Pénurie de médicaments : comment en est-on arrivé là ?

  • l’année dernière
Alors qu’une usine de paracétamol est en construction en Isère, et que le gouvernement vient d’annoncer la vente de certains antibiotiques à l’unité, la cellule investigation de Radio France a enquêté sur les causes profondes qui ont conduit à la pénurie de médicaments essentiels.

Vidéo produite par la cellule investigation de Radio France.
Direction : Jacques Monin

► Les enquêtes de la cellule investigation de Radio France sur France Inter : https://www.franceinter.fr/emissions/secrets-d-info
diffusées chaque samedi à 13h20, à podcaster, réécouter et lire intégralement

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Transcript
00:00 [Musique]
00:13 Il y a des raisons de court terme et des raisons qui sont plus profondes.
00:17 Sur le court terme, on a vu par exemple avec la guerre en Ukraine,
00:21 que l'Ukraine approvisionnait la chaîne de fabrication du médicament
00:25 en emballage, en aluminium, en verre, tout ce qui est conditionnement du médicament
00:31 et forcément ça a eu des conséquences.
00:33 Au-delà de ça, il y a également une augmentation énorme de la demande mondiale,
00:38 donc plus de pays qui réclament des médicaments.
00:41 Mais plus profondément, les raisons de ces tensions et de ces pénuries,
00:45 elles ont un lien direct avec un changement de modèle économique du médicament.
00:50 Depuis les années 90, les entreprises du médicament ont délocalisé.
00:55 En plus de cela, on arrive à une situation où certains médicaments essentiels
00:59 ne sont plus produits que par une seule usine dans le monde entier
01:03 pour alimenter toute la planète.
01:05 Donc forcément, dès qu'il y a le moindre grain de sable dans la chaîne de fabrication,
01:08 ça crée des tensions et des pénuries.
01:10 À cela, on peut ajouter un phénomène de financiarisation
01:14 avec l'arrivée de fonds de pension notamment américains
01:18 au capital de grandes entreprises qui vont exiger une rentabilité plus importante.
01:23 C'est pour ça que des entreprises vont lâcher des molécules
01:26 qui sont considérées comme moins rentables et se focaliser sur d'autres médicaments.
01:31 On passe d'un modèle de blockbuster en quelque sorte,
01:35 un médicament qu'on va vendre en grande quantité à beaucoup de personnes
01:38 pour un prix relativement raisonnable et qui rapporte suffisamment d'argent,
01:41 à un modèle de niche avec des médicaments dits innovants
01:45 qui vont concerner des maladies rares, donc moins de personnes,
01:48 mais qui vont être vendus à des prix absolument astronomiques.
01:52 On peut citer l'exemple d'un médicament contre l'hépatite C
01:59 qui s'appelle le Sovaldi Sophos Buvir,
02:02 qui a été inventé à l'origine dans une université américaine,
02:05 qui a été développé par un chercheur dans une start-up
02:08 et qui a été revendu à prix d'or par une firme américaine, Gilead,
02:14 qui ensuite a pesé de tout son poids pour vendre ce médicament,
02:20 le mettre sur le marché à un prix absolument hallucinant.
02:23 41 000 euros la cure en France.
02:26 On peut également citer l'exemple d'un médicament contre l'amiotrophie spinale,
02:31 le Zodgensma, là qui est produit par le Suisse Novertis.
02:35 Là aussi, c'est intéressant.
02:37 Il faut savoir que c'est le médicament le plus cher de France,
02:40 2 millions d'euros.
02:42 Ce qui est intéressant de noter aussi, c'est que,
02:44 quand on regarde dans le détail, en fait, ce médicament a bénéficié de l'argent public.
02:48 C'est-à-dire qu'il a été développé initialement par la recherche publique,
02:52 l'Inserm, il a bénéficié d'argent du Téléthon,
02:56 le Généthon qui a développé ce médicament,
02:59 avant, même scénario, d'être repris par une start-up
03:02 et racheté par la firme qui s'économise, en quelque sorte,
03:06 les frais de recherche-développement.
03:08 [Musique]

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