Séisme au Maroc: l'interview en intégralité de Dominique Strauss-Kahn

  • l’année dernière
Dominique Strauss-Kahn, ancien président du FMI et président de l’association marocaine “Mekkil’” était l’invité de BFMTV pour évoquer le séisme qui a fait plus de 2900 morts et 5530 blessés selon un dernier bilan officiel.

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00:00 - Bonsoir Dominique Stroskane, vous êtes en direct de Marrakech parce que vous y vivez maintenant quasiment toute l'année.
00:05 Derrière vous, on aperçoit des vivres de l'eau minérale, on voit du monde autour de vous avec les tabliers Mekil, c'est le nom de votre association.
00:16 Vous êtes en train d'acheminer des aides, des secours, c'est ça ?
00:20 - C'est ça, Mekil est une association qui existe depuis 2015 et où on essaye d'aider à la relation principalement entre les mères et les enfants, à la protection de la mère et des enfants dans les zones rurales.
00:31 Et là on s'est mobilisé évidemment pour aider les zones sinistrées, donc on a par exemple demain un convoi de 6 voitures, de 6 4x4 qui partent pour amener des vivres, de l'eau, du lait notamment pour les enfants.
00:44 - Mais cette association se mobilise, est-ce qu'aujourd'hui sur place, vous et d'autres, vous arrivez à vous coordonner, organiser justement le plus rapidement possible, le plus simplement possible, l'acheminement des secours vers ces villages qui sont parfois très isolés ?
00:59 - Non, le problème c'est justement la coordination. La communauté française au Maroc se comportait de façon extrêmement remarquable, très mobilisée, mais après toutes les initiatives individuelles mises bout à bout, ça crée un peu de cafouillage.
01:16 Et donc il faut que les autorités, ce qu'elles font, régulent un peu tout ça. On ne peut pas aider des gens dans des zones aussi reculées que celles où le séisme a détruit les villages,
01:26 que parfois on ne peut atteindre qu'après quelques heures de marche, quand la route a été coupée, sans qu'on évite les embouteillages, que tout le monde arrive en même temps, fasse des choses qui ne correspondent pas obligatoirement aux besoins.
01:37 En réalité, il faut coordination et il faut être près des besoins de la population. On ne peut pas les inventer nous-mêmes. Il faut aller sur place, leur demander ce dont ils ont besoin et le fournir.
01:47 - Mais justement, quels sont ces besoins primaires pour la population ?
01:53 - Alors il y a de tout. Il y a eu d'abord les couvertures, s'il fait froid la nuit. Paradoxalement, on peut trouver ça bizarre au Maroc, mais il fait froid la nuit. Il y a les problèmes alimentaires, évidemment.
02:03 Et puis il y a des problèmes qui touchent aux soins médicaux, avec cette nuance, que les autorités veulent absolument contrôler ce qui se passe en matière médicale, ce que je trouve évidemment absolument normal.
02:13 Donc on achemine aussi bien des vêtements, des matelas, mais aussi de l'eau, des vivres, de l'huile, du blé, enfin bref, l'ensemble de ce qu'il faut à ces gens qui n'ont plus rien.
02:25 Il faut avoir vécu un tremblement de terre. Comme vous le disiez, je n'étais pas là lors du tremblement de terre il y a quelques jours au Maroc, mais j'ai vécu quand j'étais jeune le tremblement de terre d'Agadir.
02:34 Et j'ai des souvenirs évidemment très présents. Les besoins sont immédiats, ils sont très puissants. Et la façon dont la population est désemparée la rend incapable de les résoudre tout seul. Donc il faut apporter de l'aide.
02:48 Vous avez parlé de votre propre expérience. Enfant, vous avez donc vécu, vous l'avez dit, ce tremblement de terre d'Agadir. C'était le 29 février 1960. Je crois que vous alliez avoir 11 ans.
02:58 Vous avez raconté le traumatisme, le bruit, l'effroi, le chaos. Vous êtes resté d'ailleurs logé sous une tente une quinzaine de jours. C'est ce que vivent en ce moment même beaucoup de Marocains.
03:08 Tout de suite, vous avez pensé à votre propre histoire, à ce que vous aviez vécu. Et ça vous donne peut-être l'idée qu'il faut agir le plus vite possible pour les enfants notamment.
03:18 Évidemment, les souvenirs remontent. C'est inévitable. La situation est différente. Agadir, c'était ainsi, une zone urbaine. Là, c'est en zone rurale.
03:28 L'inconvénient de la zone urbaine, c'est qu'il y a beaucoup plus de maisons, d'immeubles qui s'effondrent. L'inconvénient de la zone rurale, c'est que c'est très difficile d'accès, qu'on a beaucoup de mal à apporter les secours.
03:37 Mais effectivement, moi j'ai vécu trois semaines sous les tentes militaires, les mêmes, j'espère qu'elles ont un peu amélioré, mais les mêmes que celles qu'aujourd'hui l'armée a installées pour loger tous ceux qui sont sans toit.
03:48 Et quand on voit la façon dont ces gens ont tout perdu dans leur maison, jusqu'à leurs économies qu'ils avaient en cache et qui n'ont plus un sou devant eux parce que tout ce qu'ils avaient était dans la maison,
03:57 eh bien on se rend compte que la solidarité est absolument nécessaire. Après, viendra le temps de la reconstruction.
04:05 On peut dire qu'à l'époque, vous avez finalement réussi à survivre grâce à un miracle, vous pouvez le raconter ?
04:13 Oui, enfin grâce à un miracle, c'est un miracle assez simple, je suis dans un immeuble qui est resté debout. C'est un immeuble qui était bien construit, c'est celui où il y avait le consulat de France d'ailleurs.
04:24 Il a tremblé, il a eu des tas de fissures, mais il est resté debout et donc juste après, dans les 10 minutes qui ont suivi la secousse, mes parents ont rassemblé leurs enfants, mon frère, ma soeur et moi, on est descendus,
04:37 on a sauté dans une voiture et on s'est réfugiés dans la maison d'un ami qui habitait la banlieue d'Agadir où il y avait un grand jardin. On était beaucoup d'ailleurs à avoir la même idée,
04:45 donc il y a eu une grosse influence parce que dans le jardin, on était à l'abri des risques de secousses futures. Les maisons qui étaient à côté de moi n'ont pas toujours eu cette chance et j'ai un souvenir particulièrement difficile
04:57 qui est que deux jours après, j'ai insisté beaucoup pour faire un tour avec mon père en ville pour voir les dégâts. Il a eu raison ou tort de céder à ma demande, j'en sais rien,
05:08 mais en passant devant des maisons qui sont aplaties comme un millefeuille de 2 mètres de haut alors qu'il y avait 10 étages et quand vous savez que vos copains de classe sont là-dessous,
05:17 c'est des souvenirs que vous n'oubliez pas.
05:19 Justement ces souvenirs, alors on pense aux enfants aujourd'hui qui ont vécu ce tremblement de terre à Marrakech et dans la région et qui vont avoir ces souvenirs. Vous l'avez dit, ça reste gravé dans ma mémoire.
05:30 On pense à ces enfants qui aujourd'hui sont traumatisés. Il faudra bien sûr les aider matériellement mais il faudra aussi les aider psychologiquement.
05:38 Absolument. Vous avez absolument raison. En fait, il y a trois phases pour moi. Il y a une phase immédiate qui est d'essayer de sauver le plus de gens possible qui sont encore sous les décombres, les blessés.
05:48 Il y en a beaucoup des blessés. Il y a une phase qui vient juste derrière mais qui a déjà commencé et qui est d'aider les survivants, c'est-à-dire faire en sorte que d'une part, ils survivent matériellement
05:58 mais aussi psychologiquement. Et vous avez absolument raison, il n'y a pas que les enfants qui sont traumatisés. Je vois beaucoup d'adultes qui ne peuvent pas entendre passer un camion dans la route à côté
06:08 sans se mettre à trembler parce que c'est le même genre de vibration qui ramène à leur esprit ce qu'ils ont vécu. Après, il y aura la troisième phase qui est beaucoup plus longue de la reconstruction
06:17 mais ça, on aura l'occasion d'en parler parce qu'il faut des années pour arriver à construire. Pour le moment, il faut continuer à sauver ceux qu'on peut sauver. Il y en a encore, surtout des blessés bien sûr.
06:27 Et puis, il faut aider à survivre ceux qui sont dans les montagnes démunis de tout.
06:31 – Mais justement, vous avez parlé de la coordination des secours, c'est le plus compliqué, que tout le monde achemine au bon moment les bons premiers secours.
06:40 Mais est-ce qu'aujourd'hui, au-delà des initiatives individuelles, vous pensez qu'il y a un problème entre le Maroc et la France pour l'acheminement de ces secours, justement, Dominique Strauss-Kahn ?
06:53 – La question était inévitable. Oui, il y a un problème entre le Maroc et la France, il ne date pas d'aujourd'hui, les relations sont exécrables et j'ai pour beaucoup l'intention de commenter cela.
07:04 Il ne reste que dans l'aide qui est apportée, la France est présente. Je vous ai parlé de la communauté française tout à l'heure, il y a tout un ensemble d'ONG françaises qui sont sur le terrain.
07:14 Je crois que l'information est passée sur vos antennes de réservistes de secours de la sécurité civile à Lyon, qui ont débarqué à une trentaine avec des chiens, du matériel, etc.
07:25 Et donc, la société civile française, les médecins français, les français du Maroc sont présents. Maintenant, la relation d'État à État est en effet difficile.
07:35 – Et pourquoi ? Pourquoi est-elle si difficile à tel point que le roi n'a pas répondu officiellement à la proposition d'aide d'Emmanuel Macron ?
07:41 – Vous avez employé le mot "exécrable", l'adjectif "exécrable".
07:44 – Ecoutez, elles sont difficiles pour un ensemble de raisons, on ne va pas faire maintenant de la géopolitique,
07:51 qui touche à la fois à la façon dont les français sont très en arrière de la main par rapport aux autres pays européens sur la question du Sahara occidental,
08:00 à la fois qui touche à la question des visas qui s'est posée il y a relativement peu de temps, il y a eu la fameuse histoire, plus ou moins inventée ou pas, je n'en sais rien,
08:09 du logiciel Pegasus, il y a eu comme ça tout un ensemble de situations qui ont durci les relations entre la France et le Maroc,
08:20 et notamment aussi le voyage, l'importance donnée par le président Macron à sa relation avec l'Algérie,
08:27 dont je ne suis pas certain qu'elle ne soit pas terminée par un fiasco, mais qui a en tout cas beaucoup touché les Marocains.
08:34 Bref, peu importe les raisons, je ne suis pas là pour en juger, ce qui est sûr c'est que les relations ne sont pas très bonnes.
08:40 Du coup, en effet, beaucoup de propositions publiques ont été faites à Saint-Roy,
08:46 lequel, contrairement à ce que je lis de ci ou de là, n'a rien refusé, il a simplement choisi parmi ses propositions celles qui lui convenaient le mieux.
08:55 Et à vrai dire, encore une fois, ce problème de coordination est tel qu'il faut éviter à tout prix un afflux démesuré d'aides.
09:03 Vous savez, quand vous avez une route sur laquelle un éboulement vient de se produire, et il continue de s'en produire parce que ce n'est pas terminé,
09:09 on dégage des routes, il y a de nouveau des éboulements, il faut deux bulldozers pour dégager la route,
09:14 ce n'est pas parce que vous en mettez six que vous allez aller trois fois plus vite, vous allez aller moins vite parce qu'ils vont se gêner.
09:19 Donc, le matériel nécessaire existe au Maroc, les Marocains sont totalement mobilisés, la solidarité entre Marocains est formidable,
09:26 et aujourd'hui, je crois que tout ce qui peut être fait est fait. Alors, l'aide internationale est évidemment utile, mais on ne peut pas focaliser là-dessus.
09:35 Alors, le Maroc est un pays, notamment Marrakech, qui vit beaucoup du tourisme, et notamment du tourisme français.
09:40 Jamel Debbouze était avec nous cette semaine en direct de Marrakech, et lui, il estimait que si les touristes ne venaient plus là à Marrakech,
09:47 ça serait en quelque sorte une double peine pour le pays. Il disait avec son humour "les touristes sont faits pour tourister, donc il faut qu'ils viennent".
09:55 Est-ce que vous êtes d'accord avec ça ?
09:58 Oui, je suis d'accord, mais ils viendront. D'abord, Marrakech a été très peu touchée. Enfin, c'est difficile à dire quand il y a eu des morts,
10:07 mais à part la Médina, dans lequel un certain nombre de maisons qui étaient construites de façon un peu artisanale se sont effondrées,
10:13 il y a très peu, malgré tout, d'essais, et les dégâts matériels ne sont pas énormes. Donc, la ville de Marrakech est là,
10:21 parce que l'épicentre est à 80 kilomètres. Donc, je pense que les touristes seront là. Moi, j'ai cru beaucoup, pendant le Covid par exemple,
10:31 les touristes n'étant plus là, qu'ils allaient prendre d'autres habitudes et qu'ils ne reviendraient pas. J'ai eu totalement tort, très rapidement, ils sont revenus.
10:37 Et donc, je pense qu'il en sera de même cette fois-ci, mais c'est vrai que la ville vit beaucoup de son image touristique et de ce qu'elle offre,
10:44 pas seulement aux Français, il y a beaucoup d'Européens, beaucoup d'Américains qui sont là, mais elle vit beaucoup du tourisme.
10:50 – Qu'est-ce que vous dites aux Français, à vos compatriotes qui vous écoutent, qui vous regardent et qui peut-être sont en train de réfléchir et d'annuler ?
10:58 Vous leur dites quoi ? Venez, n'annulez pas, on a besoin de vous.
11:01 – Je leur dis qu'ils ont tort, que d'ailleurs, ça sera je pense, une notoriété publique, dans quelques semaines,
11:10 tout le monde s'apercevra que les risques sont derrière nous et que là, encore une fois, malheureusement, le séisme touche des populations
11:18 très déshéritées dans les montagnes, mais heureusement, en contrepartie, aucun centre vital touristique ou économique n'a été véritablement atteint.
11:27 Et donc, je pense que la vie économique et touristique continuera comme par le passé.
11:32 Donc, je dis à mes compatriotes français qui aiment le Maroc, continuez à venir au Maroc, il n'y a aucun doute,
11:37 la suite peut-être pas demain matin, ce n'est pas le moment d'encombrer, mais à partir de dans 15 jours, il n'y a aucune raison de ne pas venir.
11:44 Ce qu'il faut, c'est que par ailleurs, s'ils ont l'intention de faire quelque chose pour aider un peuple ami dont la culture est si proche de la nôtre aujourd'hui,
11:54 c'est de passer par les différentes structures qui existent, mon association, plein d'autres, pour fournir les moyens d'aider.
12:03 Tout à l'heure, vous évoquiez les risques psychologiques que subissent les gamins, oui, pour traiter ça, il nous faut des psychologues,
12:10 il faut des gens dont c'est le métier, et ça, pour le coup, il va falloir, il y a un peu de délai, ce n'est pas demain matin obligatoirement,
12:16 mais c'est quand même bientôt, il va falloir les faire venir, notamment de France ou d'autres pays européens, mais plus de France,
12:22 parce que la majorité des Marocains parlent quand même plus français qu'une autre langue européenne.
12:27 – Dominique Strousskane, vous avez dirigé le Fonds monétaire international, est-ce qu'aujourd'hui, les grandes institutions doivent s'unir
12:33 et lancer un appel, un appel à débloquer des fonds, un appel à l'union pour la reconstruction, ou pour aider le Maroc ?
12:41 – Écoutez, ce n'est pas leur fonction, il faut que chacun fasse son métier, ce n'est pas le rôle du FMI ou de la Banque mondiale
12:50 que de lancer un appel, en revanche, elles doivent tenir compte de la situation particulière qui est maintenant celle du Maroc,
12:57 de l'analyse qu'elles font de la situation de ce pays, de ses risques macroéconomiques et des financements qu'elles lui fournissent.
13:03 Mais ce que vous dites touche à un point beaucoup plus précis, qui est qu'il se trouve qu'une fois tous les trois ans,
13:09 l'Assemblée générale du Fonds monétaire et de la Banque mondiale se tient à l'étranger,
13:14 deux années sur trois à Washington, une année sur trois à l'étranger.
13:17 Cette année, c'est à Marrakech, et c'est à Marrakech début octobre, et donc la question est pendante de savoir
13:24 si ces meetings annuels, comme on dit, vont se tenir ou pas.
13:28 Et moi j'invite le FMI et la Banque mondiale à ne pas renoncer, sauf si les autorités marocaines ont décidé autrement,
13:35 mais à ne pas renoncer a priori à tenir ces meetings qui, à mon avis, pourront avoir lieu tout à fait normalement.
13:40 Si maintenant les autorités marocaines considèrent que soit c'est malvenu, soit il y a des risques ou toute autre raison,
13:46 alors évidemment il faudra se plier à leur décision.
13:50 – Christophe Barbier. – Monsieur le Président, vous connaissez bien l'économie marocaine,
13:53 est-ce que le pays a la puissance nécessaire pour reconstruire les infrastructures et les habitations,
13:58 mais je pense surtout à des habitations qui seraient construites à un niveau antisismique, aux normes antisismiques ?
14:05 – Bonjour Monsieur Barbier. Le développement économique du Maroc est très rapide en ce moment.
14:13 Évidemment il a été entravé par le Covid comme tout le monde, mais il est très rapide.
14:17 Et donc les ressources nécessaires pour reconstruire, oui je pense que le Maroc les a,
14:22 ce qui n'empêchera pas que les investissements étrangers seront évidemment bienvenus.
14:26 Alors les normes antisismiques c'est toute une histoire.
14:29 Il y a des normes antisismiques très modernes qui font, notamment au Japon par exemple,
14:34 sans doute aussi dans beaucoup d'autres pays développés,
14:36 que les immeubles sont construits de telle manière que lorsqu'il y a une secousse,
14:39 ils bougent un peu et tout se passe bien.
14:41 Là c'est très sophistiqué, mais ne serait-ce que de la construction en dur, plus classique,
14:48 ça peut suffire à résister quand on n'est pas juste sur l'épicentre.
14:51 Et c'est ce qui s'est passé à Marrakech, dans la partie occidentale moderne de la ville,
14:56 où il y a très peu de dommes.
14:58 Néanmoins, l'expérience semble montrer, je parlais tout à l'heure d'Agadir en 1960,
15:04 LOSMA il y a quelques années, Marrakech aujourd'hui,
15:08 que les failles sismiques sur lesquelles se trouve le Maroc sont actives.
15:13 Et donc la question de construire à l'avenir surtout des immeubles d'assez grande hauteur,
15:18 selon les normes antisismiques internationales, avec tout ce que c'est à être sophistiqué,
15:21 se pose et sans doute là, les investissements étrangers seront les bienvenus.
15:27 Dominique Stroskane, vous vivez la majeure partie de l'année à Marrakech,
15:31 vous êtes beaucoup éloigné de toutes les affaires françaises,
15:34 vous vous sentez plus marocain que français désormais ?
15:38 Je me sens aussi marocain que français.
15:41 J'ai passé mon enfance dans ce pays, j'y suis maintenant depuis 15 ans.
15:46 Mon épouse est marocaine, beaucoup de mes amis sont marocains,
15:51 mais mes enfants sont en France, et donc mon cœur est partagé.
15:55 Mais, mais oui, je me sens très marocain.
15:58 J'ai pas de difficultés à le dire, et quand je sens le Maroc souffrir,
16:03 comme il souffre aujourd'hui, pas seulement ceux qui ont souffert dans leur chair,
16:07 parce qu'ils sont dans les décombres, mais tous les marocains autour,
16:10 que je vois souffrir de voir leurs frères marocains dans cette détresse,
16:14 quand je vois ce Maroc-là, je vois que cette idée que je me suis toujours faite
16:18 de la solidarité nécessaire dans une société,
16:21 et que je ne sens pas toujours dans une société comme la nôtre en France,
16:25 quels que soient les combats modestes que j'ai pu mener avec d'autres,
16:28 et bien cette solidarité-là, cette solidarité de fait,
16:31 le fait qu'on aide son voisin, le fait qu'on ne laisse pas un vieux à la rue,
16:36 le fait que quand quelqu'un a besoin de manger, on lui ouvre sa table,
16:39 cette solidarité-là, je la retrouve au Maroc,
16:41 et de ce point de vue-là, je me sens très marocain.
16:44 – Amandine Attalaya.
16:45 – Bonjour Dominique Strauss-Kahn, vous avez l'impression que cette solidarité,
16:49 vous qui avez vécu dans les deux pays, elle est moins présente en France aujourd'hui
16:53 qu'au Maroc d'une part, et quel regard portez-vous,
16:56 enfin quel regard je veux dire, portent les Marocains aujourd'hui sur la France ?
17:00 – On le disait tout à l'heure, mais malgré vos tentatives,
17:05 vous n'allez pas m'entraîner très loin sur ce sujet.
17:08 Il y a une certaine animosité réciproque entre la France et le Maroc,
17:15 c'est très dommage, pour ma part je le regrette infiniment,
17:17 pour les raisons que j'évoquais tout à l'heure,
17:19 c'est que je me sens vraiment des deux côtés,
17:21 et je pense que le pont qui a existé pendant très longtemps
17:26 entre la France et le Maroc a enrichi les deux pays,
17:29 et est nécessaire aujourd'hui aux deux pays.
17:32 Elle est nécessaire au Maroc parce que la France est dans une certaine mesure
17:36 une mère nourricière qui a longtemps exercé,
17:39 et elle est nécessaire à la France parce que le Maroc exerce aujourd'hui
17:42 une influence telle sur l'ensemble de l'Afrique francophone,
17:46 en sens économique j'entends, que c'est évidemment pour la France
17:49 se couper un bras, que de ne pas utiliser ses liens avec le Maroc
17:54 pourrait développer l'Afrique francophone.
17:56 Aujourd'hui on n'en est pas trop là, vous avez raison,
17:59 mais si vous voulez le fond de ma pensée,
18:03 le problème n'est pas entre le Maroc et la France.
18:06 Le problème vient de certaines difficultés qui ont pu y avoir,
18:12 et qui pour ma part sont largement françaises,
18:15 et donc ce problème passera avec le temps.
18:18 - Une certaine arrogance de la diplomatie française ?
18:21 - Oui, arrogance, peut-être, je ne sais pas,
18:28 en tout cas je dirais plutôt mes connaissances.
18:30 Moi j'ai connu des diplomates français qui connaissaient parfaitement le Maroc,
18:36 et je crois que ces dernières années sont les premières depuis l'indépendance du Maroc
18:40 où il n'y a pas un vrai spécialiste du Maroc à l'Élysée.
18:43 Eh bien ça se sent.
18:45 - Vous pourriez servir d'intermédiaire, Dominique Stroskan, là, peut-être,
18:48 pour la réconciliation ?
18:50 - Écoutez, je ne cherche aucun rôle,
18:54 et je suis à la disposition de tout le monde.
18:56 Aujourd'hui, je suis surtout à la disposition
18:58 de ceux qui sont en train de mourir dans les montagnes.
19:00 La réconciliation, ça sera pour un autre jour.
19:03 - Merci Dominique Stroskan, merci d'avoir été en direct avec nous,
19:06 et je rappelle que vous êtes à la tête de cette association marocaine
19:10 qui s'appelle Mekil, et qui est en train justement
19:13 d'acheminer des aides de premiers secours auprès des femmes et des enfants
19:18 qui aujourd'hui ont tout perdu, qui ont perdu leur famille,
19:20 et qui en ont grandement besoin.

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