Ce documentaire nous dévoile les coulisses des plus grandes réformes de société initiées par les Présidents de la 5eme République. De la pilule sous le Général de Gaulle à la PMA avec Emmanuel Macron en passant par l'IVG sous Giscard, la peine de mort sous Mitterrand, le PACS avec Jospin sous Chirac et le mariage pour tous sous Hollande, tous ont souhaité changer la vie des Français, avec l'espoir non dissimulé de laisser leur empreinte dans l'Histoire. Au travers d'archives rares et d'intervenants politiques de premier plan, dont Nicolas Sarkozy et François Hollande, le film nous plonge dans les secrets de chaque Président et nous dévoile lesquels ont agi par conviction, par simple opportunisme, voir contre leur gré...
Un documentaire passionnant, porté par Michèle Cotta et Patrice Duhamel, qui met en perspective les grands débats qui ont marqué la société française. . Année de Production : 2023
Un documentaire passionnant, porté par Michèle Cotta et Patrice Duhamel, qui met en perspective les grands débats qui ont marqué la société française. . Année de Production : 2023
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00:08 Pour être élu, il faut une énergie folle, il faut une confiance folle,
00:14 il faut foncer droit devant, il faut partir à fond et accélérer.
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00:21 Tout président, au moment où il accède à cette responsabilité, est enfermé.
00:27 [Musique]
00:31 Il faut du calme, il faut beaucoup de sang froid, beaucoup d'outil pour éviter de se prendre un mur.
00:38 [Musique]
00:40 Mais il y a une très grande contradiction dans la société française.
00:43 Nous voulons un président qui puisse être au sommet.
00:46 Je vous ai compris !
00:48 Décider de notre destin commun et nous le voulons accessible.
00:52 Comment réussir cette conjugaison ? C'est la 5ème République.
00:57 Mettez président, faites partie de la famille des gens qui vous aiment ou qui vous aiment pas.
01:02 Et donc, il faut être prêt à payer le prix.
01:04 [Musique]
01:26 Ils n'ont pas demandé à naître ces enfants, pourtant les voilà qui font leur entrée en ce monde.
01:31 Comment, à leur naissance, les promettre déjà un avenir digne d'eux, dans un monde prêt à les accueillir ?
01:38 [Musique]
01:41 De la pilule à la PMA, les réformes de société ont rythmé l'histoire de la 5ème République.
01:47 [Musique]
01:50 Chacun des 8 présidents a voulu ainsi laisser sa trace, une manière pour eux de changer la vie des Français.
01:56 Françaises, Français !
01:59 Sous De Gaulle, un député gaulliste de la première heure, Lucien Nevirth,
02:04 convainc le général, pourtant très réticent, d'autoriser la pilule.
02:09 La contraception empêche le train de partir, alors que l'avortement le fait dérailler.
02:15 L'influence de Lucien Nevirth est tout à fait considérable,
02:18 parce qu'il va casser un certain nombre de choses dans la famille gaulliste.
02:23 Et le général était sans doute très réticent au départ.
02:27 Lucien Nevirth aura une alliée inattendue, Yvonne de Gaulle, la propre femme du général.
02:34 [Musique]
02:36 Je me vois encore monter l'escalier.
02:38 Il y avait un escalier au milieu de la cour du lycée,
02:41 et on se communiquait le fait qu'il allait y avoir la pilule.
02:45 Et c'était...
02:48 Enfin, quelque chose qui bougeait dans les tréfonds, y compris pour des lycéens boutonneux.
02:54 [Cris de la foule]
02:57 Une nouvelle manifestation organisée pour protester contre la fermeture de la Sorbonne
03:01 et les arrestations groupe 20 000 étudiants.
03:04 En 1968, les ressorts du mouvement n'étaient pas sur le social, c'était vraiment sur le sociétal.
03:11 Les jeunes qui en avaient assez d'être dans cette société corsetée,
03:15 dans laquelle les garçons ne pouvaient pas fréquenter les filles,
03:17 les filles ne pouvaient pas fréquenter les garçons,
03:19 on était sur des histoires d'un autre âge.
03:24 On voulait passer à autre chose, quoi.
03:26 Le gaullisme, c'était une grande période, c'était un grand horizon,
03:31 c'était une grande perspective, mais il fallait un peu ouvrir quelques fenêtres.
03:36 [Musique]
03:39 De gros efforts ont été faits en matière de contraception,
03:42 et les femmes maintenant disposent de trois moyens anticonceptionnels.
03:45 Le stérilet, le diaphragme et la pilule.
03:48 [Rires]
03:50 C'est formidable !
03:52 [Musique]
04:00 Je rentre dans ce qu'on appelle les appartements,
04:03 mais c'est quand même une façon de couper avec le bureau.
04:07 Je crois que c'est mieux d'avoir mis les deux petits polyacopes là, tu vois.
04:10 C'est mieux en harmonie, je trouve, oui.
04:15 Quelques mois après son arrivée à l'Elysée,
04:20 le président Pompidou doit réagir à un drame qui bouleverse la société française.
04:26 L'affaire Gabriel Russier.
04:28 Les amours d'un étudiant et de son professeur scandalisent Aix-en-Provence.
04:32 La justice s'en mêle et le cycle plainte, procès, prison, commence pour Gabriel Russier.
04:37 Gabriel Russier, qui a fini par se suicider.
04:41 Monsieur le président, vous-même, qu'avez-vous pensé de ce fait divers qui pose, je crois, des problèmes de fond ?
04:47 Je ne vous dirai pas tout ce que j'ai pensé sur cette affaire,
04:51 [Silence]
04:56 ni même ce que j'ai fait.
05:02 Ce qu'il a fait ?
05:04 Discrètement, il a demandé à l'Education nationale de ne pas sanctionner Gabriel Russier.
05:09 Mais la justice s'est montrée implacable.
05:14 Quant à ce que j'ai ressenti, comme beaucoup,
05:19 [Silence]
05:24 comprennent qui voudra, moi, mon remord, ce fut la victime raisonnable au regard d'enfants perdus.
05:33 Celles qui ressemblent aux morts, qui sont mortes pour être aimées. C'est de l'éluard.
05:38 Cette histoire a été aussi, pour la société française, quand même, de dire, mais il faut sortir de tous ces conformismes.
05:46 La société était restée compassée, donc nous avions toujours l'impression d'être dirigés par des vieux messieurs.
05:53 Surtout toutes ces troupes-là qui suivaient et qui étaient quand même tellement réactionnaires.
06:01 La vérité, c'est que toutes les femmes avortes, y compris les femmes de députés,
06:05 et les maîtresses des ministres, et tout le monde, seulement elles ne le disent pas.
06:10 Pour la plupart des femmes dans ce pays, quand même, il y avait le sentiment que c'était pas à tous ces vieux grincheux, là, de décider à leur place.
06:18 On avait besoin que la société s'ouvre.
06:20 Je vous garantis qu'il y aura un changement.
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06:32 C'était quand même une autre image que M. Pompidou.
06:35 [Musique]
06:39 Giscard, c'est un manche-rébelle, c'était l'express, c'était ouvrir les fenêtres.
06:43 Giscard était un être complexe.
06:47 C'était quelqu'un qui avait en lui une pente absolument conservatrice, par moments,
06:53 et dans d'autres moments, une sensibilité des antennes qui le mettaient au contact de ce qu'il y avait de plus progressiste, on va dire, notamment chez les femmes.
07:04 Il y a avec Giscard le souhait de lire "C", la société civile s'exprimait,
07:10 et là, on sent qu'il y a quelque chose qui est, je pense, un peu nouveau dans la vie politique.
07:17 [Musique]
07:27 Le jour de son investiture, pour imprimer sa marque, le président de la République arrive à pied à l'Élysée.
07:34 [Musique]
07:39 Le nouveau président de la République est jeune, dynamique, réformateur.
07:43 Il veut dépoussiérer la fonction présidentielle.
07:47 C'était une chape de plomb qui se soulevait.
07:50 Ça a permis des réformes de société qui sont venues après.
07:54 D'une certaine façon, l'IVG vient de là, et aussi peut-être d'autres réformes sur les mœurs.
08:01 Je voudrais vous dire un mot maintenant de notre effort de réforme.
08:06 Depuis que je vous parlais au dernier coin du feu, et je m'aperçois d'ailleurs que la dernière bûche est éteinte,
08:14 le gouvernement a entrepris trois réformes d'une portée considérable.
08:20 Giscard était structurellement réformateur.
08:23 Donc, on n'engageait pas un dialogue avec lui sur le thème de la conservation.
08:31 On savait que si on était conservateur avec lui, on n'avait aucune chance d'être écouté.
08:36 [Applaudissements]
08:40 Le président abaisse le droit de vote à 18 ans, réforme le divorce,
08:44 et engage la plus emblématique de ses réformes pour les femmes, la légalisation de l'avortement.
08:50 [Cris de la foule]
08:55 Pour Giscard, ça fait partie de la marque de son temps, la marque de son action, la marque de son époque.
09:03 Et je crois que Giscard veut surtout être dans l'air du temps.
09:08 Beaucoup de femmes avaient été victimes, enfin, avaient non seulement souffert,
09:12 mais certaines étaient mortes quand même, des avortements clandestins.
09:16 Giscard et son premier ministre, Jacques Chirac, font une place de choix à deux femmes issues de la société civile.
09:23 Ils nomment une magistrate, Simone Veil, au ministère de la Santé.
09:28 Simone Veil avait déjà une réputation, il avait fait entrer Françoise Giroux aussi.
09:37 Il crée un nouveau secrétaire d'État à la condition féminine qu'il confie à la célèbre journaliste Françoise Giroux.
09:45 Au fond, ce qui me paraît essentiel en 1974, c'est la préoccupation commune et axée sur la condition de la femme.
09:53 Or maintenant, je crois que cette conscience est très largement partagée, justement à cause de l'effort du ministre femme.
10:01 Je voudrais tout d'abord vous faire partager une conviction de femme.
10:05 Je m'excuse de le faire devant cette assemblée presque exclusivement composée d'hommes.
10:09 Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l'avortement.
10:13 Il suffit d'écouter les femmes.
10:15 J'en garde le souvenir d'une révélation quand même, même si cette femme ne nous était pas inconnue, de son courage.
10:25 C'est l'attitude de Simone Veil qui a été magnifique dans ce débat.
10:30 Elle était en résonance avec le vécu de tellement de femmes.
10:36 Celles qui se trouvent dans cette situation de détresse, qui s'en préoccupent ?
10:40 C'était un très bon choix de faire présenter ce projet de loi par la ministre de la Santé et pas par la ministre des femmes.
10:48 C'est-à-dire que là, c'était beaucoup plus difficile pour l'opposition réactionnaire, qui faisait partie de la majorité, quand même de s'opposer.
10:57 Pourtant, le débat va être tendu, violent.
11:03 Pendant 25 heures, Simone Veil doit répondre aux critiques farouches, parfois nauséabondes, de nombreux députés de sa propre majorité.
11:11 Les capitaux sont impatients de s'investir dans l'industrie de la mort.
11:18 Et le temps n'est pas loin, nous connaîtrons en France ces avortoirs, ces abattoirs.
11:23 Les députés de droite ont été soumis à une guerre d'influence absolument considérable.
11:31 Et l'influence de l'Église catholique, à ce moment-là, est tout à fait importante, toxique et nocive.
11:38 Permettez-moi de vous faire entendre un enregistrement d'un chœur de fœtus de 8 semaines et 2 jours.
11:47 Jacques Chirac, qui était pourtant réticent sur l'urgence de la réforme, va lui apporter un soutien précieux dans les dernières heures.
12:14 Quelle est la céssérité de Jacques Chirac sur cette question de l'IVG ?
12:20 À vrai dire, je crois qu'il s'en moquait formellement et complètement.
12:25 Jacques Chirac, qui à l'époque était un Premier ministre ambitieux sur ce sujet, a réussi à être dans cette modernité qui s'exprime.
12:37 Ce n'est pas la camme de Jacques Chirac pour parler un peu vulgairement.
12:43 Il a abordé cette affaire d'abord sous un angle politique, avant de l'aborder sous le mode d'un progrès social.
12:54 Simone Veil l'a fait beaucoup parce qu'elle avait une bonne relation personnelle avec Jacques Chirac.
12:58 C'est Jacques Chirac qui a fait venir au gouvernement Simone Veil.
13:01 Et dans ses mémoires, Simone Veil dit qu'elle a toujours eu l'appui sans faille.
13:08 Et elle dit sans faille, c'est son mot de Jacques Chirac.
13:11 Au petit matin, après trois jours et demi de débat, la loi est adoptée grâce aux voix de l'opposition de gauche.
13:22 Ce débat était difficile.
13:24 Et c'est vrai que c'est une loi voulue par la droite, mais votée par la gauche.
13:29 Et je me souviens qu'on en avait discuté à l'intérieur du parti socialiste.
13:32 Et on était unanime pour dire qu'il fallait la voter.
13:35 Tout ça était pour notre génération quelque chose de formidable.
13:38 Et je pense que ça a beaucoup aidé au succès de la gauche après.
13:44 Simone Veil avec Giscard a été quand même un élément structurant de notre vie politique.
13:50 C'était une rupture entre la bien-pensance et au fond, disons, une dimension politique un peu plus profonde, plus historique.
14:02 Les valeurs que nous représentions, la volonté d'ouvrir les portes et les fenêtres,
14:06 la volonté d'avoir reconnu l'égalité entre les hommes et les femmes, tout ça a formé un mouvement de société
14:14 qui est devenu au fil des années irrésistible.
14:21 J'étais très jeune au moment où il y a eu le débat sur l'IVG.
14:33 Mais j'ai vu là un courage de la part de la ministre.
14:39 Mais je pense aussi, même s'il n'était pas de ma sensibilité politique,
14:44 de la part du Premier ministre de l'époque Jacques Chirac et du président Giscard d'Estaing,
14:48 de faire sans doute une réforme qui était contraire à ce que pensait leur corps électoral.
14:57 Il y avait beaucoup d'hostilité des catholiques, qui avaient une grande proximité avec Giscard.
15:02 Mais il avait fait ce choix. Et donc là, il ne revenait pas là-dessus.
15:06 C'était d'une certaine manière pas négociable.
15:08 Il était sincère. Il était en adéquation avec l'évolution de l'époque.
15:12 Il a eu l'intelligence de le comprendre.
15:15 Et il a eu le courage vis-à-vis de ses propres troupes de dire « voilà, c'est comme ça ».
15:20 Je pense qu'il est très important, si on veut être président de la République,
15:25 d'être capable de reconnaître que l'autre camp a parfois raison.
15:29 Mais en tout cas, que le moment historique est tel qu'on peut s'affranchir, y compris de ses partisans.
15:40 Parce qu'on peut faire voter des lois qui sont apparemment contraires à l'opinion publique,
15:43 comme par exemple la peine de mort, si on sent que c'est absolument indispensable
15:49 et qu'on peut convaincre l'opinion.
15:51 Et c'est ça qui a été fait, aussi bien par Giscard d'un côté que par François Mitterrand de l'autre.
15:56 Bonsoir.
15:59 La France a peur. La France a peur. Chaque mère, chaque père a la gorge nouée.
16:04 C'est la peine de mort que l'avocat général de la cour d'assises des Bouches-du-Rhône a requis contre Christian Ranucci.
16:09 Christian Ranucci, et je vous le rappelle, accusé du meurtre de Marie Dolorès, une fillette de 8 ans.
16:13 L'affaire de Troyes a évidemment relancé le débat sur la peine de mort.
16:17 Le rapport de Mitterrand avec la peine de mort était singulier.
16:25 La peine de mort existe, elle est rarement, mais parfois, exécutée.
16:30 Voilà la réalité. Vous n'avez pas à me demander mon raisonnement d'homme privé.
16:36 Mais ils n'ont parlé jamais de la peine de mort. Jamais.
16:40 Il était intéressé par les grands procès, parce que l'ancien avocat,
16:48 mesurant la densité dramatique, ça l'intéressait.
16:52 Mais sur le problème de la peine de mort, il ne m'en parlait jamais.
16:56 Il n'y avait pas de réforme plus emblématique que celle-là, pour les valeurs de gauche,
17:02 pour l'humanisme, pour tout ce qui animait Mitterrand et toutes celles et ceux qui le suivaient.
17:12 Il est devenu abolitionniste quand il est devenu premier secrétaire du Parti Socialiste.
17:19 Parce que quand on est ainsi l'héritier de Jaurès et de Blum, on ne peut pas ne pas être abolitionniste.
17:29 Mitterrand n'était pas tellement emballé, je crois, par cette idée.
17:34 Mais il s'est fait convaincre par Ballinter, pour lequel il avait le plus grand respect.
17:39 Et Ballinter tenait essentiellement à cet article de loi.
17:43 Mitterrand n'avait aucune estime pour le sens politique de Ballinter. Aucune estime.
17:52 Il considérait que je n'étais pas un habile politique.
17:58 En revanche, une très grande estime pour ses convictions et pour l'homme qu'il est, à juste titre.
18:06 Et Ballinter, c'était son combat.
18:10 Je ne pensais pas que la peine de mort devait être aboli si la gauche gagnait.
18:15 C'était pour moi une évidence. Je préférais que ce soit un engagement pris devant le pays.
18:23 Le moment où s'est joué, en réalité, le sort de l'abolition, c'est à la télévision.
18:34 [Musique]
18:43 Moi, je lui avais téléphoné le matin. Je connaissais bien le cabache, je connaissais bien Dieumel.
18:51 Et je savais que ça allait venir.
18:53 "Oh, écoutez, laissez-moi tranquille avec votre obsession. Ça n'intéresse personne en dehors de vous."
19:01 Bon. Alors j'ai simplement, sur une page blanche, fait taper par ma secrétaire
19:10 les grands extraits des grands écrivains et des adversaires de la peine de mort.
19:19 Et puis j'ai été rude biais. J'ai dit à sa secrétaire, Marie-Françoise,
19:26 "Où est le dossier ? Il est là." Et j'ai dit, "J'ai une feuille-là que je souhaite ajouter."
19:35 Et comme je le connaissais bien, je savais qu'allant au studio, il ouvrirait le dossier.
19:45 Et que par conséquent, il tomberait d'abord là-dessus.
19:48 Il y a actuellement cinq condamnés à mort dans des cellules.
19:51 Je voudrais savoir si vous étiez élu président de la République, si vous les gracieriez.
19:56 Pas plus sur cette question que sur les autres, je ne cacherai ma pensée.
20:01 Et je n'ai pas du tout l'intention de mener ce combat à la face du pays
20:06 en faisant semblant d'être ce que je ne suis pas, dans ma conscience profonde,
20:12 qui rejoint celle des Églises.
20:14 Même s'il a tourné ça d'une façon habile, c'est-à-dire qu'il a fait référence,
20:19 dans mon souvenir, à ce que pensent les Églises, etc.,
20:23 qui allait dans le même sens que la bourgation.
20:26 Il a dit d'une manière nette, "Oui, je suis pour la bourgation."
20:30 Je suis contre la peine de mort.
20:33 Et je n'ai pas besoin de lire les sondages qui disent le contraire.
20:38 Je me souviens d'avoir vu à la télévision, quand il a dit l'opinion,
20:42 on lui a dit "mais l'opinion est contre, l'opinion est contre, mais moi je suis pour."
20:46 Il a dit très clairement.
20:47 Il ne faut pas oublier ce qu'était le climat de l'époque.
20:52 Je rappelle que les deux tiers des Français étaient très clairement,
20:57 sinon violemment, mais en tout cas très clairement attachés au maintien de la peine de mort.
21:05 Au moment où la décision est prise, le peuple français, dans sa majorité, y est hostile.
21:13 Le Figaro, pour ne pas le nommer, avait fait faire un sondage qui était devant tous les députés de droite,
21:20 avec en première page 66% d'avis défavorables à l'abolition.
21:28 C'est ça la France de l'époque.
21:31 Il y avait de la part de Mitterrand peut-être un défi, il ne détestait pas ça,
21:39 mais le fait de dire "je suis comme je suis, j'ai les convictions que j'ai,
21:44 et à vous peuple français de décider si vous m'acceptez tel que je suis."
21:50 Je dis ce que je pense, ce à quoi j'adhère, ce à quoi je crois,
21:54 ce à quoi se rattachent mes adhésions spirituelles, ma croyance, mon souci de la civilisation,
22:02 je ne suis pas favorable à la peine de mort.
22:04 Comme toujours, chez lui, personnage si complexe,
22:10 c'était à la fois la conscience qu'il s'inscrivait dans une histoire, etc.,
22:19 et en même temps, une forme supérieure d'habileté politique.
22:24 À l'époque, Mitterrand était présenté comme un politicien habile, mais assez roublard,
22:32 et finalement, auquel on ne pouvait pas faire grande confiance pour ce qui est des convictions.
22:37 François Mitterrand, qui est le garde des Sceaux,
22:42 qui a le plus condamné à mort, ou soutenu des condamnations à mort,
22:49 avait en lui, je crois ça, l'obsession d'effacer ce passé de son histoire.
22:59 Tout le monde le taxait de Machiavelli, personnage d'une grande habileté,
23:06 mais peut-être parfois compliqué.
23:12 Et là, sur un sujet aussi important, prendre, j'allais dire, à rebrousse-poil l'opinion,
23:20 en disant "c'est ma conviction, et je l'appliquerai",
23:24 eh bien ça donnait une crédibilité supplémentaire au reste de ses positions.
23:29 Cet acte de courage, je ne sais pas si c'est ça qui lui a fait gagner l'élection,
23:33 mais cet acte de courage a marqué l'opinion.
23:36 Le courage politique, c'est le candidat qui dit "moi, pour des raisons morales,
23:43 je choisis ce qui est impopulaire aux yeux de la majorité.
23:48 Je le choisis, parce que la morale détermine d'abord mes actions."
23:53 "Ma disposition est celle d'un homme qui ne ferait pas procéder à des exécutions capitales."
24:00 "Je vais."
24:02 J'étais très jeune, et je trouve qu'il a fallu un grand courage au président Mitterrand.
24:16 Je dis Mitterrand, pas Benattaire.
24:21 Parce que celui qui a pris le risque en politique, c'est le président Mitterrand,
24:25 c'est pas M. Benattaire.
24:27 M. Benattaire était garde des Sceaux, c'était un avocat.
24:30 Il défendait la thèse en quelque sorte de son milieu professionnel.
24:36 Celui qui a pris le risque, c'est Mitterrand.
24:39 Et le mérite en revient à Mitterrand.
24:41 Il savait qu'il était minoritaire, il l'a fait.
24:45 Ça, ça m'impressionnait.
24:47 "Les élus de l'Etat sont les mêmes que les hommes."
24:52 "Les hommes sont les mêmes que les femmes."
24:56 "Les femmes sont les mêmes que les hommes."
25:00 Mitterrand gagne, et il y avait énormément de projets et de lois à faire voter.
25:07 La question était, à quel moment on fait cette réforme ?
25:17 Je lui ai dit, c'est très urgent.
25:20 Voilà les résultats.
25:23 Voilà le nombre de condamnations à mort intervenues depuis qu'il avait été élu.
25:31 Et je peux vous dire ce qu'il va se passer.
25:34 Il a dit à François Mitterrand, "président, maintenant, vous avez pris la décision,
25:38 tout le monde sait que vous avez pris la décision,
25:40 mais il faut que la loi passe vite,
25:43 sinon on va être dans ce paradoxe épouvantable,
25:46 vous allez être dans ce paradoxe épouvantable,
25:49 d'être submergé, presque submergé, par les condamnations à mort."
25:55 Et donc Mitterrand va contre le vœu des Français en grâchant,
26:00 et par conséquent, il faut maintenir les choses en l'état.
26:04 Donc politiquement, c'est très mauvais.
26:08 Mitterrand, il comprenait très très vite ce genre de considération.
26:13 Il m'a regardé avec un demi-sourire,
26:16 et il m'a dit, "pour une fois, Robert, vous avez politiquement raison.
26:21 Pour une fois."
26:22 Ce débat est vieux de près de deux siècles.
26:24 En ce moment, le garde des Sceaux, Robert Boninter, répond aux 30 orateurs
26:27 qui se sont succédés à la tribune.
26:29 Il fait appel une nouvelle fois à leur conscience, écoutez-le.
26:32 Aussi terrible, aussi odieux que soient leurs actes,
26:36 il n'est point d'homme en cette terre dont la culpabilité soit totale.
26:42 19h28, l'Assemblée nationale vient d'abolir la peine de mort.
26:52 Que les grandes idées soient portées par une grande écriture,
26:58 c'est aussi quelque chose d'important.
27:00 Ça donne du relief à tout cela.
27:03 L'abolition a été votée au Sénat le 30 septembre à midi et demi.
27:10 J'ai regardé la pendule, 30 septembre, midi et demi.
27:14 À 15 ans ou 16 ans ou 17 ans, j'étais tout à fait contre,
27:18 en considérant qu'il y avait des crimes tellement abominables
27:22 qu'ils ne pouvaient que déboucher sur la peine de mort.
27:25 Et puis bon, j'ai évolué, comme je vous l'ai dit, dans les années 80.
27:28 J'aurais évidemment été avec Jacques Chirac, Jacques Toubon
27:31 et beaucoup de nos parlementaires à l'époque en faveur de cette abolition.
27:36 Il y a des sujets qui transcendent les clivages politiques.
27:40 C'est vrai que c'était au-delà des divisions politiques traditionnelles.
27:45 Et ça, la force de conviction de Robert Bonneter
27:51 a insisté sur le caractère philosophique profond,
27:57 beaucoup plus que sur la dimension politique.
28:00 C'était pour nous, ça allait de soi. Voilà. Il fallait le faire.
28:05 Il y a des moments où le calcul politique ou électoral n'est pas premier.
28:12 Il y a des moments, contrairement à ce qu'on croit souvent,
28:15 où les hommes politiques réagissent par conviction,
28:17 parce qu'ils ont des convictions fondamentales.
28:19 Et je crois que sur ce sujet-là,
28:21 comme sur celui de l'intéression volontaire de grossesse,
28:25 Chirac, sans doute Mitterrand aussi,
28:28 ont agi par conviction profonde et en mettant peut-être de côté les sondages.
28:32 Une fois au pouvoir, Jacques Chirac préfère, lui,
28:42 mettre l'accent sur des réformes moins politiques, plus quotidiennes,
28:46 qui en tout cas ne déchaînent pas les passions.
28:49 Chirac choisit trois dossiers présidentiels.
28:54 Le handicap, tout ce qui concerne la sécurité automobile et le plan cancer.
29:03 L'interdiction de fumer dans les lieux publics,
29:06 qui a été l'objet de discussions énormes.
29:10 Naturellement, ce ne sont pas les grandes réformes,
29:12 mais ce sont les réformes qui touchent la vie quotidienne des Français.
29:15 Il faut des réformes sociétales, qui sont des ruptures,
29:19 et des réformes sociales qui reposent sur un texte fondateur
29:23 qui donne des outils, mais qu'il faut mettre en œuvre.
29:26 C'est à la fois peut-être moins ambitieux,
29:30 mais beaucoup plus difficile de faire des réformes sociales que des réformes sociétales.
29:34 Ce ne sont pas des réformes qui apparaissent comme spectaculaires,
29:38 mais au fond, les accidents sur les routes se sont effondrés
29:42 pendant la période de gouvernement de Jacques Chirac.
29:47 Jacques Chirac, c'est un radical socialiste.
29:50 C'est quelqu'un qui ne croit pas que l'on fait avancer la société par des ruptures.
29:55 Jamais on n'avait vu passation des pouvoirs aussi courte entre deux premiers ministres,
29:59 même au temps des cohabitations mitterrandiennes.
30:01 Jacques Chirac devra néanmoins accepter une vraie réforme de société qu'il n'a pas souhaitée.
30:07 Après la dissolution de 1997, il a perdu sa majorité.
30:11 Néonel Jospin est premier ministre.
30:13 Dans le programme de la gauche plurielle figure le PACS,
30:17 Pacte Civil de Solidarité.
30:20 Si Chirac n'avait pas dissous l'Assemblée,
30:23 je pense qu'on n'aurait pas eu de pacte civil de solidarité.
30:27 Parce que, évidemment, cette chose-là, cette dissolution absurde,
30:31 erreur politique magistrale, prend tout le monde au dépourvu,
30:36 sa majorité et puis son opposition.
30:39 Je veux parler du droit du mariage.
30:42 Il ne faut pas prendre le risque de dénaturer ce droit,
30:47 ni de le banaliser,
30:49 en mettant sur le même plan d'autres réalités humaines de notre temps,
30:54 qui conduisent bien loin des valeurs fondatrices de la famille.
30:59 Ça n'a pas été une partie de bras de fer,
31:02 entre le premier ministre Néonel Jospin et le président Chirac.
31:07 Peut-être est-ce qu'il y avait eu de sa part l'idée
31:11 qu'il fallait peut-être faire quelques gestes.
31:14 Mais aussi, il avait dû beaucoup apprendre
31:17 de la première cohabitation avec François Mitterrand.
31:20 Et les opposants sont très nombreux.
31:22 Parce qu'il y a des gens dans leurs circonscriptions qui disent,
31:25 oui, c'est le mariage, ils ne disent pas, c'est le mariage des homosexuels,
31:28 c'est le mariage des pédés.
31:30 Il y a une homophobie dans la société très importante.
31:34 Au départ, c'était surtout pour régler les problèmes affreux
31:38 qu'affrontaient les couples homosexuels.
31:40 Madame la garde des Sceaux.
31:42 Nous étions décidés à ne pas en faire une catégorie particulière,
31:47 c'est-à-dire à se référer à l'universalisme républicain
31:51 qui veut qu'on ne fasse pas de catégorie en France.
31:55 Et c'est comme ça que nous avons défendu cette proposition de loi.
32:02 Depuis tôt ce matin, l'Assemblée nationale est attentive.
32:06 C'est qu'on discute du Pax.
32:08 Le débat est autant politique que de société.
32:10 Le gouvernement approuve cette proposition de loi
32:14 car elle constitue à la fois une avancée sociale et morale.
32:20 C'est un texte qui ouvre des droits nouveaux sans en supprimer.
32:25 Notre argumentation, c'était de dire, mais attendez,
32:28 ces couples existent.
32:30 Et l'homosexualité, évidemment, n'est ni une tare ou une perversion,
32:35 comme on l'a longtemps prétendu, ni d'ailleurs une maladie.
32:39 C'est comme ça, c'est une façon pour certaines personnes
32:42 de vivre leur sexualité.
32:44 Donc est-ce qu'on va continuer à les ostraciser ?
32:47 Et d'ailleurs, est-ce que le Pax menace quoi que ce soit ?
32:54 Ça apporte quelque chose de plus à beaucoup de gens
32:58 et ça n'enlève rien à personne.
33:00 Or, quand quelque chose apporte un plus
33:05 à toute une catégorie de la population
33:07 et n'enlève rien à personne, en général, c'est une bonne réforme.
33:10 Nous sommes tous dans la rue pour danser contre le Pax !
33:15 (Cris de joie)
33:22 Il n'y aura plus d'enfants, il n'y aura plus rien !
33:24 C'est un problème politique.
33:26 C'est la gauche socialo-communiste qui veut l'imposer à notre pays.
33:29 (Cris de joie)
33:34 On se souvient de Christine Boutin, par exemple,
33:38 qui brandissait la Bible dans l'Assemblée,
33:43 qui a parlé cinq heures d'affilée de performances qu'il faut saluer.
33:48 L'UDF Christine Boutin dépasse le temps prévu de quatre heures.
33:52 Elle tient cinq heures trente pour défendre sa motion d'irrecevabilité.
33:55 Je me souviens là aussi d'insultes et d'injures ignominieuses.
34:01 Un jour, les victimes se lèveront !
34:06 Un député au fond qui avait comparé l'homosexualité à la zoophilie.
34:12 Après de nouveaux tumultes dans l'après-midi,
34:15 certains en viennent presque aux mains.
34:18 Politique intérieure avec une véritable tempête la nuit dernière à l'Assemblée
34:23 autour du débat sur le Pax.
34:25 La séance a été houleuse avec beaucoup d'incidents.
34:28 On s'attendait à des débats houleux à l'Assemblée nationale aujourd'hui,
34:31 et ça n'a pas manqué.
34:32 Il y avait des membres de l'opposition d'alors qui étaient quand même partagés.
34:37 Toute cette période du Pax, j'ai refusé toute confrontation avec Christine Boutin.
34:43 Les choses étaient trop vulgaires de l'autre côté.
34:47 Je voulais me préserver, je voulais préserver mon intégrité.
34:51 [Musique]
34:58 C'est l'honneur d'un parlementaire de voter selon sa conscience,
35:01 et c'est l'honneur d'un groupe parlementaire d'accepter les différences.
35:05 Et donc je vais monter à la tribune dans un silence que je n'ai jamais entendu.
35:15 [Rires]
35:19 Roselyne, c'était une conviction pour elle.
35:22 Et elle a eu beaucoup de courage.
35:25 Il faut dire que son groupe l'a laissé prendre la parole aussi.
35:28 J'ai remanié 20 fois mon texte.
35:32 Et Philippe Séguin me demande de venir lui lire mon texte,
35:38 dans son bureau de président du RPR.
35:42 Je me souviens comme si c'était hier,
35:44 du regard très noir, très puissant de Philippe Séguin.
35:50 Il était en communion avec moi.
35:54 Il va me demander d'ajouter que le RPR m'a autorisé, m'a donné sa minute.
36:02 Je veux remercier Philippe Séguin et Jean-Louis Desbrés
36:06 de m'avoir proposé de m'exprimer en toute liberté.
36:09 Tout le monde se demandait, et dans mes opposants,
36:12 et dans ceux qui me soutenaient, comment j'allais mentir.
36:16 Oui, il est utile qu'existe dans notre droit une structure de compagnonnage,
36:21 impliquant une solidarité globale entre deux personnes qui ont choisi de vivre ensemble.
36:26 Car finalement, nous ne reconnaissons ici qu'une communauté, la République.
36:30 [Applaudissements]
36:35 Je m'assieds à mon banc.
36:37 Les gens ont dit que je pleurais. J'ai jamais pleuré.
36:40 Merci, madame.
36:43 Je suis prostrée d'émotions.
36:45 J'ai envie de me cacher, de mettre ma tête dans mes mains.
36:49 Et là, c'est le souvenir de Simone Veil qui m'en empêche.
36:52 Parce que je revois ce geste qu'elle a, la photo où elle est au banc des ministres.
37:01 Et pour arriver à surmonter l'émotion et la fatigue qui la submerge,
37:05 elle met sa tête dans les mains.
37:07 Et je me dis que je ne peux pas lui voler son geste.
37:11 Je n'ai pas le droit de lui voler.
37:14 Donc je descends et c'est le souvenir de Simone qui m'habite.
37:18 Dans les gouvernements auxquels j'ai appartenu,
37:22 les femmes ont toujours été solidaires entre elles.
37:26 [Musique]
37:34 Ce n'est pas un hasard si les différents présidents de la Vème République,
37:38 depuis Giscard, ont confié la plupart des grandes batailles de société à des femmes.
37:44 [Musique]
37:50 Ces grands débats de société sont très intéressants.
37:55 Mais ils sont, me semble-t-il, à mettre en parallèle
37:59 avec la façon dont les présidents vivaient leur vie, eux aussi.
38:05 Je veux dire qu'il y avait une grande modernité chez chaque président
38:11 qui a fait des réformes de société pour les autres,
38:15 mais pas tellement pour eux.
38:18 François Mitterrand et Jacques Chirac étaient bien d'accord là-dessus.
38:21 Pour faire carrière, il ne fallait pas divorcer.
38:24 Comme si le divorce ou l'absence de divorce était un aimant de la carrière politique.
38:29 La famille recomposée du président de la République est arrivée au grand complet.
38:34 Une famille moderne qui fait face aux objectifs,
38:38 foule le tapis rouge, gravit les marches.
38:43 Un genre inédit dans la cour de l'Elysée.
38:46 D'abord, moi, j'ai toujours aimé travailler avec les femmes.
38:50 Ma directrice de cabinet était une femme.
38:53 Mais il n'était pas question pour moi d'aller au marché
38:56 et d'avoir un panier avec huit femmes et un panier avec huit hommes.
39:01 Ça n'a aucun sens.
39:03 Je voulais la parité, mais la vraie.
39:07 Moi, je ne suis pas fier du calcul numérique.
39:11 Autant de femmes qu'hommes, c'est si facile.
39:14 Et ça m'aime un côté un peu humiliant, pour dire les choses.
39:18 Alors je suis fier.
39:21 C'est quelles femmes ?
39:23 Parce que si vous regardez, Christine Lagarde,
39:26 Nathalie Cossuz-Comorizet, Valérie Pécresse,
39:30 Michel Alliomarie, des postes très importants.
39:35 Mais je n'ai pas voulu que ça.
39:37 J'ai aussi voulu de la diversité.
39:40 La jeune Ramayad, une femme garde-desceaux
39:43 avec un père algérien et une mère marocaine.
39:46 Mais c'est très important.
39:49 Sans identité, il n'y a pas de diversité.
39:52 Madame, madame.
39:55 Ça va ?
39:57 Très bien.
39:59 Félicitations.
40:01 J'ai toujours pensé
40:03 qu'un président de la République ne devait pas être hibernatus,
40:08 au sens du film de Louis de Funès,
40:12 c'est-à-dire sans sentiments et sans vie.
40:17 Moi, j'ai divorcé pendant mon quinquennat
40:22 et je me suis marié.
40:24 J'ai dit, un président, c'est un être humain.
40:29 Et c'est important de rester un être humain.
40:32 On me l'a reproché.
40:34 Mais ce n'est pas ça, la modernité ?
40:37 Au fond, comprenez-moi,
40:39 je n'ai pas divorcé, j'ai subi mon divorce.
40:42 Je n'ai pas divorcé pour être quelqu'un de moderne.
40:45 Je me suis marié avec Carla parce que je l'aimais
40:49 et on a divorcé parce que Cécilia, à l'époque, voulait divorcer.
40:54 Mais ce n'est pas ça, la modernité ?
40:57 C'est-à-dire de s'appliquer à soi-même
41:00 les règles que M. Dupont et Mme Durand s'appliquent dans leur vie quotidienne.
41:06 Vous voulez dire que vous avez fait en vous-même,
41:10 en quelque sorte, une réforme de société ?
41:13 Je voulais dire que la réforme de société,
41:17 c'est que le président dise la vérité de sa vie,
41:21 ne mente pas sur sa vie.
41:24 Et que peut-être que ça, ce n'est pas un texte de loi,
41:28 mais peut-être que ça fait évoluer les choses
41:31 beaucoup plus que tout un tas de textes de loi.
41:35 Le président de la République
41:39 Ça m'a beaucoup servi pendant une campagne présidentielle.
41:53 Et ça m'a sans doute desservi dès que je suis devenu président.
42:00 Parce que le mot n'était plus compris.
42:02 Parce que forcément, c'est une fonction exceptionnelle.
42:05 Mais pour exercer cette fonction exceptionnelle,
42:08 il faut rester soi-même. C'est ça que je voulais signifier.
42:11 Il faut être capable de maîtriser, parfois, son caractère.
42:17 Et aussi d'être simple, d'être soucieux de se mettre au niveau du citoyen.
42:24 Moi, président de la République, j'essaierai d'avoir de la hauteur de vue
42:28 et de fixer les grandes orientations, les grandes impulsions.
42:31 Mais en même temps, je ne m'occuperai pas de tout.
42:33 Et j'aurai toujours le souci de la proximité.
42:35 Certains, au moment de la campagne électorale de 2012,
42:38 me disaient "mais quelle est votre grande réforme de société ?"
42:41 Pour Giscard d'Estaing, je suis l'IVG.
42:45 Pour François Mitterrand, l'abolition de la peine de mort.
42:48 Mais pour vous, quelle est votre grande réforme de société ?
42:51 J'étais devant la rédaction de Libération, comme candidat.
42:56 Et je dis "vous savez, la grande réforme de société, ça va être le mariage pour tous."
43:01 J'ai pris un engagement, d'ailleurs c'est celui du Parti Socialiste.
43:04 Et il faudra le tenir, lorsque nous serons aux responsabilités de la France.
43:09 C'est le droit au mariage pour tous les couples.
43:12 Et je sentais bien un peu de sourire, du sarcasme, en disant "quand même,
43:16 c'est tellement facile de voter cette réforme, tout le monde est d'accord,
43:20 les sondages vont dans le même sens."
43:22 Vous ne savez pas ce qu'est la société française, comment elle va réagir,
43:25 quels sont les groupes qui la travaillent,
43:27 quelles sont les parties de l'opinion qui sont très mobilisées,
43:31 comment elles vont s'organiser.
43:33 Je viens d'être élu, et certains me disent "mettons le mariage pour tous tout de suite,
43:43 à l'ordre du jour de l'Assemblée Nationale, au mois d'octobre."
43:47 Et j'ai considéré qu'il y avait d'autres textes, et que je n'avais pas été élu que sur cette réforme.
43:53 Et qu'il y avait des mesures économiques, sociales,
43:55 le chômage était en train de progresser dangereusement,
43:59 l'industrie était en très grande difficulté,
44:01 qu'il fallait d'abord faire que l'automne serve aux mesures économiques,
44:05 et nous ferions la réforme sur le mariage pour tous à partir du mois de janvier.
44:14 Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les députés, Monsieur le député.
44:17 Le mariage pour tous a été un sujet quand même très difficile pour les Français.
44:22 C'était un sujet qui était naturellement, globalement, majoritairement partagé,
44:29 mais qui heurtait beaucoup de gens.
44:31 Au fond, ce que souhaitaient les homosexuels,
44:35 c'est se voir reconnu de façon beaucoup plus symbolique,
44:39 comme étant normaux, comme les autres.
44:42 Il y a des familles homoparentales dans ce pays,
44:45 que vous ne savez pas qu'il y a autant d'amour dans des couples hétérosexuels
44:49 que dans des couples homosexuels.
44:51 Il y avait évidemment un changement dans l'idée qu'on se fait de la famille.
45:00 C'est un vrai sujet qui trouble beaucoup de gens,
45:04 en dehors de ceux qui sont radicalement opposés,
45:06 mais c'est un sujet qui en profondeur interroge beaucoup.
45:10 D'abord, toutes les institutions religieuses, sans exception,
45:16 c'était quand même une révolution dans le droit de la famille.
45:19 C'est incontestable.
45:21 Le code civil !
45:23 Bougez pas ! Oh, le code civil !
45:26 Le mariage pour tous divise la France.
45:28 Derrière le Régéry, Frigide Barjot,
45:31 les opposants à la loi multiplient les manifestations.
45:34 Ce qui s'est produit ne m'a pas surpris.
45:38 Il y a eu des manifestations importantes,
45:41 avec des excès tout à fait déplorables,
45:44 mais le débat s'est prolongé.
45:47 C'est ce qui a entraîné une mobilisation plus forte,
45:51 à mesure que le temps passait.
45:53 Des défilés qui basculent parfois dans la violence,
45:56 quand l'extrême droite radicale se joint au cortège.
45:59 Vous n'avez jamais envisagé, vous n'êtes jamais dit,
46:02 là, est-ce que je peux continuer ?
46:05 J'ai reçu des manifestants.
46:08 Je leur ai dit, mais qu'est-ce que vous voulez ?
46:11 Un autre nom que le mariage ?
46:14 Que ça ne s'appelle pas le mariage ?
46:17 Et pourquoi ça ne s'appellerait pas le mariage ?
46:20 Qu'est-ce que vous voulez ? Qu'il n'y ait pas d'adoption ?
46:23 Alors que le principe même du mariage,
46:26 c'est de pouvoir aller jusqu'à l'adoption d'enfants.
46:29 Donc voilà pourquoi j'ai considéré
46:32 le retrait total ou le maintien total.
46:35 Il n'y avait pas de demi-mariage.
46:37 C'est un coup de force.
46:39 La parole est à madame Christiane Taubira,
46:42 garde des Sceaux, ministre de la Justice.
46:45 Monsieur le Président, mesdames et messieurs les députés, merci.
46:49 Allez, écoutez.
46:51 Madame Taubira a été brillante sur le sujet.
46:55 Elle a vraiment porté au Parlement cette question
46:59 avec beaucoup de générosité, beaucoup de liberté.
47:03 Et elle a fait un discours d'ouverture absolument magistral.
47:07 C'est-à-dire qu'elle a vanté les mérites du mariage, en général.
47:12 Vous savez donc que les mots de père et mère
47:15 ne disparaissent pas du Code civil ?
47:17 Ils sont maintenus en l'État.
47:20 Ça a un peu pris à contre-pied tous ceux qui prétendaient
47:24 que le mariage pour tous allait chaper
47:27 la constitution fondamentale du droit de la famille.
47:31 Sur la forme, on est gênés, on est surpris,
47:34 on est dans des situations inattendues.
47:37 Mais au fond, quand on aime, on aime.
47:40 Et on aime quelles que soient les circonstances.
47:42 Ça, c'est dans Black Label.
47:44 Lorsqu'il dit "nous les gueux, nous les peux, nous les chiens,
47:47 "nous les riens, nous les maigres, nous les nègres,
47:50 "qu'attendons-nous ? Qu'attendons-nous pour faire les fous
47:54 "sur cette vie stupide et bête qui nous est faite ?
47:57 "Si nous, nous n'accordons pas l'égalité des droits,
48:01 "si nous ne reconnaissons pas les libertés,
48:03 "nous leur disons, qu'attendez-vous pour faire les fous
48:07 "sur cette vie stupide et bête qui vous est faite ?"
48:10 Et voilà, monsieur Mariton, vous avez permis la rencontre
48:15 de la justice et de la poésie.
48:17 Le fait qu'elle ait parsemé le débat de références
48:22 et de citations littéraires et poétiques,
48:27 je crois que ça a aidé le débat.
48:31 Je pense que pour les réformes de société,
48:33 il faut qu'il y ait du débat, mais que le débat ne doit pas
48:36 être trop long, car quand il s'installe,
48:39 il se cristallise, il se durcit, et à un moment,
48:43 j'ai été amené, comme président de la République,
48:45 à dire, bon, voilà, le temps du débat parlementaire
48:48 a été long, chacun a pu s'exprimer, il faut en finir,
48:51 il faut voter.
48:52 Après 136 heures et 46 minutes de débat,
48:57 l'Assemblée nationale a adopté le projet de loi
49:01 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
49:05 Écraser ! Écraser ! Écraser !
49:11 On a vu vraiment s'exprimer, non pas ce qui est bien
49:18 et ce qui est mal, mais ce qui est d'avenir
49:21 et ce qui est du passé.
49:22 Les mariages se sont déroulés sans incident grave.
49:26 Les mères ont refusé de reconnaître, mais ensuite,
49:30 c'est passé dans les mœurs, voilà.
49:33 Et quelle est la plus grande satisfaction quand il y a
49:35 une réforme de société qui a pu connaître des oppositions
49:39 fortes, j'ai parlé de l'IVG, du mariage pour tous,
49:42 ou de l'abolition de la peine de mort, c'est qu'ensuite,
49:45 finalement, cette réforme s'installe et plus personne
49:49 ne la remet en cause.
49:50 En France, on se bat, mais de façon totale,
49:55 jusqu'à la minute où la réforme est votée,
49:57 elle est votée, plus personne n'en parle.
50:01 Plus personne, c'est fini.
50:03 À part deux ou trois exaltés, plus personne.
50:08 Ça a été violent, éruptif, explosif,
50:14 c'est voté, terminé.
50:17 Et le droit est là pour consacrer ces évolutions
50:21 de la société.
50:22 Heureusement que le droit de la famille et le droit des femmes
50:26 ne sont pas ce qu'ils étaient au XIXe siècle.
50:28 Et aujourd'hui, dans la société française,
50:30 tout le monde, tout le monde, sans exception,
50:34 fût les familles les plus traditionnelles,
50:38 a vu autour de lui quelle révolution portait
50:45 des choix de vie.
50:48 Et c'est des révolutions qu'on ne peut pas ignorer.
50:51 Et j'ai une anecdote qui me revient,
50:53 parce qu'il y avait un maire qui protestait,
50:55 qui disait qu'il ne ferait jamais de mariage
50:57 jusqu'au jour où son fils lui annonçait
50:59 qu'il allait se marier avec un compagnon.
51:01 [Musique]
51:18 La PMA est tendue à toutes les femmes,
51:20 qu'elles soient célibataires ou en couple avec une autre femme,
51:24 sujet ultrasensible plusieurs fois reporté.
51:27 Sur ces sujets de société,
51:31 le politique ne doit pas imposer un choix
51:34 en brutalisant les consciences.
51:36 Évidemment, la grande crainte, c'est de revivre
51:39 le mariage pour tous.
51:41 [Musique]
51:44 Ceux qui manifestaient pour le mariage pour tous
51:47 ne se sont plus sentis portés par un élan général.
51:54 Le débat qui a été enclenché avec la réforme du mariage pour tous
51:59 a été un débat qui a dominé tous les autres.
52:02 Et donc, ça a en effet étouffé les types de contestations.
52:05 Et tant mieux si ça a été dans un relatif calme
52:09 que ce texte a pu être voté sous la présidence d'Emmanuel Macron.
52:12 [Musique]
52:17 La société est toujours comme ça.
52:19 La société aspire à l'immédiat
52:22 et puis elle a en même temps des aspirations de profondeur.
52:26 Et donc, c'est ça la politique.
52:28 C'est de veiller à ce que l'opinion publique
52:31 ne s'enflamme pas à un moment sur un sujet ou sur un autre.
52:34 Le sens du timing est très important.
52:37 Des bonnes réformes proposées à des moments inopportuns
52:42 donnent des flots.
52:43 Oui, il y a effectivement un dilemme.
52:46 Est-ce qu'il faut laisser le temps
52:48 pour que la société elle-même intègre l'idée de cette réforme
52:52 ou est-ce qu'au contraire, il faut passer rapidement
52:56 pour que les crispations ne se cristallisent pas
53:00 et que ça ne devienne pas un empêchement ?
53:02 Après tout, est-ce que c'est pas ça la démocratie ?
53:06 Est-ce que c'est pas ça à un moment donné
53:09 le fait que le dernier mot reste au peuple
53:11 même si la manifestation dans la rue
53:13 n'est pas forcément la meilleure solution ?
53:15 Mais après tout.
53:16 Aujourd'hui, je suis juge constitutionnel.
53:18 La liberté de manifester, la liberté de grève
53:21 sont des droits constitutionnels fondamentaux.
53:23 [Musique]
53:52 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org