A quelques heures de l’ouverture de la Maison Gainsbourg, au 5 bis rue de Verneuil à Paris, Charlotte Gainsbourg était dans la rédaction de Libération. Elle est venue, ce lundi 18 septembre, avec ses propres photos : un duo Gitanes et Zippo, un portrait de Serge et Jane sur les touches d’un piano, des flacons de parfum au sens très particulier, une marionnette ou un fauteuil dans lequel on ne s’assoie pas vraiment… Charlotte Gainsbourg nous a offert ses clichés, inédits et secrets, comme l’a longtemps été l’intérieur de la maison de son enfance. En révélant ces photographies pleines de détails au public et en prenant soin de les commenter pour les lecteurs de Libé, Charlotte Gainsbourg nous fait là une nouvelle invitation à entrer dans l’intimité de la maison de son père.
Dans cette vidéo, vous l’entendrez commenter ces images. Comme un avant-goût du parcours audio de la maison dans laquelle on entre par ses souvenirs et sa vision grâce à un parcours sonore.
Dans cette vidéo, vous l’entendrez commenter ces images. Comme un avant-goût du parcours audio de la maison dans laquelle on entre par ses souvenirs et sa vision grâce à un parcours sonore.
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00:00 J'ai toujours eu une timidité dans tous mes gestes là-bas, dans le fait de ne pas faire de bruit,
00:05 de me poser par terre, jamais m'asseoir sur son canapé.
00:12 Charlotte Gainsbourg ouvre les portes de la maison de son père, au 5 bis rue de Verneuil.
00:19 Elle a photographié ce lieu sans jamais rien y toucher, comme si le temps s'était arrêté en 91.
00:26 Pour Libération, elle pose sa voix sur cette série de clichés inédits qu'elle a pris ces 4 dernières années.
00:32 Une invitation à entrer dans l'intimité de la maison de son enfance avant qu'elle ne devienne publique.
00:37 Il y a peut-être 3-4 ans, quand j'ai démarré ce dernier projet, qui va finalement avoir le jour,
00:51 là je me suis dit que je voulais placer mon regard sur tous les objets que j'aime, la disposition,
01:02 et ça me permettait de passer beaucoup de temps en fait rue de Verneuil.
01:08 Comme j'avais peur qu'elle m'échappe, et évidemment j'ai envie de s'amuser, mais c'est un déchirement aussi,
01:17 je m'y suis enfermée beaucoup, avec cette excuse d'avoir à prendre des photos,
01:22 parce que sinon j'ai toujours eu le sentiment d'être quand même un intrus.
01:29 Le Rhodes, je n'ai jamais vu mon père y jouer, donc en jouer.
01:39 Par contre, dessus il posait pas mal de petits magnétos, un micro, donc il y avait quand même son côté professionnel.
01:49 Je sais que c'est un instrument qui a compté pour lui, mais je ne mentirais si je disais que j'en étais témoin.
02:00 Après de les avoir, cette photo-là des deux, elle me touche vachement.
02:07 D'abord parce qu'elle a un regard très franc sur lui, lui il détourne les yeux,
02:13 et j'aime bien ce regard, il est à la fois un peu méfiant, très cash,
02:21 et avec la beauté évidemment qu'elle a.
02:27 Il y en a tellement des photos de mes parents, mais celle-là, en plus si c'est lui qui l'a choisie, ça veut dire quelque chose.
02:36 Moi je sais pas, comme j'avais que 19 ans quand il est mort,
02:39 je peux pas dire pourquoi il a choisi telle ou telle photo, pourquoi il l'a mise là, est-ce qu'elle était là dès le départ,
02:46 tout ça, je sais pas quand il a acheté ce Rhodes, tout ça c'est très frustrant,
02:53 et en même temps aujourd'hui je l'accepte vraiment d'avoir que ma mémoire à moi.
03:01 Les gitanes et son zippo, je pense qu'on va les placer sur sa table basse parce qu'elles étaient pas vraiment là.
03:11 Elles sont sur un bar, alors c'est un bar qu'il a acheté très tard,
03:15 ça fait plus partie du décor de sa deuxième vie, enfin une fois que ma mère l'a quitté,
03:24 sa vie avec Mandrouil, il s'est acheté pas mal de meubles assez imposants,
03:31 Rude Bernard, je sais pas, Thilapsus,
03:37 et donc c'était des objets et des meubles plus d'un collectionneur,
03:47 avec cette idée qu'on allait pas toucher, c'était un décor.
03:53 Et ce bar, il a jamais fait des cocktails au bar,
03:58 donc non, ces cocktails, enfin je crois,
04:01 moi je l'ai vu faire des pastis, mais je le vois pas faire, enfin si je me souviens du son du shaker,
04:07 donc si, il en faisait quand même.
04:09 Bambou, je crois, connaît toutes ses recettes,
04:13 le dosage est hyper précis, moi évidemment à l'âge que j'avais, je m'en foutais un peu.
04:21 Et j'étais plus flic que ça en fait,
04:23 moi j'étais toujours à enlever les bouteilles d'alcool dans les mini-bars quand on allait à l'hôtel,
04:28 l'empêcher de boire dans les avions,
04:31 voilà, moi j'étais plus flic.
04:34 J'étais un très bon flic, et les cigarettes, il essayait aussi, c'était très difficile,
04:41 mais vers la fin, il avait son étui à cigarettes, où il pouvait mettre que 10 cigarettes,
04:49 il essayait de se limiter.
04:54 J'ai toujours eu une timidité dans tous mes gestes là-bas,
05:01 dans le fait de pas faire de bruit, de me poser par terre,
05:05 jamais m'asseoir sur son canapé,
05:10 même les fauteuils, le bout de mes fesses, c'est pas du tout...
05:15 parce que quand il était vivant, je m'asseyais par terre,
05:19 je crois que ma mère aussi s'asseyait par terre,
05:22 c'était jamais un lieu où on était très à l'aise,
05:31 il n'y avait pas de malaise non plus,
05:33 mais moi comme enfant, j'étais toujours par terre de toute façon.
05:37 Et vers la fin, de m'autoriser, mais très très respectueusement, vraiment.
05:47 L'araignée, c'est pas la belle araignée qui va retrouver sa place sur le piano,
05:53 mais c'est quand même une araignée...
05:57 alors je sais pas d'où elle vient,
05:59 mais les animaux empaillés, ça m'évoque ma mère,
06:05 parce qu'elle avait un vrai goût à ça,
06:11 je sais pas si ça a un côté anglais, j'imagine pas vraiment,
06:15 mais bon, celle-là non, je sais pas d'où elle vient.
06:17 On voit aussi l'encyclopédie médicale en dessous de l'araignée,
06:22 et on voit une photo, je pense de "Je t'aime, moi non plus",
06:28 de ma mère et de Joe d'Alessandro,
06:31 on voit sa machine à écrire électrique,
06:39 qui me paraissait ultra moderne,
06:42 et ça je m'autorisais à pianoter dessus le matin.
06:49 En fait, son bureau, j'y ai passé pas mal de temps les matins,
06:56 quand il était pas encore réveillé,
06:58 parce que c'est là qu'il y avait, il y avait pas beaucoup de BD,
07:02 mais il y avait des albums de Walt Disney,
07:06 il y avait des albums de Pim Pam Poum,
07:09 de... ce qui lui l'avait marqué petit,
07:11 et donc, je regardais ça le matin.
07:18 Il y avait aussi, on l'a jeté en fait, lui l'a jeté,
07:24 mais à l'époque de ma mère plus, peut-être au début des années avec Bambou,
07:28 mais il y avait un lion, non un tigre pardon,
07:32 un tigre empaillé, une peau de tigre,
07:35 avec les dents, je me souviens de la sensation d'être,
07:42 d'être allongée dessus un peu, les poils,
07:46 et en fait elle a pourri, la tête a pourri,
07:50 donc il a fini par la jeter.
07:53 La sirène, elle est dans sa chambre,
07:57 et ça c'est un des, je sais pas si on dirait un objet ou un meuble,
08:04 c'est un coffre en fait, c'est un coffre, son corps s'ouvre,
08:09 c'est un banc aussi, donc sous le banc il y a ce coffre.
08:17 Le fait qu'il ait mis ce collier de perles,
08:20 ça je me souviens plus si le collier il date...
08:24 En fait la sirène elle est là depuis, moi je dirais les années 70,
08:28 parce qu'il y a des photos en fait de Kate, ma mère, mon père et moi,
08:36 dans sa chambre, avec la sirène.
08:39 Je dirais qu'elle est en... quoi ?
08:43 Moi je dirais en plâtre ciré, mais je sais même pas si ça existe le plâtre ciré.
08:49 En tout cas elle est très très douce,
08:52 il y a une grâce dans la manière qu'elle a de tenir ses mains,
08:59 et mon père me faisait remarquer que dans certains tableaux,
09:02 il fallait remarquer la position des mains, la grâce,
09:06 et il avait tout un mode d'emploi sur comment se tenir en photo.
09:11 Quand on était pris en photo, il fallait mettre ses mains d'une certaine manière,
09:16 pour faire que ce soit plus gracieux et qu'on ait les mains plus longues,
09:19 donc il fallait tenir le majeur et l'annulaire ensemble,
09:28 ça faisait des mains plus longues.
09:31 Voilà donc ça m'évoque aussi ça, le fait d'avoir eu un guide de l'esthétique grâce à lui.
09:40 Après dont on a beaucoup de mal à se démarquer.
09:46 Il avait peu de paires de répétaux noirs,
09:49 parce qu'il les mettait qu'avec un costume,
09:52 et comme il mettait rarement un costume,
09:57 elles ne se sont pas usées tant que ça.
10:00 Les blanches par contre,
10:03 elles se sont usées, j'aime bien évidemment l'usure en fait.
10:08 Ce que je trouve très très charmant et étonnant,
10:16 c'est la taille de sa garde-robe, la taille de son placard.
10:24 Il y a la place pour tellement peu de choses,
10:27 et en même temps c'est comme ça qu'il s'est donné cet uniforme.
10:32 Alors quand on voit ma mère, tellement de photos, de mode et plein de tenues,
10:37 on se dit que ça ne tient pas, parce qu'elle avait la même taille,
10:40 pour elle juste à côté, ça ne tenait pas vraiment là-dedans,
10:45 mais il faut croire que si.
10:47 En tout cas lui, il devait avoir deux jeans et très très peu de vêtements.
10:53 Donc il m'a vraiment fait comprendre le goût du vintage aussi,
11:01 de comment personnaliser ses vêtements.
11:04 Alors pas comment faire, mais que ça allait de soi.
11:08 On avait un vêtement neuf, ce n'était pas franchement intéressant,
11:12 c'était quand même plus intéressant,
11:14 d'y voir de la vie, de voir de l'usure.
11:18 Donc quand je vois ces répétos, avec les marques du temps, un peu de crasse,
11:25 ça a infiniment, ça en dit tellement plus que des vêtements neufs.
11:31 Moi c'est vrai que jusqu'à peut-être mes 30 ans,
11:38 je ne mettais que des vieux vêtements.
11:40 Je n'aimais tout ce qui était, je détestais ce qui était neuf.
11:46 Aujourd'hui, j'ai l'impression que je me suis engouffrée dans une génération
11:51 où on met du neuf, on fait vieillir les choses artificiellement,
11:57 mais il n'y a pas ce vrai, ce n'est pas très authentique.
12:03 Ces flacons-là sont vraiment exposés et placés dans sa chambre.
12:13 Il me semble que ce jeu, alors c'est un jeu de dames,
12:19 il me semble qu'il l'achète, enfin je ne sais pas.
12:22 Donc en tout cas, c'est un jeu de dames assez grand.
12:31 Il y place ses flacons.
12:34 Alors évidemment, Guerlin pour moi, ça me parle au travers de ses chansons,
12:39 mais c'était aussi, je pense Jiki, ça évoque Bardot.
12:48 J'ai essayé de me le mettre, moi je n'ai pas de parfum,
12:51 donc j'ai essayé tous les parfums des autres, mais ça ne colle pas.
12:55 Mais j'ai essayé pendant un moment Jiki.
12:59 Chalimar, c'était vraiment lié à ma mère, mais à une époque de ma mère.
13:04 Ça aussi j'ai essayé, mais c'est trop elle, je ne peux pas.
13:09 Alors il y a eu Liu, mais ça je ne me souvenais pas si c'était Bambou,
13:14 parce que pour moi Bambou c'était Opium.
13:18 Mais en tout cas, c'est un peu ces femmes sur ce jeu de dames.
13:25 Je viens de me rendre compte du sens.
13:29 Alors ces marionnettes, il y en a eu plusieurs.
13:35 Il y en a une que j'ai gardée, il me semble, parce que c'est moi qui lui avais faite.
13:40 Mais elle n'est pas là.
13:42 Mais il y a eu cette marionnette,
13:47 faite par un marionnettiste qui est mort aujourd'hui,
13:51 il n'y a pas si longtemps je crois.
13:53 Mon père devait en être très fier, parce qu'il avait donné ses cheveux,
13:56 il avait donné des petits bouts de sa veste, je crois, de son jean.
14:01 C'était quand même très personnel.
14:04 Et c'est drôle d'assumer complètement son image comme ça,
14:10 parce que ça ne me viendrait pas à l'idée d'avoir une marionnette de moi, chez moi.
14:17 Mais ça va aussi avec le personnage qui se donne.
14:24 Et moi aussi, je le dessinais avec tous les critères qui sont faciles à dessiner.
14:32 Un grand nez, une barbe, c'était facile à faire, des petits points, ses cheveux, ses grandes oreilles.
14:41 Mais il était très très fier de son image, après s'être trouvé tellement laid.
14:51 Ce n'était pas une vengeance, mais c'était une manière d'assumer complètement.
15:00 Mais j'adore ce côté qui me surprend encore de lui,
15:10 un peu dans la provocation, mais que j'adore.
15:16 Un côté très esthète, je suis sûre qu'il avait,
15:20 mais je pense qu'il le dit peut-être dans le commentaire, qu'il avait prévu son coup.
15:25 Ce n'était pas une improvisation de dernière minute, à mon avis, il avait bien prévu son coup.
15:31 Et ça m'évoque aussi évidemment la pochette de disque où il est en femme.
15:43 Et puis cette chambre qui dévoile aux gens assez souvent en fait.
15:51 Parce que voilà, nous on a des photos de nous, ça fait partie des photos posées en famille.
16:00 Je ne sais pas si c'est des photos d'un dimanche, je ne sais pas.
16:04 Mais en tout cas, il y avait une certaine mise en scène avec sa chambre à coucher,
16:11 qui ne dévoilait pas une intimité.
16:14 Alors là, si pour le coup, c'est une grande intimité, mais il n'y a rien que j'ai trouvé choquant,
16:22 justement dans sa vie de mélanger l'intime, le public.
16:30 En fait, il avait énormément de pudeur, sinon il aurait été carrément à poil.
16:38 Mais beaucoup d'impudeur comme beaucoup d'artistes, enfin.
16:44 Mais où tout a toujours été mélangé.
16:47 Ses déchirements de cœur, il en a fait des chansons et sans se cacher.
16:56 Donc voilà, c'est encore une idée de ne pas se cacher, de jouer avec un physique qu'il a complexé.
17:05 Enfin, moi, il m'en a toujours parlé.
17:11 Je le trouve hyper beau en plus sur cette photo.
17:15 Sous-titres réalisés par la communauté d'Amara.org
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