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00:00 Et puis vous avez pas le courrette qu'on m'a dit hier, les gars là.
00:03 - Moi ? - Oui.
00:04 - Moi j'ai des ennuis là. - On vous arrange ça à la maison.
00:07 Qu'est-ce qu'il a ce veau, M. Billot ?
00:27 Il est dérotulé, l'os du glacek, ils ont étendu.
00:31 - Dérotulé ? - Oui.
00:33 Oh, c'est pas grave.
00:35 Ça fait mal, le vieux gant, hein ?
00:48 Et voilà, tu vois, mon petit gant, quand tu trouves la poche, ce trou là,
00:53 tu peux dire fini.
00:56 Effectivement, il y avait un trou avant.
00:58 C'est d'ailleurs de là que je l'ai vu qu'il était dérotulé.
01:02 On va le lâcher quelques jours.
01:04 - C'est remis déjà, là ? - Oui, ça y est.
01:06 - Combien de temps vous avez mis ? - Une minute ou deux.
01:10 - On est pas à une minute, là. - Faut plus de temps pour faire le chemin et le boulot.
01:13 On vient vous chercher de loin, comme ça, quelque part ?
01:18 Je disais, une semaine, j'étais le matin dans la nièvre, et le soir de l'autre côté d'Aubuchon.
01:26 - Aubuchon, dans la creuse ? - Oui.
01:28 - Alors là, qu'est-ce que vous lui faites ? - C'est pour que sa patte...
01:31 J'attaque sa patte pour qu'elle reste encore comme ça, qu'elle s'en aille pas en arrière.
01:36 Si elle s'en tourne en arrière, il la démolit encore.
01:38 Bouge pas, on laisse pas en bas, par terre, con !
01:40 Là, allez, marche, laisse le faire, laisse le faire, le bêtis.
01:44 Regardez si sa patte elle est bien réglée, oui.
01:48 Regardez, elle va pas aller en arrière, comme ça.
01:55 Eh ben, il va pas le laisser comme ça, qui est lourd.
01:57 Il va revenir quand la ficelle...
01:59 Quand il s'appuiera sur sa patte, il enlève la ficelle, et puis ça y est.
02:02 - Il y a longtemps que vous faites ça ? - Euh...
02:06 53 ou 54 ans.
02:08 - Comment ça a commencé ? - Comme ça.
02:13 On m'a montré, puis c'est tout. Mais il faut apprendre l'anatomie, hein, faut pas faire l'âne.
02:17 - Et alors, vous, vous l'avez appris ? - Ah oui.
02:20 - Comment ? - Eh ben, mon vieux, j'étais infirmier militaire.
02:23 Moi, j'ai fait 14 mois de pavillon de chirurgie.
02:25 - En étant soldat ? - Oui.
02:29 - Et c'est là que vous avez appris ? - J'ai appris l'anatomie, puis après...
02:33 Y a un vieux gars qui m'a montré.
02:35 Puis ça, ça va.
02:37 Puis à présent, eh ben, il me coche la tête avec ça tous les jours.
02:41 - Ça vous embête, vraiment ? - Au contraire, ça me sort !
02:47 Du coup, le reste, je le fasse moi dans le fauteuil.
02:49 D'abord, je peux me faire manger, d'abord, aux femmes.
02:51 Vous l'avez bien vu, avec tout ce vieil, d'abord.
02:53 - Mais vous soignez aussi bien les gens que les bêtes ? - Pareil.
03:03 Si c'est démoli... Ah, quand c'est cassé, j'y touche pas.
03:05 Parce qu'il est cassé, je veux pas y toucher.
03:09 - Qu'est-ce que vous soignez, exactement ? - Tout ce qui est démoli.
03:11 Toutes les articulations démolis, les muscles, les entorses, tout ce que vous...
03:17 Ah, et puis vous, vous avez pas le courette qu'on m'a dit hier, les gars, là ?
03:21 - Moi ? - Oui.
03:23 - Moi, j'ai des ennuis, d'ailleurs. - On vous arrange ça à la maison.
03:25 - Ça se termine toujours comme ça, M. Vidéo ? - Oui, oui, oui.
03:41 Sans ça, ça tient pas.
03:43 Faut y souder un peu.
03:45 Les médecins, ils ne vous font pas d'ennuis ?
03:47 Oh, non.
03:49 Les médecins, ils m'envoient des petits...
03:51 Médecins de...
03:53 Tchéry, là, comment on l'appelait ?
03:55 Ah, bon, du Clément.
03:59 - Ah, oui, c'est vrai. - Oui, oui.
04:01 Il m'a amené sa bonne.
04:03 C'était un démoli à genoux.
04:05 C'est lui qui me l'a amené.
04:07 On vient vous déranger quelquefois, la nuit ?
04:11 C'est au moins 11h du soir, minuit, je sais pas.
04:13 J'étais couché, moi.
04:15 Puis, mon vieux, il s'amène.
04:17 J'ai dit, il ne compte pas la porte.
04:19 Il était de 12h.
04:21 "M. Vidéo, M. Vidéo, il y a..."
04:23 "Ah, lui, cette jeune fille qui s'est déboitée de genoux, là."
04:25 Elle avait une culotte fuseau, mon vieux.
04:27 Ah, il me clamait sur la chaise, la pierre était là.
04:31 "Ah, dis-y tout, pense pas à la culotte, moi, je peux rien faire."
04:33 Puis, c'est tout.
04:35 Et c'était vrai.
04:37 "Comment voulez-vous que je travaille, monsieur la culotte ?"
04:39 - Et alors ? - Et bien, à la prochaine fois,
04:41 elle a posé la culotte, qui n'allait pas les genoux,
04:43 et elle a dansé toute la nuit.
04:45 - Elle est repartie danser, après ? - Oui, elle a dansé toute la nuit, oui.
04:47 Ah, ben, alors, comment vous avez fait ça ?
04:59 Au lit ?
05:01 - Non. - Non.
05:03 Qu'est-ce que vous préférez, soigner les bêtes ou les gens ?
05:05 J'aime autant les bêtes, parce que les gens,
05:07 des fois, ils gueulent un peu, ça les fait mal.
05:09 Les bêtes, elles disent rien.
05:11 Des fois, elles m'envoient des coups de pied,
05:13 mais enfin, ça, j'ai qu'à me mettre au chemin.
05:15 Et bien, voilà, ma belle, il n'y a plus qu'à le commencer,
05:17 si vous avez trouvé bon.
05:19 - Essayez, maintenant ? - Allez, oui, allez,
05:21 essayez de marcher, vous allez voir, ça va, franquin.
05:23 C'est vrai.
05:27 - Ça va, hein ? - Ouais.
05:29 Il y a un jour, j'ai un cousin, ma femme, justement,
05:31 en réparant un petit taureau vaché,
05:33 il y a un gars qui tenait la tête,
05:35 et puis l'autre à la patte, j'ai dit,
05:37 "Lâche-le à celui de la patte", mais c'est l'autre qui l'a lâché,
05:39 j'ai pris un coup de pied, mon pauvre vieux,
05:41 ça m'a lancé à 3 mètres dans l'écurie.
05:43 Heureusement qu'il y avait une botte de poids,
05:45 et puis le genou de travers.
05:47 J'ai attrapé le bout du pied, je l'ai ramené tout seul,
05:49 mais heureusement que je n'ai pas loupé au premier coup,
05:51 parce que j'irais pas retourner, ça fait mal,
05:53 ça m'étonne pas que les gens gueulent, des fois.
05:55 - Ah, bonjour, Pierre. - Quelqu'un qui passe.
06:03 - C'est un client, ça, non ? - Non, je suis un voisin.
06:05 - Ah, bonjour.
06:07 - Quel âge vous avez, M. Billot ?
06:09 - 75 ans.
06:11 - À 75 ans, on a une philosophie de la vie, qu'est-ce que vous pensez ?
06:15 - Oh, oui, oui, là, on s'en fout, on attend le reste.
06:17 J'ai mon cercueil dans ma poche, tout près.
06:21 Oui, oui. - Comment ça, dans la poche ?
06:25 - Mon cercueil, il est dans ma poche, mon vieux.
06:27 Voilà mon cercueil, mon vieux.
06:33 - Je sousignais Billot Jean-Louis,
06:35 à Eryson Allier,
06:39 ayant fait don de mon corps au laboratoire d'anatomie,
06:41 faculté de médecine de Clermont-Ferrand.
06:45 Vous avez légué votre corps... - Ah, oui, oui.
06:47 - ... à la médecine ? - Oui.
06:49 - Pourquoi ? - Eh bien, pour faire vivre ce petit,
06:51 depuis longtemps, s'ils font des expériences.
06:53 - Vous avez envie d'être utile, encore, après votre mort ?
06:57 - Eh bien, sans doute, si on peut.
06:59 Pour ce qu'on fait, là.
07:01 Toute l'heure, c'est fini, moi.
07:03 Une fois qu'on est mort, là.
07:05 On est foutus.
07:09 - Mais qu'est-ce que vous referez, les agriculteurs, après vous ?
07:13 Vous serez plus là ? - Eh bien, mouiller les Français qui poulent.
07:15 Puis après moi, il y a le bon Dieu.
07:17 On change bien le président de la République,
07:25 on change bien les généraux, on change bien le buteur,
07:27 bon Dieu, il faut aller.
07:29 Et personne n'y remplaçera.
07:31 Et personne n'y remplaçera.
07:33 (Musique)
07:35 (Musique)
07:37 *musique de fin*
07:57 [SILENCE]

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