• l’année dernière
Transcription
00:00 Ça faisait vibrer un peu même ma propre morale à moi,
00:02 de femme, de citoyenne, de mère, de... Voilà.
00:05 Mais mon métier c'est d'être actrice et de participer à une narration, à une fiction.
00:09 Et puis ça m'intéresse pas de ne faire que des personnages qui sont vertueux ou qui sont...
00:15 Ça m'intéresse aussi d'aller parler de l'obscurité.
00:17 Et il y avait tous les éléments pour pouvoir le faire.
00:19 Donc j'ai plongé.
00:22 Théo va venir vivre chez nous.
00:27 Ça fait un bout de temps que Pierre rêve de se rapprocher de son fils.
00:30 C'est l'occasion.
00:31 Bonjour Théo.
00:35 Qu'est-ce que t'as grandi ?
00:37 Je vais chercher des clopes, tu m'accompagnes ?
00:42 Des fois tu te dis pas que je suis un vieux con ?
00:48 Jamais.
00:49 Théo, lui, le considère comme un vieux con.
00:54 Pierre il m'a dit que j'avais adopté les filles uniquement pour me donner bonne conscience.
00:58 Tu veux une bière ?
01:04 Mais il va falloir d'abord passer par le magnétophone.
01:06 Il va falloir me raconter ta première fois.
01:09 Assieds-toi, je vais te parler.
01:10 J'ai eu des vrais échanges avec Théo.
01:16 Il m'a dit que vous deux, que tu as eu une liaison avec mon fils.
01:20 En apparence, tout va bien.
01:22 Elle a réussi sa vie de famille.
01:24 Elle a un mari aimant et qu'elle aime.
01:26 Elle a deux petites filles, une carrière professionnelle qui marche très bien.
01:30 Et elle prend ce risque de faire tout voler en éclats.
01:32 Et c'est là-dessus qu'ils se retrouvent les deux, je pense.
01:34 Le jeune homme aussi.
01:36 C'est que lui, il a dit qu'il n'a que 17 ans,
01:38 mais lui, il a besoin de faire voler en éclats son rapport au père,
01:42 son rapport à la famille, à quelque chose.
01:44 Il a envie que sa jeunesse existe.
01:45 Et elle, je pense que c'est une femme qui est enfermée aussi dans un carcan bourgeois,
01:48 dans lequel elle s'est confortablement installée.
01:51 Ce qu'elle a sûrement dû rêver.
01:54 Mais n'empêche qu'elle est prisonnière de quelque chose.
01:56 Le film raconte aussi ça, cette révolution intérieure,
02:00 ce chaos intérieur qui fait que tout d'un coup,
02:01 il y a une relation scandaleuse, interdite.
02:04 Je ne sais pas comment la définir, cette relation, c'est très compliqué.
02:08 Mais il y a deux personnages qui se retrouvent là-dedans,
02:11 dans l'envie de tout faire péter.
02:13 Et l'idée de s'auto-s'aborder,
02:16 c'est quelque chose contre lequel on lutte toute sa vie.
02:18 C'est cette envie, cette pulsion de vouloir tout détruire quand on a tout,
02:23 pour revenir à un état où peut-être on s'en foutait un peu de l'avenir,
02:28 où on se disait que tout était dans le moment, dans l'instant,
02:30 alors qu'au plus tard, on a tout construit.
02:32 J'aurais pu avoir une certaine appréhension,
02:36 l'idée a un peu rodé dans ma tête,
02:38 sorte de quelque chose d'un peu plus dangereux.
02:40 J'ai un peu essayé d'analyser cette peur que je pouvais avoir,
02:44 qui était plutôt liée au scénario plutôt qu'à Catherine Bria.
02:47 J'ai beaucoup aimé ce qu'elle m'a dit, de comment elle voulait filmer,
02:49 de comment elle voulait raconter cette histoire,
02:51 et de comment elle voulait montrer les scènes d'intimité,
02:53 comment elle voulait les cadrer.
02:55 Et je me suis dit que ça valait la peine, ayant discuté avec elle.
02:58 La sexualité, c'est quelque chose qui fait partie de nos vies,
03:01 extrêmement...
03:03 Quelque chose qui nous constitue même,
03:04 c'est quelque chose dont il est très difficile de parler,
03:06 et encore plus de représenter au cinéma, en image,
03:09 sans que ce soit...
03:10 On prend toujours le risque que ce soit grotesque.
03:14 Et puis là, il y avait des enjeux particuliers,
03:15 c'était avec un très jeune homme.
03:16 Ça faisait vibrer un peu même ma propre morale à moi,
03:19 de femme, de citoyenne, de mère, de...
03:23 C'est peut-être l'une des premières choses dont elle m'a parlé,
03:25 Catherine Bria.
03:27 Quand on s'est rencontré physiquement,
03:28 elle m'a expliqué, elle n'a pas arrêté de me parler
03:30 des tableaux du XVIIe, et notamment du Caravage.
03:33 Alors moi, j'avais une vague idée, mais c'était quand même très flou.
03:37 Puis elle me disait, voilà, pour moi, c'est...
03:40 Elle me parlait de ce tableau, puis j'ai un peu oublié,
03:41 une fois qu'on a commencé à tourner.
03:43 Mais elle me disait, je comprenais juste qu'elle avait un dessin dans la tête
03:48 de comment elle allait filmer.
03:50 Et quand on est arrivé sur le tournage
03:52 et qu'on a eu à tourner une scène difficile,
03:55 c'était une scène délicate à faire,
03:57 qu'on a répétée, ils ont tourné exactement comme
04:00 si ça avait été storyboardé, enfin il y avait des cadres.
04:02 C'était difficile techniquement à faire.
04:05 Donc nous, on savait pertinemment, on savait précisément ce qu'on faisait,
04:07 mais par contre, émotionnellement, on ne savait pas vraiment
04:10 jusqu'où il fallait aller.
04:11 Et moi, je n'ai pas eu l'habitude de jouer beaucoup de scènes comme ça.
04:13 Et j'ai cru que ce serait beaucoup plus simple,
04:15 puisque la caméra était que sur nos visages essentiellement.
04:19 Sur nos visages, on ne voit quasiment pas de chair.
04:22 Et j'ai cru que ce serait beaucoup plus facile.
04:25 Et ça a appelé une intimité, un abandon, un don de soi
04:29 qui était assez vertigineux.
04:33 Et j'avais l'impression qu'on montait progressivement,
04:35 que je montais progressivement dans la bonne direction.
04:37 Je pense que c'était pas mal.
04:41 Et elle n'était pas satisfaite.
04:42 Elle disait non, non, non.
04:43 Il y avait quelque chose que je ne comprenais pas.
04:45 Et puis à un moment donné, elle est arrivée avec l'image du caravage
04:49 de Marie-Madeleine en extase.
04:51 Alors, je ne sais pas si j'ai vraiment compris.
04:53 J'ai vu cette belle image, cette image qui est très forte.
04:56 Et ça m'a éclairée.
04:57 Et ça m'a...
04:58 Je me suis laissée porter par ce désir qu'elle avait
05:03 de représenter ça d'une certaine manière,
05:05 de façon cinématographique.
05:06 J'ai suivi.
05:07 J'ai dit on verra bien où ça va.
05:09 Et il s'est produit des choses un peu étonnantes
05:12 que je n'aurais jamais pu prévoir.
05:14 Et que je trouve très belle.
05:16 Mais c'est vrai que cette caméra sur nous très proche,
05:20 c'est...
05:21 Ça, ça pouvait...
05:24 C'était très...
05:27 C'est une expérience vraiment très, très, très particulière.
05:30 J'ai pensé emmener Théo dans le chalet
05:34 et passer quelques jours avec lui en tête à tête.
05:37 Je me suis libéré pour la semaine.
05:39 Je crois qu'il a besoin que...
05:41 Que je lui consacre du temps, juste lui et moi.
05:43 -Bah dis donc...
05:54 Si après ça, il croit que...
05:57 Que tu l'aimes pas...
05:59 -Ça te pose un problème ?
06:04 -Ça te pose un problème ?
06:06 C'était un mystère pour moi,
06:09 parce que je l'ai rencontré très tard.
06:11 On s'est rencontrés quasiment quand on a commencé à tourner.
06:13 Des scènes plutôt faciles, d'ailleurs.
06:16 Enfin, faciles.
06:17 Plus...
06:18 Plus...
06:19 Plus ordinaires, on va dire.
06:20 Pour le coup, c'est peut-être à cet endroit-là
06:22 que j'avais le plus d'appréhension.
06:23 C'était comment j'allais jouer avec lui,
06:25 comment il allait jouer avec moi,
06:26 est-ce qu'il allait se sentir en sécurité avec moi ?
06:28 C'était l'enjeu pour moi le plus important.
06:31 Et Samuel, c'est un acteur...
06:33 Un acteur prodigieux.
06:35 C'est une sorte d'instinct si jeune
06:39 à comprendre complètement à la fois ce qu'on raconte,
06:44 ce qu'on fait,
06:46 la relation qu'on doit construire sur le plateau
06:48 et en même temps la distance nécessaire pour pouvoir le faire.
06:51 Et puis on a vécu des moments très forts.
06:54 En fait, on avait tous les deux le track.
06:56 Sauf que moi, je suis plus âgée.
06:58 Moi, il m'a beaucoup inspirée.
07:00 Dès que je rentrais dans une scène avec lui,
07:02 je n'avais plus de...
07:03 Enfin, toutes mes peurs, elles volaient en éclats
07:06 parce qu'il était tellement engagé que je suivais.
07:10 Parfois, on joue des choses qui font...
07:13 qui résonnent sur votre vie personnelle
07:15 ou alors qui vous éclairent.
07:17 Mais il y a quelque chose que ça m'a appris,
07:19 c'était sur la...
07:21 Mais c'est aussi une des raisons inconscientes
07:23 pour lesquelles le film était intéressant pour moi à faire.
07:26 C'était d'aller jouer vers quelque chose de très sensuel,
07:28 d'aller explorer quelque chose de physique,
07:31 de bouger dans des robes différentes,
07:34 quelque chose de très...
07:36 Et quelque chose de plus dangereux aussi.
07:38 Quelque chose de plus...
07:40 Sans doute que c'est des choses que j'ai en moi,
07:43 mais que j'avais pas forcément l'espace
07:46 ou l'occasion ou l'envie, pendant un temps, de montrer ça.
07:50 Mais il y a aussi des raisons personnelles
07:52 qu'on comprend pas tout de suite et qu'on comprend en tournant.
07:54 En effet, je crois que c'était d'aller vers...
07:58 vers le côté obscur.
08:00 Et de s'abandonner encore plus,
08:02 parce qu'il y avait un abandon physique qui était nécessaire, là.
08:06 Et corporel, en fait.
08:08 Ça m'a demandé d'accepter de...
08:12 de pas me réfugier dans ce que je sais faire.
08:15 Un peu plus...
08:17 Autant au théâtre, ça s'exprime librement,
08:19 au cinéma, j'ai pas eu assez d'occasion
08:22 de montrer ça.
08:24 Je crois que j'ai fini, mais je suis pas sûre.
08:28 Je sais plus qui croire.
08:30 -Ne me touche pas. -Ton fils est un monstre.
08:32 Mets-toi bien ça dans la tête.

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