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00:00 Ils étaient ensemble la veille et ce jour allait être le dernier.
00:09 Ce dernier jour était celui de Marcelin Yassé, la victime innocente du coup d'état manqué
00:14 du 19 septembre 2002.
00:16 Je l'ai vu le 18.
00:21 Nous étions ensemble le 18 et puis ce jour-là, pour une raison particulière, je suis rentré
00:29 avant et je l'ai laissé avec un autre ami.
00:32 Et donc, quand dans la nuit il y a ce qu'on sait, je ne sais pas mais quand très tôt
00:43 je sors un nom incalculable de coups de fil à un moment donné et les gens m'appellent,
00:51 les deux premières personnes, je dis non, c'est des histoires, on était ensemble hier
00:57 nuit, et puis après deux, trois coups de fil, deux, trois coups de fil et puis après
01:02 on apprend qu'avec les radios, les réseaux sociaux n'étaient pas développés comme
01:07 ça, on n'avait pas Facebook, on apprend, ah il y a eu ceci, il y a eu cela, c'est
01:13 l'inquiétude.
01:14 Et la nouvelle devient persistante et on n'arrive pas à se joindre les uns les autres.
01:24 Et là, c'est malheureusement, Pierre Sonam, notre petit frère, Evariste, son petit frère,
01:34 que nous venons d'accompagner, j'appelle donc sur le fixe de la maison ici, du studio,
01:43 pour avoir quelqu'un pour me dire que c'est vrai, c'est faux, tout, tout, parce que je
01:49 n'arrive pas à se joindre à Marcelin, je l'appelle sur mon portable, j'appelle tous
01:52 les amis, c'est compliqué, j'appelle sur le fixe.
01:55 Et effectivement, je tombe sur Evariste.
01:58 Et donc je dis Evariste, je dis Evariste, c'est Aziz.
02:01 C'est comme ça que j'appelle Evariste.
02:06 Il est silencieux.
02:09 Je dis Evariste, Evariste.
02:12 Et puis la deuxième fois, il me dit c'est ce que tu as appris, c'est ça.
02:20 Je dis c'est vrai.
02:22 Il me dit oui, voici notre échange.
02:25 J'ai hurlé, je ne sais pas si j'ai raccroché, comment ça s'est passé.
02:31 J'étais aux deux plateaux, j'ai marché.
02:35 Sans me rendre compte, je suis sorti, j'ai marché, je suis venu ici.
02:42 C'était très et trop difficile.
02:47 J'ai reçu un coup de fil, il était 6h30 du matin par là, d'un ami musicien qui m'appelle.
02:55 Il me dit mais qu'est-ce qui se passe ?
03:00 Ça tire partout en ville.
03:01 Je dis moi, je n'en sais rien, ça vient de me réveiller, tout ça, les tirs et tout.
03:06 Donc il me dit, mais il faut vérifier parce que j'ai ma soeur qui est à Cocody, la cité
03:12 des Arts, elle me dit que de sa fenêtre, elle voit quelqu'un qui est couché en sang
03:20 qui ressemble à Marcelin.
03:21 Il me dit mais qu'est-ce que tu me racontes ?
03:24 On raccroche et j'appelle sur le portable de Marcelin.
03:28 Ça ne sonne pas.
03:31 J'appelle son petit frère qui nous a quittés au début de l'année aussi, bariste.
03:41 Il était en train de me raconter des choses pas du tout cohérentes.
03:46 Je lui répète la question, je lui dis mais est-ce que je peux parler à Marcelin ?
04:00 Il dit non mais je suis sorti de dehors, je suis sorti et j'ai vu Marcelin, il est couché
04:06 là-bas et puis il a raccroché.
04:08 On ne pouvait pas sortir ce jour-là parce que ça tirait de partout.
04:13 C'est de cette manière atroce qu'on apprend la triste nouvelle.
04:22 Né le 5 juin 1963 à Trècheville, l'un des quartiers populaires d'Abidjan, Marcelin
04:29 Yassé était producteur, musicien, compositeur et arrangeur.
04:34 Il fit les bougeons de la musique ivoirienne.
04:36 Marcelin Yassé était le petit prince de la musique ivoirienne.
04:41 Il était celui qui a impulsé un style nouveau dans les arrangements de la musique parce
04:49 qu'avant Marcelin Yassé, il y avait des célèbres musiciens ivoiriens qui étaient
04:57 arrangeurs.
04:58 Il y avait des grands musiciens ivoiriens qui étaient arrangeurs, notamment Perloham
05:03 et Nestodjidje ou on va dire Djimi Yassin.
05:06 Il y avait des gens.
05:08 Mais à l'avènement de Marcelin Yassé, il y a eu quelque chose de nouveau dans la
05:11 musique ivoirienne.
05:12 Il a apporté quelque chose de nouveau.
05:15 Il a rafraîchi les arrangements et la musique ivoirienne.
05:18 Il a rafraîchi la façon de jouer la musique, de faire les notes, de mettre ce que les gens
05:25 appellent les "djimiks", des arrangements et dans ses compositions, il a révélé des
05:29 talents.
05:30 Il a donné des sauts briqués à des artistes.
05:33 Il les a créés de toutes pièces pour certains.
05:35 Il a fait le succès de bon nombre d'artistes ivoiriens, même africains.
05:40 Mais en même temps, il avait cette singularité.
05:43 C'est qu'il était super musicien, mais il était super arrangeur.
05:48 Derrière, il était super chef d'orchestre, mais aussi ingénieur de son.
05:54 Et à l'époque, en Afrique et en Côte d'Ivoire particulièrement, ça ne courait pas les
05:57 rues.
05:58 Comme ingénieur de son, ça ne courait pas les rues de faire le son derrière Alpha Blondie,
06:03 de faire des AME Whip, des Technos, des Convoyens.
06:06 Parce qu'il a eu, je ne dirais pas la chance, mais il a eu le mérite, ou sinon certains
06:11 musiciens ont eu le mérite de travailler avec Massenet comme ingénieur de son.
06:16 Il a travaillé avec les grands de son époque, les grands de ce moment jusqu'à aujourd'hui,
06:21 comme Yosemdour par exemple, qu'il a utilisé comme ingénieur de son.
06:27 Et quand on connaît la rigueur de Yosemdour, quand on connaît la notoriété de Yosemdour,
06:31 et d'autres noms aussi équivalents que You, on utilisait Massenet, soit comme mixeur,
06:38 parce que c'est ça sa particularité, c'est qu'il faisait les mix studios, c'est qu'il
06:42 faisait les arrangements studios, il faisait les mix son, il faisait l'orchestration,
06:47 c'était ton homme d'orchestre à lui seul, il était l'homme complet.
06:50 Un frère, un mentor, un ami, un guide, voilà ce que représentait Marcelin pour son entourage.
06:59 Moi c'était mon mentor, tout ce que David Taillaud sait faire aujourd'hui, c'est lui
07:05 qui m'a appris.
07:06 C'était mon maître, c'était mon mentor, il a toujours été mon chef, même avec tout
07:12 le succès que j'ai eu dans mon métier d'arrangeur et tout ça.
07:17 Par exemple, quand j'étais dans un studio en train de travailler, c'était automatique,
07:26 tu as toujours le reflet de te lever pour lui, pour lui céder la place.
07:29 C'est le maître, quand il sentait quelque chose, il me dit tout de suite "petit love,
07:35 je me lève", il prend le truc, il joue, et puis tout de suite il apportait la petite
07:41 idée sur laquelle j'étais en train de me fatiguer, que je ne trouvais pas, il te trouve
07:48 ça tout de suite, et puis "ok ça va", c'était ça lui, il était très spontané,
07:54 mais il était super rigoureux aussi, comme maître, parce qu'il aimait les choses bien
08:01 faites.
08:02 C'est un homme généreux, c'est un homme, c'est pas parce qu'il n'est pas comme tous
08:08 les dauphins sont beaux, mais non, mais différemment de nous, c'est que lui il est déjà, il est
08:17 Marseillais aussi, il est l'ami, il est le musicien, même quand il n'avait pas, il
08:22 est le musicien, donc c'est quelqu'un qui avait toujours, il avait toujours quelque
08:26 chose un peu plus que nous.
08:29 C'est celui qui pouvait définir le gazole, comme on dit, le beau temps, parce qu'il
08:36 pouvait faire une séance et puis avoir de quoi nous faire sortir, de quoi nous amener
08:40 au resto, c'est celui à qui quand c'est coincé tu viens et tu dis "écoute c'est
08:44 chaud à la maison".
08:45 Moi il est le parrain de ma fille, personnellement il est le parrain de ma fille, et il avait
08:53 décrété être le parrain quand ma compagne était ancienne, et il disait toujours "c'est
09:01 ma fille elle", parce qu'on lui a dit "c'est elle", et il payait du champagne qu'il
09:05 amène à la maison, il disait "il faut boire parce qu'il faut qu'elle ait les cheveux
09:08 frisés, elle doit avoir les cheveux comme ça", et ça c'est Marseillais.
09:11 Ça veut dire que Doré déjà, il prend celui de dire "je vais t'accompagner dans l'accomplissement
09:18 de son devenir, je vais t'accompagner dans la gestion de tes charges, je vais t'accompagner,
09:23 je vais t'assister", il n'était pas obligé.
09:26 Donc c'était un homme généreux, assez sociable, surtout très très très très
09:29 taché, et c'était un leader, mais un leader qui, c'est pas un leader qui crie parce que
09:37 c'est quelqu'un qu'on fait réfléchir, et quand je dis un leader c'est pareil,
09:41 il y avait une bande d'amis toujours autour de lui, il y avait ceux qui l'accompagnaient
09:44 qui étaient autour de lui au studio, il y a ceux qui étaient autour de lui dans la
09:47 vie qui ne sont pas au studio, il y a ceux qui étaient autour de lui dans l'orchestration
09:51 comme dans Roya et autres, c'est à dire il y a toujours, mais la chance avec lui c'est
09:56 que tu as le temps et tu as le pouvoir de dire un mot, de placer un mot, d'avoir un
10:01 à contrario, de dire non, de donner ton avis, et même de le conditionner, et même de le
10:06 conditionner.
10:07 Et c'était un leader, c'est pour ça qu'à un moment donné, beaucoup de musiciens,
10:10 ils ne voient rien, ils se sont réunis, ils sont venus le rencontrer pour qu'il soit
10:14 le président du Burida, et qu'il prenne la tête du Burida, bon malheureusement, mais
10:19 ils l'ont porté, ils étaient tous derrière lui, et c'est quelque chose qui habituellement
10:24 se fait facilement pour d'autres, ils acceptent, il en a mis du temps, il n'a pas voulu, il
10:28 n'a pas voulu tout et tout.
10:29 Il a été tour à tour producteur d'artistes, et il s'est même aventuré dans l'expérience
10:35 de la distribution musicale, et donc tous les corps de métier de la musique, il les
10:41 a touchés, donc il était incontournable.
10:43 Nous
11:11 avons sorti un best-of, un coffret de 32 titres, 2 CD, que nous avons mis sur le marché,
11:20 et sur les 32 titres, nous avons remixé 8, et nous avons appelé les gars de la nouvelle
11:28 génération, on a pelle-melle comme ça, Baby Philippe, José, Ariel Chenet, Kif Nobit,
11:34 Shaolin, Nash, Killer, et toute la crème de la nouvelle génération, de chanteurs
11:41 de la nouvelle génération, nous avons appelé, nous avons fait la transmission, parce que
11:44 ce sont des chansons qu'ils ne connaissent pas, parce que ce sont leurs parents qui sont
11:49 nos fans.
11:50 Donc voilà, ça s'est super bien passé, c'était une très très très belle expérience,
11:58 les gens ont retrouvé les versions originales, et les versions remixées, les enfants se
12:05 sont appropriés en interprétant ces chansons-là, ils se sont appropriés, et voilà quoi.
12:14 Bon, ça a fait revivre de très très très bons moments aux mélomanes du groupe, aux
12:22 fans du groupe, et dans l'avenir, on proposera beaucoup plus que ça, pour faire vivre perpétuellement
12:31 l'image du groupe.
12:34 Voilà, bien sûr, il reste des meilleurs dans le son.
12:44 L'humain, le fantasme génial musicien, il manque à tout le monde.
12:49 Demandez à David Teixeira, demandez à Freddy Asuba, demandez à Thien, demandez aux autres
12:54 musiciens, demandez à Alpha Blondie, demandez à Mewi, demandez à Tken, demandez aux gens,
13:02 il manque, il manque, il manque, il manque.
13:06 L'homme Marcelin Yassé aurait célébré 60 années de vie, lui qui harmonisait les
13:19 bruits, ou du moins les sons, pour en donner une merveilleuse mélodie.
13:23 [Musique]
13:28 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org