abord répondre aux situations les
27:47 plus urgentes.
27:48 C'est l'un des défis auxquels nous sommes confrontés.
27:55 Notre situation tombe peu à peu dans l'oubli.
27:59 Année après année, le problème de la stabilisation de notre région passe au second plan.
28:05 Peu avant notre départ, le président nous dit que la distribution des denrées alimentaires
28:19 n'a jamais posé le moindre problème.
28:21 Il ajoute que c'est grâce aux femmes des camps qui veillent scrupuleusement à ce que
28:26 les répartitions permettent à chacun de survivre.
28:28 Dans la société saraoui, les femmes sont très respectées et elles ont les mêmes droits
28:40 que les hommes.
28:41 Elles occupent des fonctions gouvernementales, elles étudient à l'étranger et reviennent
28:45 avec des diplômes de médecin ou d'enseignante.
28:48 Dans le monde islamique, ce n'est pas courant.
28:50 Nous devons travailler ensemble pour introduire des concepts nouveaux, comme la démocratie,
29:04 les droits de l'homme, les droits de la femme.
29:09 C'est très important.
29:10 Et ce processus pose problème dans d'autres pays de cette région, où beaucoup de gens
29:17 ne veulent pas d'un nouveau modèle de société, ni d'une nouvelle forme d'État.
29:24 Et ça renforce l'hostilité envers nos efforts d'indépendance.
29:28 Parce que la société saraoui est très ouverte et qu'elle respecte les femmes.
29:38 Nous devons rester en vie et rester fortes pour aider les femmes dans cette région du
29:42 monde.
29:43 C'est pour ça que notre combat est si important.
29:46 Pour nous et pour l'Afrique.
29:49 L'hôpital de Smara est le plus important de tous les camps de réfugiés.
30:10 Les soins médicaux y sont dispensés gratuitement à tous.
30:13 L'endroit dispose de suffisamment de médecins et des médicaments les plus courants.
30:21 Un tiers des enfants souffrent de malnutrition chronique.
30:27 Et 50% des femmes ont de graves carences en fer.
30:30 Les cas de rachitisme et de diabète sont également fréquents.
30:34 Ce qui est peu surprenant, étant donné le manque de variété de l'alimentation des
30:39 saraouis.
30:40 L'organisation d'aide médicale médico-internationale est sur place depuis 1979.
30:48 Frank Fanojen est allemand.
30:53 Il vit dans les camps depuis plus de deux ans.
30:56 Il gère l'organisation des soins médicaux des réfugiés, une tâche difficile.
31:01 "Nous ne sommes pas dans une situation de vie ou de mort.
31:07 Mais nous sommes dans une situation où il n'y a aucune perspective de développement.
31:13 Depuis tout ce temps, la jeune génération, qui n'a rien connu d'autre que la vie dans
31:21 les camps, devrait avoir la possibilité de se construire une vie dans la dignité, et
31:25 si possible dans la liberté."
31:27 "Ce conflit dure depuis 40 ans.
31:36 C'est le dernier conflit colonial sur le sol africain.
31:38 Et le fait qu'en Europe, pratiquement personne n'en soit informé est un scandale."
31:46 A dix minutes de voiture du camp de réfugiés de Rabouni se trouve le centre de soins pour
31:56 les victimes de mines.
31:57 Ce que nous y découvrons nous bouleverse.
32:00 La quasi-totalité des patients sont des hommes âgés, lourdement traumatisés pour la plupart,
32:06 et sans aucun espoir de quitter ce lieu.
32:09 Certains ont des proches à l'étranger qui, de temps en temps, envoient un peu d'argent
32:13 pour un téléviseur ou un téléphone portable.
32:16 Des objets qui permettent de tromper un peu la monotonie du quotidien.
32:20 Bachari Saeed Dhaf a roulé sur une mine durant la guerre.
32:34 Il a perdu presque toute la partie inférieure de son corps.
32:37 Il est ici depuis plus de 30 ans, et il ne croit pas à un avenir pacifique pour son
32:43 peuple.
32:44 "Je suis très pessimiste.
32:48 Je ne partage pas la vie de la majorité des gens d'ici.
32:53 Je ne crois pas à une solution pacifique.
32:57 Cette histoire a commencé par la guerre, et elle finira par la guerre."
33:02 De plus en plus de Saraouis partagent l'opinion de Bachari Saeed Dhaf.
33:25 Beaucoup d'entre eux servent dans l'armée du Polisario, ici en plein exercice, avec
33:31 d'anciennes armes récupérées en Algérie.
33:33 La manœuvre d'aujourd'hui est mise en scène spécialement pour nous.
33:37 Les tirs sont à balles réelles.
33:39 Le commandant tient à nous convaincre que les Saraouis peuvent tenir la dragée haute
33:44 au Maroc.
33:45 Mais au cours des 23 dernières années, aucun accrochage sérieux ne s'est produit.
33:52 Le mérite en revient notamment à la Minurso, la mission de paix des Nations Unies.
33:59 Dans une de ses bases, nous devons rencontrer un officier allemand de l'ONU.
34:03 Mais apparemment, personne n'est informé de ce rendez-vous.
34:06 "On ne pourra pas rentrer."
34:14 Nous attendons près des barbelés pendant qu'un de nos accompagnateurs saraouis va
34:18 se renseigner.
34:19 Au bout d'une demi-heure, le commandant allemand se présente et nous invite à entrer
34:24 dans le camp.
34:25 Mohamed est autorisé à nous suivre.
34:29 "Ici, les informations ont parfois du mal à circuler."
34:32 "Je participe à la mission Minurso en tant qu'observateur militaire des Nations Unies.
34:59 Notre mandat est défini par la résolution 690 de l'ONU.
35:04 Il stipule que notre rôle est de surveiller l'armée royale du Maroc et le front polisario
35:09 de part et d'autre de la bande de sécurité.
35:11 Nous rédigeons des rapports quant au changement ou à l'absence de changement constaté et
35:17 nous en avisons le quartier général de l'ONU."
35:20 La marge de manœuvre des soldats de la Minurso est réduite.
35:25 En aucun cas, ils n'ont le droit d'intervenir.
35:28 Même s'ils constatent des violations des droits de l'homme.
35:30 "La ligne directrice est de s'en tenir au mandat.
35:42 Et le mandat dit surveiller, contrôler, regarder, signaler.
35:46 Et pas de se battre.
35:47 Pas d'armes, rien.
35:48 Quand il y a un problème, on fait demi-tour.
35:51 On écrit un rapport, point final.
35:53 Voilà notre travail."
35:56 Le sigle Minurso signifie mission de l'ONU pour le référendum au Sahara occidental.
36:03 Mais pourquoi après presque un quart de siècle, ce référendum n'a-t-il toujours pas eu
36:08 lieu ?
36:09 "La Minurso a son histoire et le Sahara occidental a son histoire.
36:18 Après, tout dépend du degré de transparence avec lequel on veut bien en parler.
36:24 La Minurso a été la tentative de régler un problème politique par le biais d'une
36:33 procédure technique.
36:34 Le problème politique était qu'il n'y avait pas de consensus entre le Maroc et les
36:40 Sahraouis sur la question posée par ce référendum.
36:44 Cela a donné lieu à une discussion quant à savoir qui avait légitimité pour voter
36:49 à ce référendum.
36:51 A plusieurs reprises, on a essayé de trouver des critères pour déterminer qui pouvait
36:57 voter.
36:58 Mais au bout du compte, la procédure technique n'a pas suffi à résoudre le problème politique."
37:06 Pour Mohamed, cette situation est absurde.
37:11 D'un côté, les camps de réfugiés manquent d'eau potable et de l'autre, les soldats
37:16 de l'ONU lavent leurs voitures.
37:17 La communauté internationale verse chaque année 30 millions de dollars pour 100 000
37:23 réfugiés sahraouis.
37:24 La mission des 250 casques bleus coûte deux fois plus cher.
37:28 "Je ne trouve pas de mots pour décrire ça.
37:34 C'est totalement incompréhensible.
37:36 Ce sont des sommes astronomiques qui pourraient être utilisées pour des choses pratiques
37:40 à long terme.
37:41 Comment peut-on dépenser autant d'argent pour un tout petit groupe de gens qui ne
37:51 font rien ? Cet argent pourrait servir à quelque chose de concret.
37:59 Pourquoi n'ont-ils pas le mandat des droits de l'homme ? Pourquoi ne font-ils pas de
38:04 rapport sur ce que font les Marocains ? Et sur ce qu'ils voient ici, des deux côtés
38:08 ?
38:09 Quel mal peut-il y avoir à surveiller et faire des rapports au sujet des droits de
38:13 l'homme ? Tout le monde parle des droits de l'homme.
38:16 Même les Nations Unies.
38:20 Les choses que nous revendiquons sont décrites par la charte de l'ONU sur les droits de
38:25 l'homme.
38:26 Alors pourquoi l'ONU ne fait-elle rien pour surveiller ce qui se passe et pour le consigner
38:31 ? "
38:32 Je ne comprends pas.
38:40 Et je ne sais pas combien de temps encore les jeunes auront confiance dans les Nations
38:44 Unies.
38:45 Pas uniquement dans la Minurso.
38:46 Tous leurs documents, leurs congrès, leurs déclarations, ce sont de belles paroles.
38:51 Mais sur le terrain, rien ne se passe.
38:53 Les gens ne sont pas idiots.
38:56 Bientôt, ils n'auront plus confiance en l'ONU.
39:01 La plupart des missions de l'ONU actuelle disposent d'un mandat incluant la protection
39:07 des droits de l'homme.
39:08 Mais pas la Minurso, et ce, au grand regret des militants des droits de l'homme.
39:12 Et l'Europe n'y est pas pour rien.
39:14 C'est une honte pour la classe politique européenne que les représentants de l'Union
39:25 Européenne, la France et la Grande-Bretagne, ne fassent rien pour étendre enfin la mission
39:29 de la Minurso aux droits de l'homme.
39:35 La France, pays protecteur du Maroc, réduit à néant toutes les initiatives dans ce sens,
39:41 et les autres États européens ne font rien pour l'en dissuader.
39:44 Le gouvernement allemand a lui aussi sa part de responsabilité.
39:49 Dans le cadre de la politique étrangère commune de l'Union Européenne, il pourrait
39:56 mettre le sujet sur la table et contribuer à formuler une nouvelle position européenne
40:01 au sujet de ce conflit.
40:02 L'écologiste Volker Beck a visité les camps de réfugiés du Sahara occidental en compagnie
40:17 de Frank Heinrich, député conservateur et président de la Commission des droits de
40:22 l'homme au Bundestag.
40:23 Mais ce dernier a beaucoup de mal à se faire entendre.
40:27 Je suis favorable à une extension du mandat aux droits de l'homme.
40:42 Mais nous n'arrivons pas à l'imposer, ni au sein de mon parti, ni au Parlement.
40:47 Peut-être à cause de l'Espagne et de la France, ou à cause de l'Union Européenne
40:53 elle-même.
40:54 En tant que militant et membre de la Commission des droits de l'homme, mon devoir est de
41:00 comprendre d'où vient le blocage.
41:01 En l'occurrence, la critique peut paraître facile, mais dans ce genre de cas, les intérêts
41:10 économiques passent avant la défense des droits de l'homme.
41:14 Les intérêts économiques existent depuis toujours au Sahara occidental.
41:22 D'immenses gisements de phosphate, découverts dans les années 60, sont exploités tout
41:27 d'abord par les Espagnols, puis par les Marocains.
41:31 Ces dernières années, des plantations de tomates ont été créées, dont les bénéfices
41:35 sont partagés entre le groupe franco-marocain Asura et la Maison royale marocaine.
41:40 Les tomates cultivées dans le territoire occupé sont vendues dans les supermarchés
41:45 européens en tant que produits d'origine marocaine.
41:48 Récemment, des gisements potentiels de pétrole ont été découverts au large des côtes
41:57 du Sahara occidental.
41:59 Des navires de prospection américains sondent le sol sous-marin avec l'autorisation du
42:05 Maroc.
42:06 Et puis, il y a la pêche. Les côtes du Sahara occidental, connues pour être poissonneuses,
42:12 ont longtemps assuré la subsistance de nombreuses familles.
42:14 Mais la pêche se pratique désormais de façon industrielle et intensive.
42:19 En plusieurs endroits, la côte du Sahara occidental est touchée par la surpêche.
42:25 Le gouvernement marocain a vendu les droits de pêche du Sahara occidental à l'Europe.
42:31 Il perçoit chaque année 30 millions d'euros de la part de l'Union européenne pour des
42:35 droits qui n'appartiennent pas au Maroc.
42:37 "On ne peut pas conclure un accord sur l'exploitation des zones de pêche du Sahara occidental sans
42:53 s'assurer que l'argent bénéficiera effectivement aux Sahraouis. Le Maroc utilise en partie
43:01 cet argent pour consolider le mur au Sahara occidental, qui sert à contenir le polisario
43:07 hors de la zone occupée par l'armée marocaine, et à entraver la libre circulation des personnes
43:13 entre les deux parties du Sahara occidental. Cela n'est pas acceptable. De fait, l'Union
43:23 européenne participe au financement de la politique d'occupation du Sahara occidental
43:28 par le biais des accords de pêche qu'elle passe avec le Maroc."
43:33 "Si je suis bien informé, les conditions du nouvel accord de pêche se sont légèrement
43:40 améliorées. Mais le principe n'a pas changé. Les Sahraouis ne disposent toujours pas de
43:47 l'argent versé. Les Marocains donnent bonne conscience aux Européens en affirmant que
43:52 cet argent était consacré à la création d'infrastructures, et ce genre de dépenses
43:56 pourraient être justifiées assez facilement."
43:58 "Reste à savoir si les Sahraouis en bénéficient effectivement."
44:04 "Absolument. Mais le gouvernement marocain, dans une attitude un peu patriarcale, déclare
44:10 'Nous vous construisons des routes, c'est bon pour vous'. Et l'argent de la pêche
44:15 sert à cela. C'est tout de même une façon très cavalière de s'adresser à une population."
44:23 Pour entendre les arguments marocains et nous faire une idée de la situation, nous avons
44:29 sollicité des interviews auprès des autorités marocaines et une autorisation de tournage
44:34 dans la zone occupée du Sahara occidental. Toutes nos demandes ont été poliment repoussées
44:40 pour des prétextes divers.
44:41 Une tactique également utilisée par le ministère des Affaires étrangères allemand. Ici aussi
44:53 nos demandes d'interview ont été rejetées pour des raisons d'agenda. Et ce, pendant
44:58 plus de six mois. Des portes fermées et un mur de silence.
45:02 Fin 2014, une conférence internationale sur le conflit au Sahara occidental se tient à
45:16 Berlin. À l'agent du ministère des Affaires étrangères est annoncé. "Peut-être aurons
45:22 nous enfin des réponses." Mais à quelques heures du début de la conférence, sa participation
45:29 est annulée. Les participants sont perplexes. Certains viennent de loin et ils espéraient
45:36 une prise de position du gouvernement allemand.
45:38 "L'Allemagne et tous les autres pays européens pourraient avoir une influence déterminante
45:47 s'ils voulaient bien imposer l'idée de ce référendum. Parce que n'oublions pas
45:52 que pour l'heure, il est uniquement question d'un référendum. Il ne s'agit pas de
45:58 donner au peuple du Sahara occidental la souveraineté sur son territoire. Ce serait éventuellement
46:04 une deuxième étape. Mais la première étape, c'est le référendum. Et tout le monde
46:09 était d'accord pour qu'il ait lieu. Les Sahraouis et le gouvernement marocain. Et
46:14 donc il faut qu'il se fasse. Les violations des droits de l'homme viennent du fait
46:18 qu'il n'a pas encore eu lieu. En refusant d'imposer ce référendum, les Nations Unies
46:24 encouragent les violations des droits de l'homme."
46:27 Mais même en Allemagne, la solidarité avec les populations du Sahara occidental existe
46:34 bel et bien. Dans un petit village de Thuringe, nous rencontrons Margot Kessler, ex-députée
46:45 européenne du SPD. "J'ai travaillé pendant cinq ans sur ce
47:07 conflit et sur les possibilités de le résoudre. Une fois par an, je me rendais sur place dans
47:15 un camp de réfugiés. A la fin de cette période, avec quelques amis, nous avons décidé de
47:21 venir en aide au peuple sahraoui avec nos moyens. Je repense quotidiennement aux injustices
47:30 que ces gens subissent. Je garde une certaine colère par rapport à ça. Et cette colère,
47:41 j'essaie de la transformer en quelque chose d'utile, en travail de solidarité. Ce projet,
47:47 Vacances en paix, qui est un projet européen, est une très belle idée. Et j'y travaille
47:53 depuis onze ans. Et c'est très émouvant. Chaque été est très émouvant et très
48:04 beau." A ce jour, Margot Kessler a invité plus de
48:09 deux cents enfants réfugiés sahraouis. Tous ont vu un dentiste, appris à faire du vélo
48:15 et pour la première fois de leur vie, ils sont allés à la piscine. Pour ces enfants,
48:20 ce sont quelques semaines d'insouciance qu'ils n'oublieront pas.
48:23 A la fin de l'été, les enfants retournent dans leur camp pour la rentrée des classes.
48:41 L'éducation est l'un des objectifs prioritaires de la politique du polissario. Au Maroc, une
48:47 personne sur deux seulement sait lire et écrire. Le taux d'alphabétisation des
48:52 sahraouis est de 95%. C'est le plus élevé d'Afrique.
48:55 Dans les écoles des camps de réfugiés, filles et garçons fréquentent les mêmes classes
49:00 et sont traités de manière égale. Plus tard, beaucoup d'entre eux iront étudier
49:05 dans l'un des pays ayant reconnu officiellement l'état sahraoui.
49:17 En plus du calcul et de l'orthographe, les enfants sahraouis apprennent aussi l'appartenance
49:22 à un système de valeurs. Celle d'un peuple en lutte, le cas échéant avec des armes.
49:28 Environ deux tiers des habitants des camps
49:58 ont moins de 25 ans. Une génération entière sans espoir d'une vie digne et autodéterminée.
50:03 Combien de temps cette situation est-elle encore tenable ? Depuis près de 40 ans,
50:09 les sahraouis vivent en tant que réfugiés ou sous l'occupation marocaine.
50:13 "Nous sommes très déçus, je vous le dis franchement. En tant que leader politique,
50:31 nous avons beaucoup de mal à convaincre notre peuple de continuer à attendre. Nous espérions
50:38 que les Nations Unies trouveraient une solution au conflit. Cet espoir était grand, mais
50:47 nous avons été déçus, ce qui rend notre tâche d'autant plus difficile. Nous avons
50:57 de plus en plus de mal à convaincre notre peuple de continuer à être patient."
51:01 Les jeunes nous disent combien de temps cela va-t-il encore continuer. Leur patience
51:14 est à bout. Cela fait 20 ans que rien ne bouge. Ce n'est ni la guerre ni la paix.
51:21 A leurs yeux, rien n'a changé. Et donc ils font pression sur le polissario et lui
51:26 demande de reprendre les armes. En tant que militante des droits de l'homme, je ne peux
51:34 pas être d'accord avec ça. Je ne veux en aucun cas un conflit armé. Et je suis contre
51:41 l'option militaire. La solution doit provenir de négociations directes entre les partis
51:47 ou être imposée par le Conseil de sécurité de l'ONU. Mais je ne sais pas combien de
51:52 temps le polissario ou nous-mêmes parviendrons à convaincre les jeunes que c'est effectivement
51:56 la meilleure solution.
51:57 Mohamed a tenu à nous emmener à la station de radio locale de Smara. Chaque camp a sa
52:14 propre radio. Les moyens techniques sont limités mais les animateurs sont particulièrement
52:22 motivés. Les émissions sont quotidiennes et variées. Le but est de proposer quelque
52:31 chose à tout le monde.
52:32 Ici à Smara, nous faisons une programmation très hétéroclite. Il y en a pour tous les
52:44 goûts. Des émissions pour les enfants, pour les jeunes et pour les adultes. Et nous abordons
52:51 plein de sujets, la religion aussi. Nous sommes partisans d'un islam modéré et opposés
52:59 aux tendances les plus extrémistes. Nous essayons d'avoir un discours mesuré et tolérant.
53:07 En cela, nous espérons contribuer à lutter contre l'extrémisme et l'intolérance.
53:18 Notre voyage touche à sa fin. La famille de Mohamed nous reçoit une dernière fois.
53:31 Son frère Mustapha, 19 ans, est présent. Fièrement, il nous montre son petit magasin.
53:43 Le matin, à l'aube, il se rend au centre d'achat du camp de réfugiés et achète du
53:49 pain, des boissons et quelques menus-objets qu'il a les moyens de payer. Puis il range
53:55 tout cela dans ses rayonnages et attend les clients. Ce n'est pas le métier de ses rêves
54:01 mais ça l'occupe. Le magasin ne génère aucun bénéfice. Mais son père, Souleymane,
54:09 pense surtout qu'il est une activité qui l'empêche de se détourner du droit chemin.
54:13 Je suis allé à l'école en Algérie et j'ai commencé à faire mes études là-bas.
54:25 Ça a duré un an. Au bout d'un an, il y a eu des problèmes chez moi et il a fallu
54:36 que je rentre. Fatima Toum, ma mère, était tombée malade. C'était il y a deux ans.
54:44 Aujourd'hui, je tente ma chance avec ce magasin. Peut-être que ça fonctionnera.
54:50 J'ai renoncé à tous les rêves que j'avais. Maintenant, je ne pense plus qu'à ce magasin
55:18 et j'espère qu'il finira par tourner correctement. La situation des jeunes d'ici est vraiment
55:33 très alarmante. D'une part, ils s'ennuient et d'autre part, ils sont en colère. Le
55:40 problème, ce n'est pas uniquement le rêve collectif de notre peuple d'avoir un jour
55:44 son propre pays. Le problème, ce sont aussi les rêves et les projets personnels de tous
55:49 ces jeunes. Ici, ils n'ont pas la possibilité de se réaliser. Et la communauté internationale
55:56 a la responsabilité de faire enfin quelque chose pour que cela change.
55:59 L'Europe trempe dans ce conflit. Elle a créé ce conflit. Et ce serait bien si elle trouvait
56:10 le courage de le résoudre. C'est un des plus grands scandales actuels.
56:18 Le Sahara occidental n'est toujours pas un territoire souverain. Aujourd'hui encore,
56:27 sa décolonisation est à l'ordre du jour des Nations Unies. En 1975, la Cour internationale
56:35 de justice a déclaré que la seule solution au conflit consistait à laisser les Sahraouis
56:40 décider librement de leur avenir. C'est très simple. Il suffisait de leur laisser
56:47 le droit de voter. Et depuis 1975, nous attendons de pouvoir décider nous-mêmes de notre avenir.
56:55 Et nous sommes très ouverts quant à ce choix. Si notre peuple veut rejoindre le Maroc, nous
56:59 l'accepterons. Mais inversement, si notre peuple se décidait de devenir un État indépendant,
57:05 nous attendons du Maroc qu'il l'accepte également. Ce sont les règles du jeu démocratique.
57:09 Voilà 39 ans que nous sommes en résistance, dans les camps de réfugiés, mais aussi dans
57:19 les territoires occupés. Et nous disons au monde, nous revendiquons notre droit élémentaire
57:25 à pouvoir décider nous-mêmes de notre avenir.
57:27 Je souhaite de tout cœur pouvoir un jour retourner auprès de ma famille.
57:47 Et comment ?
57:52 Comment, je ne sais pas, mais je rêve d'un Sahara occidental libre.
57:57 J'espère qu'on se reverra dans 10 ans au Sahara occidental. J'espère qu'on se
58:07 retrouvera là-bas, dans un endroit où je me sentirai vraiment chez moi.
58:11 Les jeunes sont à la fois notre préoccupation et notre espoir, nous avait dit Mohamed Abdelaziz,
58:29 le président Sahraoui au moment des adieux. Et nous espérons que son combat aboutira.
58:35 Mais l'horizon des Sahraouis s'obscurcit. L'aide internationale a une nouvelle fois
58:42 été revue à la baisse. Et dans un monde où les crises se succèdent, qui sait si
58:47 elle ne cessera pas un jour d'être acheminée. Pour le peuple oublié du Sahara occidental,
58:52 les conséquences seraient catastrophiques.
58:54 Merci.
58:55 – Sous-titrage : Le Crayon d'oreille -
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59:25 Merci à tous !
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