Mali : "On ne peut pas concevoir un régime militaire sans limite dans le temps"

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00:00 qui a annoncé hier le report de la présidentielle qui était prévue en début d'année prochaine, en février.
00:06 On s'y arrête avec notre invité, Mamadou Ismail Akonaté. Rebonjour à vous.
00:10 Merci d'être avec nous sur France 24. Vous avez été ministre malien de la justice et des droits humains entre 2016 et 2017.
00:19 Vous êtes également avocat. Ce report de la présidentielle au Mali, est-ce que vous l'attendiez ? Est-ce que vous le redoutiez ?
00:26 Oui. Enfin, une demi-surprise, parce que tout le monde voyait à l'allure où allaient les choses un gouvernement de transition
00:31 qui n'a pas de tortue menée ou tenté de mener les actions qui étaient nécessaires aujourd'hui pour amener à bout la transition.
00:38 Quand hier, nous avons vu se communiquer non pas dans la forme, mais plutôt dans le fond et le motif qui a été invoqué,
00:45 justement, qui indique qu'il y a une prise d'otage des informations essentielles qui permettent aujourd'hui de mettre le fichier à jour,
00:53 d'une part, et de poursuivre le processus électoral d'abord par les élections présidentielles.
00:58 Et à cette occasion, on a appris également que le gouvernement de transition est désormais incapable de mener à bien les élections législatives,
01:04 d'une part, et locales. Il se focalise donc sur les élections présidentielles, d'ailleurs en étant incapable de nous donner une date.
01:11 Revenons sur le motif. C'est ce qui est curieux à ce niveau-là, quand on sait que le gouvernement du Mali, depuis 2018,
01:18 a signé un contrat avec cette société française de prestations de services.
01:21 - IDEMIA, qui assure qu'il n'existe pas de litige en cours. C'est ce qu'a dit cette société à l'agence France Presse.
01:29 - C'est plutôt une manière élégante de dire un litige, parce que sur un contrat de 12 milliards francs CFA, l'État du Mali a réglé 7 milliards.
01:35 Il reste 5 milliards francs CFA. Ce qui ne se comprend pas, c'est que le gouvernement de transition avance l'argument que la clé,
01:42 source qui ne lui a pas été remise, alors même qu'il oublie d'indiquer qu'il doit 5 milliards de francs CFA.
01:49 - C'est le mot de passe, quoi. IDEMIA n'aurait pas donné le mot de passe aux autorités maliennes.
01:53 - Bien sûr. Il n'y a pas de raison de donner le mot de passe si le motif auquel le mot de passe doit être donné n'est pas donné,
01:59 parce qu'aujourd'hui, on est en retard de paiement de 5 milliards. Au lieu de reconnaître cela, et surtout de trouver les meilleures modalités
02:06 aujourd'hui pour pouvoir sauver ce processus électoral, nous avons un gouvernement de transition qui profite de cette occasion,
02:12 justement, pour envoyer s'inédier des élections législatives qui sont tout aussi importantes, justement, que le référendum qu'ils ont organisé
02:19 sur la base du même fichier. Donc, depuis 3 ans qu'ils sont en place, depuis 5 ans que ce contrat est signé, ce gouvernement, aujourd'hui,
02:27 se réveille, du jour au lendemain, pour lui dire que les élections ne sont plus possibles, nous n'avons pas reçu la clé de cette société française.
02:34 C'est un peu gros. - Accuser la France, en fait, c'est la garantie de pouvoir faire accepter la population ce report ?
02:41 - Justement, il faut que cela cesse, parce qu'on a suffisamment accusé la France. On a mis à la porte du Mali un ambassadeur de France,
02:49 on a mis à la porte du Mali Barkhane, on a mis à la porte du Mali Mnusma, mais je crois que ça suffit, maintenant. On doit être capable
02:56 de nous prendre en main. Un gouvernement de transition est mis en place, justement, pour pouvoir assurer tout ce qui est nécessaire et utile
03:02 pour aboutir à une ordre constitutionnelle. Mais visiblement, on se rend compte que ce gouvernement de transition n'a ni la volonté, n'a ni l'envie,
03:08 ne prend pas l'engagement non plus pour mener le Mali au terme d'une transition qui ne peut pas être à durée indéterminée.
03:16 - Pour vous, qu'est-ce qui bloque, au fond ? Parce que cet argument français, pour vous, n'est pas valable ? - Il n'est pas valable.
03:22 - Est-ce que c'est le manque d'argent pour organiser cette élection qui pourrait expliquer ce report ?
03:27 - Bien évidemment, on sait que les caisses sont vides, mais là aussi, il faut que le gouvernement en place puisse le reconnaître.
03:32 Mais au-delà, je pense que je constate une véritable incapacité à prendre par le bon bout pour mener ce processus électoral
03:40 qui signera donc le terme d'une transition qui n'aura que trop durée. Je pense que les Maliens ont été pris de court.
03:47 Ils ont suffisamment trop bien applaudi ce régime de transition. Ils se rendent compte aujourd'hui que la cabale, la fuite en avant
03:53 ne sont pas des formes de gouvernement et ça ne peut pas continuer. Un peuple a besoin de savoir la vérité.
03:58 Un peuple ne peut pas se contenter de pisaler comme on le voit. Et ces pisalés, c'est véritablement le symbole d'un gouvernement incompétent
04:06 qui n'est pas capable de mener à bout la mission qui est la sienne.
04:08 - Mais dans un contexte aussi difficile dans lequel se trouve le Mali, notamment la question sécuritaire, le nord du Mali se déchire à nouveau
04:17 entre les anciens rebelles Touareg et Bamako. Il y a des combats qui ont relais souvent ici à France 24.
04:23 Comment est-ce que dans ces conditions, la jeune aurait pu organiser des élections libres, transparentes, des élections démocratiques ?
04:30 - Voyez-vous, cet argument aurait fait mouche parce que le peuple du Mali qui s'attaque à cet argument l'aurait compris.
04:35 L'aurait d'autant plus compris que c'est le même gouvernement de transition qui a mis à feu et à sang le nord et le centre du Mali
04:41 et a mis en difficulté donc le sud du Mali. Ce contexte de sécurité est d'autant plus important que personne de censé ne peut prendre l'engagement aujourd'hui
04:49 d'installer un processus électoral. Mais ce n'est pas le peuple du Mali qui l'a décidé.
04:53 - Donc l'élection aurait été impossible. Elle est impossible aujourd'hui en ce moment l'État.
04:56 - Oui mais l'élection a priori peut être impossible eu égard aux motifs que vous avez évoqués.
05:01 Mais c'est quand même ce gouvernement de transition qui a pris l'engagement de proposer ce chronogramme aux yeux des Maliens
05:06 mais aux yeux de toute la communauté internationale.
05:08 - Sous pression de la CDAO.
05:09 - Sous pression de la CDAO mais au delà de la pression de la CDAO, le Premier ministre de transition a toujours été là pour rappeler aux gens qu'il mettra tout en oeuvre pour y arriver
05:17 à la limite s'il ne dit pas quoi qu'il arrive. Donc le véritable problème aujourd'hui, la question sécuritaire ne peut pas nous installer dans un contexte d'élection digne de ce nom.
05:26 Pour autant il y a quand même la parole donnée, l'engagement pris que le peuple du Mali ait un droit de savoir les raisons pour lesquelles ces engagements ne sont pas tenus
05:36 et ces raisons ne peuvent pas tenir justement au fait qu'ils n'ont pas eu un clé et que le peuple du Mali est pris en otage.
05:42 - Mais le sentiment là des Maliens, visiblement ils ne sont pas déçus, il n'y a pas eu de manifestation après ce report.
05:49 - Vous savez ce peuple n'a pas besoin de manifester tout le temps. Ce peuple a manifesté quand il a fallu, ce peuple s'est mis en avant, ce peuple a applaudi.
05:58 Ce peuple rentre dans une profonde rétrospection et il faut regarder ce qui se passe, visiblement ce peuple là demandera des comptes.
06:07 - Une rétrospection qui n'a jamais eu lieu, même après les régimes démocratiques.
06:12 - Oui parce qu'aujourd'hui vous savez ce peuple s'est réveillé, il est en situation de prendre conscience aujourd'hui de ce qui le concerne, des exigences qu'il a
06:20 et notamment par rapport à la fin de cette transition, on ne peut pas concevoir un régime militaire sans limite.
06:26 - Ce peuple s'est réveillé dites-vous, mais le colonel Goïta est au pouvoir depuis maintenant 3 ans, il s'est véritablement installé, comment est-ce que vous vous expliquez cette longévité ?
06:34 - Et c'est 3 ans de trop, c'est 3 ans de trop parce que simplement le terme initial n'était pas celui-ci, c'est 3 ans de trop parce que simplement le comportement des uns et des autres
06:44 dénote de ce que l'on est en situation de douter justement de la volonté des gens qui sont en place, notamment en ce qui concerne les perspectives qui sont en train de s'ouvrir
06:53 pour éventuellement prendre en otage davantage ce pays et cette nation notamment en étant candidat dans les élections qui vont s'ouvrir.
07:00 C'est pour tout cela que nous devons suspecter tout ce qui se passe, notamment les actes de gouvernement et les non-actes de gouvernement
07:06 et je pense qu'aujourd'hui les gens doivent se réveiller, prendre conscience, s'interroger et surtout regarder les attitudes des uns et des autres.
07:13 Comment voulez-vous que ce gouvernement de transition qui s'est coupé de toute la planète monde, qui est en mal avec tout ce qui est acteur essentiel
07:21 au point de ne pas les solliciter pour le report aujourd'hui, décide tout seul comme si c'était les seuls fils dignes de ce Mali-là
07:28 pour aujourd'hui mettre un terme à un processus dont le Mali a besoin et que le Mali exige ?
07:33 Il ne s'est pas coupé de tout le monde puisqu'il s'est rapproché aussi du Niger, il s'est rapproché aussi du Burkina Faso ou des gens de Domine.
07:39 Alors un ensemble de pieds nickelés et du moins les bras cassés c'est toujours bien. On se met tous ensemble pour aller où ? Pour faire quoi ?
07:48 Ce peuple ou ces peuples-là ont besoin plutôt d'être en santé, d'être éduqués et de combattre le terrorisme.
07:54 Comment vous expliquez le silence de la CDAO qui avait mis l'agent de sous-pression pour que la transition puisse avoir lieu ?
08:03 Vous savez cette belle institution est toujours lente à la détente. J'espère bien qu'elle va réagir et qu'elle va réagir très très tôt.
08:09 Ne serait-ce que déjà pour remettre les pendules à l'heure, pour rappeler à l'état du Mali, au gouvernement de transition et aux milités qui est en place
08:15 les engagements qu'ils ont pris vis-à-vis de cette institution. N'oublions pas simplement que le Mali s'est pris des sanctions lourdes qui ont mis notre pays en situation très très difficile.
08:26 Il ne faut pas justement se risquer à aller jusque là-haut. Je pense qu'il faut rentrer très rapidement en négociation non seulement avec les acteurs locaux
08:33 mais également avec la communauté internationale dont la CDAO. Et c'est pour ça que le Mali doit cesser de se battre contre tout le monde,
08:39 cesser d'insulter tout le monde et cesser de se mettre à mal vis-à-vis de tout le monde. Il est arrivé le temps où véritablement il faut que l'on se regarde pour dessiner le chemin que l'on veut se prendre.
08:48 Vous dénonciez dans Le Monde en 2018, vous disiez que le principal indicateur de la vitalité démocratique d'un pays s'apprêtait à la tenue de scrutin à la date convenue.
08:59 Vous le dénonciez à l'époque. Là les poutchistes vous donnent raison. On est bien sûr dans un autre contexte.
09:04 Vous savez un régime militaire, on sait toujours ça commence, on ne sait jamais où ça se termine. Ça se termine toujours dans le drame.
09:09 Parce que simplement qui s'installe par l'épée perdira par l'épée. On a une différence nette avec les militaires, c'est qu'ils raisonnent un affirmatif et un négatif
09:17 tandis que nous on se donne le droit de discuter. Et le militaire n'a pas toujours le temps de discuter ni l'occasion de discuter.
09:23 Bien sûr vous espérez, vous comptez sur le retour des civils au pouvoir.
09:26 Bien évidemment.
09:28 Dans quelques mois, dans quelques années.
09:31 Ce serait le mieux comme le dirait les militaires en tout ordonné justement.
09:35 Merci monsieur le ministre.

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