On vous écoute : lutter contre le harcèlement scolaire, avec Gaëtan Canaveira

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00:00 7h45, vous nous appelez 04-77-10-0010, le harcèlement scolaire, cette question,
00:06 l'école en fait-elle assez pour lutter contre ce fléau ? On vous écoute sur France Bleu,
00:11 Saint-Etienne Noir et d'ailleurs Tiffany, on va rejoindre Véronique qui est en ligne avec nous.
00:17 Bonjour Véronique. - Bonjour.
00:19 - Vous souhaitez témoigner ce matin, je peux me permettre de vous demander la commune d'où
00:23 vous nous appelez ? - Oui, de Saint-Etienne.
00:25 - Vous avez été, vous avez un petit garçon qui a été harcelé, c'est ça ?
00:31 - Oui, c'est ça oui, depuis l'âge de 7 ans. - Comment ça s'est passé concrètement ?
00:35 - La première fois, il a 10,5 m, on le faisait tomber à l'école, on l'embêtait qu'on le faisait
00:41 tomber et tout, qu'on l'arrêtait pas et après ça s'est passé en 6e et en 4e. En 4e, alors là,
00:48 on l'a insulté sur le téléphone, on l'a menacé de mort, enfin même à l'école,
00:52 on l'a laissé de côté, on l'a insulté nous aussi, donc il a fallu que j'aille voir la CTE,
00:58 là, qui n'a rien fait et la police, c'est pareil, j'étais à la police, ils l'ont juste convoquée
01:04 pour lui faire un rappel à la loi, mais ça n'a rien fait non plus et là, il prenait des cachets
01:09 pour les nerfs et pour dormir parce qu'il n'en voulait plus. - Je me permets de vous demander,
01:13 Véronique, comment va votre fils aujourd'hui ? - Bah écoutez, aujourd'hui, ça va un peu mieux
01:17 parce que j'ai renvé d'école, parce qu'il allait à l'école privée, il était bien, mais seulement
01:23 qu'il n'avait plus d'école parce qu'il avait peur de regarder les autres et tout, donc j'ai été
01:27 obligée de renver parce que j'avais peur qu'il fasse une bêtise, quoi. - Évidemment, c'est les
01:32 décisions qu'on n'a pas envie de prendre. Merci Véronique, restez avec nous, on est avec Gaëtan
01:36 Canavera. Bonjour Gaëtan, vous avez 25 ans, vous êtes originaire du Chambaud-Fleurolle et vous,
01:40 vous racontez votre histoire de harcèlement dans un livre que vous venez de publier,
01:46 "J'aime qui je suis, la vie après le harcèlement". Quand vous entendez le témoignage de Véronique et
01:51 l'histoire de son fils, ça résonne évidemment, j'imagine, en vous ? - Oui, oui, ça résonne,
01:57 ça résonne beaucoup et notamment le côté hyper destructeur des situations comme celle-ci et je
02:02 sais à quel point c'est difficile de se reconstruire ensuite et de se remettre de tout ça parce qu'il y
02:07 a cette notion d'incompréhension et d'hyper injuste parce qu'on n'arrive pas forcément à
02:13 comprendre pourquoi ça nous tombe dessus, c'est très très difficile. - Véronique nous disait,
02:16 elle a été obligée de changer son fils d'établissement, aujourd'hui il est scolarisé
02:21 en parcours classique Véronique, votre enfant ? - Non, il n'est plus scolarisé, ils sont très
02:28 rarement avec nous, très rarement, il a peur du regard des autres, ça l'a vraiment détruit,
02:35 ça a vraiment détruit sa vie parce que vraiment là il a peur, dès qu'il voit quelque part il a peur,
02:43 et puis c'est tout. - Gaëtan, justement quand vous entendez que ça pèse aussi lourd et aussi longtemps
02:48 sur un enfant et peut-être un jeune adulte, qu'est-ce que vous avez envie de dire ? Parce
02:52 que vous, vous voulez aussi passer un message positif finalement après ce qui vous est arrivé.
02:56 - Moi ce que j'ai envie de communiquer, et toujours je me base sur mon vécu personnel à moi,
03:00 mais c'est que j'aimerais tellement que pour tout le monde ça devienne la plus grande force,
03:03 après avoir été la plus grande faiblesse, moi je sais que c'est ce qui m'a permis aussi d'avancer,
03:08 de me construire, je sais que c'est pas forcément le cas pour tout le monde parce qu'il y a cette
03:11 déconstruction de l'identité mine de rien, parce qu'on devient seulement harcelé et on n'est plus
03:16 rien d'autre, et en même temps j'ai envie de dire que la force qui en découle ensuite,
03:21 elle est plus forte que tout, et j'aimerais vraiment qu'il s'en sorte comme j'ai pu m'en
03:26 sortir moi, et si mon histoire peut aider, c'est pour ça que j'en parle finalement.
03:30 - Le harcèlement scolaire, l'école en fait-elle assez pour lutter contre ce fléau ? Voilà la
03:34 question qu'on vous pose ce matin, continuez à nous appeler 04 77 10 0010, on vous écoute jusqu'à
03:40 8h sur France Bleue Saint-Etienne. - Et vous pouvez évidemment réagir au
03:43 propos de Gaëtan Canavera qui est avec nous pour son livre « J'aime qui je suis, la vie après le
03:47 harcèlement ». On a entendu Véronique qui nous expliquait l'histoire de son fils il y a un
03:52 instant, qui nous disait qu'elle a eu le sentiment de ne pas être entendue par le milieu scolaire,
03:55 par les adultes qui entouraient son enfant. Dans votre livre, à part une enseignante qui vous
04:00 prend un peu sous son aile à un moment où vous êtes en pleurs dans un couloir, vous aussi on a
04:04 le sentiment que vous êtes un peu seul. L'école n'arrive pas aujourd'hui à gérer ce problème du
04:09 harcèlement scolaire ? - Moi je sais que pour ma part, à l'époque, tout de suite, je me suis moi-même
04:14 formaté à me dire que je n'avais pas forcément confiance en les personnels de l'école.
04:20 - Et pourquoi ? - Parce que je sentais ce manque de temps, ce manque de formation et cette tendance
04:26 à minimiser les faits et à arrondir les angles, et je voulais absolument que si j'en parle,
04:30 qu'on me prenne au sérieux et qu'on ne minimise pas ce que je vivais, parce que je savais à quel
04:34 point c'était important et potentiellement grave. Et tout de suite, j'ai préféré me mûrer dans un
04:38 silence. Et c'est vrai que c'est une fois arrivé au lycée où il y a une une prof qui a pris partie
04:43 tout de suite parce qu'elle a assisté à quelque chose qui m'était arrivé en classe. Et là,
04:47 tout de suite, ça fait un bien fou de se sentir enfin compris et écouté, parce que jusqu'à présent,
04:52 ce n'était pas forcément le cas. - Je vous propose Gaëtan de réagir aussi au propos de Colette,
04:56 qui est une mère de famille Stéphanoise, et qui nous disait que ce n'est pas forcément
05:00 évident d'en parler à la maison avec des adolescents. - Comme ils deviennent ados,
05:03 ils parlent encore moins, ils se confient encore moins, et c'est difficile. Sauf s'il y a quelques
05:08 petites alertes différentes qui peuvent nous avertir, mais le plus souvent, on ne le sent pas
05:12 venir, je pense. - Vous-même, Gaëtan, je crois que vous n'avez pas forcément parlé tout de suite
05:17 de ce qui se passait à l'école à vos parents. Pourquoi ? - Moi, c'était vraiment dans un but,
05:21 déjà dans un premier temps, de les protéger eux, mais aussi de protéger mon cocon, parce que moi,
05:26 j'avais la chance que ça s'arrête une fois quitté l'école, et je voulais vraiment préserver mon
05:31 cocon, dans lequel je me sentais hyper bien, et je savais que si j'en parlais à la maison,
05:34 j'allais ramener ça chez moi, et donc entacher mon quotidien aussi à la maison, alors que c'était
05:38 le seul moment où j'étais potentiellement tranquille, et aussi dans le but de protéger
05:41 mes parents. Et c'est vrai que quand on décide de cacher quelque chose, on y arrive pour de vrai.
05:45 - Gaëtan Canavera, l'auteur de "J'aime qui je suis, la vie après le harcèlement",
05:49 et notre invitée, on rejoint Françoise. Bonjour Françoise. - Oui, bonjour tout le monde.
05:54 - Bienvenue sur France Bloc, Saint-Etienne-Loire. Vous voulez vous insister sur le rôle qu'ont
05:58 les parents, en fait, sur l'apprentissage des valeurs ? - Oui, moi je trouvais que cette époque,
06:02 enfin au départ, après peut-être, mais il y a déjà un premier rôle à jouer avec les parents,
06:08 à apprendre l'acceptation de l'autre, à apprendre la différence, à apprendre... Enfin moi,
06:15 il me semble que ce travail commence tout de suite. Ça fait partie de l'éducation,
06:21 et que déjà, qu'on ait un regard autre sur les gens de différence, sur les gens qui ne sont
06:31 pas tout à fait comme nous. - C'est intéressant ce que vous dites,
06:34 Françoise, parce que je pense qu'effectivement ça fait écho à votre histoire, Gaëtan. Vous,
06:38 vous le racontez dans votre livre, vous étiez dans un très bon environnement familial,
06:43 vous pouviez parler de tout, et vos parents vous poussaient à aller dans vos passions,
06:48 qui faisaient peut-être aussi un peu vos différences quand vous étiez enfant. - Bien sûr,
06:51 bien sûr, et j'ai eu cette chance, moi justement, d'avoir une famille qui a toujours été à l'écoute
06:55 et attentive, mais moi je tiens aussi à souligner, à l'école c'est hyper important qu'on apprenne
07:01 ça aussi, mine de rien, parce qu'on apprend tout un tas de choses à l'école, et c'est génial,
07:04 mais on ne nous apprend pas à vivre avec les autres et à tolérer, et c'est vrai qu'on se
07:07 retrouve tous enfermés dans cette même classe, avec des gens qui sont potentiellement différents
07:11 de nous, mais comment on fait pour gérer cette différence ? On ne le sait pas et on ne nous
07:14 l'apprend pas, et moi je trouve que c'est hyper important qu'à l'école, dès le plus jeune âge,
07:18 on apprenne la tolérance et le respect de l'autre, parce que c'est le B.A.B. - Une question à Véronique,
07:24 qui est toujours en ligne avec nous, vous continuez à nous appeler d'ailleurs sur le sujet du
07:27 harcèlement scolaire, l'école en fait-elle assez pour lutter contre ce fléau 04-77-10-0010 ? Véronique,
07:33 par rapport à votre enfant dont vous nous parlez ce matin, est-ce que vous vous êtes sentie vis-à-vis
07:37 de l'Institution Éducation Nationale, désemparée, même abandonnée à un moment ? - Oui, j'étais
07:44 abandonnée à un moment, on ne m'écoutait pas, il y a que tant qu'il était en école privée, donc il
07:49 faut que je l'échange, qu'il allait en école privée, le CPE, il était super sympa, et lui, il a fait
07:54 quelque chose, il l'a mis en place, il n'allait pas tous les après-midi, deux après-midi par
07:58 semaine, il n'allait pas à l'école et tout, il a essayé de faire quelque chose pour mon fils,
08:01 mais non, l'école pour lui, c'était trop. - La loi prévoit désormais qu'on peut changer
08:09 d'établissement les harceleurs aussi, alors ce n'est pas forcément pratique et facile à mettre
08:15 en place, mais Véronique, est-ce que ça vous rassure, quelque part, cette évolution ? - Ça me
08:19 rassure pour les autres enfants qui vont venir, parce que j'ai un petit-fils, donc je ne vois pas
08:22 que ça lui arrive, ça me rassure pour ceux qui vont venir, les enfants, mais il faudrait qu'ils
08:29 le fassent vraiment vite et que ça se fasse de cette manière, parce qu'il y en a qui souffrent
08:34 trop, les enfants. - Merci pour votre témoignage, Véronique, on est toujours avec Gaëtan Canavera,
08:40 qui a partagé, donc qui partage encore son vécu dans ce livre "J'aime qui je suis, la vie après
08:45 le harcèlement". Vous, vous le disiez tout à l'heure, vous avez fait finalement, de ce qui vous
08:49 est arrivé, une force, vous êtes même allé jusqu'à garder une des insultes que vous avez
08:55 le plus entendu, "bouboule", et d'en faire votre pseudonyme aujourd'hui sur les réseaux sociaux,
08:58 c'est pas trop dur à porter, justement ? - Non, parce qu'une fois que j'ai été en paix avec tout
09:04 ça, j'ai compris que c'était le seul moyen que j'avais de prendre ma revanche, et pour moi et
09:08 moi-même, il était hyper important de prendre ma revanche, et j'ai trouvé que ce moyen-là,
09:12 et au final, je me dis que j'ai bien fait, parce que ça a payé, et aujourd'hui, je suis très
09:16 content de porter ce nom, et très fier, puisque je l'ai même tatoué sur mon corps, pour ne jamais
09:20 oublier, c'est une façon pour moi aussi de ne jamais oublier le chemin que j'ai fait, et c'est
09:26 génial. - On sent votre envie d'être dans le positif, même si c'est un sujet très difficile,
09:31 on le sent dans votre écriture aussi, pourtant il y a des drames, on a entendu le témoignage de
09:37 Véronique, on sent bien que son fils est en difficulté, on a des enfants qui vont jusqu'au
09:41 suicide, vous en parlez d'ailleurs dans votre livre, vous faites référence à Lucas, ce collégien,
09:45 dans "Les Vosges", ça vous fait quoi quand vous entendez des histoires pareilles, en fait ? - Moi,
09:50 j'ai tendance à être très en colère, je suis très énervé de me dire qu'on n'ait pas pu l'éviter,
09:55 qu'on n'ait pas vu avant, même à l'école, je veux dire, on y passe quand même 8 heures par jour,
09:59 et on ne se rend pas compte de ce qui se passe, et d'où, encore une fois, le manque de formation,
10:03 et le manque de temps, probablement des enseignants, mais je suis très révolté,
10:07 et c'est ce que je ne dirai jamais assez, moi je suis vivant pour en parler, donc je vais le faire.
10:11 - Une dernière question Gaétan Canavera, le ministre de l'éducation nationale a dit en
10:16 début de semaine à tous les recteurs d'académie, il faut un électrochoc, vous pensez qu'il va se
10:20 produire cet électrochoc, qu'on va y arriver ? - J'ose espérer, en même temps je me dis qu'on
10:25 est à 20 suicides sur ces trois dernières années, est-ce que ça n'aurait pas pu servir déjà
10:29 initialement d'électrochoc ? Mais j'ose espérer que ça se produise pour qu'enfin des choses soient
10:33 mises en place pour de bon, et qu'on prenne le problème directement, et qu'on le traite,
10:38 surtout, c'est hyper important. - Merci en tout cas d'être venu en témoigner,
10:41 de continuer à en témoigner Gaétan Canavera, on rappelle votre ouvrage "J'aime qui je suis,
10:45 la vie après le harcèlement" et on remercie vos participations, vos appels ce matin,
10:51 Véronique François qui avait témoigné ce matin de ce sujet difficile qu'est le harcèlement scolaire.

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